Le coup fatidique [Ft Alpaga] - abandon

Son orgueil avait avalé une partie de la forêt. Comme on dit, la haine consume tout ce qu’elle attrape. Et sa colère avait frappé et atteint la vie de plusieurs. Il avait tué cette guerrière du clan du Tonnerre, Regard de Braise, par son égoïsme et sa soif de vengeance. Son irresponsabilité avait arraché la vie à une personne, l’arrachant elle-même à son clan, à sa famille, peut-être même à ses enfants et à son compagnon. Nuage Embrasé n’avait connu cette chatte que de nom, et pourtant celui-ci résonnait dans ses oreilles lorsqu’il tentait de s’endormir.

La mort de son père avait engendré la perte de beaucoup. Et de ce même fait, Crocs de Ronce était entrain de perdre Nuage Embrasé. Le matou se faisait de plus en plus distant, il quittait souvent le camp, avec Feulement ou tout seul, à la quête d’une activité pour se vider l’esprit. Il finissait souvent par passer sa haine sur les proies du territoire. La chaleur était immense, et chaque action le faisait souffrir. Le sol était brûlant, c’était comme marcher sur des cendres encore chaudes.

Cette journée là, il s’était réveillé tôt, et avait enchaîner les chasses et les missions. Besoin de mousse propre ? Il allait en chercher. Même si cette dernière était sèche et limite cramée, elle se rendrait utile. Cherchait-il à se rendre utile lui aussi ?

Après être revenu vers le zénith du soleil, il s’était rapidement reposé, faisant une courte toilette inutile sur son pelage emmêlé et sale. Son sous-poil abritait encore des traces de suie, témoin de son acte affreux. L’apprenti en était revenu noir, portant l’odeur du feu qu’il avait déclenché. Le peu de toilette qu’il avait tenté s’était résulté en un échec. Alors il trouva une excuse, une autre, pour expliquer son apparence et sa présence près du feu de forêt.

Les rumeurs parlant d’un chat noir de suie courraient dans le Clan du Tonnerre, et il ne faudrait sûrement pas attendre la prochaine pleine lune pour en entendre parler dans le Clan de l’Ombre, alors il s’était inventé une balade près du charnier, recouvert d’anciens dépôts noirs de crasses. Tout était faux, mais l’histoire tenait la route. Son odeur de cramé l’avait quitté pour être recouverte par celle du marécages, par lequel il avait tenté un bain de boue pour se nettoyer. Il était revenu dans un sale état, pouilleux et crade.

Alors, aujourd’hui, installé droit comme un piquet, il fixait le vide, réfléchissant à sa prochaine fuite de la journée, attendant que son corps se repose de lui-même. Les nuits étaient courtes, et la chaleur les rendaient compliquées. D’autant plus que depuis que son ami est devenu guerrier, Nuage Embrasé ne partage plus la litière de Laine d’Alpaga. Il se réjouissait pour son ami, mais son égoïsme lui tordait l’estomac. Il ne voulait pas rester avec Crocs de Ronce, il avait vu son regard lors du procès. Il avait autant peur d’elle qu’elle devait avoir peur de lui.

En parlant de son meilleur ami, ce dernier se tenait dans le camp, discutant avec son ancien mentor. Nuage Embrasé soupira longuement, lorsqu’il croisa le regard de ce dernier. Il lui adressa un lent signe de tête, le saluant avec respect et complicité. Et pourtant, la lueur sombre qui couvrait les yeux du rouquin faisait froid dans le dos.