Le Soleil s'enfuit comme un savon soudain qui glisse (avec Serres d'Épervier puis Éclat de Crépuscule) - end

▬ Guerrier

Spoiler:

Il ne savait plus s'il avait dormi, s'il avait mangé, s'il avait soif. Était-il vraiment en vie ? Le temps s'était arrêté. Il vivait dans le silence depuis qu'il avait été brutalement contraint de voir se briser les images qui l'avaient, jusque là, animé. Après sa première nuit sans rêve et son premier matin sans horizon, il se retrouvait, il ne savait trop comment, à partager une proie sans goût avec un Poil de Cyclone qui lui parlait peut-être mais qu'il n'entendait pas.

" Tu planes un peu, non ? Mais tu vas me dire ce qu'il se passe ?
- Ferme-la. "

Il avait l'impression de n'avoir pas parlé depuis... Il ne voulait pas y penser. Mais il ne faisait qu'y penser. Son regard morne ne fixait rien. Il n'avait même pas protesté quand Poil de Cyclone lui avait proposé une de ses interminables cérémonies du partage, et s'était laissé taquiner machinalement.

Elle n'y est pour rien. Et moi non plus. Je n'ai rien fait, mais je n'allais quand même pas l'embêter alors qu'elle venait de perdre son père... Nous n'y sommes pour rien... Personne. Il faudrait que j'oublie, tout simplement, que j'oublie tout ça. L'oubli avait un goût de lâcheté, de trahison, de faiblesse, de médiocrité... Mais que pouvait-il y avoir d'autre, comme solution ? Si je n'oublie pas, je vais me faire du mal... Et ça, ça la rendrait malheureuse.

Malheureuse ? Elle ? Elle aura ses... ses chatons. Cette seule idée le rendait malade de dégoût. Avec ou sans lui, elle serait toujours moins seule, toujours plus accompagnée, toujours plus utile, toujours plus aimée... Elle se consolerait vite. Tandis que lui, le Souffle Poivré, que lui resterait-il ? Des souvenirs cruels, des promesses avortées, des projets morts-nés, un bonheur virtuel révolu, des fantômes, des ruines, le goût de l'échec et des larmes.

" Tu devrais me remercier de ne pas te prendre au mot. " fit Poil de Cyclone, qui espérait qu'en faisant son contrarié, il réveillerait au moins de l'agacement chez Souffle Poivré.

Mais ses yeux jaunes regardaient ailleurs, quelque part, au loin, il ne savait pas où.

Et pourtant j'enrage, j'enrage... Il se crispait soudain, ce qui effraya un peu son camarade. J'ENRAGE. Il avait envie de hurler, de n'être plus qu'un vulgaire chien. Ce qui est insupportable, c'est que je suis absolument sûr que tout ça, au final, ne nous fera que du mal.

Il discerna vaguement l'Épervier.

Et lui... Et lui, je ne le connais pas... Si ça se trouve, il est très bien, si ça se trouve, il est moins chiant que moi, moins désagréable... Il est sûrement moins ridicule... C'est une Sentinelle...

Il essayait de se consoler comme il le pouvait, mais il n'y arrivait pas. Souffle Poivré avait au fond de lui-même l'intime conviction d'être infiniment plus motivé que n'importe qui d'autre à s'offrir corps et âme pour Éclat de Crépuscule. Orgueilleuse conviction que la sienne, mais il plaçait là tout l'amour-propre qui lui restait. Lui qu'on voyait comme un puant, comme un impulsif, comme un bouffon, il pouvait au moins se dire qu'il aurait pu être le plus fiable des compagnons.

Mais il ne le serait jamais. Il avait voulu laisser Éclat de Crépuscule faire tranquillement le deuil de son père avant de la perturber en s'offrant à elle. Et cet Épervier ne s'était pas encombré de pareils scrupules.

Je ne pourrai jamais lui pardonner... Et pourtant, il ne pouvait pas savoir... La pensée que leurs chatons naîtraient bientôt lui retournait l'estomac. Des chatons qui tiendraient de sa belle et de cette... sentinelle...

Dépité, il regardait le corps de l’Épervier. Il était souriant, il était radieux... C'est dégueulasse. Il ne méritait pas son bonheur, il n'en était même pas conscient. Et lui, il aurait la chaleur d'Éclat de Crépuscule, il aurait ses sourires, il aurait sa confiance... Il n'en était même pas digne ! Et Souffle Poivré, il resterait inutile et inconnu. Moqué. Seul.

Sans se douter de rien, l'Épervier tourna la tête vers lui.

" Eh ! " protesta Poil de Cyclone qui était parvenu à lui caresser le dessus de la patte sans se faire remarquer.

La crispation et l’écœurement avaient dépassé les limites du supportable. Il y avait du monde dans la percée, mais Souffle Poivré avait bondi et se précipitait vers l'Épervier, la rage dans le regard. Il siffla, hérissé, furieux :

" Souris, souris. Tes crocs, je vais te les faire avaler un par un. "

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♯ Sentinelle

Les jours ont défilé à une vitesse folle depuis qu'Éclat de Crépuscule lui a annoncé la venue de leurs petits. Une annonce un peu inattendue mais... mais peut-être qu'il est finalement prêt. Avec elle de toute façon, il ne peut s'imaginer qu'une famille parfaite. Le ventre arrondi de sa compagne a récemment suscité les interrogations de ses camarades; après tout la petite rouquine n'est guère costaude ni du genre à s'empiffrer lapin sur lapin.

Mais le Clan comprend enfin. Même s'ils ne se fréquentent pas depuis bien longtemps, Serres d'Épervier et Éclat de Crépuscule attendent des petits. Le fils du chef et la fille de leur ancien meneur ensemble, voilà de quoi faire parler les plus curieux. La plupart de ses camarades y semblent assez indifférents, tout ce qui compte après tout, n'est-ce pas la venue de futurs guerriers au sang pur ?!

Il rentre d'une petite promenade lorsque Chant de Rainette s'avance justement vers lui. Elle le félicite chaleureusement, alors qu'elle vient d'apprendre la nouvelle. Le futur père lui rend son sourire et lui confie qu'il aimerait des petits aussi réfléchis qu'elle. Et alors que la calico s'éloigne, la sentinelle au médaillon blanc ne perd pas son sourire. Dire qu'il a connu la guerrière à la pouponnière alors qu'elle n'était que Petite Rainette et bientôt déjà il aurait ses propres petits... Que le temps passe vite ! Quand soudain :

« Souris, souris. » Souffle Poivré déboule, le poil hérissé et le regard furibond. « Tes crocs, je vais te les faire avaler un par un. » lui siffle-t-il, comme prêt à en découdre.

Ses réflexes de sentinelles chatouillés, le mâle brun se dresse à son tour sur ses quatre pattes, les muscles bandés.

« Non mais ça va pas la tête ?! » lâche-t-il dans un feulement indigné.

Pour qui il se prend, ce gamin ? Et pourquoi vient-il seulement l'agresser comme ça ?

Même si Serres d'Épervier n'a pas particulièrement envie de se battre contre un camarade en plein Camp, autant dire qu'il n'hésitera pas à donner une bonne raclée à Souffle Poivré s'il s'en prend à lui.

HRP:

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Serres d'Épervier s'exprime en #f6e122.

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▬ Guerrier

Spoiler:

L'épervier pouvait se cabrer, il pouvait protester, s'outrer, faire du scandale, mais le guerrier le pensait incapable de purger son écoeurement et son amertume. Plus il le regardait, plus il se confortait dans son sentiment viscéral de dégoût. Ça, ça me prendrait Eclat de Crépuscule ? Ça me ferait renoncer à mes promesses ? Ça me contraindrait à tout oublier ?

« Non mais ça va pas la tête ?! » feula-t-il.

Tout ce qu'il pouvait y avoir de convaincant en lui était absorbé par un filtre, par un bourdonnement. Souffle Poivré y était sourd. Il voulait ne voir en lui qu'un minable opportuniste. Le même phénomène invisibilisait totalement les membres du Clan, leurs airs surpris, indignés ou dégoûtés. Quel scandale pouvait être comparable à celui qui lui faisait peu à peu renoncer à tous ses espoirs ?

« C'est moi qui est fou, hein ? C'est moi le pourri, dans l'histoire ? » ironisa-t-il cruellement, exorbité, hystérique.

Avec toute la sauvagerie qu'il était capable de rassembler, le guerrier se jeta sur la sentinelle. Il ne faisait même pas attention à ce qu'il faisait, il ne cherchait qu'à déchirer. Mais l'autre, moins sot que lui, n'eut aucun mal à se dégager, et ce fut finalement sa propre queue que Souffle Poivré se surprit à mordre.

Il ne réalisa même pas sur-le-champ que c'était son propre sang, qu'il prenait plaisir à faire couler.

Il lui fallut pour ça un coup d’œil en direction de l'Épervier. Trop intact, trop loin, trop insupportablement insaisissable. Un sanglot de rage secoua Souffle Poivré, il en lâcha sa queue.

« Tu mérites rien, tu entends, RIEN. T'es là, tu te précipites bêtement à faire du MAL aux autres, tu ne réfléchis même pas, tu ne connais personne, tu ne te vois que TOI, et même pas comme il faudrait. » Il reprenait sa respiration dans un reniflement bruyant, mais n'était pas moins féroce. « Et là, t'es là, t'es content ! » un mépris infini s'entendait dans ce "T'es content !" ironique et odieux. « T'es content ! T'es content ! Tu devrais être à genoux, tu devrais chialer de honte et de reconnaissance, tu devrais être écrasé par ta connerie ! Et tout ça, tu t'en fous, t'es content ! »

Hurler l'élançait, il se sentait capable de continuer, d'abreuver d'injures cet abominable parasite jusqu'à ce qu'il en crève, mais une seconde d'attention lui donna l'impression que ce dernier ne l'écoutait pas du tout comme il le devrait.

Le bouillonnement de son sang se fit plus intense encore : « Mais c'est que ça m'écoute même pas ! » vociféra Souffle Poivré, rageur, haineux. On sentait, on voyait qu'il s'apprêtait à foncer encore. Sa violence n'en finissait pas d'exploser.

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'Attaque - Clan' :

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♯ Sentinelle

« C'est moi qui est fou, hein ? C'est moi le pourri, dans l'histoire ? »

Serres d'Épervier cligne un instant d'incompréhension. De l'histoire ? Quelle histoire ? Le matou brun tente de donner du sens à l'excès de rage dont semble être victime son camarade. Mais il n'a pas vraiment le temps de mettre les mots en ordre que déjà le petit gris se jette sur lui, toutes griffes dehors. Sans grande difficulté, le fils du meneur l'esquive d'une roulage latérale et alors qu'il se redresse, prêt à encaisser une seconde attaque il découvre une scène horrible.

Souffle Poivré, complètement enragé est en fait en train de mordre sa propre queue, le regard fou. Les yeux écarquillés et sous le choc, le mâle au médaillon blanc cherche alors du sens ailleurs que chez le tigré qui se mutile; il plonge ses yeux dorés sur la foule. Personne ne le regarde en échange, et les quelques guerriers présents fixent le mâle gris avec le même hébétement que lui. Personne ne comprend. Pendant un instant, le temps est comme figé.

« Tu mérites rien, tu entends, RIEN. » Le hurlement perçant de son camarade le ramène à la réalité. « T'es là, tu te précipites bêtement à faire du MAL aux autres, tu ne réfléchis même pas, tu ne connais personne, tu ne te vois que TOI, et même pas comme il faudrait. »

Serres d'Épervier plisse les yeux. Il ne comprend pas pourquoi Souffle Poivré lui réserve tant de haine mais il paraît soudain évident que les mots du petit gris ne sont destinés à personne si ce n'est à lui-même. Sa queue ensanglantée par ses propres crocs ne semble pas assez pour illustrer l'étendue de ses douleurs intérieures. « Et là, t'es là, t'es content ! » Et même s'il est pris d'un doute, un regard vers ses camarades suffit à le convaincre qu'il n'a rien fait de mal; les regards sont toujours braqués sur Souffle Poivré. C'est comme si Serres d'Épervier était absent de la scène.

« T'es content ! T'es content ! Tu devrais être à genoux, tu devrais chialer de honte et de reconnaissance, tu devrais être écrasé par ta connerie ! Et tout ça, tu t'en fous, t'es content ! »

Il ne l'écoute plus vraiment. Tant qu'il lui hurle dessus, Serres d'Épervier peut mesurer la distance qui les sépare sans poser ses yeux sur lui. Le futur père tente d'accrocher le regard d'un témoin; que quelqu'un l'aide, non ?! Il cherche plus loin si Moineau Cendré ou son père ne jaillit pas d'une tanière mais aucun pelage gris moucheté ou noir et blanc en vue. Malgré la foule, il est seul face au coup de folie de son homologue. Quand soudain la tirade d'insultes voit son rythme complètement brisé :

« Mais c'est que ça m'écoute même pas ! »

Il tourne la tête, accorde à nouveau de l'attention à son nouveau rival. Il lui répond froidement.

« Ça s'appelle Serres d'Épervier. » Il serre la mâchoire, se retenant d'ajouter qu'il porte ce nom pour une bonne raison. A la place, il tente de temporiser : « Écoute, je ne comprends même pas ce que tu as après moi alors calmons-nous et discutons-en, ça te va ? »

Il ne relâche pourtant pas ses muscles, fixant l'autre au cas où il tenterait encore quelque chose.

HRP:

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▬ Guerrier

Il avait beau faire sa toilette très régulièrement, avoir le poil doux et léger, détester les moments où il fallait se salir, sa puanteur le rattrapait quand même : ce qu'on ne déchiffre pas tout à fait dans l'expression de l'autre, on l'invente sans trop de peine. Le tragique n'est qu'un sentiment. C'est si facile, de se sentir être la victime de tout, depuis la création jusqu'à la fin des temps.

C'était si facile.

Souffle Poivré n'était plus capable de taire ce sentiment d'injustice authentique et mécanique qu'est la jalousie. Elle avait pris possession de sa raison, de ses sens, de sa foi. Fou, aveugle, aliéné, il ne poursuivait plus aucun but ; il s'était métamorphosé en une bête à abattre, stupide, dangereuse pour les autres comme pour elle-même.

Le sang-froid lourd de menaces qui lui faisait face essayait, par conduction thermique, de lui rafraîchir les pensées.

« Ça s'appelle Serres d'Épervier. »

C'était lui. Oui. C'était lui, lui, lui ! C'était ce nom-là ! Son esprit ravagé se remémorait la dernière fois où ce nom avait été prononcé. C'était comme le sel sur la plaie. Il en hurlait presque de douleur et de colère. Les mots en disparaissaient.

« Écoute, je ne comprends même pas ce que tu as après moi alors calmons-nous et discutons-en, ça te va ? »

Discutons, avait-il dit ! L'imbécile ! Une joie mauvaise anima la bête :

" C'est ça, c'est ça, discutons. J'aurai des choses à dire à ton cadavre ! "

Il attaqua encore, comme cet animal dont toute la violence se concentrait uniquement sur une pauvre cape rouge. Son geste n'avait rien d'un geste de combat "civilisé", il n'espérait rien dire, il n'espérait rien suggérer. Il tentait simplement d'assouvir cette haine qui lui dictait sa conduite. Cela ne le rendait pas seulement dangereux : cela le rendait aussi très prévisible, face à n'importe quel matou un tant soit peu vif d'esprit.

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♯ Sentinelle

Mais au lieu de se calmer, Souffle Poivré de répliquer, l'air mauvais :

« C'est ça, c'est ça, discutons. J'aurai des choses à dire à ton cadavre ! »

Et alors sans crier gare, le guerrier gris se jette sur lui, toutes griffes dehors. Serres d'Épervier se retient vraiment de lâcher un soupir las. Sans grande difficulté, il esquive le coup de son adversaire, lequel s'acharne à nouveau.

C'en est assez.
Souffle Poivré lui manque de respect devant le reste du Clan, le provoque et l'agresse. Lui, un camarade de Clan ! Une sentinelle ! Qu'a-t-il fait pour mériter tel traitement ? Serres d'Épervier a toujours rempli ses obligations de sentinelle, s'épuise même parfois à la tâche. Il est le fils du meneur, il ne peut tolérer davantage de mépris venant d'une boule de poils puante que personne n'aime de toute façon. Qu'est-ce que ce guerrier amateur a fait pour le Clan depuis sa naissance si ce n'est envoyer des pics aux uns et aux autres et infester la tanière ?!

Il réplique.
Alors que Souffle Poivré se trouve au niveau de son épaule, le mâle brun lève sa patte bien haut et l'abat sur l'encolure de l'enragé, puis le charge de tout son poids jusqu'à plaquer le malheureux gorge contre terre. Fouettant l'air d'agacement de sa queue, le fils du chef poursuit en pivotant son bassin, fauchant les antérieures du guerrier à l'aide d'une des siennes. Ainsi écroulé au sol et maintenu par la nuque, il lui feule bien fort :

« Maintenant tu vas te calmer et te montrer respectueux, boule puante. »

Il réajuste la pression sur la nuque de son homologue à ces mots et fronce les sourcils d'énervement, décidé à soumettre l'insolent aux yeux de tous.

HRP:

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'Attaque - Clan' :

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▬ Guerrier

Spoiler:

La cape rouge, à la dernière seconde, se dérobait, et l'épée tombait. Stupide monstre maîtrisé dans le déploiement même de toute sa fureur, Souffle Poivré brusquement était réduit à l'impuissance. Un choc violent lui coupa le souffle quelques petites secondes. Il crut s'être consumé, quitter enfin ce monde minable qui n’œuvrait que pour son malheur. Il ressentit même un plaisir étrange à se dire que peut-être, elle souffrirait au moins de le découvrir mort.

Mais la vie du malheureux n'avait pas fini de palpiter quelque part sous son pelage léger et si doux. Une bouffée d'air l'arracha à sa morbide volupté, et il se découvrit prisonnier de son ennemi.

C'était intolérable.

Rageur, il força à s'en briser le corps, mais sa fougue était un peu restée dans l'autre monde, sans doute, car c'était inutile. Inutile.

Souffle Poivré sentit qu'il pleurait à chaudes larmes. Il ne faisait jamais que des choses inutiles. Sa vie n'était qu'une piètre tentative de renaître en une personne digne et intègre, une tentative qu'il était contraint de renouveler à chacun de ses gestes lucides.

« Maintenant tu vas te calmer et te montrer respectueux, boule puante. »

Cette évocation de son odeur lui fit retrouver un peu de lucidité. Il réalisa qu'il était en train de s'exhiber, de dévoiler ses chagrins les plus secrets et les plus profonds. Son sang bouillait encore trop pour qu'il trouve un moyen de vraiment faire retirer cette insulte de la bouche de son ennemi.

Le peu de calme qu'il parvenait à rassembler lui permettait de chuchoter. Il se sentait pressé par le temps, et il avait peut-être l'occasion unique dans sa vie de se sauver, de rebondir sur cette échec comme sur les autres. Sans doute se relèverait-il boiteux et encore plus bouffon qu'auparavant, mais s'il ne se relevait jamais, il ne pourrait jamais aller au bout de ses promesses. Son chuchotement fut très tremblant, comme s'il hésitait entre le murmure et le hurlement en permanence :

" Insulte si tu veux, crache-moi dessus. Je m'en fiche. Tout ça n'est rien car tu m'as pourri la vie. Je te haïrai jusqu'à ma mort : tu ne gagneras jamais mon respect, et je n'oublierai jamais non plus qui j'ai été, avant que tu te pointes. Maintenant, puisque je ne pourrai sans doute plus jamais être quelqu'un qui compte... " il reprit son souffle douloureusement. Il avait les articulations en feu, à force d'être ainsi maîtrisé. Peut-être s'était-il cassé quelque chose. Même sa gorge lui faisait mal. " ... N'oublie pas qu'elle n'a rien à voir avec toi. Je ne parle même pas de moi. Mais toi... Bien sûr que tu seras décevant, que tu n'es même pas conscient de tout ce qui te manque et de tout ce qu'elle mérite. Tu es encore tellement... " sa voix déraillait complètement. " ... Tellement prétentieux... Tellement ridiculement fier... n'oublie pas... n'oublie pas ça. "

Souffle Poivré se sentait prêt à fermer les yeux pour toujours. Il y a des choses dont seuls les plus humiliés des bouffons sont vraiment conscients, et celui-ci, désormais était persuadé qu'il était une sorte de maître incontesté des illusions qu'on se fait puis qu'on souffre de voir se défaire, lentement, sous nos yeux impuissants.

La vie pourtant n'avait pas fini de lui dévoiler toute l'ampleur de sa méconnaissance, à lui non plus.

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▬ Guerrière

Le soleil brillait dans le ciel et dans ses yeux. Des diamants dorés dans les yeux, Eclat de Crépuscule se baladait dans les landes, sentant les herbes onduler doucement sous ses pattes, et la douce brise s'engouffrant dans ses poils. Avec ses compagnons de patrouille, elle riait, taquinait. Elle jetait des coups d’œil à son ventre, qui doucement prenait une belle forme ronde. Elle acceptait avec plaisir les compliments sur sa prise de poids, mais rejetait avec humeur les propositions d’aide ou de remplacement dans les patrouilles. Elle n’avait pas pour le moment pris sa place dans la pouponnière, et estimait qu’elle devait rester une guerrière jusqu’à ce que Vent du Nord lui ordonne de changer de tanière.

Seule une ombre au tableau subsistait. Depuis leur rencontre idyllique au crépuscule, elle n’avait plus eu de nouvelle de son meilleur ami, Souffle Poivré. Il demeurait omniprésent mais invisible à ses yeux. Elle regrettait plus que tout leurs promenades au clair de lune, leurs chasses effrénées et leurs courses stupides. Leurs discussions futiles passant d’un instant à une conversation lourde de sens, presque philosophique, pour se briser par un rire ravageur.
Une vague venait de tout déferler. Elle ne comprenait pas pourquoi il avait coupé les ponts si brutalement, et elle s’était morfondue pendant un bon bout de temps. Mais il n’était pas revenu et sa fierté l’avait poussée à abandonner toute tentative de retour en arrière. Le bon vieux était le passé. Il fallait aller de l’avant, d’autant que dans son ventre germaient deux boules de poils, l’aboutissement d’un amour entre elle et Serres d’Epervier.

La rouquine se faufila dans le tunnel d’ajoncs. La gueule pleine de deux souris, elle se rendit au tas de gibier. Le regard dans le vague, elle papota un instant avec Vague, et entendit des crachats et des feulements au centre de la clairière. Ses yeux ambrés se posèrent sur la source de tout ce boucan, à l’image de ses congénères, qui semblaient hébétés de ce qu’ils voyaient.
Elle vit, comme dans un mauvais rêve, se profiler les deux silhouettes sur lesquelles elle tenait le plus dans ce monde. Serres d’Epervier, le futur père de ses enfants, et Souffle Poivré, son foutu meilleur ami. Leurs deux corps se mêlaient l’un à l’autre, et les chuchotements indistincts et pourtant douloureusement compréhensibles fusaient dans l’air sec. Elle ne comprenait pas. Ils ne s’étaient jamais parlé, et aucune raison ne les poussait sûrement à se battre.

A moins que. A moins qu’elle ne soit cette raison. Elle se demandait bien pourquoi ils se battaient. Il n’avait jamais été question de duel, sa relation avait Poivre n’avait jamais dépassé le stade de l’amitié, certes fusionnelle. La rouquine remua la tête, songeant qu’il n’était pas vraiment le temps de se poser des questions mais bien d’agir. Les autres restaient ballants, sans savoir quoi faire, à observer Poivre se mordre la queue, complètement hors de lui, presque aliéné. Elle soupira intérieurement, lassée de voir que jamais, jamais il ne s’intégrerait dans le Clan. De cette manière tout du moins, cela risquait d’être très compliqué.
Maintenant tu vas te calmer et te montrer respectueux, boule puante. Tout ça n'est rien car tu m'as pourri la vie. Je te haïrai jusqu'à ma mort ... Tellement prétentieux... Tellement ridiculement fier... n'oublie pas... n'oublie pas ça.

Les insultes lui brisaient les tympans. Elle aurait plus que tout voulu qu’ils se taisent, qu’Epervier n’attaque pas Poivre sur son odeur, et que ce dernier ne réenchérisse pas comme il venait de le faire.
Son monde tombait en poussières.

Elle se précipita, écartant les badauds qui ne bougeaient pas, et bondit sur les deux matous qui ne cessaient de se donner des coups de patte. Serres d’Epervier, en ce moment, maintenait son meilleur ami fermement sur le dos. Elle le bouscula sans grand ménagement, pour qu’il laisse Poivre se relever, et s’interposa entre les deux, le regard furibond. Ses yeux lançaient des éclairs, regardant furtivement et l’un et l’autre, ne sachant qui était le plus responsable de cet affrontement en public.
« Arrêtez ! Vous êtes des gamins de vous battre ! On ne vous a jamais appris qu’il fallait d’abord parler avant de se sauter dessus bêtement ? »

Sa voix était ponctuée de tremblements, par la colère et la tristesse de les voir se déchirer l’un et l’autre, sans égard pour cet amour qu’elle donnait à chacun. C’était une pensée égoïste, mais elle ne comprenait pas qu’ils se soient affrontés de la sorte.
« Quel est le problème, là ? Je suppose bien que vous ne vous donnez pas en public pour rien ? »

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» Une absence d'une poignée de jours - Eclat du Crépuscule - abandon
» Rousse comme un renard [PV Éclat du Crépuscule] - abandon
» L'impasse (avec Éclat de Crépuscule) - Abandon
» Le temps des tempêtes (avec Éclat de Crépuscule) - Abandon
» Oublier, un instant ft. Éclat de Crépuscule -end