Dans le froid et la bonne humeur ~ Ft. Dents de Sabre - abandon

Cœur de Lionne cavalait à son côté. Pas trop près, pas trop distancée, elle sentait la queue du matou lui effleurer le flanc. Elle expira silencieusement, relâchant des panaches blancs qui s'enroulaient autour de ses narines. Il fallait qu'elle essaye de raviver ses souvenirs d'apprentissage, le froid qui transperçait ses muscles ne devrait pas la déstabiliser. Son regard ambré se perdit dans l'épaisse fourrure sable et brune. Elle ne devait pas fauter devant le guerrier.
Depuis qu'Etoile Dansante les avait tous deux conviés à se rencontrer pour une patrouille frontalière -à effectif diminué, les autres employés au ravitaillement du camp-, elle n'avait osé trop lui parler. A part pour se mettre d'accord sur, enfin plutôt lui demander, leur première destination, bien sûr. Mais à ceci près, elle avait même à peine croisé son regard vert. Elle le connaissait évidemment, elle n'en avait pas peur, ha ça, elle n'avait peur de personne, non? Mais l'avait toujours évité ou revêtu sa mine de formalité quand il fallait l'approcher. Il était... Intriguant. Inquiétant peut-être. Son regard sage dans son imposante stature semblant lire dans l'esprit de Cœur de Lionne malgré tous les comportements de prestance qu'elle mettait en place. Elle entendit la voix de Nuage Scintillant se moquer d'elle: "ce que tu es gauche avec les mâles! Tout ce que t’intéresse toi c'est la nourriture!" La nourriture, elle, a ceci supérieur à la gente masculine qu'elle est silencieuse, lui répétait-elle malicieusement tout le temps. Soudain elle s'hérissa, le matou lui avait décoché un regard oblique. Il n'était pas plus bavard qu'une grenouille en hiver, celui-là, mais il savait se faire comprendre. Pressant l'allure pour ce qu'elle prenait comme avertissement pour qu'elle se concentre davantage sur son devoir de guerrière, elle trébucha sur une fronde gelée, le contact froid acheva de la glacer. Elle clopina un instant, sa queue s'agitant nerveusement, puis osa lancer un timide regard en étirant sa bouche sur un triste sourire:

- Oups... En voila une qui n'a pas peur des ennuis.

Elle chassa la fronde dans un geste théâtralement combatif. Si son camarade réagit, elle n'en vit rien, trop occupée à perdre son regard dans les hauteurs, les oreilles brûlantes.
Ils ralentirent la cadence ensuite. Le soleil déclinait face à eux, à présent, en projetaient de grandes ombres sur leur chemin. Ha si Nuage Scintillant était là, tout serait différent. Elle étouffa un petit rire en pensant à ce que la jolie petite chatte dorée aurait fait vivre à son camarade de patrouille. Que ferait-elle sans elle... Elle devait être en train de s'entraîner actuellement, peut-être avec son frère... Dent de Sabre n'était-il d'ailleurs pas le mentor de ce dernier? Elle osa de nouveau un regard sur ses oreilles sombres et les longues moustaches qui encadraient un museau qui lui était caché. Ça devait être un bon mentor. Nuage Rayé serait un bon guerrier, sans doute. Elle louvoya dans le sillage du touffu guerrier, maintenant ouvrant la voie. Elle se souvient des rumeurs qu'elle avait entendu à l'époque de la pouponnière. Lui, était déjà guerrier. On disait qu'il était de sang impur, que ses parents avaient fait pacte avec le mal. Mais c'est tout ce qu'on racontait. Lui ne semblait exhaler aucune forme du malin et il était un bon guerrier. Cœur de Lionne frémit du froid autant que l'appréhension. C'était qu'il devait au moins avoir plus de quatre saisons de plus qu'elle, elle ne devait vraiment pas faire d'erreur devant lui.
Une plainte stridente brisa le silence et Dents de Sabre pila devant elle. La femelle écaille lui rentra dedans et se recula d'un bond, rentrant dans un buisson couvert de givre. Elle leva les yeux vers les cieux, ils s'étaient assombri depuis tout à l'heure. Dents de Sabre semblait tendu. Elle chercha de ses yeux, pointant ses oreilles là où son regard n'était pas, ce qui pouvait bien le chagrina. Sa queue se dressa soudain pour attirer l'attention du matou, le bout touffu ondulant sous la bise. A la place d'un obstacle, une proie se trouvait juste-là, cachée dans l'enchevêtrement d'un vieil arbre tortueux. S'ils étaient en patrouille frontalière, chasser sur le chemin ne ferait du mal à personne et ils pourraient remplir leur panse vide. Le guerrier était à ses côtés à présent et, gênée, elle l’incita d'un mouvement d'oreille à donner la chasse.

