(flashback) Désynchronisé [feat. Nuage de Cerf] -abandon

Il regardait le sol - il regardait souvent le sol, pour regarder ses pattes, fasciné par le mouvement qu'elles faisaient en marchant, en courant ou en se battant. Renouveau Printanier l'avait disputé, lui avait dit qu'il était trop distrait, puis s'était interrompu car non, ce n'y était pas... C'est qu'il était trop concentré par tout pour réellement se laisser porter par la vague du moment. De l'adaptibilité, il lui avait dit.

L'adaptibilité était la meilleure qualité pour survivre, dans la vie, et le concept pouvait être physique, comme modeler son corps à l'espace dans lequel il se trouvait en disposant son poids dans les bonnes pattes par exemple, tout comme il pouvait être mental, comme tendre l'oreille aux conseils des bonnes voix. Nuage Foudroyant lui avait demandé : qu'est-ce que c'était, une bonne voix? - La voix d'un bon chat. ... Qu'est-ce que c'était, un bon chat? - Un chat qui ne nuisait pas aux autres.

Cette explication l'avait déplu - aucun chat de tout Clans qu'il soit ne pouvait vivre vraiment bon, puisqu'ils finissaient tous par nuire à quelqu'un, un jour ou l'autre. Même lui nuisait à son mentor, non? Avec sa tête cassée.

Le soleil se couchant au travers des arbres de la forêt recouvrit la clairière d'une douce lueur d'or, comme ses yeux, perlant sur ses moustaches en attirant son regard sur elles. D'un soubresaut il leva sa patte à sa babine, sortit deux griffes, et pinça une moustache entre les deux pour partir de leur racine jusqu'au bout et lentement se les lisser. Une apparence soignée plaisait à l'oeil et il avait fait le test : un jour sans toilette versus un jour à se soigner, on avait mieux pris au sérieux ses questions le lendemain que la veille. Mais on prenait mieux les questions posées par Renouveau Printanier que les siennes alors qu'est-ce qui lui manquait?

S'asseyant à demi, les jambes étendues, Nuage Foudroyant baissa le nez pour se considérer de bas en haut en s'arrêtant à son poitrail en désordre pour y donner un coup de langue, puis un coup de dents, tâchant de se donner à cet endroit un look à rebousse-poil. Quelques épis se soulevèrent dans son poil, lui arrachant l'ombre d'un sourire, et l'apprenti se tordit davantage pour atteindre sa queue et le bout et recommencer le manège, cette fois pour les faire gonfler et leur donner une forme intéressante. Malheureusement, piqué d'intérêt par ce qu'il faisait, sa queue lui échappa de la bouche en claquant sur le côté. Il voulut la poursuivre en tendant le cou mais il en oublia le reste de son poids qui se retourna contre lui et une galipette le fit se nouer sur lui-même, les yeux ronds, les pupilles dilatées dedans, ayant complètement oublié ce qu'il faisait avant de chasser ainsi sa queue.

Épuisé, Nuage du Cerf s’effondra.
Lourdement.

Tête première et pattes en l’air, le bruit qui accueillit sa chute sur la mousse résonna probablement dans toute la forêt, provoquant – parmi plusieurs évènements – une envolée d’oiseaux énervés. Ainsi étendu d’une manière quelque peu bizarre parmi les herbes, l’apprenti tentait de chasser les étoiles devant ses yeux, agitant ses pattes dans tous les sens d’un mouvement de moulinage. Hop, hop hop; ayant déjà perdu le fil du pourquoi il se retrouvait à terre, son cerveau était déjà rendu à un autre point, autrement dit la capture de points blancs.

Néanmoins, quelqu’un n’avait pas oublié son écrasement… Surtout pas dans ces conditions. Ce fut donc le visage de son mentor qui entra dans le balayage visuel de l’apprenti, provoquant en celui-ci un sourire légèrement déconfit. J’ai essayé, Vauvau… Miaula doucement celui au sol, plus moelleusement qu’avec entrain. Par le fait même, le plus vieux poussa un soupir plutôt contrit, tournant le dos à son novice en le laissant ronronner d’un air solitaire parmi les mousses.

