THE BEAUTY AND THE KNIGHT -end

À présent que l'Assemblée était finie et la tribu des lunars pods vaincue, la forêt semblait reprendre son souffle. Étrangement, ils étaient tous - ou presque - morts là-bas, comme leur lune adorée n'avait pas su les protéger dans cet endroit où les quatre clans vénéraient normalement leurs étoiles par une assemblée paisible. Alors, Chant d'Alouette profitait de cette période de paix qui ne durerait pas. L'Histoire l'avait bien démontrée, les clans ne restaient jamais bien longtemps sereins ; une épée de damoclès pesait lourdement au-dessus de leurs têtes. Des ragots inquiétants commençaient d'ailleurs déjà à leur parvenir, insinuant par exemple que les chefs respectifs du clan de la Rivière et du Vent perdaient petit à petit la tête.

Le matin était déjà bien entamé et la tanière des guerriers se trouvait dorénavant en plein soleil ; forcée d'interrompre sa grasse matinée, la minette brune et or lissa une mèche rebelle d'un coup de langue avant de s'extirper de l'endroit.

—Bonjour, mademoiselle Alouette. Vous ne patrouillez pas aujourd'hui ? C'est une très belle journée.

Allons bon.
Elle partait chercher une proie sur le tas bien rempli lorsqu'un petit félin, gris rayé de noir, l'interrompit. Le gamin affichait un air hautement courtois, ce qui alerta aussitôt la femelle. Après tout, les chatons n'affichaient-ils pas cette expression mielleuse que pour obtenir un avantage ou préparer un mauvais coup ? Et voilà qu'elle se retrouvait nourrice d'un gamin turbulent dont elle ne parvenait même pas à se rappeler le nom.

Chant d'Alouette tourna la tête de gauche à droite pour trouver la mère qui n'avait pas su retenir son garnement. Personne.

— Si vous avez besoin que je vous rende un service, n'hésitez pas ! Vous pouvez compter sur moi !

Son regard froid se reposa sur l'enfant. Le gamin parlait d'un ton étonnamment mature, proposant ses services à la femelle étonnée. Depuis quand les chatons s'occupaient d'autre chose que de manger et de jouer ?
Ah mon coco, si tu savais comme t'as de la chance. L'innocence et la tranquillité des chatons, voilà deux choses qui lui manquaient.

— À part si tu veux me tenir la patte quand je mange, j'vois pas.

Elle continua sa route vers le tas de gibier, comme si le félin venait tout juste de disparaître. Puis, parce qu'il était quand même un phénomène ;

— Sinon petit, t'as déjà goûté la chaire d'une souris ?

Il la regarda avec de grands yeux, l'air un peu benêt. Un tout petit sourire étira le haut des babines de la reine brune et dorée ; elle ne pouvait pas s'empêcher de trouver les chatons craquants, avec leurs membres miniatures et leur air de découverte perpétuelle de la vie.
Mais pour autant, ils n'en étaient moins casse-patte. Chant d'Alouette ne savait pas si elle devait regretter sa proposition cachée ou non, mais puisqu'elle n'avait rien à faire ...

- Pourquoi ? A mon âge, les chatons devraient s'y mettre ?

- Tu vas pas téter toute ta vie.

A vue de nez, le félin allait doucement sur sa quatrième lune. Et pour la grande majorité des femelles, c'était vers cet âge-ci que le lait commençait à se tarir. Il faudrait que le chaton s'habitue doucement au goût de la viande sans quoi le choc risquerait d'être assez dur.
Mais qui était sa mère, au nom du clan des étoiles ?

- Non, je veux dire, je n'y ai jamais goûté … Je n'en ai pas l'âge. Ça a quel goût ?

Ahaha merci, elle n'avait pas comprit. Ses oreilles se couchèrent quelques menues secondes sur son crâne, tic d'agacement.
Le regard toujours froid, Chant d'Alouette s'approcha du chaton. D'une patte, elle lui envoya une pichenette sur le torse.

- Et tu as quel âge, toi, petit ? Petit comment, d'ailleurs ?

Elle n'attendit pas la réponse pour chaton pour faire volte-face, mais l'invita à la suivre d'un geste de la queue.
Heureusement pour elle, la tas de gibier était toujours aussi plein et varier en belle saison. Ce saisissant d'une souris bien fraiche, elle s'éloigna de nouveau, dans un coin plus calme. L'animal n'avait pas un goût trop prononcé et était encore ben tendre ... l'idéal pour une première fois.

