Le roux te va si bien au teint ▬ feat. Eclat de Crépuscule - abandon

Nouvelle journée, nouvelle escapade pour Renard Rusé. Comme quasiment chaque jour depuis le décès de Nuage Gris, le jeune guerrier fuit le camp de la Rivière et tout ce qui lui rappelle douloureusement son frère disparu. Si le rouquin sait que ce comportement ne doit pas durer, il ne peut lutter contre le besoin de prendre ses distances, le besoin d'aller voir si l'herbe n'est pas plus verte ailleurs. Il ne compte pas quitter le Clan de la Rivière, c'est une certitude, mais il a besoin de s'aérer l'esprit, d'aller au-delà des frontières et de faire de nouvelles expériences. Cela durera le temps que ça devra durer, le deuil étant une chose très lourde à porter. Mais Renard Rusé sait que, quelque part, il ressortira grandit de cette expérience et que son cœur finira par cicatriser. Il doit seulement s'accorder le temps nécessaire pour pleurer son frère et enterrer leurs histoires folles, bien qu'ils vivront pour toujours dans son cœur.

Renard Rusé est parti à l'aube ce matin-là, bien décidé à ne croiser la route de personne. Pour éviter le garde de nuit, il se faufile dans les roseaux menant au petit coin et s'enfuit par une trouée connue par tous les filous de son espèce. Il a découvert cet endroit avec son frère, à l'époque, et il s'en sert désormais dès qu'il doit filer à l'anglaise. Le rouquin commence par un petit galop, afin de mettre une bonne distance entre lui et le camp – au cas où quelqu'un se promenerait aux abords – puis ralenti l'allure, préférant simplement trottiner le long de la rivière. La rosée perle encore sur les roseaux et les feuilles des buissons et, pourtant, les rayons du soleil sont déjà brûlant sur son pelage roux tigré. Une chaude journée s'annonce, un temps idéal pour pêcher. Alors Renard Rusé s'écarte du lit de la rivière, préférant ne pas laisser son odeur imprégner la rive. S'il pouvait éviter d'être démasqué par une patrouille ou des pêcheurs matinaux, ce serait mieux. Ses pas le guident finalement jusqu'aux Quatre Chênes, où se tiennent des Assemblées à chaque pleine lune. Renard Rusé n'a jamais eu l'occasion d'y participer, mais peut-être que cette lune-ci, il aura cette chance ? Après tout, les nouveaux guerriers sont censés y participer afin de se présenter aux autres Clans. Néanmoins, Renard Rusé a toujours rêvé y assister avec Nuage Gris … Chose qui ne se réalisera malheureusement jamais.

D'un pas léger, il descend la pente qui mène jusqu'à la clairière où s'élèvent les quatre arbres majestueux. Dire qu'en ces lieux s'est produit l'une des batailles les plus terribles de la forêt … Alors qu'un frisson dégringole le long de sa colonne vertébrale, le rouquin s'approche du rocher où, selon la tradition, les chefs grimpent pour s'adresser aux chats de la forêt. Pendant un instant, il tente de s'imaginer perché tout là-haut, son regard ambré surplombant une foule de chats venu de tous les Clans. Mais il secoue aussi la tête pour dissiper ces imagines brumeuses. Il y a bien peu de chance qu'il devienne chef un jour. En a-t-il seulement envie, d'ailleurs ? C'est bien trop de responsabilités pour trop peu de respect …

Une branche craque alors derrière son dos et, aussitôt, les poils de Renard Rusé se dresse le long de son échine. Sa voix s'élève aussitôt dans la clairière :

Qui va là ?!

Les Quatre Chênes ont beau être considérés comme territoire neutre, Renard Rusé sait pertinemment que cela ne parle pas à tous les chats. Certains ont tendance à sortir les griffes pour un oui ou pour un non, ce que le rouquin déplore sincèrement. En tout cas, si quelqu’un vient à l’attaquer, il n’hésitera pas à se défendre. Il ne compte pas donner le premier coup mais ça ne veut pas dire qu’il acceptera pour autant de se laisser frapper sans rien faire. Pour le reste, il n’aura qu’à plaider la légitime défense. Mais encore faut-il que bagarre il y a. Ce n’est pas parce qu’un chat semble être dans les parages qu’il est forcément animé de mauvaises intentions. Ça peut être, tout comme lui, un simple promeneur, ou un désireux de s’aérer l’esprit. Normalement, tout chat mettant la patte en ces lieux est tenu de respecter la trêve, mais en absence de pleine lune. Tout comme la Grotte de la Vie, les Quatre Chênes est une terre sacrée qu’il ne faut souiller par la rage et le sang.