Museau dans la terre et queue sur la tête, le tricolore exécuta un calme mouvement de pattes vers celui qui disparaissait entre deux arbres. Pppff… Un peu de repos! Suite à ses pensées, le matou se releva en ronronnant, faisant cap sur le fessier du Fauve qui s’éloignait déjà bien trop. Le duo, comme à son habitude, était parti depuis les premières lueurs de l’aube et ne revenait qu’à la fin, autrement dit quand il ne tenait plus debout. Ça ne le dérangeait pas, mais… Il aurait aussi aimé manger des racines, ou alors courir après des papillons. Peut-être même hurler pour faire fuir les insectes, non?

Toutes des choses très intéressantes.

Perdu dans ses pensées – où dans l’idée d’attraper la queue de son mentor lorsqu’elle touchait aux derniers rayons, Nuage du Cerf déboula finalement dans le bruyant campement. Déjà? Ahhh, il était donc temps de courir après le plus de chatons possible, son moment préféré de la journée! À cet effet, il bondit en avant pour détaler le plus vite la petite pente, glissant plus que courant vers le centre animé. Pourtant, ce fut là et seulement là qu’il se rendit compte qu’il avait d’autres choses à faire de bien plus parfait; là-bas, un foufou semblait occupé à jouer avec le bout de sa queue, tournoyant sans fin sur lui-même. Parfait.

Le jeune releva donc son fessier vers le ciel, les moustaches remuantes de plaisir vers sa prochaine conquête territoriale. Il compta trois petites secondes dans son esprit (ou peut-être était-ce six ? ou vingt?) et se mit à cavaler droit devant lui, augmentant de plus en plus vite ses foulées à mesure que la distance se rétrécissait. Quand celle-ci ne fut représentée que par deux queues de souris, il se mit à ronronner furieusement en fermant les yeux, interceptant l'impact…

BOUM

… Et se mettant à lécher le plus vite possible l'être entre ses pattes. Après une brève toilette d'une dizaine de secondes, il se remit en position assise histoire de contempler son meilleur ami, yeux réduits en fentes et bout de la queue remuant dans le vent. Il était tellement… Ébouriffé ! Et si… Si… Ébouriffé !

— Fifouuuuuuuuuuuuuuu, foufouuuuuu, tu as réussi à éliminer la menace sur ta queue ? Finit par glisser l'apprenti entre ses crocs serrés, le pelage tout gonflé par son bonheur à l'idée de passer du temps avec lui.

BOUM

Soudain une vague de chaleur s'abattit sur lui et le força à s'asseoir puis à ployer les pattes et le dos dessous l'apprenti qui le surplombait, au dessus, le sortant de sa transe à grands coups de langue qui lui écorchèrent la peau comme le poil.

Mais comme son assaillant ronronnait Nuage Foudroyant ronronnait aussi, menton contre souche, le dos plat, la patte vide de toute prise qui soit -- qu'est-ce qu'il était en train de faire, déjà? Ses griffes étaient sorties. Quand est-ce qu'il les avait sorties? Il les rentra d'une infinie lenteur dans leur fourreau, regardant avec intérêt le mouvement que firent chacune phalange en se rétractant d'un quart de pivot, disparaissant derrière ses poils.

— Fifouuuuuuuuuuuuuuu, foufouuuuuu, tu as réussi à éliminer la menace sur ta queue ?

La menace... sur sa queue...?

Perplexe, l'apprenti plissa les paupières et tiqua une oreille, puis tassa stratégiquement cette question dénuée de sens pour trouver une meilleure ancre dans la réalité:

— ... La seule menace ici c'est toi.

Il se laissa faire aux coups de langues, et une lapée dans son cou le fit machinalement se relever sur ses pattes et s'étirer dans le mouvement, échappant aux pattes blanches de son ami le snowshoe. Mais bien vite il fronça les sourcils.

— Ntt, non attends, je n'ai pas réussi à,... il ne termina pas sa pensée car se bousculèrent dans sa tête toutes les médisances des autres apprentis quant à son comportement. Il avait été trop sec - trop froid - il devait s'adapter, il devait s'assouplir, pour devenir aussi souple que tout les autres - mais peut-être pas autant que Cerf? Qui était trop souple. (Selon Renouveau Printanier)

— ... La seule menace ici c'est toi.

