Etre vieux, ça craint.- abandon

Petite Châtaigne quitta ses frères, occupées à jouer à la guerre, pour quémander un câlin de Mirage du Désert. L'ambiance chez les garçons, surtout à cause Patte de Suie, était beaucoup trop machiste. Elle en avait plus qu'assez, sous prétexte qu'elle était une fille, qu'ils se mettent toujours contre elle dès le début du jeu. Elle perdait tout le temps, du coup. Pestant contre Suie, qui en plus se moquait d'elle et pas qu'un peu, elle s'engagea dans la pouponnière. Le point positif, quand ses frères s'amusaient entre eux, c'était qu'elle avait sa maman rien que pour elle. Sauf que quand elle passa l'entrée de la pouponnière, sa mère discutait avec les autres reines et elle n'aimait pas que Petite Châtaigne la dérange quand elle parlait avec des grands. La brune tourna les talons, boudeuse.

- ... t'as qu'à rester avec ton pauvre fils [...] jamais puni. Pfeuh !, fit une voie, non loin.

Oh, une potentielle alliée dans ce monde désagréable ? Petite Châtaigne se dévisa la tête, encore et encore, pour apercevoir la femelle responsable de telles paroles. L'une des filles du lieutenant, Busard Cendré, boudait dans un coin, sans ses sœurs autour d'elle, pour une fois. Habituée à la présence de mâles à ses côtés depuis son plus jeune âge, elle n'avait jamais essayé d'approcher cette tribu de femelle. Pourtant, cette fois-ci, elle s'approcha de Petite Écorce, dont le caractère était apparemment le plus fort de sa fratrie.

- Je sais pas pourquoi, mais Pfeuh, t'as raison ! On s'ennuie carrément trop et on peut même pas sortir d'ici !

- Ça t'saoule grave ?, lui répondit, immédiatement, en écho, Petite Écorce.

Sans prendre la peine de renchérir à l'oral, simplement en hochant la tête, elle remanifesta son soutien et son agacement. Les grands et son frère, ils la gonflait sévère, et ça ne pouvait plus durer. Un jour, elle infligerait à Patte de Suie une correction pour tout ce qu'il leurs faisaient subir, à elle et aux autres. Mais pas maintenant. Petite Châtaigne était maligne, même si ça ne se voyait pas trop, et surtout patiente, très patiente. Comme ça, elle aurait bien le temps de réfléchir au plan parfait. Par contre, les adultes, ils la saoulaient juste, alors une petite vengeance ferait l'affaire.

- Moi oui. , elle avait les sourcils tellement froncés que Petite Châtaigne ricana.  'Faut leur mener la vie dur. On pourrait parti d'ici, par exemple ?

Enjouée subitement, comprenant qu'elle ne serrait pas seule dans sa vengeance, Petite Châtaigne se leva d'un coup, sautillant sur place avec un grand sourire sur la face. On aurait pu croire qu'elle voulait simplement jouer si son sourire, justement, n'était pas si tordu. Elle réfléchissait déjà, analysant toutes les possibilités qui se présentaient.

- Sortir du camp tu veux dire ? Trop risqué, on va se faire avoir par le chef en personne ! Oh, sinon je me suis déjà infiltrée chez les apprentis, on pourrait faire un truc comme ça !

Petite Châtaigne marchait à présent, ses pas formant un cercle parfait. Mauvaise habitude quand elle réfléchissait à un mauvais coup, alors elle s'arrêta immédiatement, que sa mère, encore pas trop loin, ne comprenne pas ce qu'elle projetait de faire.

- T'en dis quoi ?

L'idée d'une punition ne plaisait pas non plus à sa nouvelle amie, qui expira bruyamment. Heureuse qu'elles soient toutes deux sur la même longueur d'onde (c'était un peu comme ; vive les bêtises et à bas l'obéissance), la petite femelle aux longs poils colorés se décida à établir un plan où elles seraient sûres de ne pas se faire prendre la patte dans le sac et où aucune trace d'elles, comme leur odeur, ne pourrait les trahir.

《 Baaaaaaah ... T'sais, le chef c'est mon tonton. Il est un peu beaucoup ronchon, mais il m'aime bien. 》, lui précisa tout de même Petite Écorse.

Quelque temps plus tôt seulement, Petite Châtaigne n'aurait pas même eu l'ombre d'une hésitation et se serait précipitée hors du campement avec un plant de bataille rondement ficelé et une alliée qui ne la lâcherait pas en cours de route. Pas comme fleur, son frère, juste avant qu'elle ne rencontre Raton le laveur. Mais, avec le temps, la femelle au caractère piquant avait prit conscience de la dangerosité de leur forêt. Surtout pour un ou deux petits chatons. Sortir en catimini, c'était prendre le risque de tomber sur un renard ou un blaireau, dont Nuage Roux lui avait souligné la dangerosité et face auxquels même les guerriers n'étaient pas confiants.

