I'll be there | PV. Nuage d'Alizé (et Nuage de Foehn?) - abandon

I love you - The Brazen Youth

Nuage des Vents posa sur le sol un petit brin d'herbe à chat. Le peu qu'il restait d'une réserve déjà bien faible à l'entrée de l'hiver, grignotée à petit feu par les malades successifs, frappés par le mal blanc, puis le mal vert, et dans le pire des cas, par le mal noir.
Sa mère, Brise Argentée, était de cette dernière catégorie.
Les récents traitements n'avaient rien donné, il n'y avait aucune amélioration. Au contraire, son état semblait s'empirer, la maladie prenant le dessus sur le corps de la pauvre femelle. Son regard triste et désespéré se posa dans les yeux de Silence d'Hiver, et elle compris bien malgré elle qu'il n'y avait plus rien à faire. Son heure était venue, bien trop tôt, mais les Étoiles avaient prit leur décision.

La tentation de s'acharner, encore et encore, de continuer à lui donner de l'herbe à chat comme la veille, et le jour d'avant, puis les jours encore d'avants était trop forte. Il y avait toujours cet espoir, même mince, qui lui murmurait « vas-y, continue, si ça se trouve, la prochaine fois ça va marcher, et tu sauveras ta mère. Ne pas essayer serait la tuer. »
Nuage des Vents se battait contre elle-même, luttant pour ne pas prendre cette foutue herbe à chat pour l'apporter à sa mère, et prier pour que demain, son état s'améliore drastiquement. Luttait pour ne pas penser qu'elle tuait sa mère, car c'était faux. Pour ne pas penser qu'elle l'abandonnait, car c'était faux.
Je serais toujours là.

Depuis ce matin seulement, le pavot était revenu dans la tanière, mais entre le début de la maladie et aujourd'hui, ils avaient du faire sans. Aurait-elle pu la sauver, si elle en avait eu? Son esprit s'embrasa de rage, ses cicatrices sur le visage la brulèrent soudainement. Tout était sa faute. Tout était SA faute.
Saisissant quelques graines de pavot, elle les apporta à Brise Argentée, murmurant tout simplement « On change ton traitement aujourd'hui. Prends ça, ça devrait aller mieux. »
Elle ne parla pas de sa vie, ni de sa mort. C'était inutile, car elle devait sans doute déjà le savoir, bien mieux que la guérisseuse elle-même. Elle devait savoir que désormais, on ne cherchait plus à la soigner, mais à soulager ses maux pour que son départ vers le Clan des Étoiles se fasse le plus doux possible. Et si elle ne le savait pas encore, elle ne tarderait pas à réaliser.
La bicolore tourna les talons, pour s'occuper des autres malades, mais aussi pour fuir. L'idée que sa mère allait mourir lui était insupportable. La mort la terrifiait toujours autant, Nuage des Vents n'avait toujours pas surpassé ce mal qui la rongeait.

L'envie était présente, mais Nuage des Vents ne pleura pas. Une cascade de sanglot était bloquée quelque part dans son coeur, emprisonné derrière une barrière de ronces et d'épines de rage. Elle ne pensait qu'à ce maudit chat, ce foutu chat qui tuait sa mère.

Elle pensa à Nuage d'Alizé et Nuage de Foehn, dehors, qui devaient encore vivre inquiètes, mais avec un fond d'espoir quelque part. Le mal vert était curable, après tout. L'idée qu'il ait pu se transformer en mal noir devait leur passer par dessus la tête. Et pourtant.
- Je prend une pause, annonça Nuage des Vents en quittant l'antre qui avait désormais adopté une odeur acre de maladie.
L'air extérieur, bien que glacial, fut comme une libération.
Elle allait leur annoncer. Elle prendrait cette responsabilité, en tant que grande-soeur de la portée. Elle ne voulait pas que la nouvelle leur tomber sur la tête comme un rocher tout droit tombé d'une falaise, qu'elle brise leur coeur en miette et que jamais elle ne puisse le réparer.
Elle allait tout leur dire, leur rappeler qu'elle serait toujours là pour elles, que jamais elle ne les laisserait seules.
L'apprentie guérisseuse attendit que leurs soeurs rentrent de leur entrainement. L'heure du partage serait idéal.

[...]

