Il est Libre [Clan de l'Ombre] - end

J’étais heureux ces derniers temps. J’avais mes enfants et… J’essayais un peu tous les jours à chercher Rusty sur le territoire. Oh je sentais bien une autre odeur, celle d’un matou solitaire mais, je ne m’en préoccupais plus, seul mon sang et mon solitaire restait dans ma tête. Oui, j’ai dis mon pour ne pas confondre avec l’autre dont je n’avais rien à faire. Pourtant, en sortant du camp aujourd’hui pour ma promenade quotidienne vers un point d’eau, l’odeur de mon petit, Nuage de Mite mélangé à autre chose. J’étais fier de ce chaton, malgré son handicape il faisait de son mieux, j’essayais tout de même de lui apprendre des choses lorsqu’il venait me voir, mais j’apprenais à utiliser que mon corps et mon regard pour lui parler, je devais m’adapter à lui pour qu’il se sente bien. J’espérais que ma manière de faire était la bonne pour lui ? Enfin, je me dirigeais vers l’odeur étrange. En m’approchant, je me suis rendue compte qu’elle était légèrement métallique. Froide. Sans vie. Je sens mon corps changer. Sans hésiter, et même avec ma patte folle, j’essayais de courir vite pour le retrouver. Je boitais, et j’ai même réussi à tomber, n’étant pas habitué à la course dans cet état. Non, non, non c’est pas ça. Pas possible. Impossible. Mon cœur s’emballait, mon seul œil grossissait d’inquiétude, j’avais peur de ce que j’allais retrouver. Et alors que j’ai failli tomber une seconde fois, je m’arrête soudainement pour regarder le spectacle macabre devant moi. Le silence. Le vide. Je sentais à peine ma respiration, je sentais à peine mon cœur. C’était comme si le temps s’était arrêté définitivement. Je donne un coup de patte au sol, dans l’espoir de voir son petit pelage blanc plein de poussière se lever mais rien. Je….

Je m’approchais en douceur de mon chaton. Son épaule était en sang. Ses yeux révulsés. De la bave aux lèvres.

« Non, non, non… Mon chaton… Ne pars pas. »

Je sentais les larmes remplir mon œil, brouillant ma vie. C’était pas possible. Je ressentais un déchirement si violent en moi que je n’arrivais plus à me tenir debout. Je restais collé à mon fils, le museau dans son poil blanc, toujours dans l’espoir inutile de ressentir un signe de vie. Il ne se passait plus rien en moi. Le vide, le néant prenait les choses en mains. C’était mon bébé à moi, et… J’étais un père dévasté. Je venais de perdre mon enfant, mon sang, ma chair, ma vie. Je…

Un temps impossible à déterminer s’était écoulé pendant que j’enfouissais mon museau dans son poil. Mes esprits me revenaient petit à petit, et je savais que je devais le ramener au camp. Je devais montrer ça a ses frères et sœur… A sa mère. Je me relevai et attrapai délicatement mon fils par la peau du coup pour essayer de le ramener à la maison, malgré ma patte folle. Le trajet me paraissait durer une éternité. Mais l’entrée du camp se présenta finalement à moi. J’entrais, l’air plus abattu que jamais, je posais tout en douceur mon enfant au centre du camp. Je faisais un discours à voix haute, pour lui, je m’en fichais que les autres écoutent.

« Mon fils, ma chair, mon sang, j’espère que cette vie parmi les étoiles te procurera plus de joie, que tu vas irradier le monde de bonheur, comme tu as fais avec mon cœur. Tu étais malgré tout un chaton plein de vie, et je suis fier de ton parcours, je suis fier que tu aies appris tant de choses, et je suis fier d’être ton père. Je t’aime mon petit, que les étoiles te guident vers eux. Tu seras à jamais dans mon cœur mon chaton. »

Après mes paroles, je commençais à nettoyer son pelage pour qu’il retrouve son bel éclat. Avec ma patte, je lui avais fermé les yeux pour faire comme s’il dormait. Mon cœur était déchiré par la peine. Je lui faisais une dernière toilette, la vision brouillée. Je ressentais de nouveau la mort à l’intérieur de moi.

