C'est parti - end

Je me sens tellement lourde, j'ai plus l'impression de me traîner qu'autre chose ces derniers temps. Mais ce n'est pas grave, c'est ce qui arrive quand l'Amour est là. Je suis aussi tellement fatiguée... Heureusement que je ne suis pas seule. Mon Becounet chéri d'amour vient souvent me rendre visite. Je sens bien qu'il a peur de cette portée, on n'en a pas vraiment parlé. Pour moi, qu'importe leur apparence, je les aime déjà. Je masse de la patte mon ventre qui me semble sur le point d'exploser. Doucement mes petits, votre heure arrivera bientôt, doucement. Et puis il y a Belle Châtaigne... Que dire de cette dernière? Elle est entrée à la Pouponnière peu de temps après moi, niveau entente... Et bien on arrive à parler, à discuter, même si certains sujets sont... Disons qu'on évite d'en parler, enfin surtout moi. Genre j'évite de parler du fait que Muguy et Lavy me manquent terriblement. Je savais bien que ces deux-là étaient vouées à repartir, mais je m'y suis attachée, que voulez-vous? Tellement gentilles...

Par contre, cette chanceuse de Châtou a mis bas dans la nuit. J'aimerais bien aussi que mes petits sortent vite. Les siens sont deux femelles, tellement adorables que j'aimerais bien avoir les mêmes. Leurs apparences me semblent un peu familières. Et pour le papa... Je me suis demandée longtemps qui c'était, après tout Châtou n'en a pas touché un mot, mais celui qui a reconnu la paternité... c'est MON Becounet. Je sais bien qu'il est trop gentil, un vrai coeur rempli d'amour, que Châtou est sa meilleure amie et que certains du Clan comméraient sur l'identité du père, mais déclarer ça pour aider même une très bonne amie... En plus ça le met dans l'embarras vu que je suis aussi sur le point de mettre bas... Mais bon, c'est mon Becounet d'amour, je l'aime. Le mariage n'est pas d'actualité au tonnerre, même si je le regrette parfois. M'unir à Becounet pour la vie serait tellement... Bon, je sais bien qu'il n'a pas la fidélité exigée par le mariage des Riveux, mais ça viendra... Ça viendra... N'est-ce pas?

Aie! Une douleur plus forte. Aie! Encore une... D'accord, là... je panique. Je hèle un chat qui passe devant la Pouponnière. Il n'a rien demandé? Je m'en fiche! Je lui hurle d'aller chercher Amour en Cage. Non. Bec Croisé. Non Amour en Cage. Bec Croisé. Je ne sais plus mais qu'il se dépêche! Aie! Et dire que le soleil n'est pas encore levé! Je me traîne vers ma litière en grimaçant. Faites que notre Guérisseuse arrive à temps. Faites que mon Amour aussi. Aie. Je lève les yeux vers ma compagne d'infortune, réveillée sûrement par mes hurlements. Je m'excuse d'un regard surtout quand je vois que ça a aussi réveillé les deux adorables filles de ma compagne de Pouponnière. Argh mais la douleur est trop forte, pourvu que Amour-en-Cage arrive vite!

Un beau jour de printemps. Une matinée qui s’annonçait douce, par-delà l’aube naissante pointant au loin.

A ce moment, il n’était qu’encore un chaton sans nom. Sans identité. Juste un être vivant, avide de vivre. Ses paupières étaient pincées les unes aux autres, les sons inaudibles encore, et ses mouvements hasardeux. Une vie fragile dépendante de ceux qui l’eurent fait naître. Pourtant, il amorça quelques gestes réflexes, aidé par les contractions des parois spongieuses qui le propulsaient en avant. Les membrane lisse dans lequel il fût congestionné glissa à flanc de voûte, balançant son paquetage, d’avant en arrière. Son petit cœur s’affolait dans sa poitrine. Le petit n’aimait guère la gymnastique imposée. Il étouffait, perclus dans cet état caverneux, et ses muscles s’engourdissaient à mesure qu’il gesticulait pour avancer. D’autant que les mouvements péristaltiques de la paroi invertébrée s’accéléraient, pour précipiter sa sortie. On compressait les corps mous des deux jumeaux, lovés l’un contre l’autre, comme pour attester de leur vivacité. Heureusement, à force de protester à grands renforts de glissades et contractions forcée, une voûte béante s’ouvrit grand comme une bouche prête à les avaler. Une vague de froid les happèrent sous un versant glacé, les picorant d’un millier de stalactites figés sous l’érosion du froid.