Après la longue lapée énergique qui remit son ami sur pattes, le cerf déconstruit put s'arrêter pour réfléchir - c'était son devoir - sur l'explication de cette phrase bizarre. Lui ? Une menace ? Parce qu'il était … Pourquoi ? Sous le dur effet de son cerveau qui essayait d'analyser les paroles, tout le corps du mâle s'arrêta pendant qu'il exécutait un simple mouvement vers la droite. Ainsi figé, il plissa furieusement ses yeux pour tenter de comprendre le tout, répétant une après une les syllabes dans sa tête. La seule menace ici c'est toi.

— Ntt, non attends, je n'ai pas réussi à,..
— Grmblbb, lui renvoya son miroir brisé alors qu'il était toujours immobile à penser.

Puis, soudain, tout se remit en marche dans un autre ronron, comme une vieille machine qui redémarrait; queue vibrante, langue pendante et oreilles frétillantes se joignirent dans la course, le novice de nouveau apte à exister. En effet, il avait compris (dans la mesure du possible) que son ami avait peut-être fait une blague, comme lui s'amusait toujours à le faire lorsqu'il s'ennuyait. Sauf que - ah, ahah ! - il ne pouvait pas s'empêcher de rire, ce n'était pas du tout drôle et - bfrrrrahahaha - parfaitement hilarant. Comment faisait-il pour provoquer autant de rires ?

— T'es, ahah, trop drôle fifou… Il prit une longue pause pour dégonfler ses bajoues, puis continua après avoir envoyé sa queue dans le visage de l'autre; et ta journée, hein ? C'était comment ? T'as chassé des papillons avec Nouveau Printemps ? T'es allé battre des poissons dans la rivière ?

Son ami avait toujours une bonne histoire à raconter, ce n'était plus à contredire. En effet, il fallait simplement qu'il ouvre la bouche pour que des mots tout bizarres en sortent, allocution que Nuage du Cerf se plaisait à copier dans tout son entourage. Le plus drôle ? C'était que ça n'avait aucun sens, ce qui était bien plus amusant que de traîner avec d'autres apprentis qui se plaisaient à parler avec de grands mots. Le novice tricolore, lui, ne les aimait pas trop; ils avaient tous le poil lissé et bien tiré en arrière et, en plus, se comportaient comme des vieux chefs de trois millénaires.

Nuage de Foudre, lui était parfait, presque autant qu'un gros dodo après une journée d'entraînement. Peut-être même plus.

L'expression faciale de Nuage du Cerf ne l'aida pas à réfléchir. L'apprenti avait durement froncé ses sourcils, comme pour le réprimander (ce qui était normal vu ce qui lui avait dit) mais c'est lorsqu'il se mit à rire qu'il confondit complètement le jeune bengal.

C'est que ce-dernier avait voulu faire une blague, ce qui signifiait que la réaction désirée était bien celle d'un rire, toutefois il n'avait pas réussi à bien véhiculer son message alors le rire de Cerf n'avait pas sa place! Sa queue s'agita. Il n'avait pas sa place car il n'était pas sincère - ou il était trop sincère - ou alors Cerf avait trouvé un autre sujet drôle plutôt que la blague et ça n'encourageait en rien l'apprenti charcoal qui crispa ses muqueuses dans une consternation figée.

— « T'es, ahah, trop drôle Fifou…
— Puisque je te dis que je n'ai pas réussi...
— « Et ta journée, hein ? Cerf passait déjà à autre chose, que ce soit naturel ou stratégique. C'était comment ? T'as chassé des papillons avec Nouveau Printemps ? T'es allé battre des poissons dans la rivière ?
— Non - Cerf lui mit sa queue au nez mais Nuage Foudroyant s'écarta.
Tout ça n'a rien à voir, laisse-moi recommencer. »

Il s'éclaircit la gorge en faisant semblant de tousser, se hissa sur ses quatre pattes, sur la souche, pour décrire une volte et faire face à son ami. Une minute - il regarda derrière lui pour monter sa queue comme l'avait fait Cerf, et la faire lentement osciller d'un côté à l'autre. Puis il baissa la tête, inspira, pivotant légèrement ses oreilles vers l'extérieur et il se redressa en s'avançant d'un pas - en s'assurant bien d'étirer son pas, il fit correspondre le mouvement d'étirement avec sa queue, derrière, qui décrivit un folâtre petit tour. L'oeil brillant, la tête remplie d'images de son mentor et sa compagne qui se faisaient la cour:

— « La seule menace ici, c'est toi ~

Ça.