Il est libre

Revenue au camp en compagnie de la patrouille de l'aube, Cœur de Mimosa s'était installée à l'ombre d'un arbre pour réfléchir, envahie par un bonheur empreint de nostalgie. Tout semblait étrange, dans ce lieu familier — un seul être vous manque, et tout est dépeuplé ! La jolie guerrière aux airs de guérisseuse, cependant, n'en était pas à la première perte: le nom de Papillon de Lune restait gravé dans le cœur de sa fille comme dans les étoiles, et la mort courtisait l'absence, tandis que la petite fleur pensait à Violette Fanée et à Bouquet de Muguet. Chacune à sa manière l'avait changée — toutes deux lui manquaient. Bientôt, il serait temps pour Mimosa de rejoindre sa sœur; bientôt, elle serait libre de revoir celle qui avait été son âme jumelle, et avec qui, yin et yang, elle avait partagé un royaume de plantes. Bientôt... Après tout, sa famille n'avait plus autant besoin d'elle — et Dent de Sabre comprendrait sa décision, elle le savait. Corbeau Ensoleillé avait une apprentie, Œil Vert allait mieux, l'hiver était terminé. Le printemps refleurissait, et elle aussi. Mais pour l'instant, la guerrière contemplait le bonheur simple de ses dernières lunes au Clan, du Code et de ses proches.

Tout était beau.
Tout était calme.
Tout était paisible.

Les ombres pastelles semblaient rêvées.
Les fleurs souriaient au soleil malicieux.
Les chatons jouaient devant la pouponnière.
Le nom du monde était silence, puis rires.

Puis un mouvement, tirant l'aide guérisseuse de ses pensées — une silhouette familière, avec qui elle partageait une grande ressemblance, portant une autre forme féline, plus petite et immaculée. Un mouvement qui parut faire figer le temps, et fit figer le cœur de celle qui refusait obstinément d'en croire ses yeux, et de comprendre, au fond, ce qu'elle avait déjà compris. Le nom du monde était silence, tandis que Cœur de Mimosa se levait, prisonnière d'un cauchemar qu'elle avait déjà vécu, priant confusément pour qu'une fois encore ce ne soit qu'une blessure — Clan des Étoiles, ne nous l'enlevez pas ! Juste une blessure, juste une blessure... Aux épaules voûtées de son père quand il déposa le jeune félin, la jolie guerrière comprit que ce n'était pas le cas; Nuage de Mite ne se relèverait pas. Elle ne l'emmènerait plus chasser. Elle ne l'emmènerait plus s'entraîner. Elle ne le verrait jamais recevoir son nom de guerrier. Et ils ne joueraient plus, ne riraient plus. Cœur de Mimosa aurait voulu hurler, pleurer — mais sa gorge était trop nouée par des sanglots qu'elle ne pouvait même plus extérioriser. Elle n'avait plus de larmes à verser.

Le nom du monde était silence — et solitude.
La jeune fille avança vers la silhouette de neige.
Il n'appartenait pas à cette saison et à ces terres, alors ?
Ce soir, leur flocon vivant deviendrait une étoile rieuse.