Nuage des Vents avait choisi les deux meilleures proies, ignorant les commentaires agacés qui la ciblèrent. Elle n'en avait rien à faire.
Elle rejoignit Nuage de Foehn et Nuage d'Alizé au moment même où elles mirent une patte dans l'enceinte du camp.
- On va manger dans les plaines, près de la rivière, ça vous va? 
Elle n'attendit pas vraiment de réponse, déposant l'un des deux lapins de garenne devant les pattes de Nuage de Foehn.
- Tu veux bien porter ça? Je prend l'autre. Aller, on y va, suivez moi.

Elles marchèrent silencieusement, notamment parce que deux des trois félins avaient la gueule encombrée par une proie plutôt conséquente pour une bête d'hiver. Nuage des Vents le posa dans l'herbe enneigée une fois arrivée, s'avançant vers la rivière pour s'y tremper les pattes. Elle voulait se débarrasser de cette horrible odeur de plante et de maladie, qui lui donnait de plus en plus la nausée au fil des jours.
Le reflet de l'eau lui montra ses propres cicatrices, et la face de l'agresseur du Clan de l'Ombre lui revint en mémoire comme une baffe en pleine face. Tout est ta faute. Tout est ta putain de faute.
- Ça a été ce matin? demanda-t-elle tout simplement. Vous avez fait quoi?

Nuage des Vents ne pouvait pas leur dire maintenant. Ce serait trop dur. Mais quand? Y aurait-il seulement une bonne occasion? Comment devait-elle s'y prendre?
Elle ne voulait pas les rendre triste. Tu m'avais dit que plus jamais tu ne les ferais pleurer, maman.

Il n'y avait qu'elle, assise sur l'herbe, et le ciel nocturne. Elle n'avait pas froid, ni faim, ni rien. Elle ne faisait que fixer les étoiles.
Puis, tout à coup, celles-ci disparaissaient sans aucune raison apparente. Elle regardait partout, impuissante tandis que le noir s'imposait. Elle savait que ses lumières n'étaient pas juste des étoiles, et les voir mourir dans l’obscurité la désespérait, mais elle ignorait pourquoi.
Il n'y avait maintenant presque plus rien, et elle pleurait.
Soudain, il n'eut qu'un unique astre brillant, plus gros que les autres. Cependant, l'intensité lumineuse de celui-ci faiblit. Elle se mit à courir vers lui, de plus en plus vite. Elle hurla, suppliant l'étoile de vivre, tandis qu'elle s'éteignait, inexorablement. Elle n'était maintenant qu'à deux longueurs de renard d'elle, autour tout était sombre. Il n'y avait plus qu'un point. Elle tendit la patte et...Plus rien.
Le néant.

L'entrainement d'aujourd'hui n'avait pas été très productif pour Nuage d'Alizé. Heureusement, son mentor du jour, une guerrier remplaçant Rosée Nocturne vue qu'elle était coincée chez le guérisseur à cause d'engelures ne lui en avait pas tenu rigueur. Personne n'ignorait que sa mère avait le mal vert, et qu'elle pouvait donc en être perturbée. Mais... il n'y avait pas que ça. Il y en avait d'autres choses. Beaucoup trop. Foehn qui se sentait mal par moment, Venteuse qui s'était faite agressée, Brise Argentée malade, les mots de sa mentor et son état... et ce cauchemar. Celui qu'elle faisait maintenant depuis plusieurs nuits, se réveillant à chaque fois, en pleurant. Elle avait même réveillé certains de ses camarades en hurlant. Elle n'en comprenait toujours pas la véritable signification. Le désespoir qu'elle ressentait quand les étoiles s'éteignaient n'était surement que le reflet de celui qu'elle ressentait. Mais cette grosse étoile, que représentait-elle? Qu'avait-il après le néant?

Elle rentra au camp avec Nuage de Lynx et leur formateur remplaçant. Elle croisa Nuage de Foehn puis Nuage des Vents. Elle mourrait d'envie de lui demander comment leur mère allait.

- On va manger dans les plaines, près de la rivière, ça vous va?

Elle hocha simplement de la tête tandis que la benjamine de la fratrie prit le lapin que lui avait donné l’aîné dans la gueule. Elle marchèrent sans dire un mot jusqu'à la rivière, ou l'apprentie-guérisseuse se trempa les pattes.

- Ça a été ce matin? Vous avez fait quoi?

Devait-elle leur parler de son cauchemar? Peut-être pourraient-elles l'aider à comprendre. Non. Hors de question. Elles avaient déjà assez de soucis à se faire, pas la peine de les embêter avec ça.

"On s'est entraîné à la chasse avec Nuage de Lynx et Plume d'Hibou. Et toi? Comment va Mamoune?"