Dans le froid et la bonne humeur.

Dents de Sabre était silencieux. Après tout, sa partenaire n'était pas beaucoup plus bavarde et le guerrier ne savait en réalité pas l'aborder. A plus forte raison qu'il avait passé une nuit trop courte, l'insomnie était revenu le torturé un peu. Il revoyait sa dispute avec sa jumelle et la véracité de ce qu'il avait compris lui brisait le cœur, l'étreignant à l'en faire saigner. Mais le temps soigne les blessures, quand bien même il ne peut effacer les cicatrices. Il devait attendre que la plaie, même invisible, se referme. Et puis, il avait déjà fait une partie de son deuil à sa façon. D'autant plus que le clan avait besoin de lui, besoin qu'il soit apte à accomplir ses devoirs de guerrier et s'il s'était laisser aller au départ de Bouquet de Muguet, il avait fini par reprendre du poil de la bête et s'avançait entre les pins avec assurances, sa queue ne balayant plus le sol mais se tenant proprement au dessus du tapis d'épines. D'autant plus qu'il avait vite compris que Cœur de Lionne ne se sentait apte à prendre les devants. le fait qu'elle soit plus jeune peut-être, encore que, la femelle était assez effacée, du peu qu'il avait pu prêter attention à elle. Et comme si le seul fait de penser à elle et à la responsabilité qu'elle lui avait laisser avait suffit, il remarqua que la guerrière avait ralentis le pas et d'un regard, il voulu la questionner. Il ne sut ce qu'elle pensait en vérité car elle pressa juste le pas.

Et si le mâle remarqua bien que sa compagne d'infortune avait quelques mésaventure avec de la végétation, il préféra l'ignorer, sa propre attention portée sur un vol de corneille au loin, lesquelles semblait fuir quelque chose. Encore que, leur silence le troublait. Peut-être simplement les oiseaux de mauvaises augures avaient ils décider de chasser ? Toujours était il qu'il n'avait repérer nul danger et qu'il reprit sa marche, attentif. Nuage Rayé avait nombre de corvée à faire aujourd'hui. Chargée de changer les litières des anciens, il escomptait que chercher, récupérer et changer la mousse des nids lui permettrait de gagner un peu en endurance et en force. Et puis, il ne pouvait décemment le faire courir sur le territoire tout les jours. Au moins le novice profiterait il de la possibilité de souffler un instant, encore que sur ça, le mentor n'était pas le plus contraignant. Mais c'est le piaillement d'alerte d'une mésange à leur approche qui fit finalement s'arrêter le mâle à nouveau. L'oiseau les avaient ils repérés eux où avait il repérer autre chose ? Pour s'en assurer, il usa de ses oreilles, les pivotants attentivement, la gueule à demi-ouverte pour capter parfaitement la même effluve et confirmer finalement ce qu'il songeait déjà. Ils semblaient bien seuls. C'est ce moment que Cœur de Lionne choisi pour lui désigner une proie, laquelle semblait ne pas avoir fait attention à la présences des deux matous. Et à nouveau, elle lui offrait priorité.

En retour, il lui fit signe de contourner les pins. S'il ratait sa proie, peut-être aurait elle davantage de chance ? Impossible de toute façon de lui exprimer ses pensées en miaulant, le moindre son ferait tout fuir dans l'instant. Silencieux, il se positionna, le ventre pratiquement au sol, puis s'avança sans bruit, mais la souris que la guerrière lui avait signaler fini par remarquer le prédateur et elle détalla promptement après l'avoir regarder droit dans les yeux. Ses chances évanouis, le matou leva les yeux vers les troncs. peut-être l'oiseau avait il finalement par son cris, mit en garde la souris ? Toujours était il qu'il rester bredouille. Et tout en s'asseyant, il chercha sa partenaire. Peut-être elle avait elle eu plus de chance ?