Il n'avait fallu qu'une seconde
Une seconde pour
Tout changer

Les sons autour de Cœur de Mimosa n'existaient plus, et si elle vit Œil Vert prononcer un discours dont elle lut sur ses lèvres quelques mots, elle n'en entendit rien. Était-ce comme cela que Nuage de Mite avait toujours vécu ? Submergée par l'émotion, la petite fleur repensa au travail acharné du plus jeune, à sa détermination malgré son handicap, aux efforts de certains pour communiquer, aux regards torves des autres. L'apprenti aurait fait, en apprenant, en travaillant, un meilleur guerrier que tant d'autres ! Sans doute meilleur qu'elle, pensa-t-elle avec une fierté mêlée de regrets, aidant son père à achever la dernier toilette de celui qui désormais chasserait dans le ciel. À chaque coup de langue, Cœur de Mimosa s'imagina les noms qu'aurait pu recevoir le novice, espérant peut-être qu'en pensant assez fort, il l'entendrait et comprendrait; elle n'avait pas le pouvoir de le nommer, ou elle l'aurait fait, de son mieux, pour qu'il puisse rejoindre les constellations avec ce dernier cadeau. Si cela avait été son rôle, elle aurait mis à profit chaque minute d'insomnie pour écrire sur la voûte céleste en poussière d'étoile, proposer aux vents ses idées, jusqu'à trouver le nom parfait — un nom qui dirait douceur et force, résilience et espoir, un nom qui dirait liberté et amour. Un nom pour tout ce qui n'avait jamais pu être dit. Que Cœur de Mimosa déteste la mère de cette portée-là n'avait aucune importance; ils étaient son sang.

La toilette terminée, le petit corps frotté de plantes pour cacher le parfum de la mort, Nuage de Mite ne paraissait plus qu'endormi. La jeune guerrière posa sur son front un baiser léger, se détourna une seconde pour lancer un regard à leur père — qui, pour un peu, semblait avoir perdu la vie en même temps que son fils.

« Œil Vert ? » appela-t-elle doucement.

Mais ce nom était un étranger.
Pour son grand sapin, son refuge, son repère...
Elle avait beau ne plus être une chatonne...
Ce nom-là ne convenait pas — pas plus que les anciens.

« Papa. » murmura-t-elle alors, en s'approchant de lui.

Rien à dire de particulier, sinon peut-être ce mot-là, comme une promesse et comme un doux rappel qu'il lui restait de la famille, qu'il n'était pas tout seul, qu'elle partageait sa peine: Cœur de Mimosa fit un nouveau pas, et encore un, jusqu'à presser sa pelisse contre celle, identique, de l'ancien chef du Clan, entremêlant leurs fourrures, silhouette menue quoique élancée, tout contre le grand mâle. Ses prunelles de miel scintillants de tristesse, elle le laissa cacher au creux de leur étreinte des larmes, s'il le voulait, et toutes ses émotions; elle serait là pour lui, elle serait là pour tous. Encore un peu. Toujours.

Le nom du monde était tristesse.
Le nom du monde était tendresse.
Le nom du monde était au revoir.

Plus calme, Cœur de Mimosa s'approcha à nouveau de Nuage de Mite.
Se coucha contre lui, pour que les battements de son cœur les fassent vibrer tous deux.
Elle voulait croire qu'au Clan des Étoiles, l'impossible n'existait plus pour le bel apprenti
— et que pour la première fois, il entendrait ce qu'elle confia à la brise comme dernier message.

« Bon voyage, petit frère. Je t'aime. »

Il est Libre.

Dents de Sabre était sorti, chasser, se perdre, réfléchir. Il ne savait guère, mais il n'était pas parti bien loin, ses pattes le ramenant au camp, et c'est devant l'antre de anciens qu'il s'était allongé pour partager quelques mots avec Fleur de Neige. Depuis ce jour où, involontairement, il l'avait déranger avec le jeune Petite Mite, il avait pris l'habitude de prendre des nouvelles de l'ancienne, de prendre davantage soin d'elle. Et visiblement, elle aussi avait commencé à apprécier ses petits moments entre eux. Pourtant, quand la voix de l'ancien meneur raisonna, c'est non pas Dents de Sabre mais bien la vieille femelle qui réagi. Du museau, elle poussa l'épaule du guerrier pour lui détourner l'attention et ... Murmurer simplement un "désolé". Sans doute avait elle comprit que le guerrier - malgré ses origines - veillait à être agréable autant que possible avec tous, qu'il se souciait véritablement des autres. Toujours est il qu'étonnement, l'ancienne venait de réagir comme une mère pour lui, une amie véritable. En bref, comme quelqu'un qu'elle n'était pas tout à fait pour le guerrier pour autant.

