Running away [SOLO] -end

Gasoline

Elle aurait du s'en rendre compte bien avant. Tous les indices étaient là. Mais elle était trop aveugle pour les voir, trop stupide pour les deviner. A cause de cela, les choses n'avaient fait qu'empirer. Tout était de sa faute. Une personne dotée d'un peu de raison l'aurait compris tout de suite, mais elle n'en avait aucune, tout simplement car elle n'était qu'un monstre.
Si elle accusait les étrangers de tous les maux de monde, c'était parce qu'elle ne voulait pas voir la vérité.
Elle avait tant souhaité, tant fait pour donner le sourire à ses proches, pour les rendre heureux, mais elle n'était en fait que la cause de leurs soucis. Pour le bien de tous, elle aurait du partir. Pour le bien de tous, elle
n'aurait jamais du existé.

Elle en avait trompé tout le monde, famille, amis, camarades. On leur avait appris que l'étranger était le problème, l'ennemi. Ils avaient faux, tous. L'ennemi était dans leurs rangs, infiltré dans leur sang. Elle était assez vicieuse pour prendre une apparence innocente, un masque bienveillant, pour enfouir tout cela, pour garder sa conscience tranquille. Si elle en avait au moins une. Rosée Nocturne avait compris sa responsabilité mais avait tort sur sa cause. Il n'y avait aucune punition céleste là-dedans. Le Clan des Étoiles n'y était pour rien. Elle était le mal lui-même, la pourriture du fruit qui le rongeait petit à petit. Elle était, comme dans son cauchemar, celle qui détruisait les étoiles, qui éteignait la dernière lumière, amenant le néant. Un véritable créatrice de désespoir, de malheur. Il n'y avait qu'à voir ses méfaits.
D'abord, Nuage des Vents et Nuage de Foehn. L'une d'elle était à moitié sourde et était coincée dans une voie qu'elle n'avait pas voulu, et l'autre n'allait guère bien. Elle avait longtemps chercher la cause de leurs souffrances, en vain. Elle l'avait trouvé. La malchance de l'avoir pour sœur.
Ensuite, ses parents. Son père, qui était tombé malade et sa mère qui... sa mère qui... Elle ne voulait pas y repenser. Sa mamoune ne reviendrait plus, emportée par la mort, tout comme Mamifou, qui était sûrement elle aussi, une de ses victimes. Elle se souvenait de son sourire, de son rire, de sa voix, du soulagement qu'elle ressentait quand elle était dans ses bras. Et maintenant... maintenant... elle n'était plus. Plus de câlins, plus de ronrons, plus de proies partagées avec elle. Plus... plus rien du tout. Morte, elle était morte. Car elle n'avait pas réussi à voir assez tôt la menace qu'elle était. Si seulement elle avait remarqué. Si seulement elle n'avait pas été leur fille.
Puis était venu Rosée Nocturne, suite logique des événements. Pourquoi aurait-elle épargné après tout? Elle était actuellement bloquée dans la tanière du guérisseur. Qu'adviendrait-il d'elle si son apprentie restait un peu plus longtemps au camp? La suite était bien prévisible.

Il n'y avait plus qu'une seule chose à faire.

Elle ne pouvait pas se réveiller, ce n'était pas un rêve. Ce n'était que la réalité, implacable. Celle d'un monde où elle n'avait pas sa place. Elle n'était pas comme les autres, elle ne méritait pas le titre de féline. Il y avait un problème dans son code, qui avait engendré l'erreur qu'elle était. Une erreur non détecté qui s'était infiltré parmi les chats. Qu'est ce que cela pourrait être d'autre ? Tant de malheur concentré dans un cercle dont elle était le point commun, le centre, ce n'était pas un hasard.

Et il était temps de le faire.

Ses pensées se bousculaient dans sa tête, devenant des voix qui ne voulaient se taire. Elle ne demandait qu'une chose, la harcelait, lui rappelait ses crimes-car c'est bien comme cela, qu'elle les nommait. Du désespoir, de la tristesse et de la haine était né cet ouragan de pensées noires, toutes plus horribles les unes que les autres. Un typhon auquel elle essayait vainement de résister, tel un oisillon face à une tempête, luttant pour ne pas se faire emporter. Elle était sur un mince pont, traversant un précipice obscur, sans fond, tentant de garder l'équilibre, tandis que les bourrasques de ses réflexions l'assaillaient.

Il n'y avait qu'un seul moyen de les atténuer: leur obéir.
C'était ce que Nuage d'Alizé comptait faire en ce jour. Leur harcèlement avait fini par payer, elle ne pouvait plus le supporter. De ce bourrage de crâne qu'elle avait elle même engendré, résultait son choix. Elle avait fini par y croire, transformant ses doutes en raisons de son malheur.

Il était l'heure. Elle regardait l'entrée du camp. Une partie d'elle-même lui ordonnait d'aller dire au revoir, même de manière implicite. Mais elle n'avait pas le droit, notamment parce qu'on la retiendrait sûrement.A droite, à gauche, personne. Elle trottina, d'une manière totalement innocente, comme si elle allait simplement chasser. Il n'en était rien. Ça y est, elle était dehors. C'était comme la première fois qu'elle était sortie, une nouvelle étape de sa vie était franchie. Cependant, si la dernière fois, elle était sure de revenir, cette fois-ci, elle partait pour toujours. La fuite était pour elle sa seule option. Rester n'était pas acceptable, et mourir... Elle en avait bien trop peur. Vu ce qu'elle avait fait, elle rejoindrait probablement la Forêt Sombre et les histoires qui lui avaient décrites ne la rendait pas accueillante, loin de là. Elle l'a craignait trop Mais le clan des Étoiles serait pire encore. Si celui-ci, dans sa grande bonté, lui accordait une rédemption, il ne ferait que la punir d'autant plus. Regarder à nouveau sa mère dans les yeux, après ça... ce serait un supplice. Elle était bien trop lâche pour affronter sa fin.

Elle était déjà frigorifiée. Où aller? Le plus loin possible, c'était son unique objectif. Ses pas se faisaient de moins en moins déterminés, tandis que son instinct de survie la suppliait de rentrer. Bizarrement, il prenait les voix de Nuage des Vents, Nuage de Foehn, de ses parents. Les moments joyeux lui revenaient en mémoire, les sourires, les rires qui avaient illuminé sa vie jusque là, avant que tout s'effondre. Les souvenirs affluaient, tout comme ses larmes. Elle finit par s'arrêter. Puis elle hurla, évacuant son désespoir, sa haine envers elle-même, seule au milieu de la neige, qui trempait son pelage. Sa gorge la brûlait, supportant mal cette explosion jusque là refoulée. Personne ne lui répondit, personne ne l'entendait. Elle s'effondra, épuisée par cette dispute mentale, qui la déchirait en deux. Fatiguée de cette lutte vaine. Pourquoi? Pourquoi tout ça?
Elle se releva sur ses pattes, ce qui fut un effort considérable. Marcher en ce jour lui était plus complexe que lors de celui de ses premiers pas. Mais elle ne pouvait pas abandonner, elle n'avait pas le choix. Elle agissait pour le bien de tous, ce qu'elle avait toujours voulu. Elle s'était trompée de chemin à prendre, son existence ne permettait pas d'obtenir son but avec celui-ci. Au lieu de cela, elle avait crée malheur et misère. Partir était la meilleur solution, l'unique solution. Il n'y avait rien de mieux à faire.

Dernier regard en arrière. Un adieu à tout ce qu'elle avait vécu.

Je suis désolée, pour tout.

Si seulement elle n'avait pas existé.