Les joies de l'hiver - abandon

Les écureuils étaient, en fin de compte, comme de gros oiseaux sans ailes qui vivaient au sol. Mais pas de plumes. Ni de bec. On oubliait les deux autres pas, et pas non plus de serres, mais… Danse du Cerf s'entêtait à essayer de trouver la liaison entre les deux êtres qui flottaient en -- bong, bong, bong -- rebondissant à l'infini dans son petit crâne mélangé. Il devait trouver la source de ce problème… Le fil cristallin qui unissait ces deux créatures qui goûtaient un paradis sublime; poils rêches et roux mélangé à un douce caresse picoté de brun dans sa gueule, chair tendre et l'autre filandreuse, hoquet et ronronnement, plaisir coupable ou pas du tout. Le lien.

C'était peut-être les yeux.

Les griffes entourant un minuscule cadavre de ce qui se trouvait à être son repas, le guerrier du tonnerre se retrouvait plongé dans ses pensées depuis une bonne dizaine de minutes. Le museau plongé vers le rongeur poilu, les yeux plissés et un air farouchement concentré sur son faciès, il avait presque l'air de discuter avec son nouveau compagnon coincé; néanmoins, et lui-même devait se l'avouer (il avait en effet déjà essayé), les morts ne répondaient jamais. Il devait donc résoudre le mystère seul. Ce qui était dur. Trop dur, peut-être. Et que faisait-il quand tout était trop dur pour lui ?

— Coup de foudre et Raton-Laveur ! Miaula-t-il pour lui-même, franchement fier de son idée. Si lui n'était pas capable de poser sa griffe sur la liaison des deux proies, eux seraient capable…

Maintenant plus détendu, le matou tricolore attrapa en vitesse l'écureuil dans sa gueule, ronronnant comme une puissante machine qui recommençait à marcher. Ses pattes s'activèrent avec une facilité étonnante dans la bonne masse de neige ambiante; en effet, ce qui était le plus dur, c'était l'arrivée. La neige flottait et s'évaporait autour de ses pattes agiles, suivant un chemin déjà dicté -- celui qu'il avait tracé pour arriver là où il l'était en ce moment. Un peu compliqué… Mais bien vite assimilé. Riant en solitaire de la rime de ses pensées, le détraqué faillit rater l'effluve qui s'empourpra dans ses narines - mais qui fut bien vite effacée par son grondement de ventre allumée par l'odeur de son oiseau mutant. C'était… Un membre du tonnerre, sûrement, non ? Qui venait donc s'amuser prêt du grand sycomore à cette heure… À part lui ? Ignorant la réponse qui était sûrement la plus véridique, Danse du Cerf trouva en cette question une nouvelle obsession. Il lâcha alors son transmuté et, ravi, se mit à fureter autour de lui pour tenter d'arriver à trouver la source de cette piste odorante. Son museau planté dans la neige poudreuse, il finit cependant par débarquer au pied du gros arbre, sa tête cognant contre le dur bois et provoquant un petit grognement sauvage en lui. Les arbres n'étaient décidément pas tous gentils !

— Groumplf…

Surpris, le matou releva sa tête vers la cime des branches, un bruit inconnu venant titiller ses oreilles étendues. Ce fut donc de ses deux yeux glacés qu'il embrassa de plein fouet un gros postérieur charbon, la vue de celui-ci se dandinant à peine a deux trois queues de souris en haut de lui. Splendide. Il allait devoir reculer pour prendre de la perspective, eeeettt…

— Oooooooh, mais c'est toi, BRAISE ! S'écria le matou, appuyant fortement sur le nom de la petite alors que sa vieille machine à ronron recommençait à fonctionner. Voir la fille de son adorable et parfait compagnon le remplissait de bonheur, mais pas autant que de voir que celle-ci s'adonnait à son activité préféré: monter le plus grand arbre de la forêt. Tu t'es décidé à devenir un écureuil ? Ou un écureuil oiseau..

hrp:

Toujours enfoncé dans la neige à l'image d'un arbre, droit comme celui-ci (autant d'esprit que de corps, il aimait bien cette comparaison) et son regard bien dirigé vers le haut, Danse du Cerf attendait une réponse de la grimpeuse. Avec son humour bien particulier et sa bonne humeur qui le rendait toujours joyeux, le matou savait au moins une chose; cette image de conifère n'allait pas rester longtemps avec sa présence taquine autour !

— Un écureuil, oui ! Mais peut-être que je peux me transformer en oiseau! Regarde!

Le tricolore cligna des yeux une ou deux fois, essayant de se pencher sur la phrase de la petite, mais… Se… Faisant interrompre bien vite par un corps qui tombait vers lui ? N'ayant pas d'autres choix que de servir de bouclier vivant pour l'apprentie, il se réceptionna pour tenter de bien l'attraper… -- BOUM. Des poils dans la gueule et le corps complètement enfoncé dans la substance poudreuse, Danse du Cerf balaya des pattes et contorsionna son corps pour essayer de se sortir de là, crachotant et s'esclaffant du même tempo. Après quelques secondes de moulinage, la lumière du jour vint enfin frapper ses iris alors qu'il aspirait une bonne goulée d'air: clan des étoiles, elle avait prit du poids depuis leur dernière partie de jeu !

— Un… Un vrai.. Un vrai oiseau… Haleta-t-il, toujours un peu sonné par la reception de son fessier directement sur son visage. Il reprit peu à peu son souffle, puis, enfin libéré de cette douleur dans sa cage, miaula d'un ton enjoué; Si tu te pratiques, je suis certain que tu pourrais monter à la cyme du Grand Sycomore et devenir un beau grand faucon ! Je peux même t'aider, si tu veux. Juste parce que tu eeeesss… Mon chaton préféré !

Il termina sa tirade en envoyant un coup de queue douillet sur le museau de Braise, encore heureux de la voir apparaitre devant ses iris. Et puis, ce n'était même pas un mensonge: de tous les enfants qu'avaient pondu son meilleur ami, c'était Nuage de Braise, l'adorable et grosse boule de poils ambulante, qu'il préférait.