S'agripper aux liens qui se présentent ft Muguet - abandon

Papa et Maman racontaient qu’à la Saison des Feuilles Neuves, les arbres et buissons s’apprêtait d’une nouvelle ramure verdoyante, habit d’apparat des prochaines Lunes. Mais sous ce carquois de tissu sauvage, traînait encore les derniers effluves de l’hiver, gisant tel un cadeau empoisonné dont il fallait prévoir le retour imminent, à la prochaine saison. D’après ses parents, les fourberies de l’hiver livraient toujours leurs lots misanthropes pour mordre leurs armatures et défier leurs protections, pour les affaiblir sous son joug meurtrier. Patte Dodue ne savait pas trop quoi en penser ; la dernière raillerie -l’épidémie- en date avait décimé une bonne partie du clan, mettant à mal leurs ressources médicales. Mais pire que tout cela, la maladie les eut englués ses hôtes dans la cloison protectrice de la pouponnière, durant plusieurs lunes entières. Si Patte Dodue ne s’en était guère alarmé, Patte Sablée eût peine à ne pas faillir à une implosion nerveuse destructrice. Quelle plaie, quand elle ne criait pas, c’était pour jurer. Et si la croupe de son frère ne s’apparentait aucunement à un rouleau compresseur de substitution, elle tentait de le réduire en souris écrasée. Les dernières lunes furent longues pour le chaton bicolore, victime de la science violente de sa sœur.

Heureusement, le Printemps était là.

Pourtant, lorsqu’une bourrasque glacée agita les frondes, Patte Dodue se recroquevilla aussitôt sur lui-même, les poils dressés en hérisson sur son échine. Soudain, engrainé par un bourgeon d’effroi, il eût toutes les raisons du monde d’accorder raison à ses parents. Le froid, c’était effrayant, comme le vent. A l’évidence, il ne pourrait décidément pas vivre dans les plaines. Cette idée l’assomma de fatigue, malgré l’air frisquet serpentant d’entre son duvet. Il bailla aux corneilles, à s’en décrocher la mâchoire, avant qu’il ne soit freiné dans son mouvement, désireux de s’emmitoufler au creux de pattes, pour roupiller. Il désaxa une minuscule oreille, happé par le désordre extérieur. Quelqu’un semblait grouiller sur le galbe de la nurserie, dans une manœuvre répétitive qu’il semblait maîtrise avec habileté. Était-ce un monstre envieux de le dévorer ?

Pourtant, Patte Dodue ne perdit guère de son sang froid malgré son cahot intérieur. Ses paupières lourdes recouvrirent son œil hagard une fois : Un renard ? Grand danger. Deux fois : Papa ? C’était l’heure du repas après tout, et l’heure tardive préconisait un retour imminent. Trois fois, pour la forme : une forme ronde, noire et blanche émergeait de l’ouverture de la pouponnière. Qu’est-ce que c’est ce truc ? Tandis que son tandem postérieur s’élevait avec paresse, son duvet bicolore avait triplé de volume. Autant se dépeindre comme une vulgaire copie d’un colosse terrifiant. Au lieu de quoi, il se liait plutôt d’allure à un oisillon fébrile, plutôt qu’un fort guerrier, la bave aux babines. C’était connu, Patte Dodue n’avait rien d’agressif pour un sou. Pourtant, si son armature manquait de d’expertise, sa volonté étreignait déjà la cuisse de son assaillante. Son museau s’était épris dans une tourbe de poils emmêlés, une jungle épaisse dont les lianes parasitaient sa bouche. Beurk.

- C’est pas par-chque ch’uis flagada, que je t’aurais pas, vilain hérisson ! Un truc qu’à autant de poils ? Forcément un hérisson. Quoique ses aiguilles détournaient quelque peu leur fonction. Là, il se garnissait la gueule d’un étau de fourrure, plus qu’il ne fût martelé d’un tissu épineux. Il toussa pour éjecter l’exsudat qui l’encombrait.Tu ne m’auras pas ! bredouillait-il avec appréhension, sans aucun méfait d’agressivité dans sa voix. Plutôt essayait-il te se persuader lui-même, désormais sévèrement pendu par les griffes, au haut de cuisse de la femelle. Et s’il ne pouvait plus descendre ?

