Brutus [PV: Houx] - end

Tue le.

Tel étaient les ordres. Tel était sa volonté. Autant celle du chef tout puissant que du jeune assassin lancé à la recherche de la tête du condamné.

Cette fois-ci, il y avait quelque chose de plus fourbe que l'instinct primaire. Quelque chose de plus sournois que la simple colère. Quelque chose de plus réfléchis que l'obéissance. Le désir de punir. La soif de vengeance.

Feulement avait sauté sur l'occasion. Dé lors qu'on lui avait accordé confiance, qu'on lui avait donné le droit de vie ou de mort. Il avait vendu les crimes de Feuille de Houx au Maudit et voilà que le verdict était tombé. Le grand noir devait mourir. Et c'était le prince déchu qui se chargeait personnellement de lui arracher son dernier souffle.

Alors qu'il filait hors du camp, il pouvait sentir les flammes de ses souvenirs danser sur sa peau. Chaque coup de griffes, chaque insulte, chaque morsure, chaque regard, chaque humiliation brûlaient son corps et incendiait son cœur.

Il se l'était promis. Feuille de Houx paillerait au prix de sa vie. Supprimer la vermine, il n'y voyait rien de plus naturel et juste. Ce n'était pas là un pêcher mais un service. Il ne faisait que sortir les poubelles que personne n'osait jeter.

Ce chat avait essayé de le tuer et le fils du Serpentaire ne pouvait dormir une nuit de plus auprès de celui qui avait détrôner la place des Lunar Pod dans son estime. Lorsque le nuisible serait exterminé alors enfin pourrait il se reposer sur ses deux oreilles.

Au cœur de la pinède il remontait la trace du combattant aux yeux verts comme celle d'une proie. La traque était ouverte et le chuchoteur prenait un grand soin à se faire le plus discret possible, appliquant tout ce que lui avait appris son mentor de fortune. Oh c'était ironique. Il montrerait à son ancien professeur qu'il était un bon élève. Feuille de Houx, en prenant l'entrainement de Feulement entre ses griffes, avait donné toutes les armes à une bête sauvage pour que cette dernière l'abatte.

Maudit avait ouvert la cage du loup. Il se dirigeait droit vers la bergerie.

Prenant en hauteur, ombre parmi les arbres, le bourreau finit par sentir l'odeur du condamné. Entre les épines des pins son aîné se déplaçait de son pas leste et silencieux qui collait si bien à sa nature hautaine.

Le dégout poussa les griffes noires du félin à sortir de leur fourreau tandis que depuis son perchoir Feulement continuait d'avancer parallèlement à sa future victime.

Attendant le bon moment pour sortir de sa cachette.

Il n'était pas question d'échouer.

La rage tordait son intestin à la simple vue de son camarade de tanière. Pas une seconde de plus il ne laisserait le nom de ce déchet sur patte hanter son esprit. Comme une tâche au milieu d'une œuvre d'art la présence même de son ennemi ruinait la beauté de la nature qui l'entourait. Et il ne voyait qu'elle. Cette insupportable erreur qui osait respirer le même oxygène que lui.

Qui osait partager le même espace de vie que son père.

Qui osait exister.

Elle devait être éradiquée.

Et la mort tomba des cieux.

Comme un oiseau de proie s'abattant sur son repas, toutes serres dehors, Feulement surgit d'entre les pins pour chuter lourdement sur le dos de Feuille de Houx.

Le contacte le répugna, nourrissant sa colère et son désir d'en finir rapidement. Le jeune guerrier n'était pas assez cruel ni corrompus pour vouloir torturer ou faire souffrir l'enflure qui s'écrasait sous lui. Il avait avant tout une mission à accomplir et souhaitait plus que tout le voir partir. Définitivement.

Ses yeux ambrés cherchèrent le cou de la vermine, plantant ses crocs meurtriers dans sa chaire tendre. Si son aîné était trop gros pour qu'il puisse lui briser la nuque comme il l'aurait fait à un corbeau alors ses mâchoires se refermèrent sur sa jugulaire. Il put la sentir battre contre sa langue. Le gout et l'odeur métallique du sang envahirent ses sens et il lui fallut de grandes inspirations pour respirer à travers le flot poisseux qui menaçait de l'étouffer lui aussi.

Contre son corps, celui de sa victime se tordait et se secouait dans une tentative vaine de se délivrer. Mais personne ne pouvait entendre ses cris étranglés, le gargouillement de sa bouche submergée par le liquide écarlate qui s'en échappait lorsque fuir ses veines ne suffisait plus.

La scène était étrangement silencieuse. Les oiseaux s'étaient tût. Les pins qui se dressaient autour d'eux semblaient être les témoins sinistres et muets du meurtre du grand noir.

Feulement en était persuadé, il rendait un service à la forêt de Cerfblanc.

Bouche entre-ouverte, Feulement put enfin reprendre son souffle et cracher le sang poisseux qui s'écoulait de sa gueule comme une chute alimentant un lac écarlate.

Une dernière fois, il senti le corps du mourant convulser contre son torse alors que toute vie quittait son enveloppe charnelle encore chaude et molle reposant maintenant pathétiquement sur le sol gorgé du liquide rouge.

Le chuchoteur se redressa de toute sa hauteur, toisant le cadavre qui gisait à ses pieds. Ses yeux d'ambre se posèrent sur le visage au sourire narquois du nuisible et il ne put retenir le plissement de ses paupières qui résulta de sa frustration. Même dans la mort, Feuille de Houx avait le don de l'énerver.

Alors sa patte griffu s'écrasa sur le crâne puis sur le rictus du félin pour l'effacer comme on effacerait une erreur, avec une certaine négligence et brutalité.

Un soulagement fou envahit soudainement son esprit. L'euphorie de la vengeance, le plaisir de ne plus voir de lumière derrière l'œil de cet être qu'il détestait tant. C'était peu-être horrible et triste à dire mais cela faisait longtemps que Feulement ne s'était pas senti si heureux.

Ce soir, il pourrait enfin dormir sur ses deux oreilles.

-

Traversant une partie des territoires piquants c'était avec une certaine difficulté que le fils du serpentaire traîna le cadavre du grand noir jusqu'au charnier. Il apprenait aujourd'hui que les morts pesaient plus lourd que les vivants et le poids de la boue qui s'accrochait au pelage souillé du cadavre n'aidait en rien.

Feuille de Houx détestait se salir. Feuille de Houx détestait cet endroit. Feuille de Houx détestait la vermine. Alors il le laisserait aux rats. Comme tout bon citoyen il jetait l'ordure à la décharge.

Tandis qu'il tirait le corps de sa victime à travers l'immondice les souvenirs de tous les combats qui avaient éclatés au centre de ce même lieu défilèrent sous ses yeux. Combien de fois avait il plongé son visage dans le sol meuble et sale de ce trou de merde? Toutes les plaies qui avaient parcourut son corps. Toutes les insultes. Les insultes surtout. La douleur physique ne le dérangeait pas tant que ça. C'était son mépris et sa connerie qui avaient mené le jeune mâle à faire ce qu'il avait fait aujourd'hui.

C'était presque fièrement qu'il s'enfonçait plus loin qu'il ne s'était jamais aventuré au sein de ces terres puantes. Il fallait croire que l'élève avait dépassé le maître. Oh il avait bien retenu les conseils du grand noir.

Sous un monticule de boue et d'ordure il dissimula son ancien professeur, donnant le relais aux rats, aux corbeaux et aux asticots, nature complice et témoin de son crime. De sa vengeance.