La Chasse | ft que Fifou owo - end

La Chasse. (46)


Je suivis le lieutenant, plus connaisseur des territoires qui nous entourait que moi. Nous quittâmes le lieu qui avait précédemment réuni des débats et des disputes pour les chats du Tonnerre. Et moi spectatrice de tout cela. Finalement, me revoilà à mon plan initial : chasse de proies et de plantes pour amoindrir notre dette envers le clan du Tonnerre. Vu que ma fille était rentrée chez la guérisseuse, nous pouvions nous éloigner des alentours du camp. Nous trouverions plus de choses là-bas, c'était sûr. C'était pareil dans chaque camp. Les proies n'étaient pas si stupides et les plantes aimaient ne pas trop se faire piétiner.

Le Bengal avait affublé son fils d'une mission quelque peu originale, d'aller embêter sa sœur. Et il ne me fallut pas longtemps pour comprendre que la soeur embêtée devait être Nuage de Ciel, et non.. l'autre, bicolore ? A m'avoir moins crié dessus que j'étais une étrangère, j'avais fait moins attention à elle.. On retenait malheureusement mieux les paroles blessantes. Bref, tout le petit groupe s'était dispersés, ne laissant que moi et Coup de Foudre. Docile et reconnaissante, je ne dis pas trop de mots avant quelques queues de renard parcourues. Mais j'avais toujours été du genre loyale et juste, donc je lui devais au moins un merci, voir un désolé. J'optais pour les deux.

" Merci d'avoir pris ma défense, je ne pensais pas que notre présence mettaient tant de chats en colère. Je m'en excuse au passage. J'espère vraiment que notre séjour sera le plus court possible pour ne pas plus vous attirer d'ennuis. "

Et je refis un signe de tête, témoignant ma gratitude.

Le plus loin ils se trouvaient du campement, le mieux il se sentait, et il se doutait que c'était la même chose pour leur invitée. Il s'était dit que lui faire voir un peu de la forêt l'aiderait à se divertir du ... capharnaüm, mais...

— Merci d'avoir pris ma défense, elle réussit à dire, après de longues minutes de silence à trottiner à la queue-leu-leu. Je ne pensais pas que notre présence mettaient tant de chats en colère.

Pauvre Muguet, il pensa, car même s'il ne partageait pas son envie de sortir les griffes, de grincer les dents et d'urtiquer des nids, il n'était pas sans pouvoir la comprendre. Inutile de se demander pourquoi, elle était seule (avec sa fille) dans un Clan qui ne la respectait pas. Elle avait de la gratitude envers lui; il en avait envers elle.

— Je m'en excuse au passage. Le bengal redressa sa tête d'un hoquet et se tourna à demi pour tourner d'yeux inquisiteurs sur la grande maine coon bicolore. J'espère vraiment que notre séjour sera le plus court possible pour ne pas plus vous attirer d'ennuis.
— Ne t'excuses pas? »

Il se trahit autant par la familiarité de son ton que par l'inflexion à la fin de sa question. Son oreille tiqua, il rondit les yeux, se hâta de fermer les paupières et s'empressa de s'éclaircir la gorge en ricanant. Ha hah, tu n'as rien fait de mal Muguet. Au lieu de marcher de l'autre côté de la frontière, tu marches ici - et pour sauver ta fille, en plus! Si on fait le total c'est une raison noble, non?

Il rouvrit les yeux en faisant la moue:

— « Tu t'excuses d'être noble?

La Chasse. (lune 62)


Coup de Foudre ne réagit pas trop aux remerciements, mais le désolé le fit bien plus réagir. Son visage se retourna vers moi, et malgré nos hauteurs similaires, l'air dans ses yeux lui donna de la grandeur. Je maintiens le regard plus curieuse que gênée. Je trouvais qu'il était normal de m'excuser lorsque mes actions -ou juste ma présence- retournait tant de chats contre une seule personne. Et j'étais toujours blessée si je causais indirectement le malheur de quelqu'un d'autre. Au moins, quand c'était envers moi-même, je savais me défendre et prendre les dégâts juste pour moi.

Il expliqua tout de même le fond de sa pensée, pourquoi je ne devrais pas être désolée. Que j'étais ici pour des raisons nobles, pour sauver ma fille malgré mon intrusion. Je couchais mes oreilles. En effet, venir ici ne me faisait sentir coupable que par les problèmes causés. Mais j'étais bien plus dérangée par le fait d'avoir fuit la Rivière, alors que je commençais seulement à faire partie de la famille. Faites que le retour se passe bien, c'était tout ce que je demandais. Je les avais cherché pendant quinze lunes après tout. Faites que ces deux ci, passées au Tonnerre, ne gâchent pas tout... Alors, si je me sentais noble, d'avoir choisi au fond, une facilité, à la place de rester combattre la maladie auprès de ceux qui commençaient à compter sur moi ?