Ça c'était une blague réussie !

— Non - le tricolore lui mit sa queue au nez, mais son ami s'écarta brusquement.
Tout ça n'a rien à voir, laisse-moi recommencer.

Nuage du Cerf ne comprenait pas grand chose, mais laissa son ami s'écarter d'un mouvement habile vers la souche. Bon. Lui, passé l'envie de rire, s'écrasa d'un air dramatique au sol pour observer l'autre mâle danser avec le vent, détaillant d'un air intrigué sa valse bizarre. Qu'est-ce qu'il.. Faisait, encore ? Peut-être que, ah ! Le matou aux yeux bleus fendit son faciès d'un sourire et il se mit à ronronner -- il voulait sûrement jouer à attrape-moi la queue, non ? Maintenant plus amusé par cette nouvelle idée, il s'empressa de se remettre assis pour suivre des yeux le bout de la queue de Foudre, concentré comme jamais. La gauche, la droite, la gauche -- cependant l'autre s'arrêta bien vite pour s'étirer d'un air grandiose, des étoiles dans les yeux et une phrase mielleuse dans la gueule;

— La seule menace ici, c'est toi ~

Son visage se crispa à l'entente de ses paroles, restant dans la même position pendant de longues secondes alors que celles-ci continuaient de couler. Ne venait-il pas de répéter la même phrase qu'auparavant ? Le cœur du petit battait de plus en plus vite, son pelage gonflant en parallèle alors qu'il n'était vraiment plus sûr de savoir comment réagir.

— La seule menace ici, c'est … moi ?

Nuage du Cerf sorti lentement sa langue de sa gueule, venant mettre en lévitation sa patte pour abattre lourdement son membre visqueux dessus. À force de répéter le même mouvement, les deux bouts finirent par enfin se rassembler dans sa tête toute mêlée; il faisait comme lui ! Non, mais oui, mais il répétait ! En vérité, c'était plutôt facile, car l'autre faisait souvent deux fois une même action, même si le pourquoi du comment restait vague dans la tête du plus jeune.

Néanmoins, ce n'était pas trop grave, car toutes les choses du monde étaient bien trop mêlées dans son esprit.

— Ohhh, fifouuuuu… C'était très réussi, félicita joyeusement le quadrupède d'un géant sourire qui finit par lui faire mal aux joues. Tu pourrais même faire rire le chef avec ça, j'en suis certain… Moi j'ai bien aimé la première fois aussi, mais bon... Je comprends pas trop pourquoi tu répètes, Foufou, tu m'expliqueras un jour ?

Probablement une autre bonne histoire à entendre.

Pas de rire.

Mais pourtant il - il eut un mouvement de recul - il avait fait le sourire, et l'oeil brillant, et - ses yeux descendirent à ses pattes et il fronça légèrement les sourcils en lisant dans l'air - pourquoi la première fois (ratée) lui avait valu un rire mais pas la seconde? Une montée de frustration lui prit dans l'estomac (ou disons dans cette région) mais tout ce qu'elle causa fut de faire s'aplatir ses oreilles sur sa tête.

Peut-être que la blague était moins drôle la seconde fois qu'on l'entendait - peut-être que la spontanéité d'une blague créait le rire plus que la formule...

— Ohhh, fifouuuuu…

Et ce ton de pitié. Le bengal poussa un soupir en acceptant s'être raté, appréciant néanmoins le sourire et l'enthousiasme de Cerf. Sa bonne humeur était on ne peut plus sincère, contrairement aux guerriers plus matures qui avaient appris à la dissimuler. Pourquoi ? Lui qui se démenait à faire semblant de réagir devait en plus apprendre à déchiffrer ceux qui faisaient l'inverse.

— C'était très réussi, tu pourrais même faire rire le chef avec ça, j'en suis certain…
Les deux oreilles du Bengal se dressèrent sur sa tête.
— Étoile de Suie...