Renard Rusé tombe finalement nez à nez avec une chatte rousse dont l’odeur de lapins lui permet de l’identifier aussitôt comme appartenant au Clan du Vent. D’abord méfiant, il se détend en se rendant compte qu’elle ne semble pas agressive pour deux sous. Elle a même l’air… ravie ? Le rouquin, surpris, recule néanmoins de quelques pas pour observer la chatte dans sa totalité. Elle a l’air jeune, peut-être dans la même tranche d’âge que lui. Son pelage entièrement roux fait ressortir ses yeux comme deux petites émeraudes scintillantes. Renard Rusé se doit d’être honnête : elle est plutôt mignonne. Rassuré par son attitude amicale, le rouquin relâche ses épaules et rentre les griffes. Inutile de se montrer agressif, elle ne semble pas lui vouloir le moindre mal. D’ailleurs, elle se présente sans qu’il n’ait besoin de lui demander. Éclat de Crépuscule, donc. Du Clan du Vent comme son odeur le laisse deviner. Des voisins qu’il a l’habitude d’apercevoir sur la lande, lorsqu’il longe les gorges où s’écoulent des eaux noires et tumultueuses. Une frontière naturelle que les chats se gardent bien de franchir !

Enchanté Éclat de Crépuscule. Moi c’est Renard Rusé, du Clan de la Rivière.

Il s’assoit, enroulant sa queue autour de ses pattes avants. Il hume alors l’air, s’assurant que personne d’autre ne traîne dans les parages. Mais le vent porte seulement une odeur d’écureuil en provenance de la forêt. Tout porte à croire que les rouquins sont donc seuls. Ce qui n’est pas plus mal dans un sens, comme ça ils n’ont pas à se justifier si l’un de leurs camarades passent dans le coin. Avec un peu de chance, personne ne viendra mettre les pattes par ici avant qu’ils ne rentrent. Ce qui arrangerait grandement le jeune matou qui préférerait éviter un interrogatoire musclé de la part de son Clan. Pas qu’il ait quoi que ce soit à cacher, mais il n’a vraiment pas la tête à ça. Il préfère de loin questionner la jeune chatte qui vient tout juste de le rejoindre :

Le Clan du Vent, hein ? La chasse est bonne ? Vous êtes naturellement si maigres qu’il est difficile de savoir quand vous êtes bien nourris ou pas !

Les chats de la lande sont les plus fins de la forêt. Taillés pour la course et la vitesse, il leur faut être légers pour courser les lapins dans les plaines. Contrairement aux chats de la Rivière qui connaissent rarement la disette grâce à leur source principale de nourriture : les poissons. Été comme hiver, ils en trouvent toujours nageant dans le lit de la rivière. En période de sécheresse, néanmoins, c’est une autre histoire. Renard Rusé n’en a jamais connu et, pour la prospérité de son Clan, espère ne jamais en connaître.

En toute honnêteté, Renard Rusé ne pensait sincèrement pas à mal en parlant de la maigreur naturelle des chats du Clan du Vent. C'est un fait avéré, mais cela ne sous-entend pas que ce sont des faiblards pour autant. Pourtant, c'est visiblement ainsi que l'a compris Éclat de Crépuscule, à en juger par la mine renfrognée qui accueille les banalités du rouquin. Ce dernier affiche d'ailleurs un visage étonné, ne s'attendant vraiment pas à ce que la chatte réagisse de la sorte. Quelle susceptibilité ! La voilà maintenant qui le toise d'un air de défi, comme si elle était prête à lui prouver que leur maigreur ne les empêchait pas d'être de bons guerriers. Si Renard Rusé sent ses poils se redresser sur son échine, dans un réflexe naturel qu'il ne sait pas contrôler, il reste néanmoins statique. Il ne veut vraiment pas provoquer de bagarre, surtout pas ici, surtout pas maintenant. Si le Clan de la Rivière apprend qu'il s'aventure au-delà de leurs terres pour se crêper le chignon avec d'autres chats, il ne donne pas cher de sa peau. Pas que Renard Rusé craint d'être rappeler à l'ordre – ça ne sera pas la première fois – mais il n'a vraiment pas à la tête à ça. Il n'aspire qu'à la tranquillité, afin de faire son deuil sans qu'on ne lui court sur le haricot. D'ailleurs, si les choses s’enveniment avec la guerrière du Clan du Vent, il préférera mettre un terme à leur discussion. Son but n'est pas de se disputer, alors s'il peut éviter le conflit, il le fera sans hésiter.

