Here comes the Sun ~ ft Soleil - end

Je n’avais plus que la peau sur les os. Je croyais au lendemain. J’y ai toujours crus. Jusqu’à aujourd’hui. J’ai arrêté de manger ce que les bipèdes me donnaient depuis qu’ils m’avaient enlevé mes petits. Les premiers jours, je les cherchais, les appelaient, mes deux petites boules de poils. Ils aimaient me faire peur, et partir jouer à cache cache. Mais cette partie à duré trop longtemps. Plus le temps passait, plus je cherchais un moyen de fuir de ce nid avec mes enfants. A trois lunes ils étaient assez grand pour voyager ! Mais il y eu ce jour… Je dormais et d’un seul coup je ne les retrouvais plus. Il y avait leur odeur partout et pourtant elle était si… ancienne. Je me souviens de ce jour là. J’ai miaulé sur les bipèdes le plus fort que je le pouvais. Où sont mes bébés ! Dites-moi ce que vous avez fait d’eux ! Si je le pouvais je vous tuerais. J’ai alors commencé à devenir agressive envers eux. Je voulais qu’ils me les rendent. Dès que je le pouvais, je les attaquais. Puis un jour, ils m’ont amené dans un endroit étrange qui sentait très fort. Il y avait d’autre chat prisonnier comme moi, des chiens. Et même des lapins ! Mes instincts de chasseurs se réveillaient, et j’en avais l’eau à la bouche. Dans cette journée un bipède avec une fourrure blanche étrange me tritura dans tous les sens. J’avais plus peur qu’autre chose alors je ne bougeais pas. C’est en rentrant dans le nid que j’avais compris que mes petits ne reviendraient jamais. Mes problèmes me semblaient alors si loin. Je ne croyais plus en rien.

Je restais là, sur le sol froid, couchée, presque agonisant parce que je refusais de me nourrir. Je regardais par la fenêtre les arbres jaunissant. Les couleurs de l’automne étaient si belles comparée à l’intérieur blanc et sinistre de ce nid. Je fixais alors le ciel, là où mes ancêtres se nichaient. Je ne pouvais pas croire un seul instant que ma Maman ne me regardait pas. Je ressentais à présent la peine qu’elle a eu. Elle aussi avait perdu des petits. Mais je n’ai pas sa force. Je n’ai plus rien. Je n’ai plus mon clan, je n’ai plus ma famille… Je n’ai plus mes enfants. Je n’ai plus rien. Je n’avais même plus la force de pleurer, ni même de prier les étoiles. Je n’avais plus la force de croire. Je fixais la forêt et le ciel, la pensée vide. Je voyais les oiseaux voler au dehors, sifflant joyeusement. Ici je n’entendais rien d’autre que le silence. Je ne souhaitais qu’une chose, que cette douleur disparaisse, je voulais devenir une étoile pour veiller sur mes enfants, où qu’ils soient. Maman, je suis désolée que tu me vois comme cela, mais… Je les ai perdus, ils ne sont plus là. Et… Je ne veux plus de cette vie.

Je fermais lentement les yeux, savourant le silence sinistre, profitant de l’absence des bipèdes pour espérer que tout se termine au plus vite. Pour qu’ils ne retrouvent que mon corps et qu’ils me laissent rejoindre les étoiles.

Plusieurs heures passèrent sans que je fasse un mouvement. J’entendis à peine les bipèdes entrer. Ils restèrent un moment pas loin de moi, je les sentais. Le mâle bipède essaya de secouer un bol de croquette sous mon nez en prononçant des doux mots. Je ne prenais même pas la peine de le regarder. Si j’en avais la force, je me serais jetée sur lui pour me venger. Pour lui faire autant de mal qu’il m’en avait fait subir. Je voulais… Je voulais juste qu’il me rende mes bébés. Mais encore une fois, la seule chose que je réussissais à produire c’était des larmes silencieuses. En douceur, comme craignant un coup de griffe, il approcha sa main de ma tête. Il se lança et me fit une petite caresse presque timide. Je ne réagissais même plus. Je n’éprouvais que du dégout et de la haine pour cet être qui avait tué mon cœur en le remplissant d’aguilles et de verre qui circulait dans mes veines. Mon corps n’était que douleur. Il penchait sa tête pour regarder mon visage. Je voyais qu’il pleurait lui aussi. Pourquoi tu pleures ? J’ai plus de raison que toi de pleurer. Tu m’as enlevé ! Je n’ai plus de clan ! J’ai perdu ma famille ! Et tu me prends mes enfants ! Tu ne devrais même pas pleurer. Tu n’as pas le droit. Tu n’es qu’un bipède cruel. Tu n’as jamais pensé à ce que je voulais moi. Je voulais rester chez moi. Et maintenant, je ne veux plus qu’une chose, rejoindre mes ancêtres. Je le haïssais de tout mon être. Si je le pouvais, je le tuerais. Pardon, il serait déjà mort. Mais, il fit quelque chose de jamais vu avant. Il y avait devant moi le mur transparent que je regardais tous les jours qui coulissa. Jamais les bipèdes n’avaient fait ça avant. Alors je levai la tête, respirant toutes les effluves qui m’étaient familière. Celles de la forêt. Ma maison. Le bipède me regardait avec un air triste, en faisant un signe avec sa main, comme s’il m’invitait à sortir. Il semblait parler. Tout paraissait lourd, comme s’il acceptait que je parte. Ma colère grandissait petit à petit. Il prenait mes enfants et me disait ensuite de partir ? Sans mes petits. Sans mes tous petits chatons. Je refermais les yeux. Je ne voulais plus. C’est alors, que le bipède m’attrapa sans que je puisse le voir venir, et me mis dehors, debout en déposant les croquettes à côté de moi et il referma le mur transparent. C’était quoi ça ? Il me laissait partir ? Sans rien dire ? Ils avaient brisé ma vie et il me mettait dehors pour me laisser mourir ? Il préférait que la nature me tue plutôt que lui ? Ils étaient égoïstes, mauvais. Je regardais les croquettes fades dans le bol avec du dégout. Même affamée elle ne me paraitrait jamais appétissante. J’avançais alors, regardant droit devant moi, m’éloignant du nid, en puisant dans les dernières forces qui me restaient.

