Le Fil Rouge. ft Nuage d'Espoir - abandon

- Pousse-toi, gros lard ! grogna Patte Sablée dans son sommeil, liant sa parole à violent coup de patte en plein sur les flancs, sans même essayer d’être discrète.
- Eh ! Protesta son frère, dérangé dans ses songes, plus surpris par la secousse que réellement courroucé. Seulement, il n’ajouta rien de plus ; ce n’était pas la répartie qui l’animait, à l’évidence. Sa sœur cherchait toujours la guerre, tandis qu’il détestait s’engager dans des conflits bénins -avec elle en particulier.

Il retroussa ses poignets sous son poitrail, dans un soupir résigné. Il plissa lentement des paupières, recouvrant ses iris brillantes encore paralysées par l’atonie matinale. Une fois, deux fois, trois fois. Son angle de vu fût rétabli, assez aiguisé pour que le flot d’images brumeux valsent jusqu’à retrouver leur centre d’inertie. Après un bâillement bruyant à l’insu du sommeil de sa sœur, Patte Dodue embrassa des yeux le pourtour de la pouponnière. Il nota que le ventre d’Edelweiss Sauvage était rond comme la bonbonne à proies du clan, et qu’elle ronflait comme un sonneur. Maman disait qu’il fallait laisser les Reines s’abreuver de sommeil, avant que leurs petites graines ne pépient en quête de nourriture, toute la sainte nuit. Parfois, Patte Dodue ne comprenait pas trop le sens des mots de sa Maman. C’était confus et énigmatique.

On s’abreuve d’eau, pas de sommeil. Et ce sont les oiseaux qui pépient, pas les graines. De plus, chatons n’étaient pas des graines. Les graines ce n’est pas vivant, c’est mort.

Son regard s’était braqué sur un point fixe ; la couchette éventrée de la présence disparue de son père. Par ailleurs, son odeur bien que ténue envahissait encore l’espace, troublant ses sens olfactifs immatures. Attiré, mais éconduit par son popotin avachi sur son propre nid, Patte Dodue réfléchit un instant. Il cligna d’un air hébété : une fois, deux fois, trois fois, et une dernière pour la forme. Il dégourdi ses moustaches, flânant dans l’air, comme pour exprimer son amusement. Il râcla les rondeurs de son arrière-train contre son lit tissé de plumes qui s’envolèrent dans son mouvement. Ses membres antérieurs prirent appui sur la terre meuble, bien droits, pour ramener sa croupe derrière lui.

- J’suis une chenille ! déclara-t-il tout haut, sans retenue pour hôtes des lieux. Il réitéra sa parade plusieurs fois pour s’illustrer avant de continuer : J’avance comme une chenille ! Ou un ver, ou un escargot, ou une larve. Quelque chose qui bave, quoi.

Lorsqu’il trouva refuge dans les linges de son père, lové au creux d’un bouquet d’arômes fugaces, son attention fût retenue par une démarche décadente, au dehors. De sa position, il cligna une bonne dizaine de fois, ses paupières chancelantes. Sans comprendre, la démarche vacillante du mâle, il s’avança vers lui, retenant une patte sauvage plissée contre on poitrail. Ainsi, sa silhouette boitillait, ses pattes s’écrasait sur la marre épineuse de la pouponnière, d’autant plus dénué d’élégance gracile qu’à l’accoutumé. S’il était pataud et balourd, il devenait complètement assisté, tant il chutait plus qu’il ne marchait. Arrivé à la hauteur de l’apprenti le dominant de toute une hauteur de taille, il incurva les plissures de son cou, avant de le héler.

- Bonjour ! Tu imites quoi comme animal, demanda-t-il, le ton expié de moqueries. Même, souriait-il avec chaleur à son attention. Tu m’apprends ? Je t’apprendrai à faire la chenille, en retour si tu veux !

Il leva ses mirettes vers les arbrisseaux denses qui bordaient l’encolure du camp. Un oisillon gazouillait du haut de son perchoir, chantonnant à la gloire du printemps.Le chaton arqua ses minuscules oreilles vers l'extérieur, attentif.

- Dis, tu crois que les chats pépient lorsqu’ils naissent ? reprit-il, évasif. Maman dit qu’on est des graines qui pépient et qui dérangent le sommeil d’autrui. Tu crois que c’est vrai ? Sa voix était désincarnée, fugitive. Seul son bourgeon de queue trahissait son instinct : Fendant l’air au rythme de sa respiration, le chaton battait la mesure, comme pour s’imaginer attraper le volatile.