S'agripper aux liens qui se présentent. (lune 67)


[La rédemption était dure à gagner, mais j'étais motivée. Le clan de la Rivière me donnait cette motivation que je n'avais pas trouvée à l'Ombre. Si Dents de Sabre se contentait de donner tout son temps et ses énergies pour le clan qu'il l'avait sauver, je commençais à ressentir la même chose. La Rivière m'avait sauvée, je lui avais tourné le dos, je devais me laver de cette culpabilité. Et je me lavais à coup de journées passer dans l'eau à pêcher, ou bien à aider les dernier malades qui se raréfiaient, et ma spécialité : faire des nids et réparer les tanières. Je m'étais bien entrainée à l'Ombre, à force de bêtise. Donc, là je trouvais naturel que face à cette énième bêtise, je retournais aux nids et tanières.

Cette fois-ci, je m'occupais des nids des chatons. Plus trop dérangée par l'odeur d'urine des plus petits, vu que j'ai du m'occuper de quatre incontinentes pendant leurs premiers jours, je le faisais sans trop de dérangement. Ce qui n'était pas pour déplaire aux apprentis, qui soit me voyaient comme une sous-fifre mais mon regard vert épineux les faisaient dégager, soit comme une pas-si-mauvaise chatte malgré mon faux-pas. La confiance se regagnait petit à petit. Ça me reprendrait six lunes, soit. De toutes façons je comptais bien donner toutes mes lunes à ce clan.

J'entrai donc dans la pouponnière, sous les salutations de quelques reines et le regard froid de quelques autres. Je fis humblement un geste de la tête et allais vider la pile de nids usés, laissée dans un coin de la tanière. Je m'affairais à mon travail quand soudainement ! Des toutes petites griffes s'agrippèrent dans la fourrure de ma cuisse. J'eus un vain mouvement de surprise avant de reconnaître l'attaque d'un chaton. Cela faisait déjà quinze lunes que je n'avais plus ressenti cela. En la (les) voyant si grande(s), le temps qui passait me choquait. Dans ma tête, j'étais toujours une enfant qui elle aussi essayait d'attirer le regard de sa maman. Bref, une petite présence aux mêmes couleurs que moi se perdirent dans mes poils.

" Oh, hérisson ?? Je pique donc tant que ça ? " miaulais-je ne rigolant.

Après tout, ma fourrure bien longue se prenait diverses végétaux, et j'aimais les laisser coincés dedans. Avec le printemps, je pouvais aussi commencer à m'orner de fleurs. Mais attelée aux nids, j'étais plutôt pleine de petits branches. Ça devait effectivement piquer. Je m'assis et retournais l'avant de mon corps vers le jeune bicolore.

" Je ne t'aurais pas ? Tu es sûr ?? "

Et sur ces mots j'abattis ma large queue, vrai rameau de poils noirs, sur la tête du petit pour "l'attaquer".

Un rire cristallin fendit l’air, comme une mélodie. Quoi ? Le hérisson était doté d’émotions jusqu’à pouvoir les exprimer ? Patte Dodue en fût si choqué qu’il en retira aussitôt la tête du buisson de poils, dont le chardon épineux enrobait son petit crâne rond d’enfant. Se gaussait-il par moquerie, parce-que ses griffes -plus semblables à des ongles, de surcroit- lui chatouillait l’échine plus qu’il ne blessait réellement ? Quoi qu’en fait, Patte Dodue réprimait une veine tentative de s’agripper à son perchoir de fortune, dont il peinait à trouver point d’accroche dans cette marre de lianes emmêlées. Ses pattes semblaient s’y agglutiner comme dans une marre de boue encore flasque et visqueuse, après le déluge. L’assaut de fortune du chaton était ridicule en comparaison au colosse dont les seuls poils arrivaient à l’absoudre de tout mouvement parasite.