Et Dents de Sabre lui se leva, ses pupilles se dilatant à leur maximum tendis qu'il avançait comme mécaniquement vers le père et son fils, au ralentis toutefois car des secousses avaient commencés à envahir ses membres. Il devait rêver. Un mauvais rêve. Trop réel. Car au pelage blanc se superposa celui de Petite Aile. A ce pelage de neige se superposa ensuite celui de sa jumelle, avant de s'effacer pour redevenir celui de Nuage de Mite. Une autre silhouette avait bouger qui, comme lui, semblait hors du temps. Le temps d'un vague regard, il sembla à Dents de Sabre que tout deux se comprenaient, que tout deux avaient compris. La mort avait une fois encore frappée. Et le gros mâle brun se figea à bonne distance, serrant les crocs à s'en faire mal, assez même pour que l'un de ses crocs justement, hoche un peu, prémices d'une douleur qui ne le lâcherait pourtant plus.

Il les voyait, Cœur de Mimosa et Œil Vert, lavant le corps qui paraissait chétif là, figé comme il l'était. Et lui ne savait plus s'il devait s’avancer, interrompre les proches et s'y mêler où ... Disparaître. Nerveux, il se lava alors, tic dont il avait prit l'habitude. Il lava l'intérieur de sa patte, là où la peau était déjà bien trop à nue, arrachant jusqu'à la chair, jusqu'à ce que la douleur deviennent insupportable et l'oblige à s'arrêter, laissant à cet endroit là de son corps, de mini gouttelettes de sang et de lymphe. Puis il se résolu à avancer, son cœur battant à lui faire mal, ses yeux voyant sans voir, Mite et d'autres, corps se superposant dans son esprit, être aimer mort où simplement parti. L'abandonnant. Non, il était celui qui les avaient abandonner, le seul responsable. S'il avait été un meilleur guerrier, si ... Sa voix resta dans sa gorge, douce plainte qui ne s'échappa que par ses yeux, lesquels devinrent brillants de larmes qui s'échappèrent. Il avait échouer à protéger l'un des siens, une fois encore. Nuage de Mite avait déjà été laver, nettoyer, parfumer de cet âcre odeur de plante qui se voulait cacher celui plus infecte encore, de la mort. Combien de temps avait il passer là, debout, tremblant, incapable de réagir au monde extérieur, les yeux juste poser sur ce qui rester d'une vie ? Il était incapable de le dire. Il fini par être devant le petit chat, un jeune ami, et il s'allongea pour poser son museau sur une patte déjà glacée, murmurant juste.

- Voyage bien, petite Mite Futée ...

Car le mâle blanc avait trouver mille et une façon de se faire comprendre et le guerrier avait toujours trouvé l'apprenti malin, mais le mot malin s'associer mal à son nom alors ... Il en avait trouvé un autre. Mais ça n’effacerait pas ce poids. Une fois encore, Dents de Sabre voyait s'éloigner un être qui comptait et une fois encore, il le savait, ses nuits seraient longue ... Et avec elle, viendrait ce besoin de se lécher jusqu'à ce que fourrure tombe, jusqu'à ce que la peau soit à vif et avec ça, ses autres problèmes dont il n'oserait dire mot, manifestation odorante et humide de ses peurs, de cet angoisse qui ne le quittait plus. Combien de fois encore, devrait il voir ce qu'il avait sous le museau. Devrait il sentir ce froid qui signifiait la fin. Et pourtant là, les yeux clos il ne pensait qu'à ce chaton avec lequel il avait partagé un jeu, à ce chaton qui, malgré son incapacité de parler, avait sus lui parler, à lui ... A ce chaton qui ne lui parlerait plus jamais ...