- Il faut s'habituer doucement au goût de la viande, tu comprends ? C'est très différent du lait. Je t'en passe un petit bout ?

Le petit ne semblait pas rassuré, tournant la tête tantôt à droite, tantôt à gauche, pour s'assurer que sa mère n'était pas dans les parages. Chant d'Alouette ne s'intéressa que moyennement au manège du petit félin, découpant à l'aide de ses crocs un premier morceau de viande. N'ayant pas mangé depuis la veille au soir, son ventre gargouillait trop pour qu'elle se permette d'attendre le félin sombre.

— Je ne sais pas si c'est bien de faire ça … Ma maman m'a interdit ...

La guerrière d'or termina son morceau, prenant bien le temps de mâcher la viande pour éviter l'indigestion. Une fois que ce fut fait, elle lui retourna des pupilles un peu moins froides et un peu plus attendries.
Elle semblait s'être fourvoyé au sujet du petit. Non seulement elle n'avait pas la pire des petites crapules possibles en face d'elle, mais au contraire, il lui semblait maintenant être l'un des plus obéissants qu'elle n'est jamais vus.

— C'est bien d'écouter ta maman... À ton âge, un tout petit morceau n'est pas mauvais, mais si tu ne veux pas, je comprend.

Chant d'Alouette reprit un morceau de viande sur la carcasse à présent semi-entamée de la souris, l'enfant dont elle ne connaissait toujours pas le nom à ses côtés.
Par certains aspects, notamment le respect des règles que sa mère lui imposait, il lui faisait penser à Poils de Suie, son fils unique. Avec un poil plus sombre, un langage plus "moyenâgeux" et surtout ses quatre pattes en état de marche.

— Mademoiselle Alouette … Vous avez déjà eu des enfants, un jour ? Elle haussa un sourcil, sans comprendre pourquoi le félin lui posait une telle question. Ce serait pas si étonnant, si je peux me permettre … Vous êtes une très jolie guerrière ! Sinon, moi je m'appelle Petit Ouragan.

Chant d'Alouette ne sût quoi répondre, interloquée par la flatterie du petit chat. Même ses mâchoires s'étaient arrêtées de broyer la chair de souris. Elle se reprit bien vite, avalant sa pitance avant de laisser échapper un fin rire ; Petit Ouragan, elle n'était pas prête de l'oublier, celui-là.

— J'ai un fils unique, Poils de Suie. Tu vois qui c'est ?

Son regard devient sérieux ; pas froid, juste sérieux. Maintenant que l'opinion qu'elle avait du chaton était meilleure, qu'elle ne le voyait plus comme une tête de souris ambulante, le moment était venu de lui parler de Suie.
Elle ne connaissait pas la mère de l'enfant, sinon de nom, et n'avait aucune idée des valeurs que celle-ci transmettait à son fils ; néanmoins, en temps qu'aîné du chaton, Chant d'Alouette avait tout à fait le droit de transmettre elle aussi les valeurs qui lui étaient chère ; tolérance et respect de l'autre.

— Comme il avait déformation de naissance, beaucoup ont voulut décider qu'il ne survivrait même pas. Et aujourd'hui il est guerrier. Alors oui, il a besoin d'aide et n'est pas le plus puissant, mais tu comprends ce que ça veut dire ? N'importe qui peut être utile pour le clan de l'ombre ! T'en pense quoi, toi ?

The Beauty and the Knight ♫

Sa flatterie toucherait-elle la jolie guerrière ? Il pensait grandement ce qu'il disait, il la trouvait charmante et puis il ne serait guère étonné d'apprendre qu'elle avait été mère, un jour, elle aussi. Victorieux, il sentit les prunelles bleutées de la femelle se poser sur lui, un peu plus attendries. La glace semblait fondre au fur et à mesure. Génial ! Il sourit innocemment, ses prunelles de glace plongées dans les siennes, attendant patiemment sa réponse.