" Noble, je ne sais pas. Mais je suis fière d'être une maman attentionnée. C'est déjà un bon début, non ? "

Et plus qu'une maman, une camarade pour tous. Je le voulais. Quand Lavande sera guérie, j'espère amener assez d'indices pour aider la Rivière, telle une plante, un onguent, des précautions à adopter... Mais bon, tout cela, ce serait dans une lune encore, que Nuage de Lavande soit entièrement remise sur patte. Et pendant cette lune, je ferais tout ce que je pourrais pour payer notre présence ici.

Bruissement dans les végétaux.

Chasser.

Ma queue se leva droite comme un arbre, réflexe conditionné pour demander le calme et de ne plus bouger. Je n'étais pas douée pour la chasse sur ces terres, mais avec un peu de concentration, et en profitant de cet endroit pas trop fourni en branche.. Je me cachais doucement derrière un buisson proche du petit rongeur qui avait trahi sa présence. Pas délicats, posés avec grâce et adresse, et quand je fus assez près, je portais le coup final ! Crocs dans la nuque, et la souris était attrapée. Je fus surprise de son épaisseur lorsque j'avais fermé ma gueule dessus.

" Pas aussi gros qu'un rat, mais il nourrira bien deux chats ! " miaulais - je, de victoire !

Je me retournais vers le lieutenant.

" Voilà, un de plus pour me dédommager ! Mais je croise souvent des souris. Vous n'avez rien de plus gros ? Histoire que j'impressionne quelques chats aha ! "

L'Ombre avait les rats, le Vent les lapins, la Rivière maiiiiiiint poissons, mais au Tonnerre hum... Un écureuil ? C'était gros, un écureuil ?

— Noble, je ne sais pas. Mais je suis fière d'être une maman attentionnée. C'est déjà un bon début, non ?
— Euh...

Merde, il l'avait rendue triste. Le lieutenant chassa à nouveau ses mots, agitant sa queue marbrée au-dessus de sa croupe en chassant l'air et la brise: Oui, bon, je sais que j'ai dit noble, mais je voulais dire attentionnée. »

Pour lui, ça revenait au même. Les chats attentionnés, sincèrement attentionnés trouvaient toujours le moyen de gagner son respect. C'était facile de jouer les plus forts ou de se sentir au-dessus de tout, mais c'était tout un obstacle qu'était celui de devoir s'avouer sa faiblesse et se plier à demander de l'aide ailleurs - alors de passer la frontière...

Coup de Foudre aimait les chats têtus, bien sûr, il avait été comme programmé à prendre plaisir à les tourner en bourrique (il y aurait trop d'exemples à compter), mais la force, souvent des mères, de s'avouer impuissantes et de choisir une solution plus "facile" était réellement admirable. Il pensait à Museau Bleu qui avait tenté de tout son soûl de protéger son fils adoptif d'un autre Clan malgré le mauvais oeil que lui donnait le sien. Il pensait à Étoile d'Or, ce puits de vertu s'étant cassée le dos à force de multiplier les sacrifices pour son Clan. Il pensait à -- un bruissement attira l'attention de Muguet avant la sienne.

En fait, c'est lorsque Muguet leva sa queue en immobilisant le reste de son corps que le bengal s'arrêta dans sa marche pour arrondir les yeux et l'observer se mettre en chasse. Elle était grande, et la longueur et le volume de son poil la rendait massive mais elle était furtive! Accroupie à ras le sol elle se mit en marche jusqu'à se cacher derrière un buisson, et...

Le saut. Un seul coup - probablement une souris, car la taille d'un écureuil, l'aurait fait sursauter!

— « Pas aussi gros qu'un rat, mais il nourrira bien deux chats !
— Ha hah, une promenade ET un repas!  C'est qu'elle est polyvalente ♫

Il savait bien que c'était lui qui l'avait invité à s'éloigner du tumulte, et qui l'avait invitée chasser, mais à vrai dire, Coup de Foudre n'avait été qu'à demi-intéressé par cette idée. Non, il l'avait éloignée du tumulte pour deux raisons. La première, c'était par indulgence: il avait bien vu à quel point les guerriers la dévisageaient à mettre ses pieds au beau milieu de leur campement (qui se devait d'être secret?) (mais le Vent les avait bien attaqués au beau milieu de la nuit, non?). La seconde, c'était parce-qu'avant la leçon d'histoire (et sa toute petite altercation avec Dame de Coeurs), il sondait Bouquet de Muguet. Et Bouquet de Muguet, sa souris en gueule, revint vers lui, et bien qu'elle devait faire le triple de la taille de son souvenir, sa délicate attention le frappa en plein coeur: Voilà, un de plus pour me dédommager !

