(CANICULE) - Dans le deuil - abandon

Floraison de Printemps inspira un bon coup avant de balayer l'étendue de l'intérieur de la tanière des guerriers du regard. Elle l'avait intégré depuis quelques jours à peine, et pourtant, elle avait l'impression de toujours y avoir été. Et son séjour dans la pouponnière ? Dans l'antre des apprentis ? Que du passé, se disait-elle. Désormais... Elle espérait se tourner vers le futur, et non vers le passé. De toute façon, il le fallait bien. La chatte au pelage gris-bleu ne voulait pas se souvenir de ce qui s'était passé un peu avant son baptême. Museau Bleu... Son cœur se serra douloureusement. Elle se sentait tellement coupable. C'était de sa faute... Oui, uniquement de sa faute si la vieille lieutenante avait perdu la vie. La personne qui aurait dû mourir, ce jour funeste où elles étaient parties chasser ensemble, c'était elle, et non pas ce petit éclat de pureté bleu qui savait ravir le cœur de tous les félins du Clan. Floraison de Printemps n'aurait jamais dû survivre à son accident. La fille d'Eau Turquoise aurait dû se sentir heureuse de coucher non loin de son ami de toujours, Renard Rusé. Mais comment pouvait-elle oublier les récents évènements ? La culpabilité qui l'habitait ? La douleur que subissait son cœur à chaque fois que quelqu'un faisait la mention de la défunte lieutenante au détour d'une conversation ? Ainsi allait la vie, que l'on disait... Eh bien, pas pour elle. Floraison de Printemps ne se pardonnait pas.

Et voilà... A trop y penser, la jeune femelle aux yeux bleu-verts se mettait à culpabiliser. Il fallait qu'elle sorte. Tout de suite. D'un geste gracieux, elle s'extirpa de son nid de mousses et de plumes et se hissa jusqu'à la sortie de la tanière. Elle fila à l'extérieur du camp sans accorder le moindre regard à l'emplacement où aurait pu se trouver Renard Rusé. Floraison de Printemps regarda droit devant elle, se gardant bien d'exprimer une quelconque émotion douloureuse sur le visage. Et si elle partait chasser ? Cela lui changerait les idées. Oui.
La nouvelle nommée se rendit à la Grande Rivière, qui séparait son territoire de celui du Clan du Tonnerre. Pourquoi avoir choisi cet endroit ? Aucune idée. Elle se contentait de suivre le mouvement, sans trop se poser de questions. Ses mirettes vitreuses se posèrent sur la surface de l'eau. Le reflet qui lui fut renvoyé ne fut pas le sien mais celui de Museau Bleu. Floraison de Printemps souffla du nez, tant la peine menaçait de refaire surface sur son visage. Elle s'asseya là, la queue tremblotante, l'âme embrumée par des tourments qui ne devraient pas être ceux d'une nouvelle guerrière. Elle devrait transpirer le bonheur et la détermination, comme tous les autres guerriers de son âge.

Mais ce n'était pas le cas.