Ma journée avait été des plus banales, mais pourtant pleine de joie. Comme tous les jours, je passais un peu de temps avec Papa et Tonton, discutant des ragots du clan. Je guettais toujours Œil Vert quand j’allais chez les anciens. J’avais une mine de dégout lorsque je le voyais. Avec son œil en moins il ne devait même pas le remarquer ce vieux corniaud. Mais il était finalement parti pour sortir du camp. Tant mieux. De mon côté j’avais rejoins Maman pour lui faire une petite visite aussi, lui dire que je l’aimais. Même si avec le temps je m’étais rapproché de mon père, je ne l’oubliais pas, c’était ma mère après tout ! Puis après tout cela, comme d’habitude, j’étais partie me prélasser dans un coin. Là où y n’y aurait ni sang pourri, ni notre catin de cheffe et son toutou de lieutenant. Etoile Dansante était ma meneuse, et même ma tante ! Mais je ne pouvais pas l’aimer. Elle respectait si peu les étoiles que seulement sentir son odeur me donnait la nausée. Papa m’avait bien confirmé en plus qu’elle était mauvaise parce qu’elle n’était pas pieuse.

Enfin bref, après ma longue sieste, l’odeur d’Oeil Vert, de Nuage de Mite et… Du sang ? Ces odeurs arrivèrent à mon museau. Je me levais alors en vitesse pour observer la scène. Le petit matou blanc était allongé au sol. Il ne semblait plus respirer. Son père lui rendait hommage. J’eus l’espace d’un instant, un rictus mauvais destiné à l’ex-meneur. Enfin tu décides de te montrer respectueux. Mais ce n’était pas le moment de lui dire en face. Il venait de perdre son fils. Quelque part… ça devait arriver. C’est pas vrai ? Je ne me réjouis pas de sa mort, mais c’était une punition. La naissance de Nuage de Mite était une punition des étoiles pour Maudit. J’ai toujours été mal à l’aise avec mon cousin – j’avais des difficultés à dire que j’avais un lien avec lui vu qui son ses parents – mais pourtant je me joignais à l’atmosphère de la scène. Il ne fallait pas se réjouir de la mort, même dans le cas de l’apprenti. Il n’aurait jamais pu devenir un vrai guerrier de toute façon, quelque part, c’est lui rendre service. Je m’approchais doucement du pelage blanc tout juste nettoyé de Mite. Je posais ma truffe sur sa tête et je chuchotais :

« Que les étoiles te guident sur leur terrains de chasse p’tit cousin. »

C’était mon seul hommage pour ce chaton. Et finalement, je laissais la famille proche l’accompagner dans son nouveau périple. Au revoir Nuage de Mite.

Guidant une poignée de guerrier au travers de la voûte de ronce qui formait l'entrée du camp le lieutenant rentrait d'une patrouille qu'il avait organisée la veille au soir. Il y avait entre les pins et leurs racines une agitation plutôt inhabituelle, un rassemblement qui ne ressemblait point à celui d'une assemblée. Déjà, certains chats qui l'avaient suivi le long des bordures de leur territoire se glissèrent vers l'attroupement dans un mix odorant de curiosité et d'appréhension. La détresse et la peine emmenait des félins penchés au-dessus d'une silhouette blanche au pied du promontoire.

Voilà qu'il devinait déjà la source de leurs soucis. Une scène morbide qu'il avait vu et revu au cours de sa vie, il lui semblait presque un millier de fois. Lovée contre son père Cœur de Mimosa tentait de soulager sa peine. L'imposante forme endeuillé de Dents de Sabre tout près du défunt, il avait l'air dans un sale état. Peu-être Feulement devrait-il penser à aller le voir un de ces jours ? La frêle stature d'Esprit Soucieux rejoignait à son tour les funérailles, le lieutenant finit enfin par faire quelques pas à sa suite.