Le Fil Rouge

Nuage d'Espoir se sentait harassé. Feuille de Saule lui avait bien fait comprendre l'importance de savoir se reposé aussi mais sitôt ses corvées fini, ce jour là, le novice avait demander un entrainement martial. Et l'entrainement quoi que court avait mis à rude épreuve son endurance. Si bien qu'il n'était pas peu content de pouvoir rentrer au camp. Encore que, il ne comptait pas dormir si tôt. Peut-être rendre visite à sa mère et profiter de sa chaleur, où, si l'occasion se présentait, passer un peu de temps avec Nuage de Roc. A moins qu'il ne profite d'une histoire des anciens. Ils en avaient toujours tellement à compter ! Et alors qu'il errait de part le camp, c'est un chaton se tortillant au sol comme un vers qui capta son attention et un instant durant, Nuage d'Espoir eu craint qu'un autre avait des soucis pareils aux siens. Avant de se rappeler que tout les derniers nés allaient très bien, et de s'inquiéter du fait. Mais le chaton en était arriver à lui et le jeune mâle baissa la tête pour découvrir Patte Dodue qui souriait à souhait en le saluant.

- Oh ... Ce que j'imite ? Si le novice avait à peine rendu le salut, c'est que la question l'avait entièrement prise au dépourvu. Par chance, le chaton semblait gentil à souhait à plus forte raison pour Espoir quand il poursuivit en expliquant, même si sous-entendue, qu'il faisait pour sa part la chenille. De quoi faire remuer d'un rire les moustaches de l’aîné finalement qui se mit à sourire en retour devant la candeur du petit. Mais déjà, le chaton observait un peu à l'écart et le novice suivit son regard, quand bien même il du se décaler un peu pour que son œil aveugle ne soit pas seul à "regarder" dans la bonne direction, le laissant dans le flou quant à ce qui attirait l'attention de son cadet. Et son oreille viable revint sur la petite voix dès qu'il la perçut de nouveau pour ne rien louper de ce que Patte Dodue avait à lui demander. Une chance que le temps passant, Espoir parvenait un peu mieux à pallier ses défauts. Encore que d'autres auraient parlé d'handicape. Et le mot était juste seulement, il sonnait lugubrement aux oreilles du matou.

- Pépient je sais pas, mais ils gémissent ensuite quand ils sont trop loin de leurs mamans. Il avait eu la chance, comme tant d'autres membres du clan, de pouvoir saluer les nouveaux membres quelques jours après leur venus au monde. Et s'ils ne savait plus lequel des chatons avaient malencontreusement roulé un peu loin du ventre maternel ce jour là, il se souvenait avoir demander avec inquiétude si tout les chatons raillent ainsi aux débuts. C'est que, le son lui avait paru si clair pour une fois. Il s'assit donc enfin devant Patte Dodue pour poursuivre, essayant de comprendre ce que la reine avait voulu dire à son petit.

- Des graines, ça fait pas de bruits, les chatons aux débuts si ... alors heu ... vous étiez de petites ... heu souris qui couinaient ? Il se mit à rire, pas bien certain de sa propre réponse avant de se pencher pour que son museau effleure presque la tête de son jeune camarade. Mais dit moi petite chenille, as tu déjà vu une grenouille ? Elles avancent par grand bond, même si, je suis finalement pas très doué pour les imiter. Que n'aurait il voulu pourtant, avancer plus facilement qu'en claudiquant sur trois pattes. Mais sa patte folle avait beau le déranger parfois, il avait toujours fait avec aussi, il n'y prenait plus vraiment garde, si ce n'était à la chasse où sa maudite patte lui interdisait toute course et où il devait redoubler de prudence pour traquer sa proie, tapis dans les herbes où au dessus de l'eau. car cette patte là était mauvaise compagne de pèche également ... Pour autant, le chaton venu le rejoindre effacé tout ses ennuis "de grand" pour l'aider à sourire. Chose pas bien difficile en vérité. Mais quel plaisir à non pas être celui qui apprend mais d'être un petit peu, le professeur, pour changer ...

- Dis, tu crois que les chats pépient lorsqu’ils naissent ? Maman dit qu’on est des graines qui pépient et qui dérangent le sommeil d’autrui. Tu crois que c’est vrai ? Ses yeux se perdirent par-delà le rideau de roseau tissant l’encolure du camp. Ses paroles moururent dans l’air, à mesure qu’il en détachait l’attention.

