Pluie de printemps ▬ libre - abandon

Le soleil est levé depuis un moment déjà et, pourtant, il fait sombre dans le camp – la faute aux nuages gris qui ont envahi le ciel. Chargés de pluie, il menace d'arroser la lande à tout instant. Pourtant, Nuage de Rainette ne compte pas se départir de ses tâches malgré l'orage à venir. Appliquée, elle traîne les litières sales des anciens hors du camp, tout en demeurant à proximité. Depuis la bataille avec le Clan de l'Ombre, la jeune apprentie ne prend pas le risque de trop s'éloigner seule. Alors elle demeure aux abords de la combe, s'assurant de toujours rester à porter de cri. D'ailleurs, ses yeux émeraudes balaient les environs à la moindre occasion, veillant farouchement sur le camp portant encore les marques de la guerre. Chassant ces images sombres de sa tête d'un battement de cil, Nuage de Rainette se hâte de se débarrasser de la litière sale et de rapporter de la mousse propre avant qu'il ne se mette à pleuvoir. Les anciens n'apprécieraient pas avoir à se coucher sur quelque chose d'humide. Heureusement, elle parvient à terminer son travail sans que quoi que ce soit ne la dérange. Fière de son œuvre, elle contemple quelques instants les litières propres avant de quitter les vétérans, consciente qu'ils apprécient le calme de leur antre.

Mais à peine a-t-elle mit son museau dehors qu'une goutte de pluie s'écrase entre ses deux yeux. Surprise, elle sursaute et lève les yeux au ciel. Comme prévue, les nuages relâchent leur chargement sur la lande et, en l'espace de quelques secondes, la pluie a déjà redoublé d'intensité. Il n'en faut pas plus à Nuage de Rainette pour détaler comme un lapin effrayé, hoquetant de surprise dans sa course quand un éclair vient fendre le ciel, éclatant au dessus de sa tête. C'est trempée comme une souche et le cœur battant la chamade dans sa poitrine que la jeune apprentie entre dans l'ancien terrier de blaireau qui sert de tanière aux novices en cas d'intempéries. Hors de question de dormir à la belle étoile sous cette pluie diluvienne. Transie jusqu'aux os, Nuage de Rainette rejoint sa litière en s'ébrouant, projetant des gouttelettes glacées sur les paroies de la tanière. La petite chatte tricolore se laisse alors tomber sur son nid, soudain las, décidée à se sécher afin de s'endormir. A moins que quelqu'un ne vienne lui faire la conversation, il est certain que Nuage de Rainette ne tardera pas à s'endormir.

Encore une drôle de matinée qui s'annonce pour les apprentis du Clan du Vent. C'est que depuis la bataille contre le Clan de l'Ombre, ils sont obligés de redoubler d'efforts afin de tout remettre en ordre. C'est à ce moment-là que tous sans doute se soulagent de dormir à la belle étoile une grande partie de l'année : pas de tanière à reconstruire ! Seule la pouponnière a nécessité quelques travaux, car saccagée par les affreux des marais. S'en prendre à la pouponnière, quelle honte quand même...

Mais ce n'est pas seulement les diverses tâches qui rendent la matinée si particulière. En effet, une ambiance singulière règne aujourd'hui. Il semble que l'air soit devenu lourd, pesant. Et alors que durant les jours précédents il était accueilli par le soleil à son réveil, Nuage d'Épervier s'étonne à présent de découvrir un ciel voilé de gros nuages gris. Il soupire. Au moins, sa patte boiteuse le sauve d'une patrouille : disons que l'idée d'être surpris par l'averse au beau milieu d'une lande connue pour être à découvert n'enchanterait personne. Dépité, mais néanmoins décidé à remplir ses tâches de novice pour -il l'espère- l'une des dernières fois, le fils du lieutenant s'élance en boitant en direction de la pouponnière. Là, il trouve sans surprise Doux Alizé et ses petits, qu'il salue vaguement avant de se mettre au travail.

