I want you to stay || Edelweiss Sauvage - abandon

Sa mère la regarda quelques instants, tournant les talons pour ne plus jamais revenir sur ses pas. Elle avait beau hurler à s'en déchirer les cordes vocales, la silhouette bleue ne lui accordait pas même un regard. À l'instant où elle disparu pour de bon, le sol arrêta de soutenir Édelweiss Sauvage...

... Poussant un faible miaulement étranglé, vestige de son rêve, la grande femelle tachetée s'éveilla. Son visage était poisseux, ses yeux rougis. L'édelweiss avait pleuré cette nuit, à n'en pas douter. Elle déglutina, avant de revelever doucement la tête, les yeux mi-clos. Le soleil, par l'ouverture de la tanière, lui agressa les yeux, bien trop brillant. Quelle heure était-il ? En plus, ni Fierté du Blaireau, ni Belle-de-Nuit, ni aucun autre guerrier n'était présent ici. Ah, sans doute n'aurait-elle pas du essayer de se changer les idées en chassant de nuit... À tous les coups, elle avait dormi trop longtemps. À grands coups de langues, elle commença sa toilette.

- Edelweiss... je suis vraiment désolé pour toi...

La douce voie lui fit redresser la tête, l'arrachant à son ouvrage. Pelage de Crème se tenait devant elle, un air assez désemparé sur le visage, comme s'il ne savait pas comment agir envers elle. Édelweiss Sauvage lui accorda un pauvre petit sourire avant de plonger son visage au sol ; elle était dans un état pathétique, il ne fallait pas qu'il la voit ainsi. Lorsqu'il s'installa dans le nid voisin, qui n'était pourtant pas le sien, elle fut disparaître un peu plus son visage entre ses pattes.

- Me regarde pas... Puis, en murmurant ; J'ai pas fini ma toilette.

Un vent frais pénétra dans l'antre et un frisson lui parcouru l'échine, la laissant toute tramblottante dans son nid. Après tout, même si la tanière était l'un des endroits les plus chauffés du camp, le temps se rafraîchissait à grande vitesse. L'hiver serait bientôt là, emportant tout son lot de maladie. Eau Turquoise n'était finalement peut-être que la première d'une longue liste à succomber à ce dur climat... Du haut de sa douzaine de lunes, Édelweiss Sauvage n'avait connu qu'un seul hiver, celui de sa naissance, dont elle ne gardait aucun souvenir. Pourtant, elle gardait en mémoire les récits du brouillard ayant eut lieu encore avant, dévastateur. Si quelqu'un d'autre la quittait...

- Tu sais, si t'as envie d'un peu de réconfort je suis là... en..enfin tu as peut-être envie d'être seule ma..mais j'aime pas te voir ainsi et... mais... je..je suis pas d'un très grand réconfort comme ça, en..enfin je veux juste être là pour toi Edel. Tu..tu vois, quoi...?

Elle eut un sourire, caché dans ses pattes. Voir quelqu'un s'inquiéter pour elle lui faisait chaud au cœur, cependant, elle n'allait pas si mal. Sa mère lui manquait atrocement, évidement. Comment pourrait-il en être autrement ? Mais la savoir parmis leurs ancêtres la consolait un peu, sans oublier qu'Eau Turquoise avait eut la mort la plus douce possible ; entourée de sa nombreuse famille, de lait et de cœur, qu'elle chérissait tant. Le manque ne disparaîtrait pas avant qu'elle ne la rejoigne, mais la douleur finirait par s'apaiser ; après tout, cela était encore trop récent. Alors, Pelage de Crème ne devait pester contre lui-même, se juger inutile, incapable de l'aider.

- Merci beaucoup, Pelage de Crème. Tu es toujours si gentil avec moi, je suis pas sûre d'en mériter autant...

Elle s'étala, les épaules en dehors du nid. Tendant la tête jusqu'au félin, doucement, elle la posa sur les poils du matou puis ferma les yeux.

- C'est dur.

Évidemment que c'était dur. Édelweiss Sauvage se pliait toujours en quatre pour sa famille, afin, justement, qu'il ne leur arrive rien. En plus du sentiment de perte, elle avait donc l'impression d'avoir faillit à sa mission. Et même se dire qu'elle n'était pas guérisseuse, qu'elle n'aurait rien pût faire face au mal blanc, ne la consolait pas. Elle échouait toujours à protéger les siens, le cas d'Eau Turquoise n'était pas un cas isolé. Jamais présente au bon moment. La mélancolie, le doute qu'elle ressentait envers elle-même au moment de son baptême de guerrière ne s'étaient pas dissipés. Au contraire.

Alors elle se demandait pourquoi Pelage de Crème était toujours si gentil avec elle, lui trouvant des qualités qu'elle ne pensait pas posséder, une bonne humeur dont elle ne faisait visiblement pas preuve et une douceur dont elle n'était pas bien sûre non plus.

- Je sais que c'est dur mais, Eau Turquoise est toujours présente.. c'est juste que tu ne la vois plus, elle veille toujours sur toi Edelweiss et.. je suis sûr qu'elle est fière de toi. Plus qu'aucune mère ne peut l'être.
- Mmm...

Elle hochait moellement la tête, semi-convaincue. Il croyait vraiment en ce qu'il avançait, et elle ne comprenait toujours pas pourquoi il la tenait en si haute estime. Toujours allongée sur son camarade, Édelweiss Sauvage se détendait petit à petit, bercé par la douceur de Pelage de Crème. Son corps se faisait de moins en moins douloureux. Quand elle referma ses paupières brûlantes, elle se sentit presque bien.