Le matou lui désigna alors une rangée de pin vers laquelle elle rampa furtivement et se tapit, bien heureuse de n'avoir qu'à écouter. Ses deux grands yeux jaunes s'arrêtèrent sur le mouvement qu'elle venait de contourner. La proie était juste devant elle, petite souris entre deux racines, elle pouvait entendre sa respiration rapide, humer son fumet forestier. Elle cligna lentement des yeux en ravalant sa salive. Fallait-il encore l'attraper.
Soudain, le prédateur silencieux apparu dans son champs de vision, juste face à elle -derrière le rongeur-, ses yeux et ses crocs brillaient de l'éclat de la faim que son long pelage camouflait. Cœur de Lionne ne trouva rien à redire sur sa traque, mais la souris ne fut pas de cet avis: bien avant que le pelage sable et brun du matou ne soit visible à ses yeux, elle déguerpi sans demander son reste. Zut. Sans prendre le temps de s’enquérir des prochains mouvements de son camarade, la femelle écaille franchit avec hésitation les dernières longueurs de queue qui la séparait du petit animal -qui fonçait droit vers elle, de toute façon- et le frappa d'une patte fébrile. Le petit être tournoya sur lui-même avant de s’écraser contre une fougère givrée. L'animal couina. Une branche se cassa, là-haut, mais Cœur de Lionne n'y prêta qu'une oreille distraite. La souris était bel-et-bien par terre, elle. Elle se jeta après l'animal qui fuyait déjà par grands bonds. Elle sentait sa peur. Elle sentait sa faim. Dans sa course, elle ignora de nouveau les battements d'elle qui déchiraient l'air, là-haut. La souris n'était que là, il ne fallait que la cueillir. Qu'une dernière foulée. Son pelage écaille s'hérissa quand elle cru recevoir l'écho de la voix de Dents de Sabre et, osant un regard dans la direction, l'une de ses pattes arrières se prit dans dans une ronce. Aïe! Les épines lui rentrèrent dans la chair tandis que son menton percuta le sol avec violence. Légèrement secouée, la guerrière ne vit que la queue de la souris qui disparaissait dans des racines noueuses. Crotte de souris! Elle grogna doucement tout en restant à terre. Qu'allait-elle dire à Dents de Sabre? Qu'elle s'était emmêlée les pattes comme une apprentie? Maintenant, déshonorée et sale, même Nuage Scintillant lui refuserait son côté. Pouah tu empestes la vase!. Sa queue s'agita nerveusement tandis qu'elle se rassit discrètement. Maladroite qu'elle était, même une grenouille congelée lui échapperait. Une nouvelle branche craqua au dessus de sa tête et avant que la femelle y lève son regard, du bois -un tronc! s’abattit avec fracas juste à côté. Son échine se crispa violemment tandis qu'elle se tapit près de sa patte prisonnière. Qu'est-ce que...? Avant qu'elle puisse oser un commentaire, un croassement troubla la pluie d'écorces. Ses oreilles criblées d'échardes, elle leva un œil apeuré vers ce qui avait attenté à sa vie: Deux gros oiseux ébènes se battaient-là. Hurlant, s’assénant de violent coups de leur bec puissant et leurs serres acérées, ils voletaient de branches en branche dans un duo furieux. Les épaules rousses de la guerrière s’affaissèrent un instant tandis qu'elle se préparait à héler Dents de Sabre, mais l'un des corbeaux plongea soudainement vers le sol. Peut-être se disait-il qu'il avait plus de technique pour se risquer à voler entre les troncs étroits ? Tant pis, elle, n'avait rien à faire ici! D'un coup de croc, la femelle libéra sa patte maintenant assorti d'un bracelet d'épines et s'élança vers où devrait se trouver Dents de Sabre. Elle entendit les ailes du corbeau obliquer derrière elle tandis qu'il la repérait, son poursuivant à leur suite. Elle se colla contre un arbre. Le volatil passa immédiatement à sa suite, quelques longueurs de queue plus haut. C'était sa chance! Sans même y réfléchir, la femelle bondit en visant l'arbre d'en face. Comme suspendue en l'air, elle croisa deux yeux noirs étonnés avant de se faire percuter. Le poursuivant cria et Cœur de Lionne tout aussi surprise s'agrippa à son plumage noir. L'air plaqua un instant son pelage et fit pleurer ses yeux qui entre virent le sol qui défilait à une vitesse déconcertante. Je vole. Ils s’écrasèrent sur le sol. L'animal battit violemment des ailes, gorge déployée. Mais le poids de la chatte enroulée à son cou le clouait au sol. Il émit un croassement sinistre vite interrompu par des crocs qui se refermèrent dans son cou. De son bec, il tenta de piquer en vain la bête qui se serrait sous lui, mais il s'effondra encore une fois sous son poids. Dans une danse macabre, le corbeau et le chat luttèrent tout deux pour leur survie. Soudain, l'oiseau ébène trembla et s'effondra par terre pour ne plus s'en décoller pour l'éternité.
Cœur de Lionne se releva tant bien que mal, la mâchoire toujours fermement ancrée dans la chair juteuse du corbeau. Sa patte douloureuse, son cœur essoufflé, la souris manqué. Peu importe. Sa queue se dressa, hérissée. Elle avait attrapé un corbeau! Bien sûr, elle n'en avait pas l'intention mais quand bien même, elle l'avait arraché du ciel.
Des pas de course retentirent d'entre les fougères et le parfum musqué de son camarade l'entoura. Elle lâcha sa prise et le chercha des yeux, plus que jamais confiante. En léchant ses babines ensanglantées, elle s'assit près du bel oiseau.