Mais je croise souvent des souris. Vous n'avez rien de plus gros ? Histoire que j'impressionne quelques chats aha !

Il tomba assit sur les fesses.

— « ... Bon sang.

Les poils, la taille, ces yeux, merde, le corps immobile et la queue, et maintenant la mention du rat. Sa fille Lavande qui était presque une copie conforme -- il se pencha sur un rire sous-cape.

— « Muguet, ôte moi d'un doute.

Lavande, elle est de toi, ou?...

La Chasse. (lune 62)


A mon retour, le Lieutenant du Tonnerre tomba en arrière sur son postérieur. Je lui fis des yeux étonnés. Il doutant tant que ça que je saurais chasser dans leur forêt ? Car l'autre option était qu'il soit impressionné par la souris mais j'en doutais fortement. Quoique, je pensais à Pelage de Crème, mon ami apeuré des petits rongeurs. Une pointe de culpabilité vint. Que devait-il penser de sa camarade de bêtise, partie au Tonnerre ? "Je dirais que c'était une autre blague de ma part " Une bêtise peut-être, mais la santé de ma fille n'était pas une chose à prendre à la légère. J'assumerais, point, comme j'assumais les piques des chats du Tonnerre sur mon "intrusion".

Mais bref, la surprise de Coup de Foudre n'avait rien à voir avec ma chasse. D'ailleurs, le charcoal me sortit une question qui me prit de court également. Je me mis à rire, déposant rapidement la souris pour ne pas la faire chuter de toute ma hauteur.

" Hahaha, c'est la première fois qu'on me le demande ! Personne ne doute normalement, du moins lorsqu'on est l'une à côté de l'autre. "

Je repris ma respiration, calmant mon rire mais gardant un grand sourire aux babines. Je m'assis en face de lui et portai une patte à mon visage, à mon oeil droit plus exactement.

" On a exactement la même marque sur l’œil droit ! Cela ne laisse place à aucun doute. Puis, j'en ai une autre ici, plus petite sous l'oeil gauche. Là aussi, ma fille a la même, Gingembre, sa sœur, aussi. Mon jumeau l'a aussi eettt c'est tout, mais c'est déjà bien non ? On pense que ça doit être une tache de famille. " conclus-je en ronronnant.

— Hahaha, c'est la première fois qu'on me le demande ! Personne ne doute normalement, du moins lorsqu'on est l'une à côté de l'autre.

À cause de leur longs poils, assurément. Elles devaient se toiletter de la même manière, mais là où Muguet était bicolore, Lavande était tricolore, et ses taches, surtout celle sur l'oeil, surtout celles sur son dos, lui remettait les pattes il y a deça plusieurs cycles où il n'avait pas encore acquiert toute sa musculature. Où on le traitait encore de brindille - à l'orée du bois et avec aux pattes une souris (qu'on avait chassée pour lui), il peinait à croire toutes ces coïncidences.

— On a exactement la même marque sur l’œil droit ! Cela ne laisse place à aucun doute. Puis, j'en ai une autre ici, plus petite sous l'oeil gauche.

Coup de Foudre rit à nouveau, sans le son, la tête basse, une patte au visage ou plus particulièrement à la tête car sa tête lui faisait mal à se démener entre le présent et le passé. Surtout que d'habitude, le passé, il ne s'en rappelait jamais assez - les visages étaient flous et les motifs efféraient des pelages et se saignaient dans l'air, en toiles abstraites. Il se rappelait des mots, bien sûr, et il se rappelait de ceux qu'il avait touché (et vice-versa), mais la lentille de ses souvenirs emberluait tout le reste.

Emberluait tout le reste, sauf les chats vraiment marquants, par exemple cavernicoles et éclairés de lucioles.

— Là aussi, ma fille a la même, Gingembre, sa sœur, aussi. Mon jumeau l'a aussi eettt c'est tout, mais c'est déjà bien non ? On pense que ça doit être une tache de famille.
— Laisse-moi deviner.

Patte sur front, il secoua doucement sa tête, peinant à croire la conclusion à laquelle il était arrivé:

— Ton jumeau,

il est au Clan de L'Ombre? »

La Chasse. (lune 62)


Parler de ma famille me fit un peu du bien. Un sujet aussi léger qu'important pour moi. Et puis, si cela semblait intéresser l'autre chat, ce n'était que mieux ! Sauf que je n'eus pas des yeux intéressés, mais habités d'une profonde réflexion en face de moi. Le lieutenant du Tonnerre avait posé sa patte sur son front comme pour pousser ses idées à se mettre dans l'ordre. A quoi pouvait-il réfléchir aussi fort, à propos de moi, ma fille, ou notre tache de famille ? Et là, il me sortit une phrase que je pensais absolument pas entendre au clan du Tonnerre. Mon jumeau est à l'Ombre. Que... je sentais encore l'Ombre ? Les messes basses de la Rivière avaient déjà traversés les frontières ? Si ça avait aussi atteint le clan de l'Ombre, cela pourrait poser problème, car mon odeur avait été noyée dans le cours d'eau (et peu devaient être les guerriers des marécages qui oseraient autant se mouiller le poil pour une guerrière qui leur cassait les pattes.)

Peu importe comment, apparemment, ce chat savait. Là, je réfléchis vite. Comment je pouvais le mieux m'en tirer ? Nier en bloc ? "Non, je suis une chatte cent pour-cent Rivière, pourquoi mon frère serait à l'Ombre ?" Mais cacher mon absence de frère à la Rivière serait compliqué. Donc si je ne pouvais m'échapper, autant garder ma fierté, et surtout celle de mon clan. Je ne savais pas trop le regard du Tonnerre sur les Sangs-mêlés, et je ne voulais pas faire croire que le clan de la Rivière faisait n'importe quoi.

" Aha, donc le clan de la Rivière aurait en son sein une guerrière qui a de la famille à l'Ombre ? Ca parait fou non ? "

J'inspirai.

" Mais bon, la vie est un peu folle non ? A faire des miracles de temps en temps. "

Car ma place dans le clan de ma mère était un miracle auquel j'aspiré depuis mes six lunes.

" Si c'était vrai, cela impliquerait quoi ? "

Suivant sa question, il y eut un temps de latence.

Un temps de latence, joint à un silence, lourds de non-dits. Quelques secondes de stupeur, c'était à s'y attendre. La question était singulière et invasive - s'il faisait fausse-piste accuser quelqu'un d'avoir le sang mêlé était sans doute mal vu dans les autres Clans qu'ici (encore que, même ici...).

Quelques secondes de plus suivaient la stupeur - c'était l'esprit qui se remettait en marche, qui mettait un contexte à la question, qui y réfléchissait. Il n'eut pas de "quoi?" qui lui aurait fait savoir qu'elle n'avait pas compris (ou qu'elle aurait prétendu ne pas le comprendre), ni de "tu peux répéter la question?" pour s'assurer d'avoir compris. C'était le silence d'une chatte qui choisissait ses mots, car plutôt qu'une réponse à sa question, Bouquet de Muguet la lui renvoya:

— Aha, donc le clan de la Rivière aurait en son sein une guerrière qui a de la famille à l'Ombre ? Ca parait fou non ?

Une tentative de déni? Coup de Foudre répondit en laissant sa tête se pencher, en laissant au sourire à ses babines s'affûter - davantage lorsqu'il l'entendit prendre une grande inspiration, signe qu'elle s'armait de courage, ce qui signifiait--

— Mais bon, la vie est un peu folle non ? A faire des miracles de temps en temps.

S'il parvint à se retenir de bondir sur ses quatre pattes il ne réussit pas à retenir à ses pupilles de se dilater dans ses yeux, ses oreilles de se redresser très hautes et de pointer vers l'avant et son sourire de n'en plus finir de se démesurer.

— Si c'était vrai, elle demanda au chat qui s'était complètement immobilisé, paralysé par l'excitation d'avoir raison, cela impliquerait quoi ?

Il en fut poussé au ronron - qu'il pouvait s'amuser à la faire tourner et danser entre ses pattes - ses griffes sortirent de leurs fourreaux - mais c'était une autre émotion qui l'enveloppa de chaleur. Une chaleur qu'il n'avait pas ressentie depuis longtemps car comment devait-on se sentir, face à une chatte entière, complète et vivante, dont on avait deviné l'existence au moment où elle se trouvait encore dans le ventre de sa mère? Taupe était enceinte, Coup de Foudre lui avait dit, et Taupe avait du mettre bas ce qui faisait de Muguet--

— L'un des plus grands scandales des Quatre Clans!  Ha ha ha hah!!

Ah--

Ah, c'était méchant, il décala sa patte au front pour l'agiter en l'air, cherchant à se reprendre. Ce n'était pas tout les jours qu'on lui livrait d'aussi juteuses informations, mais c'était plus que ça! C'était, c'était personnel, et Coup de Foudre se sentit fébrile, dépouillé de qui sait combien de lunes en redevenant ce jeune blanc-bec dissident. Ses commissures tremblotèrent, et peu désireux de jouer le jeu plus longtemps sa queue battit la neige et il bondit sur ses quatre pattes en s'approchant d'une allonge de Bouquet de Muguet, pointant son nez contre le sien:

— Est-ce que tu sais??

Ha ha! Qu'est-ce que je racontes - tu DOIS savoir, c'est TA vie -- fascinant -- tout simplement fascinant--

Muguet!

Il caracola devant elle sans se gêner de la pousser avec les pattes - le contact l'aida à mettre les quatre dans le présent, car son esprit s'embranchait de tout bords tout côtés--

— « J'ai dit à ta mère qu'elle était enceinte... de TOI!

Le dire fit déborder son sourire et pour la première fois depuis des lunes il se sentit au chaud, plutôt que vide. Si bien qu'il jeta un brusque regard à ses pattes (tout en les levant unes à unes) en se demandant si la neige n'était pas en train de fondre dessous. Après inspection? Non. Ce n'était qu'une impression.

La Chasse. (46)


Entendre ronronner le lieutenant du Tonnerre était vraiment la dernière chose à laquelle je m'attendais. Je pensais plutôt, à de la réflexion, du questionnement, d'un jugement. Tout sauf une telle ... joie ? Surtout suivie par le fait que mon frère et moi étions impliqués dans le plus grand "scandale" des quatre clans ! Je restais bouche bée, une patte levée, tandis que le rire de mon accompagnateur se tut subitement, sans perdre son sourire. Le vétéran était comparable à un apprenti qui croisait pour la première fois une musaraigne vivante. Intenable, bondissant partout, jusqu'à ce que son museau soit proche de toucher le mien.

Est-ce que je sais. Sais quoi ? Il y a tout et rien que je sache à la fois !

Savoir car c'était ma vie ? Là encore, une si grande ombre planait dessus, je mettais seulement la lumière sur mes origines grâce à la clarté de la Rivière.

Muguet. C'était moi, oui ! Il me poussait et je répliquais pour montrer que j'étais là. Son excitation devenait contagieuse et je me demandais ce qu'il pouvait y avoir de si bien à me dire ? Surtout ce qu'avait un guerrier du Tonnerre à me dire de bien sur ma vie ?

" J'ai dit à ta mère qu'elle était enceinte... de TOI! "

Nouveaux battements de paupières le temps que l'information soit analysée.

Le lieutenant du Tonnerre, que je viens de rencontrer, avait déjà croisé ma mère. Et lui a annoncé sa grossesse. Et cette grossesse c'était moi.

Quelques secondes s'écoulèrent avant que je prenne une grande inspiration, comme si je venais de revenir brutalement dans mon corps.

" Tu.. Vous... Nuage de Taupe était amie avec un guerrier du Tonnerre ? "

Le sourire vint sur mon visage. Que faisait-elle à la frontière ? Quelle sorte de chatte était-ce ? On me l'a beaucoup décrite comme courageuse, sens du sacrifice, timide malgré tout, douce et gentille... Dorénavant je lui trouvais aussi une facette d'aventure, ou d'amie sans frontière. Je piaffais sur place.

" Vous étiez fort amis ? Comment vous aviez su avant elle sa gestation ? Pourquoi elle était de ce côté de la frontière ? Une guerrière de la Rivière du côté du Tonnerre ? Et.. "

Le mystère qui planait sur mon père était toujours là, personne ne savait -ou personne ne voulait me dire ?-

" Il ne manquerait plus que vous m'annonciez que mon père, c'est vous !"

Mais bien entendu, cela était dit sur le ton de la blague. Histoire d'extérioriser cette dernière ombre qui m'inquiétait tant. Fleur d'inquiétude que les guerriers de l'Ombre m'avaient planté dans mon esprit, elle avait bien éclot et depuis longtemps : mon père était un monstre. Un monstre inconnu, mais qui avait engrossé ma mère, et ce chat le lui avait annoncé. J'avais l'impression de vivre une autre vie depuis que je découvrais celle de ceux qui m'ont précédée.