Cogitant, elle s'assit et entama un rapide nettoyage de son pelage, dont les poils se dégradaient en différentes teintes de brun. Châtaigne espérait ainsi s'empêcher ainsi de trottiner en cercle, occupant son corps autrement. 《 Whoa trop cool ! 》, fini par s'exclamer la châtaigne. Si elles sortaient du camp, Étoile du Vautour les disputerait beaucoup beaucoup même s'il était le tonton de son amie. Et en fait peut-être même plus que s'il n'était pas de sa famille puisqu'elles auraient risqué leurs vies. Par contre, si elles se faisaient prendre dans une tanière qui n'était pas (encore) à elles, on les disputerait sans doutes bien moins, et les guerriers et apprentis n'oseraient rien leur dire, par peur d'agacer le dirigeant !
De toute façon, Petite Châtaigne ne comptait pas se faire prendre, alors tout irait bien.

《 Bon ok. Ce sera ma revanche ! 》, miaula son amie d'un ton espiègle.

Revanche sur les grands ? Ce serait leur revanche à toutes les deux, dans ce cas ! Et si elles partaient bel et bien dans la tanière des apprentis, la gamine en profiterait pour faire une blague à Roux le dépressif et lui faire comprendre qu'il était pas bien mieux qu'elle. Car contrairement à la dernière fois, la chatonne avait l'intention de s'amuser, quitte à mettre un bon bazar.

《 On va dans la tanière des apprentis du coup ? Faut s'arranger pour pas se faire prendre et j'ai une idée ; la boue ça masque les odeurs et on nous verra moins. 》, dit-elle d'un ton savant, queue relevée.

Réfléchir à des stratégies d'attaque, c'était son truc.

Même si le corps de son interlocutrice se tendit en entendant sa proposition, le plan d'attaque de Petite Châtaigne fut validé d'un hochement de sa tête. C'était évident, après tout la gamine passait le plus clair de son temps à trainer partout où elle le pouvait (et même où elle ne pouvait pas) pour acquérir davantage de savoir guerrier et pour découvrir les points faibles, psycologique et physique, de chacun. Par exemple, Nuage de Braise était trop distraite, Petit Gland hyper sensible aux chatouilles et Petite Menthe, super fragile.
Alors, en combinant tout ce qu'elle savait pour passer inaperçu, elle finirait bien par trouver une superbe idée ! Le coup de la boue n'était déjà pas mal, mais il y avait des inconvénients ; déjà c'était pas propre, ensuite ça séchait super méga vite et après, pour la retirer, c'était la galère.

《 D'accord ... Mais t'iras en première !
On lui cédait le meilleur rôle ; celui de découvreur.
— D'accord ! 》

Le museau de madame la nièce du chef se fronça et Petite Châtaigne se pencha vers elle, approchant son museau du sien, les yeux plissés comme si elle pouvait voir ses pensées. Sauf que non, elle avait beau essayer, elle n'y arrivait pas. Et Petite Écorce se redressa soudainement, bombant le poitrail et miaulant d'un ton fort, ce qui la fit sursauter ;

《 MAIS !
Elle recula, patte sur le cœur.
— Faut pas que les grands nous voient, t'imagine leur tête, on sera CRA-MÉES. Je me propose de partir en reconnaissance ! Je vais trouver un coin tranquille et je te fais signe ... Ou l'inverse ? 》

Par grands, elle voulait parler des apprentis ou des guerriers ? Quand elle s'était introduit chez les novices la dernière fois, Nuage Roux l'avait prise sur le fait mais n'avait rien cafté ; elle le savait car sa maman du Désert ne lui en avait jamais fait le reproche. De toute manière les deux petites ne rempliraient leur mission que si ni les uns ni les autres ne les choppaient, et uniquement à cette condition. L'enjeux, plutôt qu'à la découverte, était à la discrétion.
Petite Châtaigne hocha la tête, avant de regarder sa maman et les autres habitants de la pouponnière ; leur première tâche serait de s'extirper d'ici.

《 Prête, coéquipière ?
— Archiprête ! Vas-y, j'te couvre.》

Elle tourna le dos à sa complice, arrivant en marche arrière jusqu'à la sortie de leur chaleureuse tanière, s'assurant que personne ne les observait. Puis, arrivées à l'endroit voulut, la minette s'arrêta brutalement et chuchota, museau plongé en direction du sol, bougeant le moins possible les lèvres ; comme si avec ça, personne ne saurait quel mauvais coup les deux terreurs préparaient.

《 Essaye de trouver un endroit à l'ombre, comme le tour du camp. Tu sais imiter le cri d'une souris ? Comme ça je te retrouve facilement.》