La rose fane mais le serpent change de peau - PV Foudre, Amour-en-Cage - abandon

Le promontoire n'était pas si haut, lorsqu'on dormait ses nuits dans les branches des arbres en retrait du campement. La tanière des guerriers avait ses enfants et certes une poignée d'alliés, il repensait à la prétension de Puma d'être "capable de dormir à côté de lui", comme se vantaient les jeunes de le faire auprès des malades. Et certes il aurait pu être tranquille dans la caverne du Chef, il n'avait pas envie d'être seul ; les hauteurs à la Belle Étoile étaient le seul compromis qu'il avait trouvé. Il pouvait ainsi observer les mouvements dans le campement avant tout le monde (la patrouille de la nuit des pelages sombres était partie il y a deçà un cadran), et personne ne venait l'ennuyer.

Il avait une vue dégagée des buissons qui leur servaient de tanière, de la vieille souche où restaient les anciens, du sol désherbé et aplati du aux pattes en traffic... Un mouvement dans la tanière des guerriers attira son oeil, et la chatte seal-point qui en sortit fut aussitôt trahie par un rayon de lune. Elle fila sur quelques longueurs de queue avant de s'étaler sur le ventre. Il redressa et sa tête, et ses oreilles.

— « PUTAIN- mais c'est pas à ça qu'est sensé servir cette foutue guérisseuse ?

Puis il y eut du mouvement non-loin de l'arbre dans lequel il dormait, près de chez la pâle guérisseuse qui sortait. Elle se hâta de rejoindre la siamoise au milieu du campement.

— Je suis là. Est-ce que tu peux te lever ? »

Sans attendre sa réponse, déterminant qu'elle n'était peut-être pas en mesure de parler, la boule aux poils clairs revint au galop à sa grotte. Le bengal pencha sa tête avant de la voir surgir à nouveau, remède en bouche. Elle était bien trop concentrée pour remarquer le bond qu'il avait fait en se posant dans l'herbe.

— « Tiens, ça t'aidera. Ça soulagera la douleur.

Bien trop concentrée pour remarquer le bengal lentement fouler la distance entre son arbre, le promontoire, et le beau-milieu du campement où elle s'était penchée au chevet de la vieille guerrière.

— Respire bien.

Amour-en-Cage était une pro. Fifi l'était aussi - il se rappelait à l'époque toutes ces fois où elle avait prêté patte-forte aux reines qui mettaient bas. Mais quand c'eut été son tour, c'était lui qui s'en était chargé. Il l'avait massée, il l'avait recouverte de boules de mousses gorgées d'eau, il l'avait aidée à boire, avait aidé un fils (c'était Lycaon, non?) à respirer... Respire bien.

— À chaque fois que tu sens que la contraction arrive, pousses très fort, d'accord ? Ça va bien se passer. »

Capé d'ombre et des marbrures de son pelage, leur Chef-en-Devenir s'était assied près de la siamoise, l'observant du haut de sa position tandis qu'elle griffait le sol du dessous de la sienne. C'était peut-être un pressentiment, c'était peut-être l'habitude, qui sait, de la vie qui lui volait ses seuls proches, mais il remua l'arrière-train en roulant ses poignets sous son corps pour se coucher auprès de la Reine, avec la certitude que tout ces râles et ses plaintes et la saccade dans sa respiration se tairaient pour de bon cette nuit.

— « Vivi.
Il lui signala sa présence.

Il avait été si ravi de la retrouver, la dernière fois. De retrouver un élément connu, une ancienne alliée dont la réputation s'empoussiérait de cycle en cycle. Il n'était pas encore près à la rendre - elle n'était que sa cousine, mais elle lui ressemblait tellement, et elle était son amie, et elle était son alliée, et il ne lui avait jamais vraiment demandé qui était le père de cette portée et--

— ... Et si je te traînais sur le Caillou, pour amplifier la portée de tes cris dans tout le campement? Son sourire était faible, mais il espérait que cette pique affûte le peu d'épines qu'il restait, à cette vieille Rose qui se fanait.

La rose fane mais le serpent change de peau.

Nuage Brisé n'avait plus dit mot sur l'assemblée que son père avait mener quelques temps plus tôt, et si ses épaules portaient à présent et pour toujours, les traces de son feu interne ce jour là - brasier qui couvait toujours sous silence de sourire - l'apprenti avait reprit ses habitudes, voix trop forte, jeune mâle trop agité et petite nuit crapuleuse hors du camp. De quoi faire souffler à nouveau les anciens sur son passage et faire apprécier aux autres quand il était loin. Sauf pour ceux qui devait le supporter. Encore que, il s'était assagit, en apparence du moins. Car dedans, il rester Brisé. Cette nuit là pourtant, il était au camp, à dormir dans son nid, encore que, son sommeil n'était pas bien profond et le râle d'une chatte le fit s'éveiller. Sa mère, un rêve ? Mais non, il n'en avait souvenir. D'Elle comme du moindre songe et pourtant, pointant la tête hors de l'antre pour voir s'y découper une silhouette qui aurait presque pu correspondre. Mais Fir'maman est morte, espèce d'idiot, ce n'est pas elle. Mais alors, qui ? Il ne bougea pourtant pas. Fantôme invisible qui guettait la chatte. Tiens, Amour en Cage ... La queue du bengal s'agita en voyant bouger la guérisseuse, doucement, il se coula hors de sa tanière, profitant de la noirceur de la nuit pour observer, de loin. Pour ne pas déranger, pour ... Nuage Brisé ne le sait pas bien lui-même mais, s'il a reconnu la cousine de sa mère, il sent aussi que sa présence ne sera peut-être pas la bienvenu.