Le corps entièrement tremblant, j’avançais lentement sans m’arrêter. Je longeais le chemin du tonnerre en restant à quelques longueurs de queue. Je ne savais pas où j’allais. Je ne pouvais pas retourner au Tonnerre, ils devaient croire que j’étais partie de mon plein gré, alors ils me rejetteraient. Je ne pouvais plus mettre les pattes chez moi. Je ne voulais pas vivre dans un autre clan, et pourtant la vie de solitaire était loin de me séduire. Alors je me contenterais de trouver un abri et d’y finir mes jours. Si la nature le souhaitait. Mais j’étais à bout de force. Je n’arriverais jamais à trouver un endroit avant de m’écrouler. Je décidais alors de me glisser sous un buisson non loin qui saurait me protéger de la brise fraiche qui arrivait. Je tombai tout de suite. Je n’avais plus de force. Mais soudain, une odeur me titilla les narines. Un félin approchait, mais j’étais trop faible pour savoir ce que c’était. En même temps, il m’était impossible de deviner où j’étais. Les chats de clans pouvaient être loin ou juste à côté. Je ne m’en souciais plus vraiment maintenant. Gardant les yeux fermés, je parlais au matou.

« Qui que tu sois, je ne suis pas une menace. Je suis au bord de rejoindre mes ancêtres, alors je doute pouvoir te faire du mal. »

L’odeur que je sentais avait une voix. Plus le félin s’approchait, plus je reconnaissais une odeur… Légèrement changée. C’était le clan du Vent si je ne me trompais pas. Pourquoi s’approchait-il ? C’était à cause d’eux que Maman était morte ! C’était de leur faute à eux ! Je sentais mon cœur chavirer plus encore, je sentais des larmes glisser sur mon visage. Mes tremblements, qui avaient cessé lorsque je me suis couchée, avait recommencé.

« Bonjour. Je ne suis pas ton ennemie. Je ne te ferais aucun mal, je ne vois pas l’intérêt d’attaquer un frère de race. Je m’appelle Soleil, je suis un ancien chat de Clan devenue solitaire. Et toi ? Qui es-tu ? Comment t’appelles-tu ? Voudrais-tu ma compagnie ? T’as l’air d’en avoir bien besoin. Tu me permets de m’installer ? »

Je rouvrais les yeux. Ma vision était brouillée par mes larmes, mais j’arrivais à percevoir le matou. C’était une femelle, blanche et rousse, avec une queue de moitié. Quelque chose de terrible a dû lui arriver. Elle s’était approchée de moi, mais n’osait pas encore s’assoir. Attendant sûrement un signe de ma part. Elle ne me semblait pas méchante. Et je ne me rappelais pas l’avoir vue pendant la guerre. Elle devait être innocente. Oui, elle n’y était pour rien. Je me radoucie, et regardait la minette. Je n’avais même plus envie de parler. Je n’avais plus une once de joie en moi. Mais la politesse me tenait, et je devais lui répondre.

« Je suis Curieuse Pénombre, anciennement du clan du tonnerre aussi. Tu peux t’assoir bien sûr. »

Est-ce que je devais lui évoquer mon histoire ? Elle m’avait demandé qui j’étais après tout. Mais est-ce que mon histoire me définissait vraiment ? En tout cas elle m’affectait.