- Oh, hérisson ?? Je pique donc tant que ça ? Pouffa une voix féminine.

Oups. Il semblerait que la robe épineuse de la vermine qu’il eût attaquée un peu plus tôt appartenait à tout autre mammifère. Était-ce la raison de son hilarité ? Qu’était-ce si ce n’était pas un hérisson ? Une pieuvre aux tentacules râpeuses ? Patte Dodue trembla d’effroi, à l’idée seule qu’un autre animal bien plus grand puisse posséder de telles armatures, susceptible de lui blesser l'échine .

- Qu-qui êtes-vous ? hoqueta Patte Dodue, d’une voix à peine perceptible, tandis qu’il renfonçait sa tête dans la tourbe de poils bicolore. Il occulta les attaques perfides de la fourrure indocile, pour s’y cacher. Était-il possible que son adversaire se fasse prendre à son propre piège ?
- Je ne t'aurais pas ? Tu es sûr ??

Visiblement, ou du moins, si son ouïe ne le trompait pas, l’assaillante était prête à se munir de ses meilleurs atouts pour répliquer à son attaque. Sitôt, une sombre ramure aux frondes hérissées cru s’abattre sur sa pauvre tête, arrondie par ses oreilles plaquées aux arrières de son crâne. Patte Dodue plissa fort les paupières, et retroussa ses maigres épaules jusqu’au des joues : inutile d’assister visuellement au massacre.

- Non, Madame. E-excusez-moi, je serai gentil la prochaine fois. Ne me mangez pas, s’il vous plait.

Finalement, l’écharpe de poils vînt doucement caresser sa propre échoppe de fourrure. Le geste était dénué d’agressivité, à défaut de quoi il en fût plutôt doux, au contraire. En effet, l’arrière de l’appendice de la bicolore était tissé par une sombre étoffe laineuse, à l’instar de son propre duvet qui habillait son pelage. Puisqu’il ne souffrait d’aucun mal, il parvint à ouvrir un œil bleu, puis un autre, jusqu’à étirer le coup pour tenter deviner l’identité de l’animal qu’il eût injustement assailli, plus tôt. Car, son assaillante portait encore le masque d’une inconnue, malgré une voix guillerette reconnaissable, mais qu’il ne sut deviner.

- Bouquet de Muguet ! articula-t-il ahuri, tandis que les traits bicolores de la femelle s’affermissaient à mesure qu’il clignait des yeux, hébété. C’est qu’il n’en croyait pas ses mirettes encore écarquillés, le petit ! Entre deux battements de cils, Patte Dodue bredouilla ces quelques paroles, confus : O-oh, Mu-muguet, j-je suis désolé, je ne t’avais pas reconnu !

Il en tomba des nues -au sens propres comme au figuré- en s’écroulant lourdement au sol, se détachant enfin de l’étreinte qu’il enserrait sur la cuisse de la femelle, comme un garrot. Il se redressa avec difficulté, ses jambes étaient encore engourdies par l’effort, avec son surpoids en prime.

- Je ne t’ai pas fait mal ? S’assura-t-il craintif. Ses yeux s’embuaient déjà de grosses larmes, redoutant une montée colère surprise chez Muguet. Hé-hé, c’est qu’avec ta grosse fourrure, je n’ai pas su me dépatouiller !

Il abattit une grosse patte charnue sur l’un de ses yeux larmoyants, d’un geste sans douceur, comme s’il voulut éviter de montrer que son excès d’appréhension se détournait sous un flot de larmes.

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Perdu dans son jeu, Patte Dodue -que j'avais reconnu- continuait à s'embourber dans ma fourrure. Il réagit cependant à ma voix, délaissant lentement l'idée que j'étais un hérisson. Mais pas encore celle que j'étais une ennemie ! Il devait avoir encore une patte chez Morphée. Pour ne pas le brusquer -ni sa mère qui me fixait intensément- je continuais le jeu. La queue allant s'abattre sur lui, il miaule quelques excuses à une Madame. Je pouffai légèrement de rire. Une madame, on allait sur un mieux ! Le chaton me pria de ne pas le manger, je feignis un rire machiavélique.

