Tout ce qui baigne dans la lumière, un jour, t'appartiendra [Entrainement Nuage Conteur] -abandon

Inspire. Expire. C’est si doux d’être un enfant. D’un mouvement d’épaules Nuage Conteur se retourna sur l’autre flanc. Les plumes de son nid lui caressèrent doucement la truffe et ses paupières frémirent dans son sommeil. Il avait l’air bien, à sa place, la bouche à demie entrouverte, bouche par laquelle s’échappait à un rythme régulier un souffle chaud. L’atmosphère était douce et chaleureuse et en ouvrant doucement un œil Conteur se dit qu’il aurait bien aimé paresser ici toute la journée. Loin du froid mordant au dehors. Loin des problèmes qui griffent, qui vous bousculent sans dire pardon. Mais non. Aujourd’hui l’enfant aux yeux bleu nuit entamait la première journée de son entrainement. Longue épopée vers le monde des grands. Longue épopée vers les problèmes.
Se redressant lentement sur sa couchette l’enfant bicolore jetta un regard au dehors. Le soleil dardait timidement ses doux rayons hivernaux sur le camp et une ombre se décalqua à l’entrée. Humant l’air Nuage Conteur flaira l’odeur de son mentor. Comprenant que cela signifiait que ses doux rêves de paresse prenaient fin ici, le jeune mâle se redressa lentement sur son nid et entreprit de se faire une rapide toilette.

Passant timidement le bout de son museau au dehors, il ébouriffa immédiatement son épaisse fourrure angora et fronça les sourcils avant de rejoindre Pluie Battante.

« Bien le bonjour, Nuage Conteur. Inclinant respectueusement la tête, le jeune novice salua son aîné. Prêt pour ta première séance d’entraînement ? Aujourd’hui, nous allons faire le tour du territoire et je vais t’enseigner les rudiments du Code du Guerrier. Je t’aurais bien proposé de manger quelque chose, malheureusement, la réserve est presque vide, et les chatons et les anciens sont nourris les premiers, nous attraperons quelque chose en chemin. Si nous réussissons à attraper quelque chose. En avant, ne perdons pas de temps, la journée va être longue. »

Se coulant à la suite du mâle perle et blanc, Nuage Conteur posa de grands yeux au paysage qui s’ouvrait devant lui. Il n’était jamais sorti du camp, contrairement à d’autres fortes têtes. Et ce qu’il vit lui plu immédiatement. Parsemé de quelques bouleaux aux écorces immaculées, une prairie couverte de neige. Né à la fin de l’été, le chaton qu’il avait été ne gardait que de vagues souvenir du camp à la saison chaude. Mais les couleurs bleutées, l’air froid qui claquait contre ses joues, et le crissement léger de la fine couche de poudreuse sous son pas ; toutes ses sensations l’enivraient. Prenant un peu d’avance sur Pluie Battante, le gamin entrouvrit la gueule pour prendre une grande inspiration. En cet instant il n’avait pas conscience du monde dans lequel il allait se retrouver malgré lui. Pas une seule de ses pensées ne se dirigeait vers la violence, la guerre, la mort. Il s’emplissait tout entier des milliers de sensations, d’odeurs qui s’engouffraient par la porte béante de son être. Il s’enivrait de beauté et cela lui suffisait.
Le grand guerrier à l’unique œil ne tarda pas à recoller à son aspirant, se mettant entre le vent et lui, pour le protéger. L’attention fit sourire monsieur timide, n’ayant pas l’habitude que l’on se soucie de lui ainsi. Tout en trottinant sur un rythme que Conteur s’efforçait de maintenir, le chat gris tigré commenta ;

« Nous nous dirigeons vers la rivière. Ce sera pour toi l’occasion d’en apprendre plus sur l’ennemi et notre source principale de nourriture. Cependant, il fait trop froid pour que tu puisses avoir ta première leçon de nage, on attendra le retour des beaux jours, il ne faudrait pas que tu attrapes un rhume, n’est-ce pas ? Ils dégénèrent vite en mal blanc, en cette saison. As-tu des questions à propos de la rivière ? »

Ralentissant quelque peu l’allure, Nuage Conteur laissa promener ses prunelles autour de lui, profitant encore du spectacle qui se déroulait sous ses yeux. Au loin, un oiseau chanta. Il ne savait pas encore identifier ce genre de bruit, dire de quelle espèce il s’agissait, mais peu lui importait. C’est à peine s’il avait entendu le mot « ennemi ».
Avait – il des questions ? Oui, pleins, beaucoup trop, toujours. Une expression neutre sur le visage l’enfant releva légèrement la tête vers Pluie Battante, le regardant d’en dessous, détaillant son visage avec une certaine curiosité. Le grand mâle gris lui avait parlé de la rivière. Nuage Conteur ressentait une irréfrénable curiosité à l’égard de cette dernière. Elle était au cœur de beaucoup d’histoires des reines et des anciens. Elle permettait au Clan de se nourrir mais prenait aussi parfois la vie. Mais surtout, surtout elle séparait du Clan du Tonnerre.

« Dis, je me demandais … Nuage Conteur marqua une pause, incertain, ondulant la queue On pourra traverser la rivière ? J’aimerais bien découvrir ce qu’il y a de l’autre côté. » Termina t – il rapidement, avalant presque ses mots.