Le Choc [Feat. Tête de Chêne] - end

C'est une pile de ░░░░░. Il regarde une pile de ░░░░░. Il fronce les sourcils, car il a tout l'air d'avoir oublié le mot "░░░░░". C'est fâchant, ou enfin, ça le serait, s'il se rappelait ce que c'était. Ses oreilles se couchent et il tente de modifier sa façon de penser: c'est une pile de "proies", il se dit, et il entend le mot "proies", et il a comme un soupir de soulagement mais pour être honnête? Il est loin d'être soulagé.

La canicule avait fait son pesant de ░░-- bordel, victimes la saison dernière. Beaucoup avaient perdus des proches avant, beaucoup ont perdus des proches pendant, et lui venait de perdre sa plus proche en toute fin. En toute fin, lorsque les températures se faisaient plus clémentes, la nature s'était faite la plus cruelle.

Sans parler de leur chef, Étoile de Cendre, qui était tombé malade faute des rares points d'eau où s'abreuver au courant de l'été, l'ambiance dans le campement était morose, et beaucoup se traînaient les pattes pour aller chasser (les proies revenaient lentement de leur exode après que la forêt ne se soit asséchée). Quant à ce qui était des guérisseurs ou des reines, Coup de Foudre n'en avait aucune idée. Il ne se rappelait pas s'il s'était réveillé depuis la tanière des guerriers ou s'il avait plutôt passé la nuit dans la sienne, près des Rochers du Soleil. Il ne se rappelait pas d'être passé à la pouponnière, ni d'avoir marché la distance pour se rendre à la clairière car tout ce qui l'intéressait, en ce moment, étaient les proies qui s'empilaient, qu'on empilait, qu'on mettait à la disposition de tous et que se partageaient certains guerriers comme la Cérémonie était lancée. Il la regardait du coin de l'oeil, sans s'imaginer y participer, sans non plus jalouser ceux qui se font toiletter - le choc était encore trop récent pour réagir à quoi que ce soit et il n'est plus réduit qu'au statut d'observateur.

C'était ce qu'il était pour le clan, maintenant.

Un observateur - et aujourd'hui, apparament, un observateur de proies.

Par Cataries!

physique, démonstrative d'une quelleconque présence d'esprit. D'habitude son ░░░░░ se mouvait avec l'ambiance - sa queue se recourbait, ou ses oreilles tiquaient en entendant son nom, ou alors il faisait prendre à ses traits faciaux des expressions pour bien véhiculer ce qu'il voulait susciter chez les autres. Mais en ce moment? Rien.

Tempête de Suie avait à moitié tort - un vieux fou aurait courbé l'échine, un vieux fou aurait toussé, un vieux fou aurait reniflé ou aurait claudiqué loin du chemin des autres en réalisant qu'il dissuadait certains de s'approcher de la pile de proies. Un arbre était plus juste comme comparaison - ployant sous le vent qui glissait, recouvert de feuilles (c'est qu'elles avaient tombées et s'étaient doucement déposées dans son poil), l'écorce épaisse et la sève figée...

Quand quelque chose perturba sa placidité. Quelque chose le toucha, et renvoya un courant électrique toutefois moins fort que d'habitude - d'habitude il aurait fléchi la patte jusqu'au coude en la levant d'un sursaut. Là, il se contenta de la reculer, du bout des doigts, sur l'herbe de la clairière, baissant d'yeux amorphes sur la proie qu'on y avait glissée. Une nouvelle vibration dans l'air, plus proche, et cette fois il distingua une voix:

— « Mh... Je... Je me disais... Il ne lâchait pas la proie des yeux. Sa tête s'était penchée pour la regarder avec plus d'attention - les sinueux tendons sous sa chair, la queue longue et immobile derrière, la bouche entrouverte sur un misérable museau de la longueur (et la forme) d'un ver-de-terre...