" Haha ! Ne pas te manger ? Pourtant, un beau chaton si dodu, c'est appétissant ! "

Et quand je caressais son crâne du bout de ma queue, ses yeux s'ouvrirent l'un après l'autre, sûrement surpris de s'en sortir. Après une petite mise au point, il reconnait les traits de mon pelage et miaula mon nom. Je ronronnai pour approuver sa déduction.

" Bonjour Patte Dodue ! "

Il balbutia quelques excuses tandis qu'il tomba sur son arrière-train. Je reposai ma queue à terre, l'entourant un peu pour ouvrir le dialogue avec lui. Sur ses pattes une peu tremblantes, il se redressa pour me parler. Dans un geste tentant de réduire l'espace entre nous, malgré ma grande hauteur de graaande chatte ! Des larmes perlèrent aux coins de ses yeux, je descendis mes oreilles, attendrie et touchée par le sensible petit.

" Malgré tes incroyables techniques, je n'ai rien eu ! " le rassurais-je.

D'assise, je passais à couchée pour mieux être à sa hauteur. Je passais un coup de langue dans ma fourrure plutôt emmêlée.

" Ah oui, cette fourrure, j'y accroche de tout ! Feuilles, branches, fleurs... Et même des chatons apparemment ! "

Je rigolai doucement avant de le taper gentiment sur le torse, du bout de ma patte.

" Alors, tu te battais contre un hérisson ? Tu avais encore des rêves dans les yeux ? "

La chatte bicolore, le salua toute guillerette. Était-elle réellement affamée à ce point, pour se languir de sa viande ? Pourtant, il venait d’assurer ses arrières en s’excusant platement, auprès de Muguet, qu’il crut avoir mutiler dans son tumulte pour se dépêtrer. La Reine n’avait donc aucune raison d’avoir les crocs aiguisés, appâtée par ses rondeurs. D’autant que, d’après sa maman, l’excès de graisse n’avait rien d’appétissant, comme l’eût prétendu Muguet. Malgré sa crainte manifeste à l’idée d’être croquée tout cru, la femelle sembla obtempérer en sa faveur. Sa crainte l’avait-elle affectée ? Oh non, Patte Dodue n’avait aucunement désirer lui transmettre sa peur ! Une aussi imposante féline, ne devrait jamais ressentir autre chose que de la confiance en elle, n’était-il pas ?

Sa large queue pomponnée par un carquois de poils emmêlés, se posa à terre, avec fluidité. D’un geste attendri, la chatte l’entoura de son appendice pour simuler un semblant de proximité, prompt à la discussion. Patte Dodue réhaussa ses yeux malgré lui, à l’encontre de la guerrière bicolore, qui le dominait de tout sa hauteur. Son instinct lui dictait qu’il n’avait rien à craindre, sous l’enclave protectrice qu’eût affiné Muguet, à l’aide de sa queue. En effet, l’encolure de poils érigeait une barrière protectrice autour de lui, à l’instar d’un nid de mousse aussi moelleux que confortable.

- Malgré tes incroyables techniques, je n'ai rien eu !

Le chaton remua des moustaches, secouées par un simulacre d’auto-dérision. Patte sablée lui reprochait bien assez sa nonchalance pour ne pas adhérer au fait qu’aucune de ses nombreuses gestuelles n’aurait vaincu la guerrière. D’autant qu’il n’avait plus essayé de se dépatouiller des tentacules velus qui l’eurent emprisonné, que de réellement lui infliger moindre mal.

- Hé-hé, c’est qu’avec ta grosse fourrure, je n’ai pas su me dépatouiller !
- Ah oui, cette fourrure, j'y accroche de tout ! Feuilles, branches, fleurs... Et même des chatons apparemment !
- Je suis une fleur, alors ! déclara-t-il avec jovialité. Son sourire rieur s’était même égaré jusqu’au-dessous de ses mirettes bleues. Par ailleurs, ses paupières inférieures s’étaient plissées, comme pour l’accentuer.