Se tenant à côté de l'ancien guérisseur il observa d'un regard neutre le cadavre de feu Nuage de Mite, l'air doucement endormis maintenant que les siens avaient pris soin d'embellir son cadavre don l'effluve d'un poison émanait au travers de celle des plantes tâchant sa pelisse de couleurs moins pales que l'able qui l'habillait.

C'était l'apprenti de Brasier Caniculaire, se souvenait-il. Et le gosse d'Oeil Vert et d'Etoile Dansante. Gamin sans chance, né sourd et muet comme une carpe. A l'exceptions des cris qui l'échappaient parfois ... L'ancien chuchoteur n'était pas surpris de sa mort, avec un tel handicape c'était déjà un miracle qu'il ait vécu aussi longtemps. Mais c'était dommage, supposait-il, on lui avait raconté que l'enfant était un bon gars.

Le cœur des endeuillés s'arrête l'espace d'un départ mais le monde lui continue de tourner. Lorsque son père adoptif se dressa sur ses longues échasses pour rejoindre sa tanière Feulement passa son chemin à son tour. Sans hommages pour le petit (Il ne le connaissait pas après tout) et dans son silence habituelle, il vaqua à ses responsabilités.

La tranquillité du camp fut brisée par Oeil Vert traînant à sa suite un corps inerte.

— Mon fils, ma chair, mon sang, j’espère que cette vie parmi les étoiles te procurera plus de joie, que tu vas irradier le monde de bonheur, comme tu as fais avec mon cœur. Tu étais malgré tout un chaton plein de vie, et je suis fier de ton parcours, je suis fier que tu aies appris tant de choses, et je suis fier d’être ton père. Je t’aime mon petit, que les étoiles te guident vers eux. Tu seras à jamais dans mon cœur mon chaton.
—Qu'est-ce que.... commença Dansante en s'approchant.

Un attroupement s'était formé autour de l'ancien meneur et elle entendant des cris et des lamentations ponctuer son discours.
Ses yeux tombèrent sur l'épaule tuméfiée de Mite, et elle eut la réponse à sa question inachevée.
Il s'était fait mordre par une vipère.
Il était petit, le poison avait dû se répandre trop rapidement dans son organisme pour qu'il puisse rentrer au camp à temps.
Ses yeux remontèrent ensuite sur le visage crispé dans une grimace mortuaire de son fils. Oeil Vert lui avait fermé les yeux, mais elle voyait encore les résidus de bave à ses commissures et la douleur qu'il avait ressentie tandis que son organisme se battait contre le poison était encore inscrite sur ses traits.

Son cœur se serra, alors qu'elle suivait Oeil Vert pour se tenir aux côtés du défunt.
Une vipère.
Elle eut un sourire inopportun.
L'ironie de la vie avait voulu que le novicesourd meure à cause de quelqu'un chose qu'il n'avait pas vu. De tous les dangers qui guettaient un apprenti sourd, dangers qu'il avait surpassé en apprivoisant son handicap et en cultivant ses atouts, il était mort bêtement à cause d'une vipère.

Les membres du clan défilaient un à un pour lui rendre hommage. Mite était devenu un membre apprécié et respecté. Ce chaton blanc sur lequel elle n'aurait pas misé une queue de souris aurait fait un valeureux guerrier.
Tout ce potentiel gâché gisait devant ses yeux.

Voyage bien, petite Mite Futée ... souffla Dent de Sabre à la dépouille de son fils.
Mite Futée ... répéta Dansante, pensive.

Elle se redressa.

Pourquoi devrait-il mourir en ayant encore son nom d'apprenti ? la colère perçait dans sa voix. Mite a prouvé qu'il n'était pas un poids mo... inutile au Clan. corrigea t-elle.
Je considère qu'il a terminé sa formation. Il s'appelle Mite Blanche désormais.

Ayant ainsi montré toute l'affection dont elle était capable envers sa progéniture, elle s'éloigna du cadavre, laissant Oeil Vert seul.
Elle n'avait pas vu ses enfants, il fallait qu'elle leur annonce.