— Que si vous n'arriviez pas à choisir une proie à votre goût sur la pile... Vous pourriez goûter celle-ci ? Garantie sans asticots ! Je viens de l'attraper ♫ »

Asticots - brusquement un frisson lui prit au dos et les ombres des arbres de la forêt se mirent à ramper au sol, la peur lui prit, en théorie, car sans conduit pour se rendre à sa tête elle trouva ses muscles dans le but de les lui crisper en réflexe mais en vain, le bengal ne réussit qu'à faire un geste, celui de lever le nez, et adresser un regard au jeune guerrier. Son regard était absent contrairement à ceux du guerrier à la fourrure couleur soir et aux rayures mackerel. La pensée fut immédiate, "Il est beau", il lui rappelait Oeil du Tigre, il lui rappelait Tournesol, mais aucun ronron ne vibra dans sa gorge. En fait, sauf ciller, et sauf avoir changé de sujet d'observation, Coup de Foudre ne réagit pas car pour lui le temps s'était comme arrêté.

— ...

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Par Cataries!

Le contact visuel devint plus soutenu car son.. interlocuteur? tenta une nouvelle approche:

— « Sinon, c'est pas grave, je pourrais la donner à Croc Fendu ! Croc Fendu - la vague image d'une très vieille chatte fit irruption dans son esprit mais à peine le temps d'un battement, car il s'en désintéressa aussitôt (et son image se confondit avec Chêne Argentée, et son imagination les fit se nouer ensemble dans une étreinte amoureuse).

Le chat orange et mackerel était vivant, lui, il lui faisait face avec toute son énergie. S'il avait pu lui planter les crocs dans la nuque et la lui prendre,...

— « Même si la proie n’est pas aussi faisandée qu'elle ! S'esclaffa le plus jeune, et tout ces rebondissements sortirent Coup de Foudre de sa torpeur mais à latence, aussi au lieu de réagir à la blague, il s'en tenait encore à l'apparence de son curieux bienfaiteur.

Il plissa les paupières, creusant les poches sous ses yeux et sortant momentanément sa paupière nictitante avant de pencher sa tête, comme si un côté était soudain devenu plus lourd que l'autre.

— Rappelles-moi... Ses moustaches frissonèrent en donnant de la voix. Tu es l'un des miens, toi?

Le choc lui bloquait tout souvenir de     , et de sa famille. Il y avait Bec (Bec ne disparaîtrait pas) mais il lui semblait qu'il devait aussi y avoir un ou deux chats Roux dans cette histoire. Il le renifla, suivit des yeux les rayures sur son ░░░░░ pour les descendre à sa queue et constater qu'elle était très pauvre en fourrure (du moins très pauvre comparé au plumeau du chat qui lui vint à l'esprit).

Par Cataries!

Sa réflexion n'était pas si naïve que ça, Coup de Foudre souffrait en effet d'amnésie. C'est pourquoi les douces manières du jeune guerrier eurent l'effet de l'apaiser. Il ne répondit pas vraiment à sa question - ou peut-être l'avait-il mal comprise, peut-être s'était-il mal exprimé, qui sait vraiment comment se déroulait cet échange en dehors de cet engourdissement omniprésent:

— « Euh... Oui, oui... il répondit, et de la façon dont il se mit à gigoter sur ses pattes Coup de Foudre devina que le guerrier était mal-à-l'aise, mais sans vraiment se rendre compte qu'il en était sa souche. Je suis du même Clan que toi... »

Inutile de gaspiller de l'espace-mémoire dans sa tête pour cette information.

— « Je suis Tête de Chêne... (mais pour celle-ci, en revanche...) Tu sais, j’ai passé mon baptême il y a quelques lunes, tu étais au premier rang avec Secret du Firmament et Œil de Tigre.
— Avec Oeil du Tigre?... se contenta de répéter le bengal, en penchant sa tête de l'autre côté, comme si la lourdeur s'était déplacée.

Il sortit les griffes, racla la terre froide, étira le dos et rentra la croupe en modifiant sa posture pour se redresser un peu, et sa queue sortit de son immobilité en balayant d'un demi-cercle les feuilles et la poussière derrière lui.

— Si tu le dis.