« C'est bien d'écouter ta maman … A ton âge, un tout petit morceau n'est pas mauvais, mais si tu ne veux pas, je comprends. »

Elle était en train de découper un petit morceau de viande, se délectant de la saveur de la souris comme si ce n'était pas la première fois qu'elle le faisait. Enfin, en même temps ce n'était sûrement pas la première fois qu'elle en mangeait ! Petit Ouragan la vit manger, se repaître, tandis que lui, tiraillé entre l'obéissance et l'envie de grandir, réfléchissait à ce qu'il allait bien pouvoir faire dans les minutes à venir. En tout cas, il avait hâte d'atteindre les six lunes pour pouvoir manger de la souris en compagnie de Chant d'Alouette. Ce serait trop bien. En tête à tête. Comme de vrais guerriers.

Quant à la question la concernant, la chatte brun dorée haussa un sourcil. Elle avala son morceau de viande puis laissa échapper un léger rire. Gagné. Le fils de Fierté du Renard venait de remporter sa première bataille, à savoir celle d'avoir fait rire son aînée. Ses prunelles bleues posées dans les siennes, il se raccrocha à ses babines, désespérément, il avait vraiment hâte de connaître la réponse de son petit interrogatoire improvisé. Accepterait-elle de lui donner des informations sans se parer d'un masque de froideur ? Le chaton noir voulait apprendre à connaître sa supérieure. Il n'avait pas tellement envie de se taper contre un mur de glace.

« J'ai un fils unique, Poils de Suie. Tu vois qui c'est ? »

Poils de Suie, Poils de Suie … Non, pas tellement. Il y avait tellement de guerriers dans le camp, Petit Ouragan peinait encore à mémoriser tous les noms. Mais un jour cela viendrait. Quand il serait apprenti. Et plus encore. Ses épaules se soulevèrent légèrement. La guerrière reprit sur un air sérieux :

« Comme il avait déformation de naissance, beaucoup ont voulut décider qu'il ne survivrait même pas. Et aujourd'hui il est guerrier. Alors oui, il a besoin d'aide et n'est pas le plus puissant, mais tu comprends ce que ça veut dire ? N'importe qui peut être utile pour le clan de l'ombre ! T'en pense quoi, toi ? »

Il baissa doucement ses oreilles sur les côtés, peiné par le récit de la femelle tigrée. Vraiment ? Le Clan de l'Ombre avait osé sous-estimer la valeur de l'un de ses guerriers ? Il n'en croyait pas ses oreilles ! A la place de ces guerriers, le chaton noir aurait encouragé le fils de Chant d'Alouette à se surpasser. Ce n'était pas tant l'envie de jouer au fayot qui lui plaisait mais il ne pouvait aller à l'encontre de ses pensées ; il était d'accord avec la pensée de l'Ombreuse et ressentait encore de la surprise à l'idée que son jugement ait une quelconque importance pour cette dernière. Posément, il soupira :

« Je pense que le Clan de l'Ombre ne devrait pas juger la valeur de ses guerriers à leur simple physique. C'est vrai qu'il n'aura peut-être jamais la même force physique que ses autres camarades mais je pense que n'importe quel chat peut trouver son utilité dans un groupe. Peu importe ses défauts. »

Ses ancêtres seraient sûrement d'accord avec lui. Depuis quand jugeait-on un guerrier à la simple efficacité de ses pattes ? Il y avait l'intelligence qui rentrait aussi en compte. Personnellement, le jeune mâle aimerait bien avoir la force et l'intelligence en même temps. Mais à force d'entraînements et d'enseignements, il pourrait peut-être parvenir à trouver un parfait équilibre entre ces deux facultés.

« Vous pourrez lui dire de ma part qu'il doit continuer ses efforts ? Un jour, peut-être, il sera le plus réputé des guerriers du Clan de l'Ombre. Et moi plus tard je le battrais ! »

Les moustaches frétillantes, Petit Ouragan laissa échapper un léger rire. Il venait de dévoiler au grand jour ses plus sombres projets : celui de devenir le plus doué des soldats de l'Ombre.

« Vous avez un rêve, Madame Alouette ? »

Une expression peinée apparu sur le visage du petit. Ses petites oreilles s'échouèrent chacune d'un côté de son crâne, son museau pointa le sol. Chant d'Alouette eut un petit geste d'effarement. Son but n'avait pas été de plomber le moral de l'enfant, juste de faire passer un message de tolérence ! Elle s'approcha un peu de Petit Ouragan en se dandinant, gênée. Si on les voyait ainsi, nul doute qu'une rumeur annonçant qu'elle avait fait pleurer un chaton se répandrait dans le campement. D'ailleurs, pourquoi cette réaction disproportionnée ? Était-il touché par le handicap de Poils de Suie ou par le manque de soutient qu'il avait reçu des guerriers ? Petit Ouragan ne semblait pas s'être aperçu de son trouble, puisqu'il répondit, un peu faiblement, plus songeur que triste. Chant d'Alouette regagna furtivement sa position initiale, s'assurant d'un coup d'œil à sa droite puis à sa gauche que personne ne l'avait vu.

