Peur Bleue ▬ Coup de Foudre. - abandon

Les rochers avaient beau être baignés de lumière, pendant les froides saisons, cette lumière était trompeuse : au lieu d'absorber la chaleur des rayons sur ses plateaux et de la diffuser, ils devenaient si froids que la neige, à côté, paraissait tiède sous les pattes. Par le passé Coup de Foudre s'était laissé berné une fois de trop et il avait depuis appris à résister à la tentation des Rochers pendant l'hiver. S'il sauta dessus aujourd'hui, ce n'était pas pour s'y réchauffer, mais pour se faire volontairement mal, cherchant à trouver chez lui le seuil entre la douleur ressentie et l'engourdissement du froid - en d'autres mots, une expérience stupide pour tuer le temps d'une journée banale.

D'en haut, il remarqua de l'autre côté de la rive un chat qu'il (supposait) n'avoir jamais vu - quelle chance! Quelqu'un à enquiquiner. Il descendit vite de son promontoire à un-deux bonds pour mettre les coussinets dans l'eau pas tout à fait gelée de la rivière aujourd'hui et un brusque sursaut de terreur le prit au ventre en repensant aux rapides, aux tasses que lui et sa sauveuse avaient bus en étant ballottés et ses griffes sortirent de leurs fourreaux pour l’agripper à la réalité.

Il ressassait le coup de chaque hématome sur son corps pendant la descente mais chaque hématome avait guéri depuis, il préférait de loin se rappeler de ceux qu'il avait collectionné pendant sa montée d'une des Quatre Chênes avec la belle Museau Bleu...

— « Graaaaaouh.
Il releva le nez pour se rendre compte que celui qui voulait l'enquiquiner l'avait remarqué. Vous m'avez fichu une de ces trouilles !

Les yeux du bengal reluisirent, comme il offrit à l'étranger de la rivière un sourire à peine sincère:

— C'est pas vrai, et moi qui pensait pouvoir vous observer en silence toute la journée!... ~ »

D'où est-ce qu'il sort ? Patte de Loutre ne comprend pas comment il n'a pas pu entendre, voir ou même sentir le nouvel arrivant. Il fronce les sourcils et renifle : son odeur est pourtant marqué. Finalement, le guerrier rejette ça sur un manque d'attention. De toute manière, cet ennemi ne l'a pas attaqué. Il n'y avait donc aucun danger. En réalité, le mâle essaye de se convaincre que son erreur est bénigne. À la grande surprise de Patte de Loutre, voici ce que le mâle tigré lui dit :

« - C'est pas vrai, et moi qui pensait pouvoir vous observer en silence toute la journée ! ... ~»

Sur quel lourd suis-je encore tombé ? Le mâle soupire et rit faussement à la blague de son nouvel interlocuteur. Un rire très peu sincère qui s'accorde parfaitement avec le sourire que cet inconnu lui offre. Patte de Loutre l'épie et cherche une marque, une cicatrice qui pourrait lui rappeler quelque chose en vain. Pourtant, il faut dire que ce guerrier du tonnerre n'en manque pas.

« - Vous êtes ? »

Demanda-t-il d'un ton froid sans aucune retenue ni grâce. Il n'a pas envie de discuter pendant des heures avec un guerrier ennemi car :

1. Cela ne lui apporterait strictement rien.
2. Ils ne sont que des traîtres.
3. Il a d'autres chats à fouetter.

Agacé, Patte de Loutre s'assied les pattes dans l'eau froide et attend les présentations de cet étrange individu.

Eh ben dis donc, ce genre de fausseté ça lui était presque familier, du temps où Raton-Laveur et lui avaient discutés - précisément à cet endroit, d'ailleurs... Cette réflexion lui fit vite tiquer de la langue et agiter sa queue, et tenter de se concentrer ailleurs en analysant son interlocuteur, tiens, quitte à sauter aux conclusions sur son comportement. Bizarrement, le chat de l'autre côté de la rive fit tout comme lui, aussi ils prirent chacun le temps de respectivement s'épier :

— « Vous êtes ?
Le froideur du ton ne toucha même pas le bengal, qui se fit plus volontaire, du tac au tac:
— Chez moi!

Ha ha, et vous aussi vous êtes chez vous!

Comme c'est super, n'est-ce pas, de pouvoir profiter d'une belle journée au bord de l'eau sans en venir aux griffes!

Maintenant qu'il l'avait pris par surprise il devait le pacifier ; comme l'autre chat s'était assit, les deux pattes dans l'eau froide (mais pas assez pour être complètement gelée), lui se coucha sur les galets de son côté, tendant une patte comme pour lui tendre l'invitation à une conversation:

— La pêche est bonne?

« - ... Chez moi ! Ha ha, et vous aussi vous êtes chez vous ! Comme c'est super, n'est-ce pas, de pouvoir profiter d'une belle journée au bord de l'eau sans en venir aux griffes !»

Répondit-il du tac au tac. Le mâle fronce les sourcils ne comprenant pas la démarche de son compatriote. Il recule d'un pas et ne sait pas comment réagir face à cette réponse surprenante. Patte de Loutre ne s'attendait pas vraiment à ça et son incompréhension semble écrite sur son front car rapidement, le mâle du tonnerre reprend :

« - La pêche est bonne? »

Patte de Loutre n'est pas vraiment venu ici pour taper la discussion avec un guerrier ennemi et encore moins un mâle qui semble avoir des penchants pour d'autres chats du même sexe. D'un ton toujours aussi froid, le guerrier poursuit :

« - Très bonne. Quel est votre nom ? Je déteste l'anonymat. »

Le guerrier s'assied sur sa rive, laissant ses deux pattes avant sur la berge humide.