Ainsi décelait-il un de ses volatiles aux plumes dorées, mimant le funambule sur la pointe d’une tige de bambou. Son bec gratouillait le revers de son aile sans que le geste ne remue son perchoir de fortune. Une grâce qu’il n’aurait jamais. Sa maman comparait ses flancs à ceux d’Edelweiss Sauvage, grouillant de futurs petits à naître. Ce n’était pas glorieux, pourtant il tirait presque une certaine fierté de ses rondeurs abusives. Par ailleurs, l’oiseau qu’il observait par mégarde, ne pépiait mot -pour dissimuler sa présence des félins, hôtes de l’îlot. Il aurait aimé entendre son chant pour s’assurer que les volatiles gazouillaient à défaut des chatons qui eux miaulaient. Il aurait aimé photographier cet instant au creux de sa rétine, pour le projeter plus tard à sa mère, afin de lui prouver ses torts. Par ailleurs, il balaya son courroux d’un mouvement ample de la queue, comme pour annihiler son idée. Maman était une adulte, et certainement devait-elle savoir que les chats n’étaient pas des oiseaux. Il remua les moustaches, atteint par le ridicule du quiproquo.

Soudain, un museau vint frôler la courbe de son crâne, l’extirpant de ses songes éphémères. Surpris, Patte Dodue hoqueta ses paupières, appelant son manque d’attention à la rescousse. Epris dans ses rêveries, à guetter les mouvements du volatile, Patte Dodue s’était abstint d’écouter la réponse du chat blanc, qui eût la gentillesse de répondre à son altercation. Patte Dodue se sentit honteux à l’égard de son interlocuteur ; il attendit le chant d’une réprimande bien méritée tandis que ses yeux à lui, s’étaient glissées dans ses petits souliers, secoués sous diverses gesticulations. Pourtant le Matou ne semblait pas s’en offusquer. Ce n’était peut-être pas un adulte ? Un demi-adulte qui ne grondait pas encore ?

- Mais dit moi petite chenille, as-tu déjà vu une grenouille ? Elles avancent par grand bond, même si, je suis finalement pas très doué pour les imiter.
- Ah bon ? Sa tête bascula vers le côté, interloqué. C’est quoi une gre-nouille ? Une nouille qui fait greuh ? Il fronça ses traits , incrédule : qu’est-ce qu’était une nouille ? Puis il redressa sa tête sur son port avec lenteur, puis s’enquit plus curieux. Tu en a déjà vue une, toi, de gre-nouille ? C’est un animal que l’on voit en dehors du camp ?

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Nuage d'Espoir n'avait pas réaliser que le chaton ne l'écoutait pas, trop concentrer qu'il était pour sa part à pouvoir un peu jouer les mentors. Aussi quand il réalisa que Dodue avait la tête ailleurs, il se contenta de ronronner doucement. Il avait sans doute fait la même chose. de toute façon, il ne voulait pas être celui qui réprimanderai le petit. Et puis la suite le fit doucement rire, attendri qu'il était.

- Il fait pas assez chaud pour en voir en ce moment. Mais bientôt.

L'apprenti agita la queue, un instant pensif avant d'ajouter. Si un jour j'en trouve une, je te la rapporterai. C'est un animal vert, pas beaucoup plus gros qu’une souris, t'as déjà vue des souris pas vrais, sur le tas de gibier ? Il pencha la tête de côté, guettant une réponse. Finalement, lui-même n'étant pas bien agé finalement, il en revint à observer les alentours du camp, avant d'ajouter pensif. D'ailleurs tu veux peut-être apprendre à en attraper. Des grenouilles où des souris, il ne savait plus guère trop. mais il aimait l'idée de montrer quelques postures au petit. ce qui lui permettrai de travailler les siennes. Et pourtant, il secoua la tête, reportant son seul œil viable sur la fourrure ronde de Dodue.

- Tu en a déjà vue une, toi, de gre-nouille ? C’est un animal que l’on voit en dehors du camp ?
- Il fait pas assez chaud pour en voir en ce moment. Mais bientôt.

Patte Dodue se contenta d’opiner du chef, tandis que ses oreilles visèrent le minois sérieux du matou, pour mieux l’écouter. L’immaculé continua son expertise animalière, pris sur sa lancée. Les novices étaient-ils évalués sur la théorie d’étude des animaux, peuplant la rivière ? Patte Dodue aurait plutôt pensé, que les ancêtres d’autrefois eurent occulter ces formalisations, à défaut de favoriser la pratique pour se rassasier. Quoi qu’il fallût peut-être pister quel type de mammifères florissaient sur les berges, et à quelle saison, pour mieux les appréhender ?