- Je pense que le Clan de l'Ombre ne devrait pas juger la valeur de ses guerriers à leur simple physique. C'est vrai qu'il n'aura peut-être jamais la même force physique que ses autres camarades mais je pense que n'importe quel chat peut trouver son utilité dans un groupe. Peu importe ses défauts. 

Chant d'Alouette hocha la tête durant la prise de parole du petit, un sourire doux sur les babines. Elle l'encourageait ainsi à poursuivre son raisonnement. Le petit était sensé, parlait avec un calme et une sagesse très peu commune à cet âge-ci. Petit Ouragan restait néanmoins un chaton, et il eut tôt fait de repartir dans les questionnements habituels aux chatons.

- Tu es bien sûr de n'être qu'un chaton, toi ?, s'amusa l'alouette d'un souffle.

Si Petit Ouragan faisait tomber petit à petit les barrières de son indifférence, elle gardait une expression corporelle assez parlante ; ne m'approche pas trop.

- Vous pourrez lui dire de ma part qu'il doit continuer ses efforts ? Un jour, peut-être, il sera le plus réputé des guerriers du Clan de l'Ombre. Et moi plus tard je le battrais ! 
- Alors j'attends de voir ça !

Le cœur légé, la reine savoura la joie de vivre de son protégé d'un instant. Voilà pourquoi elle aimait tant les enfants ; ils étaient des créatures innocentes, pures, vivantes. Les jeunes étaient un vent de fraîcheur qui balayait les soucis.

- Vous avez un rêve, Madame Alouette ?

Ah, son rêve. Non, contrairement à une grande majorité de ses camarades de clan, la féline tigrée n'avait jamais eut de "rêve". Elle avait des espoirs, des envies, des joies... Mais quelque chose de si fort qu'un rêve, non, jamais. Ou plutôt si, mais un rêve si flou qu'elle n'avait jamais put le nommer précisément.

- Mm... pas vraiment. Être heureuse je dirais ? Finalement... peut-être que mon rêve c'est que ceux que j'aime réalisent leurs rêves... Chant d'Alouette marqua une pose, avant de reprendre à voie basse, pour elle-même. comme ça, ils sont heureux et moi aussi...

Relevant les yeux vers la jolie femelle tigrée, il surprit Chant d'Alouette à hocher doucement la tête, souriant doucement aux propos de son cadet. Son raisonnement semblait lui plaire, l'apaiser. Petit Ouragan contint beaucoup de fierté dans son poitrail, et ce sentiment ne s'en fit que plus puissant encore lorsqu'il entendit Chant d'Alouette remettre en cause sa condition de chaton, lui demandant s'il en était véritablement un. Chant du Lac avait tendance à dire que oui, il en était encore un, mais le chaton tigré se pensait déjà adulte en cet instant ! Prêt à raser la forêt à la recherche d'aventures et de prouesses ! Chant d'Alouette lui dit qu'elle n'attendait que de voir ça, quand il se fit la promesse de battre Poils de Suie afin de lui voler son titre de redoutable guerrier. La reine brun doré semblait avoir retrouvé de l'éclat, de la joie de vivre depuis leur début de conversation ; cette évolution des choses gâtait le cœur du chaton qui commençait à faire confiance à son caractère doux et à ses capacités à devenir un bon guerrier. Un bon guerrier, c'était aussi être capable de se faire aimer de tous. Même des reines de glace !