- J'espère que tu as les crocs.

Dans le froid et la bonne humeur.

Dents de Sabre le savait, courser sa proie au milieux des pins étaient presque inutile. Sa fourrure imposante finissait par le trahir et alors que Cœur de Lionne s'élançait, lui lécha sa patte, cela devenait un automatisme. Plus fréquent encore quand il dormait peu, comme s'était à nouveau le cas ses temps ci. Mais il le savait, le sommeil finissait par lui revenir. Normalement. Quelques coups de langues, seulement ... Assez pour que, quand il redressa tête, Lionne fut hors de vue. Il se décida à aller la retrouvée, quand le fracas de bois cassant plus loin le poussa à presser l'allure. Sans plongée bêtement dans une course folle pour autant. Pas de miaulement trop fort, trop aigu, rien que ne l'alarma assez pour le pousser à courir tel un forcené. Juste de quoi lui faire hâter pas et trotter plus vigoureusement. Le guerrier hésita un instant à appeler la chatte, mais crier son nom ne ferait que faire fuir les proies, là hauts en revanche, une corneille, ou un corbeau, qu'importait, se décida à sonner l'alerte en piaillant. Le croassement qui vit fit s'arrêter un instant le long crocs. Il savait ce que ce genre de croassement signifiait. Les oiseaux noirs avaient trouvés une proie. Et si ...

Cette fois ci, il écouta les bruits de la forêt, une cavalcade au loin, et un éclair de fourrure rousse, si furtif qu'il songea l'avoir rêver. Mais le matou reprit sa course, se hâtant davantage. Et finalement, quand il découvrit sa camarade, elle se tenait assise, bien qu'il remarqua sa fourrure encore un peu hirsute sur son dos, et à ses côtés se tenait le corps sans vie d'un oiseau noir.

- Hé bien dit donc. Belle prise !

Les crocs, il les aurait peut-être plus tard, pour l'heure, il encouragea la chatte à enterrer cette prise là en s'avançant vers elle. Quand on aura fini le tour des frontières peut-être ... Il lui souri, lui laissant temps d'enterrer la prise avant de repartir avec elle. Mine de rien pourtant, il guetta la démarche de la chatte, la course avait été vive, il en avait perçu les bruits. Quelque part, une grive sonna l'alarme à l'approche des félins, mais elle se tenait trop haut dans les branches. Hors d'intérêt. Plus loin, le guerrier remarqua un corbeau, mais à peine se fut il mit en position que le volatile décolla, tenant entre ses serres un rongeur sans vie. Sans doute allait il le porter à son nid, quelque part. Dépitée le guerrier redonna un coup de langue sur sa patte, y arrachant quelques poils qu'il ignora pour jeter un regard sur Cœur de Lionne.

- Pas mon jour ... Mais ton corbeau est une belle prise, ça compensera tu crois ?

Il tentait de faire la conversation, sans doute pour éloigner sa propre amertume. Voilà un moment que ses chasses étaient médiocre, peut-être irait il demander du pavot pour dormir la nuit prochaine. encore que, il se refusait à privée ses autres camarade d'un remède uniquement parce qu'il avait l'esprit trop plein ... Trop inquiet ... Trop tout. Tout simplement.