En détournant son regard du jeune guerrier, il vit un groupe de chats qui se partageaient une grosse proie. Il vit Oeil du Tigre dedans (il le reconnut à ses rayures) - il était à une certaine distance de la bande, mais parfois il le voyait ouvrir la gueule, pour glisser un commentaire ou deux. Et bizarrement, assister à une telle amélioration fit croître une sorte de satisfaction sous le poitrail du bengal. La satisfaction prit la forme d'un arbrisseau qui montait mais c'est alors que ses branches neuves allèrent se racler contre celles d'un autre, au tronc tordu, quarantainé loin de ses pensées. Le contact lui électrocuta les pattes d'un soubresaut.

Il s'entendit y penser - il entendait sa voix même sans entendre les mots qu'elle lui disait, il entendait son rire et son harmonie au sien, il l'entendait ronronner en la sentant proche de lui (sa fourrure était chaude et frémissante, il le savait, il s'en rappelait) et il l'entendait pleurer - son oeil lui tiqua, il sortit de sa tête et soudain l'air lui sembla lourd, et froid, et soudain il se sentit comme étranger parmis tout ces chats et terriblement pas à sa place devant le tas de gibier et au coeur de leur Clan - il eut un mouvement de recul et la terre se mouilla. Il leva le nez - pas de nuages dans le ciel. Il cilla en se rendant compte qu'il s'agissait de ses larmes.

— Ah-...

Malgré les larmes ses yeux ne brillaient toujours pas, et comme il était redevenu momentanément lucide, Coup de Foudre se demanda s'il pleurait par mimétisme, pour imiter ceux qui avaient pleuré avant lui, ou si la tristesse était vraiment la sienne, c'est à dire pure et personnelle et intouchée de tout motifs ultérieurs. Elle l'avait surpris par son irruption, mais maintenant elle le lésait, et ses oreilles s'abaissèrent sur sa tête et il ronfla du nez en se plaquant le front dans la colerette du guerrier devant, en espérant que le contact lui permettrait d'endormir tout ça car il n'était pas près à aller au delà du choc. Il n'était pas prêt à marcher les pas du deuil et il préférait encore l'indisponibilité émotionelle à tout ce conflit qui se produisait sans lui. C'était un début de poil d'hiver, dense, qu'il huma d'une profonde inspiration, trompant son esprit à penser qu'il s'agissait du poil de Roux, son fils, ou de celui de Museau Bleu, sa défunte amie, ou de quiconque sa tête se rappelait du nom histoire de taire et d'enterrer celui auquel il ne voulait pas penser.

Par Cataries!

— « Coup de Foudre ? Lui demanda Museau Bleu (mais ce n'était pas Museau Bleu). Ca ne va pas ? Je peux t'aider, faire un truc ? Genre... Euh... Tu veux que j'aille chercher quelqu'un ? Dis-moi quelque chose, je ne sais pas quoi faire !

Coup de Foudre ronfla du nez comme un grognement, ôtant une patte du sol pour la plaquer dans le dos du guerrier et le serrer contre lui, refusant de sortir du confort de sa fourrure. Il ne s'était pas rendu compte qu'il avait sorti les griffes, et sa queue s'agita car les jérémiades de Tête de Chêne lui étaient aussi énervantes que les larmes qui s'échappaient de ses yeux. Après le choc venait le déni:

— « ...Qu'est-ce que tu fais quand tu es triste, Tête de Chêne?

Qui était plus compétent en relation sociale que ce qui semblait être un Rayon de Soleil sur quatre pattes? Il devait bien avoir une astuce ou deux pour pousser le chagrin de côté, ou bien le refouler, ou l'oublier, bordel, ou avoir une idée de comment remplir le trou que cette absence lui laissait et Coup de Foudre sentit son poil se lever sur son corps. Il se hâta de rentrer les griffes (depuis quand il les avait sorties?), de prendre une grande inspiration (saccadée, car tout le monde sait qu'un sanglot happe la respiration par à-coups), laissant graduellement le bruit-blanc comme un grésillement reprendre sa tête et l'alourdir et ralentir sa perception du temps...

Par Cataries!