- Si un jour j'en trouve une, je te la rapporterai. C'est un animal vert, pas beaucoup plus gros qu’une souris, t'as déjà vue des souris pas vrais, sur le tas de gibier ?

Patte Dodue fit les gros yeux, bouche bée. Il tiqua sur l’action « d’apporter la grenouille », comme si l’occasion se présenterai à l’avenir. Quel genre de perspective dépeignait le félin immaculé ? Introduisait-il l’idée de l’observer, après l’avoir pris en chasse ? Ou pire, d’en déguster la viande ? Il encapuchonna la rondeur de son dos sur ses pattes, manquant de défaillir. Se détourner pour aviser le monticule de proies mortes qui s’érigeait derrière lui ? Même pas la peine d’y penser ; l’idée le faisait hoqueter d’aigreur, et il n’avait aucune envie d’envoyer valser les résidus de son dernier repas. Ainsi, il tenta d’ignorer l’amertume qui obstruaient ses sens, et envahissaient toute sa bouche.

- D'ailleurs tu veux peut-être apprendre à en attraper ? Proposa son interlocuteur avec pédagogie. Mais Patte Dodue n’en avait cure.
- Tu veux dire, les tuer ? Précisa-t-il, d’une minuscule voix fine, n’osant presque l’exprimer. Pourquoi n’appelez-vous pas les choses concrètes par leurs noms ? Est-ce le Clan des Etoiles qui vous demande de mentir, sur vos…meurtres quotidiens ?

Deux grosses larmes solitaires voguèrent sur ses joues, parcourant leurs galbes avec douceur. Le Clan des Etoiles essayaient-ils d’exhorter leurs descendants, de toute culpabilité quant à leurs tueries journalières ? Porter un coup de grâce illégitime à l’innocence d’un animal était-il l’offrande à apporter aux ancêtres, pour les remercier de leur avoir donné vie ? Ou étouffait-ils leurs crimes, au détriment de leur famine ? Quelque soit la raison, Patte Dodue n’y voyait aucune justice envers les plus fragiles, la faute à la chaîne alimentaire -qu’il ne connaissait guère- ou non !

- C’est pas juste, moi je n’aimerai pas être mangé…

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Le regard rond du chaton amusa Nuage d'Espoir, on ne devait pas souvent lui proposer de lui faire découvrir des choses, songea il. Il était néanmoins loin de s'imaginer tout le chemin qui se tracer dans la tête de son cadet. Grandir, sortir, chasser ... Tout finissait par s'emboîter tant et si bien, qu'il y a longtemps qu'il avait oublier sa propre appréhension à goûter une proie pour la première fois. Il avait pris habitude de l'odeur, tout s'était fait progressivement, si bien qu'il n'aurait sus dire à quel moment il avait eu hâte que ce soit heure du repas pour partager directement avec sa famille. Et les peurs des enfants finissait par disparaître, normalement, laissant place à des peurs d'adultes pas toujours beaucoup plus logique à dire vrai. Et c'est la voix du chaton qui le fit réagir.

Comme une fracture dans ses pensées,
Un quelque chose qu'il avait oublier de son propre passé...

Nuage d'Espoir pris pleine conscience de ce qui venait de transformer le chaton en une boule de poil dégoutté, terrifier. et le plus grand chercha un secours mais nul ne sembla avoir prêter attention à eux alors, en désespoir de cause, sil vint s'allonger contre le petit, sa queue enlaçant le chaton comme jadis, sa propre mère avait si souvent fait avec lui - et le faisait encore dès qu'elle en avait l'occasion !

- Oh non, non, non ! Je ne voulais pas te mettre mal à l'aise ! Et ... Et puis ... J'ai pas vraiment envie de manger de la grenouille non plus tu sais ... Il paraît que le clan de l'Ombre ... Non, non oublie ça. Nuage d'Espoir avait posé son œil viable sur le chaton, et il commençait à lui lécher l'oreille pour le rassurer. Essayant de reproduire les gestes que sa propre mère avait eu avec lui quand il n'était que chaton.

- Tu sais on ... On est obliger de manger pour vivre et ... Et nous et bien ... On mange des poissons où des souris ... On pourrait pas vivre en mangeant de l'herbe où ... Et puis un jour, les reines ont plus de lait ... Tu ... Tu imagines si tu devait partager ton lait avec tout le clan ?