— Moi j'ai bien aimé la première fois aussi, mais bon... Je comprends pas trop pourquoi tu répètes, Foufou, tu m'expliqueras un jour ?

L'une de ses oreilles fouetta l'air et il hocha la tête.
— Je... pratique mes inflexions. On ne parle pas juste avec les mots tu comprends.

Il plongea son regard dans celui de son ami.
Je te montre:

On ne parle pas juste avec les mots, tu comprends?

T'as entendu? - Encore. L'inflexion a fait lever mon ton. J'ai marqué l'interrogation. Je peux aussi étirer le son comme tu fais : Tuuuu compreennds?

Il cligna des paupières avant de redresser sa tête et bomber le torse, renvoyant à Cerf son sourire (toutefois en mesurant le sien).

— T'as gâché ma blague, mais c'est ma faute aussi. ♪

Il hochait maintenant la tête, mouvement que Nuage du Cerf pouvait enfin comprendre. Il lui renvoya donc - et avec un air de fierté - le même branlement de haut en bas, copiant pareillement le tressautement qui avait secoué son oreille. Ça, c'était facile à faire !

— Je... pratique mes inflexions. On ne parle pas juste avec les mots tu comprends. Le plus jeune s'apprêta à lâcher un plat non pour répondre, mais les mots de l'autre rattrapèrent ses pensées.

Je te montre:

On ne parle pas juste avec les mots, tu comprends?
… grmblb ?
T'as entendu? - Encore. L'inflexion a fait lever mon ton. J'ai marqué l'interrogation. Je peux aussi étirer le son comme tu fais : Tuuuu compreennds?

Aaaaaah… En toute vérité, il n'y avait jamais réfléchi. Pour lui, tout venait naturellement dans sa gueule, comme une longue rivière qui ne pouvait s'arrêter; sa voix changeait constamment de ton, ses phrases de longueur, ses intonations d'ambiance. Seulement, si Foudre se posait la question, alors peut-être était-ce un indice que lui aussi devrait tenter de réguler son flot d'eau ?

— T'as gâché ma blague, mais c'est ma faute aussi. ♪

Le tricolore refléta son sourire, grossissant néanmoins beaucoup plus le sien sur sa gueule parcourue de tics. Trop tard, ceux-ci devenaient bien trop gros: il devait mettre à l'oeuvre, et dès l'ore, ce que son maître de la parole lui avait appris. Le cerf bondit donc vers la souche, bousculant l'autre au passage pour accrocher fermement ses griffes dans la substance meuble, puis après une grosse inspiration;

— Bonjouuuuuuuuuuuuuuuuur le clan du Tonnerre, je parle avec des iNflEXIoNNNNs !

Plusieurs regards se tournèrent vers lui, oeillades qui encouragèrent involontairement le garçon à beugler encore plus fort. Terminant - dans ces conditions - son chant guttural sur une haute note, il finit par se tourner vers son nouveau mentor, heureux, mais à bout de souffle. Son empressement de le reprendre provoqua subséquemment une grosse toux dans sa poitrine, le faisant tousser d'un air dramatique alors qu'il se dandinait vers Foudre, mais il parvint à se reprendre;

— Jeeee suiiiiss désooooooooolé d'aaaaavoir raaaaatéééé taaaa blaaagguuuuueee, Fouuuuufouuuuuuuuu, miaula-t-il en exagérant la fin de chaque mots. Tuuuuuu veux quand même me raconter d'autres trucs comme ça ?

Son sourire avait été convenable, car Cerf fut piqué d'on ne sait quelle mouche pour vite bondir sur l'avant de la souche, forçant le bengal à se reculer et monter sur une branche qui en sortait pour l'admirer beugler dans toute sa majesté :

— Bonjouuuuuuuuuuuuuuuuur le clan du Tonnerre, je parle avec des iNflEXIoNNNNs !
— PPft--!!

Un sursaut lui prit dans les épaules et la queue et Nuage Foudroyant se rendit compte que c'était la spontanéité de Cerf qui venait de l'affecter ainsi. Sa théorie tenait mais - à vrai-dire il ne pouvait s'empêcher de ricaner, surtout lorsque des regards se tournèrent vers eux pour longuement les toiser.