Mué dans sa quiétude partielle, Patte Dodue fut pris de cours lorsqu’une pichenette percuta son torse, pour le narguer. Il hoqueta de surprise, se dissociant de sa précédente gaieté. Il papillonna des paupières, interloqué avant de pivoter son attention, aux égards de Muguet.

- Alors, tu te battais contre un hérisson ? Tu avais encore des rêves dans les yeux ?
- Des rêves dans les yeux… ? Il fit basculer sa tête sur le côté, la bouche arrondie. Les rouages de sa pensée n’avançaient guère sa réflexion. Tu veux dire, il hésita un instant, soucieux de se tromper, que je suis somnambule ? Mais il choisit rapidement le registre de l’honnêteté pour s’exprimer. En fait, je me réveillais de ma sieste en attendant que Papa revienne de la chasse, et puis je t’ai vu ! J’ai cru que tu étais un hérisson qui venait nous attaquer !

Il détourna la tête ; une drôle d’impression lui hérissait l’échine. Et à raison : Sa mère, Mille Feuilles, semblait scruter avec force et intérêt leur discussion. Comme lorsque Patte Sablée cherchait à s'abreuver de ragots, en période de pénurie. Or, Patte Dodue ne sût démêler les intentions qui animaient le regard de sa mère. Était-elle courroucée par quelconque maladresse, qu’il lui aurait adressé par mégarde ? Le garçonnet minauda un air désolé en quête d’un moindre lot de consolation, de la part de sa mère, en vain. Elle semblait totalement l’ignorer. Puis, sa mémoire l’assaisonna d’un souvenir :

- Je crois que Maman n’est pas trop d’accord pour que je parle avec toi, chuchota-t-il à Muguet, sans trop de précisions. Puis, sans même couvrir ses arrières, et vérifier que personne ne volait à son discours, il enchaîna. Pourtant, moi je te trouve gentille, et puis tu as des jolis yeux, Muguet !

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Quand le petit se compara à une fleur happée par mon épais pelage, je ne pu m'empêcher de sourire comme si je voulais toucher mes deux oreilles. Des fleurs oui, je repensais à mes petites fleurs qui devaient être bien épanouies dorénavant. Nuage de Lavande rattrapait ses dernière lunes au Tonnerre, à être entraînée plus durement par Fierté du Blaireau. Elle était grande, autant que moi. Je craignais même qu'elle me dépasse. Mais je me souviens encore quand elle avait la taille de Patte Dodue, emmenée dans la confusion à la Rivière, avec moi. Je soupira légèrement. Le plus douloureux, quand on était mère, c'était de voir le temps filer. J'étais jeune, parfois plus que de "jeunes" mères présentes en ce moment ! Mais j'avais déjà trois filles d'âges adultes, ouille. Des petits bouts de chou me manquaient... Cependant j'avais tout mon temps. Je ne doutais pas qu'un jour, j'aurais la nouvelle chance d'avoir des petits.

Les mots de l'enfant me faisait juste fondre. Il prit ma phrase au sens premier, pensant que je l'accusais d'être somnambule. Il se défendit de suite qu'il venait juste de se réveiller d'une bonne sieste, et je l'écoutais en hochant de la tête, comme pour dire des "Ah, d'accord je vois !" Le petit bicolore revint sur l'hérisson et je ronronnai

" Je suis un peu trop grande pour être un hérisson pourtant, il devait être monstrueux ! "

Pas le temps de discuter plus que cela, cependant. Le chaton sembla mal à l'aise, et trouva vite le regard qui le démangeait. Sa mère nous fixait. Je levai mes yeux pour la regarder et la saluer. Je n'avais rien à me reprocher, mon cœur avait été volé par la Rivière dès mon arrivée ici. Agir de manière gênée ou timide n'attirera pas la pitié, mais la suspicion. Cependant, je ne voulais pas avoir l'air de la défier. Son petit était près d'une chatte douteuse, et je pouvais comprendre son inquiétude. Patte Dodue comprit vite "l'interdit" qui était de me parler, mais en fut confus. Car dans ses yeux de chatons, j'étais une gentille guerrière avec de beaux yeux. Je ris, flattée.

