Un soupir s'échappa de la gueule de Fleur Cendrée qui peinait à rentrer au Camp du Clan du Tonnerre. Le soleil avait décidé de taper sans discontinuer depuis ce maintenant, nimbant à la fois la forêt d'un jeu d'ombre et de lumière d'une beauté sans pareille, mais réchauffant considérablement l'atmosphère. Portant trois campagnols dans sa gueule, la Guerrière peinait à haleter et à faire descendre la température de son corps. Son pelage mi-long ne l'aidait pas non plus. Elle profitait de chaque coin d'ombre, chaque fois qu'un arbre barrait sa route, il laissait un chemin qu'elle empruntait avec joie, mais sans que cela n'ait un réel effet. Elle reconnue avec soulagement, les premiers abords de son Camp et elle pressa le pas, malgré la chaleur et sa fatigue augmentant pour rentrer au plus vite, se débarrasser de son fardeau. À l'intérieur, elle fut accueillie par quelques Guerriers qui vinrent la complimenter sur ses prises et certains autres sur son physique. Elle remercie ceux qui admiraient ses talents de chasseuse et ignora les autres. Elle était bien trop mal avec cette chaleur pour perdre du temps à jouer. Elle se hâta de déposer sur le tas de gibier ses proies et alla se retira de la lumière directe du soleil, pour aller se terrer dans un coin d'ombre dans le Camp. Certains félins appréciaient réellement la chaleur, ils se prélassaient ainsi pour la plupart en plein milieu du Camp, souhaitant capter le plus de rayons possibles. La soif tiraillait la Guerrière cendrée, mais elle attendit, en en profitant pour faire sa toilette, de faire descendre son rythme cardiaque et espérant que la chaleur lâcherait enfin ses longs poils. En vain.
Lorsqu'elle ne put tenir davantage, elle se mit en tête d'aller étancher sa soif du côté de la rivière, près des Rochers du Soleil, elle en profiterait certainement pour piquer un petit peu dans l'eau, ça la soulagerait énormément. Elle se leva, sortit du couvert de l'ombre qu'elle avait trouvée, esquiva les Guerriers et Guerrières qui tentaient de l'inviter pour la cérémonie du partage et sortit du Camp. Si elle avait eu moins chaud et plus de force, elle se serait mit à courir ou au moins à trottiner pour rallier la rivière, mais elle ne s'en sentait pas capable. Elle se traînait presque. Si elle avait été plus en forme, elle aurait certainement prit plaisir à monter dans les arbres, à courir à travers les branches, en espérant croiser un petit écureuil à ramener au Camp, mais encore une fois, la force lui manquait. Elle finit par atteindre les abords des Rochers du Soleil. Elle n'y croisa personne, elle savait que plus tard dans la journée, ses camarades viendraient prendre un bain de soleil ici. Elle sourit en pensant au fait qu'elle resterait certainement au Camp, à se rafraîchir pendant ce temps. Elle appréciait la chaleur, comme tout félin, mais trop était trop. Elle supportait moins bien que les autres du fait de son poil mi-long fourni. Elle accéléra le pas à l'approche de la berge, si bien qu'elle négligea la distance entre elle et l'eau. Prise dans sa frénésie de se rafraîchir, elle piqua directement dans l'eau. La température de son corps descendit immédiatement, mais le soulagement ressentit fut de bien courte durée. Son envie de rallier le plus rapidement l'eau, l'entraîna un peu trop profondément et ses pattes commencèrent à patiner au fond de l'eau, jusqu'à ne plus trouver prise. Elle pesta :
La chaleur était étouffante. Ombre du Hibou maudissait sa fourrure aussi foncée, et aussi épaisse par ce temps. Bien qu'elle lui soit très utile dès que les températures chutaient un peu. L'ombre n'était pas présente au camp. Il avait donc décidé de sortir, prendre un peu l'air, éventuellement se rafraîchir et chasser.
Divaguant au gré de ses envies, le guerrier du Clan de la Rivière s'était rapproché sans s'en rendre compte des Rochers du Soleil, l'endroit que se disputent sans cesse les clans du Tonnerre et le sien. Il était encore pas mal caché par les nombreux arbres et arbustes, mais il pouvait déjà entendre l'eau s'écouler à un rythme régulier. Il pourrait même envisager de faire un peu trempette, la chaleur était étouffante à cette époque de l'année. Mais quelque chose clochait. En tendant l'oreille, il entendit une certaine irrégularité au niveau de l'écoulement de l'eau, quelque chose venait de perturber sa douce mélodie. Poussé par la curiosité, Ombre du Hibou continua de s'avancer, tout en tâchant de rester discret, si c'était une patrouille ennemie tentant de s'infiltrer chez eux, c'était la seule chose qui lui restait à faire.
« Eh merde ! »
Cette fois le guerrier, qui quelques instants auparavant avait été guidé par sa curiosité était persuadé d'avoir entendu un juron, quelqu'un avait du tomber à l'eau. Il se stoppa net. Écoutant le moindre écho d'une autre voix, mais rien ne se fit entendre, seuls des éclats d'eau, sûrement dût à la tentative de nage. S'être déplacé jusqu'ici, pour laisser cette personne risquer de se noyer, n'était pas dans ses idées non plus, il le regretterait forcément s'il apprenait qu'un membre d'un clan s'est noyé au niveau des Rochers du Soleil, on pourrait même croire que c'est un coup monté de son propre clan, hors de question de déclencher une guerre inutile.