Nous allons très bien, merci de t'inquiéter pour nous. Mais merci pour cette remarque d'une constructivité incroyable.

Renard Rusé lève les yeux au ciel. Quel caractère ! A croire que le Clan du Vent a des raisons de protéger son égo. Ont-ils des choses à cacher ? Dit-elle vraiment la vérité ? Après tout, les chats de la lande ont toujours été les moins nourri. Les lapins ne sont pas si faciles à attraper, les plus petites proies sont rares et les oiseaux ne se laissent pas aisément voler dans les plumes. C'est à se demander comment ils peuvent se contenter d'un terrain de chasse si peu giboyeux. Néanmoins, Renard Rusé préfère garder ses réflexions pour lui. Visiblement, Éclat de Crépuscule n'apprécie pas forcément que l'on parle de cela. De toute façon, ce n'est pas comme si ça le concerne. Lui, il a toujours l'estomac rempli et cela se voit : son ventre, sans être aussi dodu que celui d'un chat domestique, ne laisse pas apparaître des côtes saillantes. L'avantage du Clan de la Rivière, c'est que ses chats peuvent se nourrir convenablement même en hiver. Ce à quoi les autres clans ne peuvent pas toujours prétendre.

Tu es ici pour admirer les lieux, ou bien pour chercher des chats avec qui parler ?
Ni l'un, ni l'autre.

Renard Rusé réalise que trop tard que sa réponse est bien trop personnelle. Il ne compte absolument pas parler de ses tourments à Éclat de Crépuscule. Elle n'a pas besoin de savoir que son Clan a récemment perdu un apprenti. D'autant plus qu'il ne veut en aucun cas s'attirer sa pitié. Il a déjà assez des regards peinés et des paroles encourageantes que son Clan juge bon de lui lancer dès qu'il croise leur chemin. Qu'importe ce qu'ils disent tous, sa peine demeure la même. C'est déjà suffisamment difficile de supporter l'absence de son frère pour ne pas, qu'en plus, un regard ou un mot lui rappelle cette horrible fatalité. Ne voulant absolument pas dire la vérité, mais par un effort d'honnêteté, le rouquin tente de s'en sortir avec une petite pirouette :

Disons que j'ai besoin de mettre un peu de distance avec mon Clan, récemment. Ca me fait du bien d'être tout seul. Et toi ? Tu viens souvent ici ?

Renard Rusé sait de on-dit que certains chats traînent aux Quatre Chênes dans le but de discuter en toute tranquillité avec leurs voisins. Chose que beaucoup n'acceptent pas : il y a seulement pendant les trêves des Assemblées qu'il est permit de converser avec les autres chats sans aucune animosité. Mais le rouquin n'est pas de cet avis : pourquoi ne peuvent-ils pas être amis en temps de paix ? Tant que tout le monde respecte les frontières et qu'aucun gibier n'est dérobé, pourquoi entretenir une haine pour les autres Clans ? Il n'a lui-même absolument rien à reprocher au Clan du Vent – les batailles qu'il y a pu avoir entre la Rivière et le Vent ne le concernent pas, et datent même d'avant sa naissance. Entretenir une vieille rancune pour leurs voisins est une véritable perte de temps. Autant se montrer amical et poli, chacun aurait bien plus à y gagner.

