Time Flies By - abandon

Même sans toutes ces lieues de neige blanche le Verger était magnifique, aux yeux de l'abyssin qui habitait une vieille cabane à outils décrépie avec son meilleur ami.

Les arbres de cette "forêt" n'étaient pas sauvages et ne possédaient ni chablis, ni fourrés, ni arbrisseaux ou buissons dans lesquels s'emmêler les pattes. Bon, l'herbe n'était pas tondue (et les griffes de la tondeuse étaient rendues rouille comme son poil) mais ça ne fait rien, le gazon devant sa maison, du temps où il habitait la ville, n'était pas tout le temps tondu et après tout un hiver à vivre à demi-dehors et loin de son foyer il n'avait eu d'autre choix que de s'endurcir.

Il avait quelques égratignures aux pattes à cause des échardes dans le vieux plancher de la cabane, alors il marchait plus prudemment en sortant (une fois, il avait du déblayer l'entrée d'un coup de queue et d'un autre en voyant à la lumière du soleil de vieilles vis et des clous abandonnés et à moitié recouverts de terre). Trash était déjà parti (Trash partait toujours tôt) alors Rusty avait profité du douillet confort des couvertures qu'il avait amené dans la cabane pour ensuite en sortir, s'assurant bien sûr de fermer la porte derrière lui.

Les arbres du Verger abritaient toutes sortes de créatures qu'il pouvait chasser (lire: étrangler, car Rusty était incapable d'utiliser ses crocs ou ses griffes contre toute créature vivante qui soit) et comme sa gamelle était vide depuis hier quoi de mieux qu'un petit tour du territoire? Il suivait toujours le même parcours - il quittait la cabane, il slalommait entre la première rangée des arbres, montait la petite colline de la lande tout près du début de la limite du territoire du Clan du Vent et il revenait sur ses pas parfois en allant près de la Rivière, pour y pêcher, parfois en allant regarder de loin la petite maison des vieux humains à qui appartenait leur construxion et les terres du verger. Il les voyait au travers de la fenêtre de la cuisine, parfois, assit à une table, à manger ensemble et se parler (et parfois les discussions étaient animées!) et cette vision lui rappela son humain.

Son humain - il eut un sourire, il poussa un soupir. Il n'aurait jamais su ce qui lui était arrivé, au final, pour disparaître subprepticement de chez lui et le faire attendre des mois dans une maison-fantôme avant de se décider de la quitter. Il se demandait parfois si la maison était encore vide - sans doute. À vrai dire il craignait d'y retourner, car et si Gregory était rentré? Et si la Fille aussi? Et si la Mère, et si-- et soudain son nez se leva, ses oreilles pointèrent et il s'arrêta dans sa promenade machinale pour à la fois sentir et entendre un chat dans les environs qui n'était ni Muguet, ni Trash, mais qui ne lui était pas inconnu non plus.

— « Qui est là? s'éleva un petit miaulement entre les arbres du verger, et Rusty pressa le pas pour contourner le large tronc de celui duquel il slalommait autour pour se relever comme un cerf devant les phares d'une voiture et cligner des yeux, levant, derrière, peu à peu, sa queue en forme de serpe.
— --La Frimousse? »

Il eut un mouvement de recul en se rendant compte que la Petite Frimousse n'était plus si Petite, elle non plus, maintenant montée sur de hautes brindilles en guise de pattes, mais il aurait reconnu ce pelage frisé et cette rousseur et ses grands yeux bleus donnant toujours l'impression de larmoyer n'importe où : il y a deux automnes, après avoir du récupérer de la blessure que Vautour Fauve lui avait faite, Rusty avait été surpris par un son d'ustensiles s'entrechoquant et s'était sauvé de la maison et du jardin pour se retrouver à la prairie en territoire du Clan de la Rivière- au même moment où la Frimousse avait fait pareil de son côté, au Clan du Vent. La Frimousse cherchait des baies (en fait, elle mentait, mais Rusty n'en sait rien) et escortés par une Chatte Toute Gonflée (Écaille D'Or à l'époque) Rusty l'aida à en trouver.

— « C'est moi, Rusty! Il eut un doux petit rire. Qu'est-ce que tu fais ici? Ses larges oreilles se redressèrent distinctement au sommet de sa tête triangulaire: Oh! Tu cherches encore des baies? »