« J’ai été enlevée par des bipèdes il y a quelques lunes… »

C’était comme si mon cœur ne battait plus. J’avais trop mal. La souffrance parcourait mon corps comme une maladie. Plus je la laissais faire, plus elle m’empoisonnait. Je ne pouvais plus parler, tant la peine me brisait. Je n’y arrivais pas. Mes bébés… Mes bébés me manquaient merde… Ma pensée me surprenait. Jamais je n’avais juré et là… Ma douleur me faisait perdre l’esprit. Je voulais juste me recroqueviller, et rester ainsi des lunes entières. Mes chatons…

J’avais envie de pleurer encore. J’avais envie de rester planter là et laisser la vie faire ce qu’elle avait à faire. J’avais envie de faire ma part du cycle de la vie, j’avais envie de devenir une herbe, une poussière, tout ce qui me ferait ne plus rien ressentir. Je ne voulais plus de ce déchirement. Je ne voulais plus de ce cœur éclaté en mille morceaux, je voulais oublier l’horreur qui y régnait. Je ne voulais voir mon futur en poussière.

« Tu t’es retrouvée séparée de ton Clan et de ta famille, c’est ça ? C’est terrible ma pauvre ! Comment as-tu réussi à t’enfuir ? »

Si elle savait… Je sentais à peine sa patte sur la mienne. Elle se voulait sûrement réconfortante. Mais si elle continuait, s’en était terminé, j’allais évacuer toute ma peine. J’avais seulement des larmes coincées au fond de mes prunelles. Elles ne sortaient pas, parce que je le refusais. Mais elles insistaient.

« C’est ton Clan, qui t’as aidée à sortir de là ? »

Mon clan ? Si seulement… Ma famille, ma Maman, Graine de Tournesol, mes petits frères et sœurs… Mes bébés... Je craquais. J’avais l’impression de n’être plus rien d’autre qu’un gouffre sans fond. Le vide, le néant. Mes mots se coinçaient dans ma gorge alors que mes yeux s’exprimaient. J’ouvrai la bouche mais je n’arrivais pas à parler. C’était douloureux. Mon cœur continuait à se déchirer. Il ne restait plus grand-chose.

« C’est… Mon clan ne savait pas… Ils ne savent pas que je suis vivante… Ils ne pouvaient pas m’aider, c’était trop difficile et… et… »

Je ne tenais plus. Tant pis. Je me réfugiais contre la gentille femelle qui me parlait. Je tremblais, je pleurais, et mon cœur était mort. Comment exprimer ? Comment parler ? J’avais oublié. Je ne savais plus faire de phrases. Je ne savais que pleurer et continuer encore et encore de ressentir cette affreuse douleur.

« Mes bébés… Je les ai… Ils sont parti. Les bipèdes… C’est eux. »

Je me confiais à cette inconnue, je m’en fichais à présent. J’avais mal partout dans mon corps. La faim, la fin.

« Ils m’ont privés de mes petits. Ils les ont pris. Et après, ils m’ont laissés sortir. Et mon cœur dans tout ça ? »

Je me reculais. J’étais étourdie d’un seul coup. La faim et la fin. Je ne sombrais pas dans ce long sommeil, mais j’avais mal à la tête à présent. J’étais vidée de toute énergie. De toute vie presque. Du moins, j’en étais pas loin. Je devais oublier l’horreur dans mon cœur, et ne pas penser à ce futur de poussière et de rouille.

« Je ne sais pas ce que tu as vécut, et je ne le saurais jamais. Je préfère les femelles, je ne peux donc pas avoir de chatons. Ce serait prétentieux de dire que je comprends, mais je compatis grandement. »

La petite femelle était si douce. Mes larmes se calmaient et je laissai mon cœur de cendre se calmer à nouveau. Elle essayait de me réconforter, et c’était si doux. J’en oubliais presque l’horreur et la peine que je ressentais.

« Tes petits, tu ne sais ce qu’en ont fait les Bipèdes ? Ils sont peut-être encore en vie et te cherchent à l’heure actuelle ? »

Je doutais que mes bébés se souviennent de moi. Je devais être qu’une vague impression pour eux, un souvenir flou et lointain. Ils n’avaient que deux lunes quand ils sont partis. Mes deux petits anges ne se souviendrait peut-être même pas des histoires claniques que je leu racontais. Ils ont sûrement oublié leur héritage, leur sang. Ils ne se souviennent plus de moi et sont sûrement très heureux… Mais moi, j’étais vide.

« Tu veux peut-être qu’on aille jeter un coup d’œil en ville ? Enfin, pour ça d’abord, il faudrait que tu mange quelque chose. »

Je la regardais, les yeux brillant. Elle voulait m’aider à les retrouver ? C’était une si bonne idée. Je pourrais les revoir, les aimer, et leur apprendre à vivre comme un chat sauvage. Je pourrais les protéger, les voir grandir… Oh oui, je voulais définitivement les revoir et les avoir de nouveau avec moi. Cependant je n’avais plus assez de force pour me lever et lui montrer d’où je venais.

« Ils sont sûrement en vie, mais je doute fortement qu’ils se souviennent de moi… »

Malgré mon mince espoir, je gardais la tête basse, désespérée.

« Ils étaient si petits, ils n’avaient que deux lunes quand les bipèdes… »

C’était encore douloureux. Je reniflai et respirai un grand coup pour ne pas céder aux larmes encore une fois.

« Ils me manquent tellement pourtant. Moi je ne les aie pas oubliés. »