C’était donc ça, l’extérieur ?

Et puis, il y avait cette membrane visqueuse et flaque épousant sa silhouette comme d’une seconde peau. Ses griffes se dérobaient sous ses propres mouvements au mépris de son impuissance. La fatigue du précédent périple le cloitrait dans une position couchée, vidé d’énergie. Fort heureusement, sa demande fût entendue. Tantôt, une lame râpeuse vînt découper avec minutie le contour de la membrane, afin de le libérer de son étude. Et l’instant d’après, il braillait à plein poumons. Sa gorge se déployait pour happer à grandes goulées le précieux oxygène qui lui permettait de vivre. Appendre à respirer s’apparentait à un exercice difficile, auquel il fallait s’agripper comme à la valeur de sa propre vie.

- Miiiiiiii !!

Il avait faim, peur, froid, en manque de repères dans ce monde nouveau qu’il ne pouvait que palmer. Ses sens en alerte, lui offrait une nouvelle palette d’émotions amalgamées, qui l’éconduit à crier sa peine. Puis soudain, un cocon d’amour l’accueillit sous ses affres de tendresse, prête à l’abonder d’affection. Noyé sous une vague d’amour, le chaton se laissa aller à l’odeur pure qu’il avisait. Ses sens olfactifs se méprenaient sur l’abondance d’effluves qui l’affublaient de toutes part. Mais sans comprendre pourquoi, il reconnût celle de sa mère. La faute aux tétines nourricière, auxquelles il crocheta sa minuscule bouche pour téter le précieux met, peut-être.

Mais désormais, tout allait bien.

HRP :

Je ne sais combien de temps est passé depuis que le malheureux chat, sur qui ma peur est passé, est parti, mais j'ai l'impression que ça fait trop de temps. Bon, je n'ai peut-être pas été assez claire sur qui chercher, mais au nom des Etoiles, qu'il se dépêche et ne traîne pas en chemin. Je tremble de tout mon corps et la douleur et terrifiante. Châtou s'est approchée et me parle à voix basse. Je ne comprends absolument rien de ce qu'elle me raconte mais le ton doux et apaisant est assez efficace. Où est Bec? Pourquoi n'est-il pas déjà-là? Est-il en vadrouille? En chasse peut-être? Mon Becounet est un Guerrier de valeur du Clan, il le sert loyalement, mais là, j'aimerais qu'il soit à mes côtés.

La douleur me fait fermer les yeux jusqu'à ce que de grands bruits me fassent les rouvrir. Lorsque je vois le pelage de notre Guérisseuse je soupire de soulagement avant de grimacer sous une douleur plus vive. Amour en Cage me parle mais j'ai du mal à comprendre tout. Je vois plus que je n'entends ma camarade parler avec elle. Je crois qu'elle m'a dit de respirer. Alors je fais l'effort et prend une grande inspiration. Elle s'approche et je sens ses pattes sur mes flancs. Qu'est-ce qui se passe?! Est-ce qu'il y a un problème?! Je prends une nouvelle respiration puis me rassure quelque peu en voyant le sourire de la femelle. Ca va aller, n'est-ce pas? Je me fige en entendant la soigneuse. Compliqué? Jumeaux? Mal? Il ne faut rien de plus pour que la panique s'empare de mon coeur et de mes pensées. Cher Clan des Etoiles aidez-moi, faites que ces petits d'amour naissent en bonne santé. La Guérisseuse me temps des graines que j'avale sans difficulté. Moins mal. Oui la douleur s'atténue un peu. Elle est encore là, mais ça va. Un peu. Elle me montre le bâton et au souvenir de la mise bas de Châtou j'acquiesce et l'attrape entre mes crocs. Et si la naissance se passait mal? Est-ce que Becounet m'en voudrait? Est--ce que j'arriverai au moins à me pardonner, ne serait-ce qu'un peu?