Et peut-être aussi Nuage Brisé se tenait il cacher à cause de Lui. Ce semblant de père à la fourrure charcoal incapable d'offrir autre chose que de la déception, que de la douleur partout où il passait. Ne crois pas que j'ai oublier. Les yeux gris s'étaient rallumer de colère, observant son géniteur, restant pourtant invisible. Le novice avait bien appris ses leçons et s'il ne le montrait pas souvent, trop vif, trop agité, cette nuit pourtant ... Comme ce jour là dans les arbres. Je suis invisible. Comme il croyait l'être au cœur de son paternel. Gardant seulement en lui cette mère inconnue, elle et le vide qu'il avait créer en lui autour d'Elle. Un vide qu'il entretenait avec ferveur. Et pourtant là, il observait, imaginant peut-être que le spectacle auquel il assistait ressemblait à celui de sa propre venu au monde ...

Mais ... Non, Sa mère devait aller mieux, elle a passer plusieurs jour avec eux et ... Et ce à quoi il assiste là lui donne des frissons. Il n'est pas à sa place. L'ai-je jamais été ? Mais il chasse ça, sa colère, ses doutes, sa propre peur en scrutant son amie et guérisseuse. Amour en Cage elle-même semble si ... Pourquoi ... Il se lève et s'avance, en silence, son pelage accrochant la lueur de la lune quand il quitte les ombres de la nuit, ses yeux observant la reine et contre elle les deux petits chatons qui viennent d'y être déposé. Rien à voir. Nuage Brisé se fige, assez prêt maintenant pour entendre les mots de la reine à l'adresse de Coup de Foudre. Assez prêt pour sentir le parfum ferreux du sang. Tu peux rêver ... Il le sait, son père ne peut s'occuper des plus petits. Pourtant, l'apprenti ne s'approche pas plus, visible mais silencieux, il observe. Quand viendra le moment - et il a comprit que ses petits là seraient comme lui, privé d'une mère, à ce moment là alors il approchera. Pour aider son amie, pour aider Amour en Cage. Car il l'a vue, il a comprit, elle lui cache quelque chose et dedans, il c'est déjà persuadé que ça a rapporte avec Maman.

— 'se rappelleront de qui je suis, au moins... »

Oui, c'était l'idée. Et pendant que lui et elle partageaient probablement leurs dernières connivence, la guérisseuse, qui prit enfin conscience de sa présence (la pauvre avait les poils gonflés) somma sa patiente à se taire.

— « Chhut, ne parle pas, respire. Ils seront bientôt là.

Le Clan, ou la portée? Allez savoir qui arriverait en premier, et le bengal observa la suite sans ne plus gêner Amour-en-Cage. Ce à quoi pensait Vipère Audacieuse, en proie à la trahison de son propre corps, ne la regardait qu'à elle, et il avait suffisament de décence pour ne pas laisser court à ses fantasmes - il avait poliement détourné la tête et fermé les yeux en l'écoutant râler et miauler et geindre et faire craquer l'écorce d'un bâton. Il rouvrit les yeux en entendant ses respirations s'espacer.

— « S'il vous plaît.

Et pivota l'oreille vers la siamoise, sans toutefois savoir qui elle regardait, qui elle suppliait du regard entre lui, la guérisseuse et la voûte Étoilée. Un tic dans l'oreille de la guérisseuse lui fit miroiter le geste, mais il ne prononça rien - pas de je te l'avais dit, pas de morale, pas de leçon, juste un froid silence d'acceptance. Et puis arrivèrent à ses oreilles deux toutes petites voix, de voix nouvelles, qu'il allait devoir se résigner à reconnaître, maintenant.

— « Petite Rose, et Petit Python.
— Rose.   Rose.   Rose


Python.   Python.   Python.

— Ce sont des noms adorables, dit Amour-en-Cage, partageant au moins une part du sentiment du bengal. Ils leur vont à ravir. Tu peux être fière, tu t'es très bien débrouillée. »

— « Ressemble à la rose mais soit le serpent qu'elle cache.
— Ha hah. »

Encore des petits élevés dans ce culte de l'apparence. N'en avaient-ils pas fait assez? Juste pour la contredire il voulait changer leurs noms. Juste pour l'embêter, juste pour qu'elle le maudisse une dernière fois, dans un dernier souffle.

... Il ne pouvait pas en appeler un Petit Tigre?

... Petit Chanteur?

— « Tu leur raconteras bien tout. Il baissa d'yeux las sur son amie, devinant la faiblesse dans ses membres, la raideur de ses muscles, la léthargie qui prenait lentement posession de toute sa vitalité d'autrefois.

— Ne les laisse pas prendre la même voie que vous tous.
— Nous? Il lui renvoya, le sourire pointu, avec cette mine de rien pour faire comme si tout irait bien, faisant l'effort d'offrir un peu de dignité aux derniers moments de la dernière pupille du Tonnerre.

— N'en faites pas des faiblards à votre image.
— Mm-hm, à condition que tu tiennes ta promesse. ♡ »

Un soupire soulève ses épaules, et il tend les deux pattes pour s'accroupir à la hauteur de la reine, collant son front à sa joue - on a pas tous le droit à un aurevoir - le temps n'attends pas - et peut-être égoïstement, ainsi perché au-dessus de la siamoise, il se laisse convaincre une seconde qu'il s'agit de quelqu'un d'autre.

Son souffle ralentit,

le temps ralentit,

se suspend,

et en ouvrant les yeux un rayon de lune éclaire momentanément un second siamois qui le surprend, reconnaissant les rosettes à sa pelisse.

Comme si la pensée qu'il avait eue venait d'invoquer Brisé. Mais l'heure appartenait à Vipère Audacieuse, en ce moment.

Pour le dernier moment qui lui restait.