" Oooh merci Patte Dodue, ça faisait longtemps que quelqu'un m'avait fait un si gentil compliment ! Toi aussi tu es un chat très gentil et avec un joli sourire. "

Je passai une dernière fois ma queue sur sa tête pour le caresser autant que l'embêter avant de le pousser délicatement vers sa mère.

" Mais n'oublie pas que la plus jolie reine c'est ta maman, et je pense que tu devrais retourner près d'elle. "

De quoi montrer à Mille-Feuilles que je ne leur voulais aucun mal.

- Oooh merci Patte Dodue, ça faisait longtemps que quelqu'un m'avait fait un si gentil compliment ! Toi aussi tu es un chat très gentil et avec un joli sourire. Le complimenta Muguet, le sourire aux babines.

Il avait rendu quelqu’un d’heureux aujourd’hui. Et rien ne pouvait le rendre plus satisfait que de souhaiter un état d’ivresse à quelqu’un. Le chaton s’en réjouit, en écho au propre contentement de sa voisine. Une risette ravie égaya son minois portant encore les rondeurs de l’enfances, tandis que son appendice arrière ondulait avec lenteur, rythmant le bonheur dont il voulut profiter. Son poil, quant à lui, eût doublé de volume, trahissant les stigmates de ses émotions volatiles qu’il peinait à cacher. Mais à défaut de s’en formaliser, le chaton plissait les yeux épris de joie, sans discontinuer de son euphorie volubile -bien qu’elle ne soit physiquement visible. Lorsqu’il voulu se frotter à Muguet, pour lui prêter un moindre pécule de chaleur, celle-ci reprit, accompagnant ses paroles d’un geste souple, prompt à guider le chaton dans le sillage maternel.

- Mais n'oublie pas que la plus jolie reine c'est ta maman, et je pense que tu devrais retourner près d'elle.

Cette fois-ci, Dodu rit aux éclats. Muguet était vraiment gentille ! Comment Maman pouvait lorgner sur une susceptible perfidie de sa part ?

- C’est vrai que Maman, est très jolie ! Ses moustaches s’agitèrent, amusées. Après tout, les compliments à l’égard de Maman n’étaient diffusés que par les paroles romantiques de Papa.

Mais avant d’obtempérer, il voulut tout de même accorder une dernière étreinte à l’attention de Muguet, qui eût la gentillesse de passer un petit avec lui. Il faillit lui proposer une sieste en sa compagnie, mais tous les bons moments devaient se clôturer, finalement. Dodu savait que sa mère le couvait du regard, et qu’il devait se faire sage, pour la rendre fière. Elle lui eût appris qu’on assignait à chaque guerrier un office à laquelle il devait s’atteler, pour le reste de la journée. Certainement, Muguet avait-elle été coupé dans sa tâche, et devait-elle reprendre au plus vite. Ainsi, Patte Dodue accola ses flancs à la patte -droite comme un pilier- de son amie, avant d’en contourner le pourtour. Étrangement, la robustesse physique et manifeste dont se prévalait Muguet, devenait à ses yeux un dôme protecteur, sous lequel il aimait se cacher. Sans aucun doute, espérait-il la revoir, pour jouer !

- Tu reviendras, dis ? S’enquit-il, pimpant. Ses mirettes bleues brillaient déjà d’excitation à cette idée.
- Je vois que mon fils vous aime beaucoup, fit remarquer une voix douce, au loin. Puis, un ronron attendri se fit entendre.
- Oh Maman ! miaula Dodu, surpris. Aussitôt, il vînt zigzaguer entre les membres antérieurs de sa bien-aimée Maman, comme pour lui communiquer un geste tendre, et assouplir sa réserve à l’égard de Muguet. C’était inconscient, évidement. Mais Dodu, quelque peu entêté voulait réprouver la méprise que ressentait sa Maman.