Malgré la panique qui se faisait entendre dans sa voix, Nuage d'Espoir y laissait pointer une sorte d'amusement. Il voulait réellement rassurer le petit, dédramatiser. Ce qui n'était clairement pas évident tant il n'avait pas l'habitude de gérer ça ...

Ses yeux étaient étroitement rivés sur le sable, perdu dans le ravage de ses pensées. Patte Dodue s’était résolument transformée en coquille d’œuf, les yeux froncés et la bouche en accent circonflexe en bonus. Il ne lâchait d’une semelle sa médisance pour laquelle on devait tuer des êtres innocents, pour se nourrir. Pourquoi les rongeurs et autres grenouilles ne pouvait-ils pas vivre en simple liberté, en osmose avec les hôtes des sous-bois et de la rivière, sans devoir succomber au joug des mammifères plus gros ? Il aurait préféré naître souriceau. Il n’aurait eu guère à se soucier d’ôter prochainement la vie des plus fragiles, pour se sustenter. La chaîne alimentaire laissait toujours les plus gros gagner, c’était cruel, injuste ! D’ailleurs pouvait-on porter cette allégorie frappante à l’image du clan ? Les chatons, étaient réduits à de simples rongeurs, des oiseaux qui pépient, lorsqu’ils naissaient. Finalement, la vie ne profite jamais aux plus petits. Et par cela, il préférait largement se fondre dans ses songes, pour ne pas y penser !

Sa révolte se consuma au détour d’un bâillement, à s’en décrocher la mâchoire. Sa réflexion l’avait épuisé, malmené par son surplus d’activité cérébrale qui eût raison de lui. Tout ça, c’étaient des affaires de grands. Et peut-être pourra-t-il choisir sa propre nourriture, dans un futur proche. Il fît claquer sa langue contre son palais, encore imprégné de lait -seule source nutritive prompte à combler son appétit, à ce jour. Miam, le lait de Maman…

Mais Soudain, il sursauta. Le félin blanc fondit sur lui comme caméléon sur surface colorée. Sa pelisse empreinte de chaleur se lova contre la sienne, tandis qu’il enlaça sa queue autour de ses formes, comme d’une barrière protectrice. Friand des câlins, le chaton ne pipa mot, face à cette soudaine marque d’affection. La remarque aurait-elle ému le félin blanc ? Incrédule, Patte Dodue hissa ses yeux bleus jusqu’à ceux de son camarade -qui s’y reflétait d’une couleur similaire comme à la surface d’une flaque d’eau ondoyante. Sitôt qu’il affermit sa vision, il remarqua un détail flagrant et d’autant plus insolite, qu’il eût occulté jusque-là. Son deuxième œil est tout gris ! Était-ce un trait propre aux apprentis ? Par ailleurs, le bicolore des yeux, pris à son tour la parole.

- Oh non, non, non ! Je ne voulais pas te mettre mal à l'aise ! s'agita-t-il précipitamment.
- Oh ! Dodu dressa ses minuscules oreilles bien haut, interloqué. Non, c’est moi, je- ! Encore une fois, il avait semé une source de quiproquo ! Craignant la réprimande, il se détourna et un double menton recouvrit le premier, comme pour dissimuler son trouble.
- Et ... Et puis ... J'ai pas vraiment envie de manger de la grenouille non plus tu sais ... Il paraît que le clan de l'Ombre ... Non, non oublie ça.
- Toi non plus, tu n’aimes pas qu’on fasse du mal aux n’animaux ? L’Ombre, ils font du mal aux grenouilles ? Il cligna des paupières avec lenteur, aussi lourdes qu’elles pesaient sur ses yeux hagards. Hébété, il fit tourner les rotules de sa mémoire, à contre-cœur. Puis, il se souvint : Ne venait-il pas de soumettre l’idée inverse : attraper du gibier, pour le manger ?
- Tu sais on ... On est obliger de manger pour vivre, bredouillait avec maladresse son camarade.
- Humph, c’est bien ça le problème. On doit toujours l’emporter sur les plus faibles, ce n’est pas juste, et ça me rend triste. Il déposa sa tête sur ses pattes avant, la mélancolie dans les yeux. Son appendice fendit l’air d’un geste souple tandis que le félin blanc continuait son laïus.
- Et nous et bien ... On mange des poissons où des souris ... On pourrait pas vivre en mangeant de l'herbe où ... Et puis un jour, les reines ont plus de lait ... Tu ... Tu imagines si tu devait partager ton lait avec tout le clan ?