Elle pose de nouveau une patte sur mon ventre et je me concentre à mon maximum. Je hoche la tête à toutes ses demandes. Pousser? Je peux. Deux grandes inspirations, une grande douleur et je m’exécute. Je ne sais pas combien de temps s'est écoulé, mais je me dis que ça doit être au moins la journée. Pourtant aucun rayon de soleil n'indique le début de la journée. Ca doit être faux, je suis sûre que la nuit va tomber. Au moins ça. Je n'en suis plus qu'à ça. La douleur, pousser, les massages d'Amour en Cage et ses phrases. Je ne sais même pas si Bec est arrivé. La douleur est de nouveau là et je pousse encore et encore. Ça fait mal. Mal. Très mal. Et puis d'un coup c'est bon. Hagarde, je suis les directives de notre Guérisseuse et bientôt je suis là, à lécher le pelage de deux chatons, si magnifiques. L'une est d'un joli brun tigré et blanc qui me rappelle mon Becounet avec une tache blanche sur le visage comme moi. L'autre est d'une couleur un peu plus terne, qui me fait penser à cette Chef dont mes parents me parlaient. Ah mais oui, c'est la maman de mon Bec. Tout en léchant son petit corps, je remarque un petit détail, sa mâchoire. Je me fige un moment. Je sens venir les problèmes avec mon Amour, lui qui avait cette peur si ancrée en lui, voilà qu'elle se réalise. Pour moi, je ne vois que l'adorable chaton, cette petite touche unique me rappelle mon amour, son père. Oui, il est parfait, ils sont parfaits et la boule d'affection en moi explose et je pousse un ronronnement, le premier du jour. Machinalement je mâche les feuilles tendues par Amour en cage, en observant les deux boules de poils blotties à mes côtés. Je ronronne encore et cette fois j'entends distinctement la voix de la soigneuse. Des noms? J'hésite. J'observe mes chatons avant de pointer l'un d'entre eux.

"Celui-ci se nommera Petit Sourire, car je sais qu'il sera merveilleux et que d'un sourire il pourra faire oublier cette différence. Pour le deuxième, j'aimerais que ce soit son père qui choisisse."

C'est parti (lune 70)


Le jour avant, Petite Ambre et Petite Serres étaient nées. Mes pattes en tremblaient encore même si je tentais de le cacher devant Flocon d'Amour, bien à terme elle aussi. Que son amour unique ne soit pas un père unique ? J'avais si peur qu'elle se mette à me détester pour cela. Et.. et si elle voulait se venger ? Si elle montait nos enfants contre moi, père ingrat ? Impossible de se dire ça face à sa figure blanche toute pétillante, mais qui savait ce que pouvait faire un cœur brisé ? J'en avais eu un avant-goût lorsque le mien l'avait été lors de mon apprentissage, bête amour de jeunesse qui ne valait pas des blessures. Alors pour un amour avec un grand A...

Je tremblais.

D'excitation, de peur, d'appréhension, d'émerveillement. J'étais et j'allais devenir papa. Maiiiiis trainer au camp lors de cet entre-deux ne me disait rien qui vaille. Alors ce matin j'avais décider d'enchainer patrouille de frontière et de chasse. Cependant, malgré les occupations, les minutes semblaient longues. Combien de temps avant qu'une mauvaise réflexion ne me tombe dessus ? Finalement, j'avais l'esprit si torturé que je ne réussissais à ne rien attraper. Je voulais me cacher loin, loin... Mais Tache de Poire vint vite sonner la délivrance, autant pour moi de mes pensées, que pour les autres chats du piètre chasseur que j'étais ce jour-ci.

" Bec Croisé, va au camp, tes chatons arrivent ! Encore.

Je passai outre l'emphase mis sur le mot encore. Cette paternité que j'avais pris par protection pour mon amie en faisait déjà jaser plus d'un. Car quand on voyait les petites... on se doutait que ce n'était pas que par protection contre les rumeurs. Malgré cela, je ne pouvais faire faux bond à Flocon d'Amour à son accouchement, alors que j'avais pointé mon museau (mais vraiment juste mon museau) quand les chatons de Belle Châtaigne étaient là. Vu l'absence de cris lors de mon arrivée, c'était que la mise-bas était finie. Et tant mieux, j'aurais tourné de l'oeil sinon. La poche est percée, les petits sont roulés en boule contre la reine grise. Tache de Poire me précisa que c'était deux mâles. Quelle coïncidence, pensais - je, en miroir des deux femelles de Belle Châtaigne.