Il suffit à Renard Rusé de croiser le regard d'Eclat du Crépuscule pour comprendre que sa pirouette n'a pas fait mouche. La guerrière se doute qu'il ne dit pas tout, mais le rouquin ne compte pas s'étaler davantage sur le sujet. Il n'est pas venu jusqu'ici pour pleurnicher auprès d'une guerrière rivale. Le jeune chat a une fierté, suffisamment grosse pour retenir ses larmes dans ses yeux et sa peine au fin fond de ses entrailles. Peut-être aurait-il craqué auprès de Nuage du Printemps. Mais là, c'est différent. Il ne connaît pas la rouquine, il est donc hors de question qu'il lui montre la moindre faiblesse. Pas qu'il craigne qu'elle s'en serve contre lui, mais Renard Rusé a ce besoin d'être perçu comme quelqu'un de fort, de solide. Pas comme un être trop sensible à la recherche de réconfort. D'autant plus que son but premier est de s'aérer la tête, de vider son esprit de sa douleur et de sa tristesse, pas de remuer le couteau dans la plaie encore et encore. C'est pourquoi il dirige la discussion vers Eclat du Crépuscule. Si ça ne le dérange absolument pas de parler de lui – bien au contraire – il refuse d'aborder ce sujet particulier. Alors autant diriger la conversation dans une autre direction et laisser ses mauvaises pensées derrière lui.

Oh, j'ai toujours aimé discuté avec les autres, et rencontrer des inconnus permet d'apprendre de nouvelles cultures.

De nouvelles cultures ? Il est vrai que, bien que les Clans fonctionnent plus ou moins de la même façon, chacun d'entre eux possèdent des mœurs propres. Les chats du Clan de la Rivière, par exemple, aiment garnir leur nid de plumes ou de coquillages. Or, ce n'est pas le cas des autres. Et cette simple constatation rend soudain le rouquin très curieux vis à vis des us et coutumes des autres Clans. Après tout, il n'a jamais mit les pieds chez ses rivaux, et encore moins dans leur camp. Tout ce qu'il sait des trois autres tribus, c'est ce qu'il en a entendu et le peu qu'il a pu en voir depuis les frontières. Désormais, Renard Rusé se demande bien comment les autres Clans pensent et ressentent, s'ils sont si différents de lui ou pas. Néanmoins, il n'a pas le temps de questionner Eclat du Crépuscule concernant le Clan du Vent que celle-ci enchaîne déjà :

Tu as un apprenti ? J'aimerai beaucoup en avoir un.

Drôle de question, à laquelle le jeune guerrier ne s'attendait pas. S'il avait un apprenti, il ne perdrait sûrement pas son temps ici – il serait auprès de lui pour lui apprendre tout ce que Belle-de-Nuit lui a transmit lors de son propre apprentissage. Cependant, le mentorat, ce n'est pas pour tout de suite. Renard Rusé est encore trop jeune, et pas apte à gérer un jeune chat. Son baptême remonte à quelques jours à peine, jamais Etoile d'Or ne prendrait le risque de lui confier un jeune si tôt – surtout pas avec la réputation qui le précède. Son tour viendra sûrement un jour mais, pour l'heure, il n'est pas si pressé que cela. Il est enfin libre de pouvoir faire à peu près ce qu'il veut en temps que guerrier, alors s'enchaîner si tôt avec un apprenti ne fait pas parti de ses plans. Néanmoins, il comprend le sentiment d'Eclat du Crépuscule. Il est vrai que l'idée de former un jeune chat pour faire de lui un guerrier dont le Clan sera fier est très agréable. Mais tout cela paraît bien plus compliqué que ça en a l'air. Renard Rusé sait d'expérience que certains apprentis ne sont pas faciles, lui-même en est la preuve vivante. C'est à se demander comment Belle-de-Nuit n'en a pas perdu des poils !

Pas encore non. Je suis guerrier depuis peu, ce serait une mauvaise idée ! Mais ça viendra sûrement. Un jour.

Lorsqu'il aura prit un peu de maturité, et qu'on ne le traitera plus comme un chaton. Mais que le temps passe tranquillement, Renard Rusé est patient. Pour le moment, le Clan attend de lui qu'il agisse comme un bon guerrier, pas qu'il soit un mentor. Alors il se contente de cela, qui est déjà une certaine responsabilité, mine de rien. Tout est plus simple lorsque l'on est apprenti, on se contente d'obéir à son mentor mais une fois guerrier, il est important de prendre ses responsabilités pour décider des meilleures choses à faire. Des décisions importantes qu'il faut savoir prendre au bon moment. Bref, un programme plus difficile, mais plus intéressant aussi.

Dis, tu accepterais de m'en dire plus sur ton Clan ? Du moins, sur vos coutumes ? Je ne le connais que par les on-dits, je suis curieux de connaître un point de vu intérieur.