Ce qui fait la nuit en nous peut laisser en nous les étoiles ı ft Souc' - Abandon

L'aube parait tout juste le ciel d'un bleu violet de nouvelles nuances de rose et d'or, quand une silhouette fine, se découpant clairement sur le clair obscur du ciel, se leva avec le soleil pour sortir de son nid. À cette heure, personne de sensé n'aurait ouvert les yeux, hormis les patrouilleurs de l'aube, et les chasseurs de l'aurore; mais dans le camp du clan silencieux, assoupi, la jeune fille tout à fait éveillée - elle n'avait pas dormi - contemplait les ruines de son enfance et d'un monde qui n'avait plus de sens. La guerre imprimée dans sa tête, ses yeux ne pouvant quitter le monde sans revoir en pensées ceux d'Alizé être crevés, les cauchemars l'envahissant comme eux le Clan du Vent, Nuage du Mimosa observait, apprentie désenchantée, la pouponnière, son ancienne tanière. Comme ce temps semblait loin ! Les petits coups de patte de Violette quand elle courait en rêves, les ronrons d'Aulne et la douce fourrure de Lys, la présence tendre et lumineuse de Papillon de Lune... Les moments à tenter d'explorer le camp, jusqu'à se retrouver dans la tanière de leur père, Étoile Maudite... Alors, tout allait bien, et les sourires de ses proches illuminaient sa vie, en écho au sien, petits soleils brillant même la nuit. Mais aujourd'hui, que restait-il ? Une malédiction leur avait tout pris: une part de la vie de Nuage de Violette, le baptême de guerrières empli de bonheur et de fierté qu'elles avaient toujours imaginé, la vie de leur mère et l'esprit de leur père... La jolie aide guérisseuse aurait aimé pleurer - mais elle n'avait plus de larmes à verser.

Ce fut donc un soupir qui s'éleva, dans la nuit qui elle aussi expirait, les prunelles d'ambre de la brunette, comme deux petits soleils voilés, cherchant avec nostalgie les dernières étoiles semées comme des perles sur le tissu brodé de la voûte étoile. Les étoiles... Quand elle était petite, elle accrochait à leurs branches des souhaits et leur confiait ses rêves; elle rêvait de Pierre de Lune, de plantes, d'être guérisseuse, simplement - même si aujourd'hui, elle était ravie pour Nuage de Corbeau; elle était innocente, et elle croyait, comme son papa lui-même le lui avait appris. Mais il avait tourné le dos aux constellations, et face aux nuées muettes, après tous ces malheurs, Nuage du Mimosa se sentait perdue. Où était le Clan des Étoiles, quand un de leurs élus leur avait tourné le dos ? Où était le Clan des Étoiles, quand Papillon de Lune était morte ? Où était le Clan des Étoiles quand, par amour, Nuage de Violette avait pris des risques, bien trop de risques ? Où était le Clan des Étoiles, enfin, quand Nuage d'Alizé s'était retrouvée, aveuglée, dans son propre camp par la guerre transformé ? Où était le Clan des Étoiles qui réclamait la paix aux guérisseurs, quand les conflits avaient fait rage entre les Clans... La fille d'Étoile Maudite croyait sincèrement: les étoiles étaient guides, et elles étaient... gentilles. Mais qu'avaient-ils fait, eux, pauvres mortels, pour que leurs ancêtres veuillent les abandonner ? Et que devaient-ils faire, à présent ?

Désemparée, elle se leva alors, lançant un dernier regard à la pouponnière où Esprit Lent et les chatons devaient encore être loin, très loin de cette réalité qui l'avait tant peinée, nostalgie et tendresse envahissant son âme d'enfant - sa protectrice, son amie, avait été précieuse, ses premières lunes de vie, mais désormais, elle avait grandi. Alors ce ne fut pas à elle, que Nuage du Mimosa alla s'adresser - pas même à Nuage du Corbeau, son ami depuis plusieurs lunes déjà, et celui qui, tout jeune apprenti guérisseur, l'avait nommée comme aide, quand elle n'était qu'une toute petite fleur. Elle voulait parler au mentor de ce dernier, au frère de la reine qui, avant, partageait ses vœux et ses joies d'enfant - et c'était bien la première fois. Alors, ce fut une jeune fille un peu intimidée qui s'approcha lentement de l'antre pour vérifier, avant de s'y risquer, si le guérisseur de l'ombre, soucieux, s'était déjà levé. Une petite voix, ténue et cristalline, appela:

« Esprit Soucieux ? Est-ce que... Est-ce que je peux te parler, s'il te plaît ? »

Et quel spectacle elle devait offrir ! À ne plus dormir et à manger si peu, Nuage du Mimosa devait paraître éteinte, et un peu affaiblie, malgré sa fourrure soignée... Quand à ses yeux, ils étaient des étoiles ne sachant plus briller. Alors, à l'entrée de ce qu'elle appelait autrefois le royaume des plantes, la brunette attendait, pâle et désolée.