Mais finalement, décoré d’un sourire de circonstances, Mille-Feuilles se montra magnanime. Même, elle évoqua un sujet commun prompt à réunir les deux jeunes femelles ; la maternité.

- Comment va votre fille, s’est-elle bien remise ?

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Un doux rire d'enfant, et la forte volonté de ne pas vouloir quitter mes pattes de ci-tôt, voici ce qui transparaissait de Patte Dodue. Bien sûr, il ne faisait pas cela comme un enfant gâté qui voulait ci et cela, plutôt comme une boule de poils d'amour qui s'était agrippée à moi. Ma queue le poussant vers sa mère fut quasi d'une force nulle contre lui, mais comment avoir la force de se battre contre un chaton qui riait en disant que sa mère était la plus belle ? "Maman, je t'ai pris cette fleur car tu es toute belle comme elle !" Et là, une chatonne, blanche avec une grande tache noire charcoal, me ramenait une fleur blanche, qui avait un peu dépérit sous les pas maladroit de celle qui la portait. Je soupirais, les couleurs du petit me rappelait l'une de mes filles restée à l'Ombre. Petit Gingembre, et Petite Digitale. Bientôt un cycle que je m'étais séparée d'elles. J'espère un jour les revoir pour qu'elles me pardonnent...

La présence de Mille-Feuilles s'étant rapprochée et les allers-retours de Patte Dodue dans nos pattes me ramenèrent vite à la réalité. Pas le temps d'être mélancolique longtemps au clan de la Rivière. Nombreux chats me rendaient vite le sourire et me changeaient les idées. Le ronron de la mère, qui peu avant me regardait avec suspicion, me fit plaisir. La calico me demanda des nouvelles sur la santé de ma fille. Je ronronnais immédiatement.

" Elle s'en est très bien remise ! Je suis totalement rassurée. A ses premiers symptômes de toux, j'ai bien craint que j'allais la perdre.. Mais la voilà, en pleine forme, à deux griffes de devenir guerrière. Le temps me file entre les pattes il me semble. " et mon ronronnement se teinta d'une pointe de tristesse. Mais ce fut rapidement ravalé par la curiosité que j'avais envers ma nouvelle interlocutrice.

" Mille-Feuilles, c'est cela ? Enchantée ! Ravie d'avoir une compatriote au nom de plante !~ "

Ah, le mille-feuilles. Me voilà replongée en enfance cette fois, suivant Madame Fée. Mes premières plantes, mes premières expériences, mon premier... vomi aha ! Je ronronnai, perdue dans mes souvenirs.

" Ma première rencontre avec un mille-feuilles m'a donné un goût amer dans la gueule, si vous voyez ce que je veux dire aha ! Mais bon, je ne regrette absolument pas. "

Je ne détaillais pas plus, car avec un tel nom, elle devait les savoir, les effets de cette plante. En fermant les yeux, je pouvais revoir des coins fleuris sur les terres de l'Ombre. Je pouvais encore m'en souvenir, de ce parterre au pied du Cèdre Calciné, aux fleurs rouges et blanches.

" Vous n'aviez pas du voir les fleurs de cette plante, vu qu'elles poussent à l'Ombre et que vos guérisseurs n'en ramène que les feuilles. Mais, elles sont si belles, et sentent si bon ! Certaines rouges, d'autres blanches, le mélange est ab-so-lu-ment magnifiques. Votre nom doit venir de là, non ? C'est un mélange aussi après tout. Rouge, blanc.. il manque juste le noir aux fleurs, sinon vous étiez pareils ! " finis-je de dire dans un rire. Je m'arrêtais difficilement de parler une fois lancée sur le sujet des plantes.

" La prochaine fois que je verrais Feuille de Saule, je lui demanderais des fleurs de mille-feuilles. Vous viendrez les voir ? " réussis - je tout de même à conclure, la regardant les yeux pétillants, lancée dans ma passion.