- Je ne sais pas comment tu peux avoir une si haute opinion de moi, Pelage de Crème... On dirait presque que tu ne vois pas mes défauts.

Il lui semblait que le souffle glacé du vent l'atteignait encore par instant, mais peut-être bien qu'il ne s'agissait en fait que de tremblements nerveux.

- La vérité, c'est que je me sent... inutile.

Inutile et vide, se retenait-elle d'ajouter. Elle n'était pas vide, elle le savait par le tourbillon d'émotions qui hurlaient en elle. Mais elle n'arrivait pas à trouver prise, à s'en saisir, à passer par-dessus tout ce bazar. Tant et si bien qu'elle se morfondait dans nouvelle litière de guerrière et n'allait aider ni Hyène, sa sœur adorée, ni ses autres frères et soeurs, ni personne d'autre. Si la culpabilité n'était pas vraiment présente pour les plus âgés, elle se faisait grande pour la toute dernière portée d'Eau Turquoise, toute juste nominée apprentie, ainsi que pour ses neveux.

《Tu as toujours été à ma rencontre Édelweiss alors que je passe mon temps à bégayer, me renfermer et je n'ai aucune confiance en moi. J'aimerais prendre les devants comme tu le fais, je suis plus âgé et pourtant j'ai l'impression de n'être qu'un petit novice à côté de toi. Cela ne fait pas de moi quelqu'un qu'on devrait mériter Édelweiss Sauvage.》, se lança-il.

Elle ouvrit les yeux et dressa ses oreilles, étonnée. Donnait-elle vraiment une impression de maturité ? Elle s'était toujours vue comme une femelle vivant au gré de ses envies, ne suivant que sa volonté et désobéissant aux ordres de ses ainés et supérieurs sans même s'inquiéter des conséquences. Elle avait eu un bon mentor avec Étoile de Pierre, le seul apte à la dresser un peu. Désormais, bien que toujours pas un modèle de comportement, elle se pliait à la plupart des ordres qu'on lui donnait. Non sans râler. Et pourquoi Pelage de Crème se rabaissait-il ainsi ? Il n'avait jamais été timide avec elle, pas même lors de leur rencontre, cette fois où il l'avait écouté se plaindre de Merle sans la couper. Et lorsqu'ils avaient trouvé le corps, il avait été le seul à ne pas s'affoler. Il était vrai que parfois, en compagnie d'autres félins, il ne soit pas à son aise, mais n'était-ce pas plus ou moins le cas de tout le monde ? Édelweiss, elle, n'avait jamais trouvé cela infantilisant.

Il monologuait encore et sa voix la détendait. Elle écoutait chacun de ses mots comme une berceuse, les yeux clos de nouveau, un peu gênée par le débit de compliments à son égard qui sortaient de la bouche de Pelage de Crème. Sa tête se faisait lourde et la fatigue qui l'enveloppait la dissuadait de tout mouvement, alors Édelweiss Sauvage laissa une douce torpeur l'envahir, effaçant ses tremblements.

《Tu...tu es... Tu es vraiment importante pour moi... En... Enfin je veux... vraiment importante... 》, bégailla le félin, ne parlant pas assez fort pour qu'elle entende la fin de sa phrase.

Elle était vraiment touchée par la confidence du félin, qu'elle considérait également comme un ami important. Un jour, lorsqu'il aurait besoin d'aide, elle serait là pour lui, qu'il n'en doute pas.

《Pour moi aussi, tu es important... Tu es un grand soutient. Tiens, regarde, tu arrives à me remonter le moral dans une telle situation... 》

La guerrière chuchotait, sentant poindre le mal de crâne.

《Je vais me recoucher un peu, je pense》, miaula elle faiblement, alors qu'elle émergeant tout juste de son sommeil. 《Merci beaucoup, Pelage de Crème. Si un jour je peux t'aider... n'hésite pas.》

HRP:

Édelweiss Sauvage se tourna dans son nid, les paupières gonflées. À travers l'étroite ouverture de ses yeux et malgré la pénombre régnant à l'intérieur, elle vit le doux sourire du guerrier crème illuminer son monde. Son cœur s'emballa légèrement et la femelle grimaça. Peut-être tombait-elle malade, épuisée et fragile comme elle l'était en ce moment. Après sa sieste, elle irait voir Ruisseau, son frère aîné, afin de s'assurer qu'elle ne traînait aucune maladie. Elle devait prendre soin d'elle, maintenant, pour veiller sur sa famille le mieux possible.

Pelage de Crème se leva et elle lui adressa un petit coup de museau dans le flanc en étirant sa tête. Ses articulations se faisaient assez douloureuses et une nouvelle grimace tordi son museau. Il était tant qu'elle reprenne de l'activité ; Édelweiss Sauvage se donnait l'impression d'une vieille femelle d'une soixantaine de lune !

《 Tu n'as aucune faveur à me donner Edelweiss Sauvage, reposes toi bien je serrais présent à ton réveil si tu veux... Toujours. 》

Aucune faveur ? Bien sûr qu'elle lui en devait ! Pour être toujours amical avec elle, pour l'écouter se plaindre, pleurer et paniquer. Et s'il déclarait même, à présent, qu'il serait toujours à ses côtés, alors elle se devait réciproquement d'être toujours là pour lui, en cas de besoin. Voilà pourquoi la phrase du guerrier, même si elle n'arrivait pas à se l'admettre, troublait son cœur.

Tandis qu'il partait après lui avoir accordé une dernière caresse de la queue, elle fit craquer sa nuque avant de se rouler en boule, l'esprit bien plus serein.