Mais Cerf n'en fit rien - Cerf ne faisait jamais rien de l'ambiance ou des regards des autres, il ne s'en faisait jamais sur les mots qu'il utilisait ou visiblement sur la construction et l'apport de ses inflexions ; c'est ce qu'il aimait de Cerf - il se tourna brusquement vers le bengal qui descendit depuis son tout petit promontoire, retombant sur ses quatre pattes.

Et Cerf l'asséna d'un autre coup spontané:

— « Jeeee suiiiiss désooooooooolé d'aaaaavoir raaaaatéééé taaaa blaaagguuuuueee, Fouuuuufouuuuuuuuu
Qui lui arracha un rire cette fois sur une note aîgue - Hee hee hee !!!
— Tuuuuuu veux quand même me raconter d'autres trucs comme ça ?

Mais Nuage Foudroyant avait été foudroyé comme de bonne humeur et d'une hilarité qu'il ne contrôlait pas aussi il tenta de se reculer, se laissant tomber assit, montant une patte à sa bouche comme si faire sa toilette aurait pu calmer ses esclaffées:

— Hee Hee hee -- Attends j'avais pas prévu ri-hi-hi-re !

Ach. Mais le rire lui était si facile - plus que tout le reste. Le rire et l'euphorie et le confort et la familiarité, avait noté Renouveau Printanier, mais pas les autres - mais ce n'était pas important en ce moment car Cerf deviendrait un guerrier dangereux capable de le désarmer d'un rire! Non! C'était hors de question d'y succomber - c'était lui qui voulait avoir ce pouvoir sur autrui!

— Ceee-he-heeerf!!

C'était plutôt à Cerf de lui raconter et de lui apprendre ses secrets!

Au sol, son fifou semblait tout emmêlé dans une situation bien compliquée, la patte devant la gueule et le corps secoués de petits bruits enjoués. Ainsi ravi d'avoir provoqué cette réaction, Nuage du Cerf gonfla son pelage de fierté, se transformant en une vraie boule de poils — qui, bien sûr, se gonflait avec le même air égayant que son meilleur ami respirait. Alors gloussant comme lui (le bonheur était contagieux !), le quadrupède tricolore finit par s'écraser au sol, ricanant de l'autre qui semblait être hanté d'une crise de joyeux tressaillements.

— Hee Hee hee -- Attends j'avais pas prévu ri-hi-hi-re !
pfffrrrtttttt, il se tordit, voir le brisé se débattre avec les rires était bien plus divertissant que ses entraînements.

Les convulsions du plus jeune des deux finirent bientôt par se calmer, réduisant les secousses de son corps à un trémolo du bout de la queue. Aaahhhh, il adorait sortir ce truc de son corps -- c'était encore plus satisfaisant qu'un dodo et qu'un combat réuni ensemble; pourtant... Alors que lui semblait profiter de son rire qui se désenflait, l'autre ne déballonnait pas encore et même s'écriait, tous crocs dehors;

— Ceee-he-heeerf!!
— Foufi ?

Se relevant d'un bond frénétique, il vint placer son visage droit devant celui du foncé, plissant ses yeux pour essayer de décortiquer son émotion. Allait-il bien ? Il semblait lui demander de l'aide, mais le rire n'était pas une chose désagréable, non ? Peut-être avait-il peur de ne jamais désenfler ? Ooooh, c'était sûrement ça -- Nuage de Foudre n'avait que peu expérimenté ce passage et voulait redescendre en sureté.

— Je suis là, FOUFOU ! Ça va passer ! Respire ! RESPIRE ! P-PENSE À DES CHOSES TRISTES, comme quand Nouveau Printemps veut pas te donner quelque chose, ou bien… Des gens qui meurent ! La douleur !

Joignant la parole à l'action, il se mit à envoyer des rapides coups de pattes au crâne de celui qui ne pouvait s'arrêter. Avec chance, tout redeviendrait comme avant et ils pourraient continuer à se parler comme deux chats normaux, non ? Mais s'il ne pouvait jamais arrêter ?

Cette seule idée fit partir un peu trop vite le membre du mâle vers la tête de l'autre, le coup résonnant un peu plus fort que les autres.

— Yii ouuppss, fifouuu…