Le tableau qui lui dépeint fit mouche. Ses yeux fendus s’arrondirent comme deux billes, tandis que son port se releva brusquement, si bien qu’il manqua presque de percuter son interlocuteur dans le mouvement. C’est que le chaton conservait jalousement ses moments précieux d’intimité avec sa Maman, et n’aurait partagé sa complicité avec quiconque. Ces moments rien qu’à eux avaient leur propre saveur unique. De fait, c’était sa Maman, et il ne l’a prêtait qu’à Papa et Patte Sablée -et encore, par obligation.

Mais c’est ainsi, qu’il comprit.

- Alors, j’imagine que les poissons et tout le reste sont très importants pour nous… se résolut à accepter le chaton, en réadaptant sa précédente moue déçue quant au fait de tuer. Mais si on n’a pas le choix, peut-on au moins faire quelque chose, pour ces animaux ? Leur souhaiter bon voyage vers le Clan des Etoiles par exemple ?

Sa voix s’était désincarnée, comme chaque fois qu’il évoquait les résidents des cieux, autant par respect que pour le mirifique qu’ils lui inspiraient. Cela dit, il glissa une œillade bienveillante à l’égard du félin blanc, depuis le contrebas.Il bégayait, comme lui. Gaffait comme lui. Finalement, les apprentis et les chatons n'étaient pas aussi différents qu'on voulait bien lui faire croire

- Tu as l’air gentil, avoua-t-il avec sincérité, puis secondé par son intuition. Mais je ne connais même pas ton nom ! Moi c’est Patte Dodue, enchanté !

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Nuage d'Espoir n'aimait guère voir la peur chez les autres, où le malaise, en somme, il préférait - comme tout le monde non - voir des sourires et entendre des rires. Et que Patte Dodue est l'air de réfléchir, ait l'air de ne pas aimer la vérité lui faisait donc de la peine, du mal. Que pouvait il faire où dire de plus ? En désespoir de cause, le novice se contenta de ne rien ajouter dans un premier temps. Nuage d'Espoir fini pourtant par regarder le petit de côté, enfin pour se faire il du tout de me^me tourner la tête, fichu œil aveugle mais une esquisse de sourire étira ses babines. oui, il n'aimait pas non plus la violence gratuite, ni le jeu inutile avec les proie. petit il fallait apprendre, mais les guerriers eux savaient s'y prendre et ne jouaient plus. Il y avait bien une raison à tout ça au final, à ses entraînements ... Mais le chaton qui était là avait plus de jugeote que certains adultes et Nuage d'Espoir soupira en réponse. Oui, les chats devaient l'emporter sur leurs proies. de la même façon que les proies devaient elles aussi lutter ... ce qui lui fit dresser les oreilles. Enfin, il avait trouvé autre chose pour essayer de faire comprendre au plus petit les choses. Et cela avait tout l'air de réussir.

- Tu sais, à chaque proie qu'on capture, on doit remercier le clan des étoiles et puis ... On attrape pas toujours la proie aussi alors ... J'imagine que dans un sens ... certaines savent être les plus fortes quand elle nous échappe c'est une sorte ... D'équilibre ? Un léger ronron en gorge, Patte Dodue semblait maintenant un peu plus serein, un peu moins accablée par la triste réalité de la chasse. De quoi faire que le plus grand se décala un peu, sans que sa queue elle en quitte le flanc du chaton. Une façon de lui laisser de l'espace mais aussi de prouver qu'il rester là, disponible ... C'est comme ça qu'on faisait non ? Mon ... oh oui, moi c'est Nuage d'Espoir ! Et cette fois ci le plus grand se mit à ronronner vraiment, chaleureusement, rayonnant d'un sourire de joie. Tu verras Patte Dodue, un jour tu aimeras le poisson mais ... Et le grand se pencha en une confidence. Profite du lait de ta maman, ça reste ce qu'il y a de meilleure ! sauf qu'un jour ... Enfin, il était un peu tôt pour faire comprendre au chaton qu'un jour, il n'aurait plus droit qu'au lait dans ses souvenirs.

- Mais t'as quand même l'air un peu fatigué ... tu veux venir faire la sieste au soleil avec moi ? Il devait s'empêcher de trop en faire, ne pas s'épuiser pour rien. ordre du guérisseur et de son mentor, aussi Nuage d'Espoir avait du temps, qu'il utilisait pour s'exercer seul où, comme là, pour flâner un peu.