— « Très bonne. Un ton coupant, comme pour, eh bien, couper court à cette conversation. Mais c'est alors que l'autre chat le relança: Quel est votre nom ? Je déteste l'anonymat.

À ses yeux c'était bizarre, car il aurait pu s'en tirer avec la pêche qui était très bonne sans ne plus rien ajouter d'autre. Loin de lui de s'en faire, Coup de Foudre le prit au contraire très bien, comme s'il eut s'agit d'un effort volontaire à se faire courtois. Les chats de la Rivière étaient tous très divertissants, avec leur comportement ambivalent face à ceux du Tonnerre... Il s'adapta à l'autre guerrier en lui décochant un nouveau sourire, beaucoup plus brillant que le précédent.

— Coup de Foudre!

"Mes amis m'appellent Foufou", il aurait enchaîné, avant de tiquer de l'oreille car le mot ami lui était (pour le moment) complètement proscrit. Qu'à cela ne tienne, il renvoya au guerrier sa question:

Et vous? Et prit le goût au jeu, d'abord moqueur: Vieille Écorce? Bois J'me Chauffe? Puis bien vite flatteur : Oeil de Ciel? (observateur) Queue de Quenouille? (et adroit de sucroît)

« - Coup de Foudre ! Et vous ? Vieille Écorce ? Bois J'me Chauffe ? Oeil de Ciel ? Queue de Quenouille ? »

Le guerrier soupire, prit de pitié pour le bengale. Son humour laisse clairement à désirer. Patte de Loutre - très premier degré - n'aime pas vraiment l'idée de perdre son temps à la frontière à discuter avec un guerrier ennemi.

« - Patte de Loutre. Le respect ne semble pas être une valeur très présente dans le Clan du Tonnerre visiblement. »

Les yeux plissés, le ton cinglant de Patte de Loutre cherche à déstabiliser son camarade beaucoup trop moqueur et familier à ses yeux. Assis sur sa berge, le guerrier de la rivière essaye d'analyser son interlocuteur. Il a l'air … Spécial. Après son jeu avec Rouge Pivoine, le matou commençait à avoir l'habitude de ce genre de personnalité. Peut être pourrait-il utiliser Coup de Foudre pour apprendre à jouer avec Rouge Pivoine ? La simple idée de penser à la guerrière rend Patte de Loutre gêné.

— Patte de Loutre.
— Oh. »

...La conversation fit splat, comme une certaine grenouille sur un certain chemin. "Patte de Loutre" c'était beaucoup plus ennuyant qu'Oeil de Ciel, et Queue de Quenouille, et à mieux le regarder, le mâle, même svelte, portait des couleurs très ordinaires - un sous-poil plus pâle, des arcades prononcées, creusant une ride au milieu, signe d'une personnalité un peu trop sérieuse, et le corps parsemé d'indices de cicatrices lui signifiant qu'il devait sans doute s'agir d'un vétéran - et la pensée le fit grimacer, car il s'agissait ennncooore d'un vétéran devant "un jeunot" qu'il supposait mieux savoir que lui.

Et en effet:

— « Le respect ne semble pas être une valeur très présente dans le Clan du Tonnerre visiblement, tenta de le piquer Patte de Loutre, et Coup de Foudre ne se priva pas de faire le tour de la carte de la cime des arbres en roulant les yeux vers le ciel.
— Ha hah ! Il se força à rire. Sans perdre une seconde, il lui miroita ce même cingle, toutefois lui avait au moins la décence de le faire avec le sourire:

— Ouiiii, vous avez raison, c'est vrai que de de me présenter et de vous demander si la pêche est bonne est une preuve indiscutable d'irrespect! Tous les mêmes, ces sacrés chats du Tonnerre!

Il se coucha depuis sa position assise, las, pointant d'un vague mouvement de patte le chat de l'autre côté de la rive.

— Vous, vous devez vraiment mettre de l'AMBIANCE dans votre Clan, hein? ~ »

Amateur. S'il voulait vraiment jouer avec les mots, il était tombé sur un adversaire de taille.

Le bengale se force à rire de façon ridicule pour se moquer du guerrier du clan de la rivière. Patte de Loutre, irrité, recule d'un pas. Cette situation l'intrigue fortement. Il ne sait pas quoi dire ni quoi faire face à cet étrange guerrier. La discussion n'a pas vraiment de sens et le côté vieille école du mâle n'aide en rien.

« - Ha hah ! Ouiiii, vous avez raison, c'est vrai que de de me présenter et de vous demander si la pêche est bonne est une preuve indiscutable d'irrespect! Tous les mêmes, ces sacrés chats du Tonnerre ! Vous, vous devez vraiment mettre de l'AMBIANCE dans votre Clan, hein ? ~ »

Les sourcils froncés, le matou soupire. Il ne reconnaîtra pas qu'il s'est emporté même si c'est le cas. Il n'aime pas les guerriers du Clan du Tonnerre et a tendance à tous les mettre dans le mec sac qu'Etoile de Suie.

« - Vous essayez peut être de me soutirer des informations avec votre question. Je ne vous connais pas et je n'ai pas tendance à faire confiance aux guerriers ennemis. Ce n'est pas votre cas ? »

Le guerrier hume l'air et ses narines et oreilles tiquent. Un poisson vient de filer devant lui. Il gronde. J'aurais pu l'attraper, quel gâchis.