" … Pour le deuxième, j'aimerais que ce soit son père qui choisisse. "

Oh, j'arrivais pile à temps ! Je fis un signe de tête de remerciement au guerrier blanc et crème avant de me glisser dans la pouponnière. Belle Châtaigne dormait, épuisée par sa nuit. Tant mieux, me dis - je avec une pointe de culpabilité. A hauteur de Flocon d'Amour, je lui léchai le front, reconnaissant d'avoir fait cet insurmontable travail. Je n'aurais jamais pu être une femelle, je serais morte de peur avec d'avoir accouché. On me pointe le "deuxième", pour qui je devais choisir un nom. Tout de suite, son masque me marqua et m'arracha un sourire, pensant à Source de Secret qui partageait cette particularité. Elle avait toujours pensé que "Petite Source" l'avait mise à part, pas assez un nom du Tonnerre. Et dorénavant que je savais pourquoi, cette partie de son nom lui criait encore plus "Tu n'es pas d'ici". Mais ce petit masque démontrait le contraire. Cette tâche "de famille" avait dépassé les limites du sang.

" J'aimerais l'appeler Petite Onde. Pour s'es rayures rondes, et pour rappeler qu'on fait tous' partie d'une grande famille. "

Surtout pour Source. Pour lui montrer qu'elle était liée à nous malgré tout. J'étais son frère, voici son neveu, rien à ajouter.

" Et du coup, s'on frère c''est- "

Mes yeux se firent ronds comme des énormes baies. C-ce... cette bouche... Oh non... Bec, Bec tu savais que ça devait arriver. Sur deux portées, ça aurait été trop miraculeux...

" Oh ma Floflo... je s'uis s'i dés'olé je.. je... "

Je mordis mes lèvres, étranglé par la culpabilité d'avoir donné mes gènes à ce pauvre petit. Les larmes aux bords des yeux, je partis malheureusement aussi vite que j'étais arrivé près de la nouvelle mère. Partir vite, de honte, de peur de voir son regard. Qui serait content d'avoir porté deux lunes et d'avoir souffert d'un accouchement pour un chaton cassé ? Et tout ça de ma faute... Oui, avec du recul, je pouvais me dire que ça allait, que j'étais la preuve qu'on n'était pas si cassé que ça.

Mais l'imperfection de mes gènes me ressortit d'un coup dans ma face cassée, et à ce moment, je ne pouvais penser qu'à ce chat sans problème que j'aurais préféré être.

Comme un signe du destin, au moment où j'annonce ma volonté quant au nom de notre deuxième chaton, voilà que mon Amour pointe son museau. Un gigantesque ronronnement sort de ma gorge. Il est là. Il est là, devant mes yeux. Yeux que je ferme lorsque sa langue râpeuse passe sur mon front provoquant un deuxième ronronnement de plaisir. Il regarde notre deuxième enfant et je le vois sourire. Tout doute s'efface. Oui, il est heureux de voir nos enfants! Et je l'aime plus que tout.

Petite Onde. Que c'est mignon! Que ça va bien à ce chaton! Bon d'accord j'aurais dit pareil pour n'importe quel nom que Mon Bec aurait choisi, mais j'aime ce nom. Je le fais rouler dans ma tête et plus je le répète plus je l'aime. Et puis mon regard qui n'a pas quitté mon compagnon perçoit chacun des changements sur son visage. Ses yeux se sont tournés à côté de Petite Onde, puis le choc est apparut, ses yeux sont devenus aussi grands que la lune. A mes oreilles sont parvenus des balbutiements, des excuses de ce que je comprends, mais non. Non. NON! Je ne veux pas qu'il s'excuse, ce n'est pas grave, ce n'est pas un problème pas pour moi. On peut l'aimer on peut lui offrir toute l'affection que l'on a, il aura un avenir, il sera fort et brillant, un Guerrier fort et juste. S'il te plaît, reste mon amour. Reste à mes côtés, reste près de tes enfants. Mais aucun son ne sort et je ne peux que voir le pelage tigré de Becounet s'évanouir, s'effacer, partir de la Pouponnière. Une larme coule, suivit d'une deuxième. Je me force à ne plus les laisser couler et faire une léchouille à mes chatons. Je suis trop fatiguée pour suivre mon amour, je sais qu'il reviendra, il le faut! Demain il sera là, et tout sera pour le mieux! Il serrera ses deux enfants avec amour et je ne l'aimerai que davantage. Je ramène ma queue contre moi, caressant avec douceur les deux nouveau-nés. Ma voix est un peu cassée mais j'y mets tout l'amour que je ressens pour eux en leur chuchotant ces quelques mots, tout en m'endormant:

"Petite Onde, Petit Sourire, je vous aime mes bébés, je ferais tout pour vous."