Le guerrier sortit alors de son côté de la forêt pour trouver une minette qu'il avait certainement déjà aperçu lors d'une assemblée, mais son nom ne lui revint pas. Tant pis, il ferait sans, ce n'est pas la pire des catastrophe. Il s'avança à pas de velours, tâtant la situation qui visiblement n'était absolument pas maîtrisée avant de pénétrer à son tour dans l'eau pour tirer la femelle grise de l'eau et la remettre de son côté de la frontière. Une fois cette tâche effectuée, le guerrier replongea à son tour pour retourner du côté de son propre clan, histoire de ne pas se faire surprendre. En s’asseyant, il ne put s'empêcher de prendre la parole, vu la situation, on ne peut plus comique.
« Le Clan du Tonnerre a décidé de se reconvertir en poisson ? »
Est-ce que le Clan des Étoiles lui en voulait ou bien est-ce qu'elle avait été simplement un peu trop maladroite ? Pour une fois, elle n'avait pas utilisé sa tête et avait préféré penser à son besoin vitale de boire et de se rafraîchir. Malencontreuse erreur, stupide choix. Lorsque l'eau arriva jusqu'à ses épaules, elle regretta d'avoir ainsi piqué dans l'eau. Comment revenir en arrière maintenant ? Prier pour retrouver une pierre ? Ces mêmes pierres qui semblaient avoir pour la plupart disparues et qui pour celles qui restaient se plaisaient à glisser indéniablement sous les coussinets et les griffes de la femelle grise. Qu'est-ce qu'il fit qu'elle secouait ainsi frénétiquement ses membres ? Une envie de vivre ? Une tentative de nage chaotique ou bien un vain élan de panique ? Rayant définitivement la dernière proposition avec ses agissements bien trop calmes et son rythme cardiaque tout à fait convenable étant donné la situation, la colère qu'elle avait envers elle-même menait cette danse, qui malgré tout, la maintenait la tête hors de l'eau. Tout n'était pas perdu. Il ne lui restait plus qu'à trouver le moyen de changer de direction et de retourner sur le rivage. Catastrophiquement et par le biais de je ne sais quel moyen, elle réussit à tourner son corps, face au courant, de sorte à n'avoir que pour seul champ de vision restreint, le côté des terres du Clan du Tonnerre. Alors qu'elle tentait vainement de progresser vers la rive, un splash sonore inonda l'air et fit vibrer ses tympans. Il ne manquait plus que ça, pesta la Guerrière pour elle alors que la colère et la gêne montaient, folle d'être ainsi tombée dans l'eau et que quelqu'un se sente obligé de lui venir en aide. Malgré toute l'eau, elle n'eut aucun mal à percevoir l'odeur du Clan de la Rivière, cette odeur de poisson qu'ils portaient tous sur leur fourrure était tellement repoussante.
Et maintenant ? Fleur Cendrée devait-elle laisser tomber, lâcher le morceau et se laisser tracter par le félin du Clan de la Rivière qui semblait vouloir lui venir en aide ou bien devait-elle se montrer trop digne pour accepter cette aide. Etait-ce d’ailleurs réellement une aide ou une offensive d’un Guerrier pensant à une tentative d’attaque sur son Clan. Milles questions flottèrent dans l’esprit de la Guerrière, qui ne laissa pas le courant l’emporter plus loin qu’elle ne l’était déjà. Si elle n’avait pas été contrainte de supporter cette aide que lui apporta le félin qui la ramena jusqu’à la rive et si la faute ne venait pas d’elle, Fleur Cendrée aurait pu prendre l’acte de l’autre convenablement. En ces circonstances, la rencontre s’annonçait plutôt mal. Révoltée, indignée et honteuse, la Guerrière secoua son pelage dégoulinant d’eau alors qu’elle retrouvait la terre ferme. Après cet effort, ses membres tremblaient, mais elle tenait bon. Debout, le dos tourné à l’autre qui venait pourtant de l’aider, lui sauvant très probablement la vie, la Chasseuse s’en voulait affreusement. Une erreur de chaton. Elle se sentit indigne de son rang, de ce qu’elle voulait être. Elle qui prônait la sécurité, la sûreté et qui n’acceptait aucun écart venait d’en signer un. Le cœur lourd, elle n’osa pas un regard en arrière et resta prostré de son côté, à regarder le vide pour mieux sonder son esprit, sans dire un mot. Combien de temps est-ce qu’elle resta ainsi ? Peut-être quelques secondes, probablement un peu plus de quelques minutes, elle n’en sait trop rien. L’hécatombe dans son esprit ne faisait que commencer, le dénivelée serait important, tout n’allait pas s’arrêter là, ce n’était que le début d’une longue décadence. La honte pas passée, la colère non plus, elle décida tout de même de respecter les principes qu’elle se fixait durement. Après avoir secoué de nouveau son pelage qui détrempait, elle se tourna vers le félin qu’elle découvrit pour la première fois depuis sa remontée de la Rivière. Le visage fermé, contrairement à son habitude, elle n’eut aucune peine à reconnaître le corps plutôt massif d’un Guerrier rival. Peinée, blessée dans son amour propre, mais n’outrepassant pour autant pas ses signes de politesse, elle parla d’une voix restant sans âme et sans émotion malgré tout son bon vouloir :