Lorsque l'orage éclate, il ne pardonne pas. Il suffit de quelques secondes pour que la pluie s'abatte sur le Camp. Nuage d'Épervier félicite intérieurement le Clan d'avoir réussi à reconstruire la pouponnière à temps, car elle offre à la reine et à ses jeunes enfants une protection non négligeable. A l'étroit dans la tanière, le mâle aux yeux jaunes ne s'attarde pas et fuit rapidement l'antre chaleureux pour libérer de la place. Détalant sous la pluie, il se réfugie dans l'antre des novices, haletant. Là, il ne trouve que Nuage de Rainette, bientôt installée dans sa litière. Il sourit, songeant à tous ses camarades partis à l'entraînement ou en patrouille et qui doivent déjà être détrempés à l'heure qu'il est.

« Salut Nuage de Rainette. » dit-il en s'enfonçant dans l'ancien terrier jusqu'à sa propre litière. « Ah, je vois que tu n'as pas pu échapper à la pluie. Ça va ? » en constatant que la tricolore se toilette.

S'il se montre si avenant avec sa cadette, c'est parce qu'il se souvient lui avoir parlé alors qu'elle n'était encore qu'une chatonne en plein questionnement sur son orientation. Il se réjouit de partager la tanière avec elle; aider ses compagnons de Clan n'est jamais un souci pour lui.

HRP:

Les yeux mi-clos, déjà à moitié endormie, Nuage de Rainette passe et repasse sa langue inlassablement sur ses flancs détrempés, décidée à se sécher avant de sombrer pour de bon. Elle risque de tomber malade si elle s'endort avec le pelage encore humide, et la jeune chatte ne tient pas vraiment à séjourner dans la tanière du guérisseur. Alors elle lutte difficilement contre la fatigue, clignant des yeux pour ne pas céder à la tentation de les fermer pour de bon, remuant parfois les pattes pour réveiller son corps et ses muscles. Néanmoins, elle a beau se toiletter avec application, elle a l'impression qu'elle n'arrivera jamais à se sécher complètement, malgré toute sa bonne volonté. Si elle n'abandonne pas pour autant, c'est uniquement pour se donner bonne conscience et mettre toutes les chances de son côté pour empêcher la maladie de se frayer un chemin jusqu'à elle. Nuage de Rainette sait qu'un rhume est bénin du moment qu'il est bien traité mais elle ne veut absolument pas prendre le risque d'attraper le moindre microbe. C'est forte de ce chemin de pensée qu'elle s'attaque à ses pattes avants, rendues boueuses par sa cavalcade jusqu'à la tanière.

C'est alors que quelqu'un se glisse dans la tanière des apprentis. Nuage de Rainette reconnaît aussitôt Nuage d'Epervier, l'un de ses aînés qui a su la conseiller pendant ses périodes de doute. S'il est assez vieux pour un apprenti, c'est parce que le jeune mâle a été convalescent pendant quelques semaines, ralentissant considérablement ses entraînements. Mais ce n'est plus qu'une question de temps avant qu'il ne soit baptisé – du moins, c'est ce que pense la jeune chatte. Nuage d'Epervier est un matou loyal, sympathique et intègre : il mérite de devenir un guerrier. Ravie de pouvoir passer un peu de temps en sa compagnie, Nuage de Rainette lève les yeux vers lui et ronronne un bienvenue.

Salut Nuage de Rainette. Ah, je vois que tu n'as pas pu échapper à la pluie. Ça va ?
Ca va, j'ai juste été surprise. Et toi ? Tu t'occupais de reconstruire la pouponnière, n'est-ce pas ?

Lors de la bataille opposant le Vent à l'Ombre, ces chats galeux des marais s'étaient attaqués au foyer des reines et des chatons sans le moindre scrupules. Quand elle y repense, Nuage de Rainette ne peut s'empêcher de frissonner d'horreur. Elle se souvient de la peur qui a remué ses entrailles lorsque des griffes ennemies sont venues détruire les parois de la pouponnière, elle se souvient des cris de la bataille résonnant dans la combe. Nuage de Rainette n'était encore qu'un chaton, presque une apprentie certes, mais encore inconsciente de l'horreur d'une guerre. Cette réalisation soudaine et sauvage l'a profondément marqué. Il lui arrive encore de cauchemarder de cette nuit affreuse. Et chaque soir, elle prie pour qu'un tel événement ne se reproduise jamais.

Je n'arrive toujours pas à croire ce qui est arrivé. Comment le Clan de l'Ombre a pu être aussi sournois ?!