Night City | pv isil - abandon

Je m'arrête un instant juste pour m'assoir.
Je lève ma patte pour donner de grands coups de langue sur mes coussinets qui pulsent et qui brûlent. ( Comme si ça allait changer quelque chose ).
Le bitume de la ville les a fendus à force de marcher et marcher et marcher, pour passer de la lumière sale des lampadaires aux sacs poubelles qui puent et qui suintent un jus qui vous colle aux pattes et à la peau, et l'odeur, elle part pas, elle vous lâche pas et maintenant j'ai mal aux pattes, ça fait mal à chaque pas.

Je suis plus habitué à marcher autant et à aller à la ville. Le sol de la lande est sec, mais pas blessant comme ici. L'herbe haute est douce sous les pattes. Rusty est bon chasseur. Si je veux, je peux passer des journées entières à dormir et à manger sans même avoir à bouger de chez moi.

Toute cette facilité de vivre ça ramollit. ( Ça rend faible peut-être aussi. )
( Je suis devenu faible ? )

Je pose ma patte, je passe à la deuxième, celle-là saigne. Ça fait un goût sucré dans la gueule.
J'oublie pas que je suis là pour un but : trouver un sac de croquettes. J'ai promis à Rusty.

Je suis venu la nuit à cause que je préfère la nuit. Moins de voitures, moins d'humains, moins de danger moins de bruit. Mais y'a les lampadaires qui vomissent des flaques de lumières jaunes sur le trottoir et ça me fait mal aux yeux.

J'espère que les petits chats domestiques sont pas tous enfermés dans leurs maisons le soir.A cause que sinon, ils ratent un putain de truc.
Le soir c'est le meilleur moment pour sortir profiter de la ville quand elle est plus aux humains.

Oi !

Fini la toilette, je claudique jusqu'à une ombre qui bouge en espérant que ça soit un chat comme ça je peux avoir mon sac de croquettes, me barrer d'ici et rentrer chez moi.

T'aurais pas un sac de croquettes ? Tu sais un avec celles de toutes les couleurs !

Spoiler:

Bonne nouvelle : la silhouette est un chat et l'ombre parle. Je me dirige à grandes enjambées dans sa direxion et je sens comme une tension, ( c'est très bref, comme une corde qui se tend quand vous tirez dessus ), un éclair de peur et un instinct de fuite qui pulse.
Instinctivement j'accélère pour l'empêcher de partir et de me laisser en plan, à parler seul à la nuit comme un con.

- Vous… vous voulez d… des croquettes ?

Je me penche en avant à cause que je suis pas sûr d'avoir bien entendu. C'est une petite voix qui souffle des mots et qui parle pas fort.

— Ouais. je dis. C'est exactement ce que j'viens de dire.

Il ( elle, c'est une fille ) a pas l'air bien maligne avec ses grands yeux qui fuient mon regard et avec ses questionnements qui répètent mes phrases mais c'est pas grave, elle a pas besoin d'être un génie, juste d'avoir une maison et de la bouffe.

T'es un chat domestique non ? T'as bien un humain qui te nourrit hein ?

Je dis ça comme si je le savais pas je suis pas sûr. Je la regarde mieux maintenant : la lumière jaune me montre qu'elle est fine, presque maigre. Par endroits je vois sa peau d'un rose qui m'a l'air trop pâle ( un rose maladif comme celui du Fantôme avec ses yeux rouges son pelage blanc et sa tumeur sur la pa- ) et je vois aussi qu'elle a des cicatrices comme moi, alors peut-être comme moi elle a pas d'humain pour s'occuper d'elle, elle a rien qu'elle pour s'occuper d'elle.

T'as juste à m’amener chez toi, je prends un sac et je me casse.

Je lui laisse pas le temps de dire "non" ou de dire "j'ai pas d'humain" ou je sais pas quelle excuse. Je passe ma patte autour de ses épaules, je grimace au passage à cause que j'ai oublié que j'avais mal, pour l’entraîner faire un bout de chemin.

T'appelles comment au fait ?