« Mm ... pas vraiment. Être heureuse je dirais ? Finalement ... peut-être que mon rêve c'est que ceux que j'aime réalisent leurs rêves ... comme ça, ils sont heureux et moi aussi ... »

Le fils de Fierté du Renard eut du mal à entendre la dernière prise de parole de Chant d'Alouette, était-ce important ? Curieux comme il était, il comptait bien lui demander, poliment, de réitérer sa réponse, parce qu'il n'en avait pas bien saisi la conclusion. En revanche, il avait bien entendu le début de sa réponse et apprécia grandement la générosité de la reine brun dorée. Elle ne voulait que le bonheur, et voir ceux qu'elle aimait réaliser leurs rêves. Petit Ouragan, enfantin, ne possédait de rêves qui ne le concernaient que lui ; mais le temps et l'expérience finiraient bien par lui faire comprendre que l'entourage comptait plus que les prouesses ou la guerre … Oui, il n'en doutait pas une seconde.

« Excusez-moi Madame Alouette … je n'ai pas très bien entendu la conclusion de votre réponse. Pourriez-vous répéter s'il vous plaît ? » s'enquit-il, avant de déclarer, tout beau, tout fier, le poitrail bombé et les prunelles bleu glace brillantes : « Moi je rêve d'être le meilleur guerrier du Clan de l'Ombre. Le plus réputé et le plus craint des soldats de cette forêt ! Un modèle pour les chatons de la pouponnière ! La terreur des grands malfrats ! Et je compte bien travailler durement quand je serais apprenti afin de voir mon rêve se réaliser. Vous pensez que j'ai une chance ? »

Il y avait, après tout, bien des apprentis et des chatons dans cette forêt à embrasser le même rêve que lui. Et s'il n'y arrivait pas ? Et si, finalement, il ne devenait qu'un simple guerrier quelconque et incapable d'obtenir un titre louable ? Sa vie serait assurément déprimante.

Maintenant qu'elle l'avait énoncé à voix haute, une impression étrange lui certifia qu'il s'agissait bel et bien de son rêve ; c'était comme un soulagement très bref de son cœur, une pause éphémère dans tous les questionnements avec lesquels elle se torturait. La reine d'or inspira à pleins poumons l'air du campement, s'amusant de voir le jeune chaton tortiller sur place à l'entente de la réponse qu'elle lui apportait ; il en avait l'air satisfait et elle semblait également lui apporter matière à réflexion puisque ses sourcils se fronçaient de nouveau. Il était en plein dans l'âge du Pourquoi traversé par tous les enfants un jour ou l'autre, ici ou à l'autre bout du monde (et peut-être que les bambins des autres espèces vivaient cette période également).

《 Excusez-moi Madame Alouette … je n'ai pas très bien entendu la conclusion de votre réponse. Pourriez-vous répéter s'il vous plaît ? 》 demanda le chaton.

De sa patte avant droite elle lui frotta le sommet du crâne, doucement, mélangeant et ébouriffant les poils qui s'y trouvaient. Puis elle reposa son membre au sol, observant son travail d'un air presque moqueur ; une petite houpette se dressa momentanément sur la tête de l'enfant, déjà prête à s'effondrer. 《C'est rien d'important, va.》 , le rassura-t-elle.

《 Moi je rêve d'être le meilleur guerrier du Clan de l'Ombre. Le plus réputé et le plus craint des soldats de cette forêt ! Un modèle pour les chatons de la pouponnière ! La terreur des grands malfrats ! Et je compte bien travailler durement quand je serais apprenti afin de voir mon rêve se réaliser. Vous pensez que j'ai une chance ? 》

Le meilleur parmi les guerriers, rien que cela. Les chatons avaient toujours autant de volontés et de rêves fous qu'à son époque, remarqua la femelle. Mais les enfants ne connaissaient rien de la dureté et des aléas de la vie, des murs qui se dressaient sur leurs chemins et des trous auxquels il fallait impérativement échapper. Tout comme ils ne savaient rien des trahisons et injustices qui pouvaient leur ravir un titre pourtant mérité.

Mais c'était pour cela qu'ils étaient tant aimés.

《Si tu le veux vraiment et que tu t'accroches à ton objectif, alors c'est possible. Mais ne te laisse pas aveugler par la vantardise, surtout ! Une couronne se gagne et se perd.》Elle lui indiqua la pouponnière, d'où une reine venait de sortir le bout du museau, l'appelant. 《Allez file rejoindre ta maman, futur grand guerrier.》

Alors qu'il la salua poliment avant de détaller, elle termina les morceaux de rongeur toujours présents entre ses pattes (pas de gâchis) et se leva, regagnant la tanière des guerriers où l'attendait son nid et une petite sieste digestive.

HRP: