Quand chasser rîme avec rencontre [Feat Mamba Noir] - abandon

Qu'il était bon de se sentir enfin chez soi. Son Clan lui avait tant manqué. Elle avait tant rêvé de ce moment. Elle avait tant rêvé de ce retour. Elle s'en était fait un tas d'idées, un cafouillis de pensées. Elle avait attendu avec tant d'impatience ce moment. Elle avait vécu tant de périodes de doute, rongé entre l'envie de retourner auprès des siens et l'idée de l'accueil froid qu'elle pourrait avoir. Après tout, elle avait disparu depuis quinze lunes. Après tout, elle avait disparu sans laisser la moindre trace. Elle n'avait pas pu motiver sa disparition ou même prévenir aucun de ses camarades de ce qui s'était tramé. La question d'être crue était donc légitimement apparue dans les possibilités innombrables qui s'agglutinaient autour de son grand retour. Et finalement, tout s'était déroulé au mieux. Quelques septiques avaient essuyé des doutes quant à sa présence et à sa réapparition. Les autres avaient simplement donné l'air d'être heureux de revoir une camarade disparue depuis si longtemps. Elle ? Le stress et la joie avaient été à son apogée. Son corps transit par des émotions aussi complémentaires que contradictoires avait enduré un long trajet, un voyage des plus douloureux, mais rien qui n’entachait la consolation et la béatitude d'être enfin à sa place. Retrouver son Clan. Retrouver sa famille. Retrouver les siens. Comment pouvait-on être plus heureux et serein que lorsqu'on entrevoit enfin le bout du tunnel après quinze lunes d'incertitude et d'errance ? Et si la vie avait été ce qu'elle est toujours avec les êtres de ce monde, malmenant et parfois bien injuste, avec la Guerrière, elle avait tenue bon et gardée en tête le seul objectif qui la ferait toujours avancer. Les hivers en solitaire, les dangers, les épreuves imposées, avaient un goût bien différents que tout ce qu'elle avait pu affronter au cours de son existence au sein du Clan du Vent. Ressortie grandie et différente de cette mésaventure, son caractère était bien plus affirmé, bien plus tranchant et peut-être bien moins luxuriant aux yeux de certains.

Démontrant une envie de vivre et de reprendre part aux activités qui furent siennes avant son départ, Mamba Noir n'hésitait pas à prendre part au maximum d'activités possibles. Enchaînant les diverses patrouilles qu'on lui accordait, prenant part aux chasses quand elle en avait la possibilité, la fatigue qu'elle ressentait au moment de se coucher était salvatrice pour son esprit. Les yeux grands ouverts, le museau et les oreilles aux aguets, en ce bel après Zénith, la femelle au pelage tricolore s'était mise en quête d'attraper quelque chose pour ramener au Camp. Partie en solitaire, après en avoir fait part à son paternel et Lieutenant, elle avait assuré qu'elle serait de retour dans peu de temps, avant le coucher du soleil tout du moins. Elle venait à peine de réapparaître et ne comptait pas le moins du monde affliger de nouveau une distance et une absence à ses camarades. Prenant le vent de face, elle avait parcouru une grande partie de la Lande profitant simplement de la sensation de la bise sur son pelage. Ces bourrasques lui avaient tant manqué, elles avaient tant fait défaut par leur absence, qu'il lui sembla qu'elle ne se plaindrait plus jamais de leur présence. Affligée de cette compagnie, la femelle s'était laissée grisée par l'envie et le bonheur de simplement courir à en perdre haleine. Agissant telle un chaton presque écervelé, elle avait bien pris garde d'être seule et à l'abri de tout regard. Lorsqu'elle eut fait le plein de bonnes ondes, après s'être saoulé à la force du vent, elle se concentra enfin sur le pourquoi elle s'était accordé cette excursion. Il fallait qu'elle apporte sa pierre à l'édifice. En d'autres termes, si elle voulait manger, elle devait aussi rapporter de quoi nourrir les autres. Usant de ce qu'elle avait appris durant son apprentissage, elle ralentit le rythme, entrouvrit sa gueule et huma l'air à la recherche d'une piste intéressante. En furetant à la recherche d'une odeur plus fraîche qu'une autre, elle se rendit compte de sa proximité avec la frontière avec le Clan de l'Ombre. Prudente, elle repéra la trace laissée par une souris. Remontant la piste avec agilité et discrétion, elle fut contrainte de renoncer à cette petite proie appétissante lorsqu'elle la vit se jeter corps et âme dans la traversée du Chemin du Tonnerre. Inutile de s'amocher pour une souris.

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Imprudente. La petite souris avait traversé cette large bande d’asphalte sans même regarder l'un et l'autre des côtés. À croire que l'instinct de survie ne poussait pas à mener ce genre d'affaire. Une vie était si vite arrachée sur ce chemin tortueux et puant. Un chat, un blaireau ou même un tordu de cabot pouvait se voir happer sans la moindre difficulté par un monstre de ferraille rugissant, alors une petite souris... Et pourtant... Une bonne étoile semblait la surveiller, briller pour elle de là-haut, bien cachée derrière les nuages, pour cette fois du moins. Donnant ainsi raison à la précipitation, et inévitablement à la bêtise, lui offrant la vie sauve. Le petit rongeur eut le loisir de disparaître de l'autre côté, et ce sans qu'aucun monstre n'ait fait son apparition. Si elle venait d'assister, pantelante, à la scène, Mamba Noir n'en aurait pas fait autant, pour l'amour du Clan des Étoiles. Le quota chance et risque était bien trop aléatoire et les dangers bien trop grands pour qu'elle risque sa vie aussi bêtement. Autant utiliser ce qu'elle avait de plus que cet animal-là qu'elle traquait : sa cervelle. Elle n'avait pas fait tout ce chemin, n'était pas revenue d'aussi loin pour finalement venir trouver une fin dramatique sur cette large bande noire puante. Et puis, elle se garderait bien aussi d'aller flirter avec la frontière du Clan de l'Ombre. Depuis la bataille qui lui avait coûté quinze lunes, elle ne portait pas ces sacs à puces dans son cœur. Et bien que toutes les raisons semblaient bonnes pour leur donner un peu de misère, la femelle tricolore fit le choix de se tenir sagement de son côté. Elle ne ferait pas toute une affaire de cette souris ratée, elle pouvait bien leur laisser, s'ils étaient capables de l'attraper. Ne perdant pas de temps, elle entreprit vite de trouver autre chose à ramener. Prenant une bonne inspiration, son museau filtra l'air et inhala les odeurs environnantes. Mais au lieu de pouvoir se vanter d'avoir trouvé une nouvelle piste, la Guerrière ne fut capable que de conclure que l'odeur de vieille carne était un peu trop présente pour n'être que le fait d'un marquage.

Peu encline à l'idée de pouvoir croiser un de ces mangeurs de lézards, elle osa tout de même jeter un coup d’œil au-delà du Chemin du Tonnerre, là où les pins sombres étriqués contrastaient avec la vaste lande. Balayant l'autre rive d'un coup d’œil linéaire, elle repéra rapidement une silhouette féline. Si elle voulait faire comme si elle ne l'avait pas vu, c'était raté. Bien plus petite qu'elle, plus jeune aussi, Mamba Noir se rassérénera en voyant qu'elle n'avait affaire qu'à ce qui semblait être une Apprentie. Entre deux âges, la forme qu'elle distinguait ne semblait pas sortir tout droit de la Pouponnière, pour autant sa taille et ses traits n'étaient pas non plus ceux d'une adulte. Non. Elle devait être en plein apprentissage et perdait probablement du temps à folâtrer aux frontières comme bien des jeunes. Que cherchait-elle ? Un peu d'adrénaline ? Songeait-elle à traverser ? Se trouvait-elle juste là au mauvais moment ? N'en ayant pas grand-chose à faire de cette inconnue, la fille du serpent aurait bien prit le parti de lui tourner délibérément le dos et reprit ses activités si l'autre n'avait pas aussi posé ses yeux bleus niais sur elle. Est-ce qu'elle en avait quelque chose à faire de l'image qu'elle renvoyait ? Surtout à une novice de l'Ombre ? Pas le moins du monde. Pourtant, lorsque l'autre ouvrit la gueule pour l'alpaguer d'une salutation, la tricolore ne put s'empêcher de penser qu'elle pourrait s'amuser un peu. Elle avait été si longtemps loin de tout cela, qu'il y avait peut-être possibilité de se refaire un nom. La petite au pelage sablé ne devait même pas la connaître, Mamba Noir avait loupé cette génération comme elle avait loupé celle de sa petite sœur. Inconnues, l'une pour l'autre, peut-être, pouvait-elle au moins prendre la peine de répondre à sa tentative d'identification. L'autre entama un semblant de conversation en soulevant l'appartenance de Mamba Noir au Clan du Vent. Et comment ! Plus que jamais fière de porter haut et fort les couleurs de son Clan, la Guerrière laissa un sourire éclairer son visage :

« Bravo mon crapaud, ton mentor doit bien être fier de t'avoir appris à te servir de ton museau. Il le serait peut-être un peu moins à te voir flâner et pactiser à la frontière avec l'ennemi. »

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Clan du Vent un jour, Clan du Vent, toujours, claironna la minette dans son esprit. Elle était aux anges depuis qu'elle y était revenue. Véritable retour aux sources, retrouvailles avec son passé, son présent et son avenir. Dans sa tête, dans son cœur, elle ne pouvait être ailleurs qu'avec eux. Perchée bien haut sur son petit nuage, personne n'aurait pu l'atteindre. Pas même les pires réflexions, pas même les pires coups bas. Alors espérer que cette rencontre fortuite par un destin bancal et hasardeux allait l'attendrir, la faire changer de comportement ou de façon d'être était illusoire. Quelques jours à peine après son retour, elle ne comptait pas commencer à faire des exceptions. Autant se mettre la patte bien profondément dans l’œil et avec les griffes, c'est encore mieux. Xénophobe ? Pas vraiment. Pas totalement pour être pleinement honnête. Elle l'était peut-être un peu. Ou peut-être un peu trop loyale. Baignant dans le Code du Guerrier depuis sa naissance, le bourrage de crâne avait particulièrement bien fonctionné sur elle. Elle était le parfait petit soldat qui ne voyait que par son Clan, piétinant les autres s'il le fallait. Elle n'avait pas honte de le faire ou de l'avouer à quiconque. Fière comme beaucoup de ses camarades, elle offrait sa plus belle démonstration d'orgueil à cette jeune Apprentie qui n'avait pourtant rien demandé, si ce n'était un peu d'attention peut-être. Elle s'était probablement fait une idée en tête, peut-être pensait-elle tout simplement pouvoir sympathiser amicalement avec la Guerrière. La tricolore la ferait très vite déchanter. Son attitude, ses mots, son regard, tout tendait à mettre une distance significative entre elles. Le Clan de l'Ombre n'avait rien à lui apporter, cette petite non plus. Autant ne pas perdre inutilement son temps et sa salive à tenter de faire amie-amie. Et dire qu'elle se moquait éperdument de ce que penserait la gamine était un doux euphémisme. Elle ne vivait pas à travers les yeux de cette jeune. Elle ne vivait pas non plus aux yeux d'un quelconque félin étranger. Non. Le seul reflet qui avait de l'importance, la seule apparence qu'elle voulait soigner, c'était celle dans le regard des siens, de sa famille, de son père. Les autres pouvaient bien aller à la Forêt Sombre directement. S'ils avaient passé le stade de petites boules de poils innocentes et parfaitement malléables, elle ne prenait que rarement la peine de s'y intéresser.

Séparées par le Chemin du Tonnerre, cette large bande noire puante, les deux femelles auraient probablement pu passer l'une et l'autre de leur côté sans s'adresser ni une parole, ni un regard. Elles se seraient ainsi comporté comme les parfaites inconnues qu'elles étaient l'une pour l'autre, évitant de perdre stérilement du temps et de la salive. Cela aurait probablement été préférable, même. Garder une image neutre, sans équivoque, sans préjugés aucun de l'une pour l'autre et vice-versa. Et pourtant, bien innocemment, la plus jeune avait franchit le pas sans que Mamba Noir ait franchement son mot à dire. Mais, là où elle pouvait encore agir, et se devait de le faire, c'était sur la suite que prendraient les événements. Qu'avait-elle à gagner à baver et jacasser avec une Apprentie du Clan de l'Ombre ? N'avait-elle pas suffisamment à faire depuis son retour ? Retrouver son Clan, ses fonctions et ses devoirs avait été une attente telle qu'elle voulait donner le meilleur d'elle-même à présent. Elle voulait reconquérir les esprits de ses camarades, leur prouver à tous qu'elle méritait de nouveau de faire partie du groupe et qu'elle n'avait rien perdu de ce qu'on lui avait enseigné. Elle avait manqué de pratique durant son incarcération et cela expliquait probablement la peine qu'elle pouvait parfois avoir, mais tout finirait par revenir. Elle le sentait. Au plus profond d'elle, elle savait qu'elle reprendrait sa place. Elle rendrait de nouveau fier son Clan et son père. Elle allait devenir une grande Guerrière. Elle allait reprendre là où l'histoire s'était arrêtée. Et la mine outrée de la petite femelle au pelage sable à ses mots n'y changeraient rien. Est-ce qu'elle pensait être tombée sur une bonne âme en quête de bavardage amical ? Si tel était le cas, elle risquait fortement d'être déçue. Mamba Noir n'avait aucun intérêt à tergiverser ici. Encore moins avec un être sans réelle personnalité. La position qu'elle adopta, les mots qu'elle daigna cracher avec un dédain pitoyable digne d'un chaton vexé, ne trouvèrent aucun impact sur son propre état d'âme ou d'esprit. Non. Décidément. Les chats du Clan de l'Ombre n'avaient rien à lui apporter. Si elle-même avait lancé les hostilités, elle trouvait pitoyable la qualité de la répartie. Inutile de perdre son temps et son énergie outre-mesure, les secondes étaient précieuses quand on leur prêtait une telle nuance. Affichant un sourire moqueur, la femelle laissa une pointe de dédain s'échapper de sa gueule avant de lui tourner ouvertement le dos :

« C'est que ça piaille cette petite chose. Quand tu auras fini de brailler tes conneries, tu réfléchiras au fait d'économiser ta salive, en plus de faire des envieux parmi les langues de vipère, tu auras fais l'acquisition d'une leçon importante. »

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