Dispersion (avec Lys Gelé) - Abandon

Spoiler:

Les guerriers et les sentinelles du Clan du Vent avaient le devoir de s'entraîner régulièrement au combat, en deux contre deux. Le plus souvent, c'était le lieutenant qui formait des groupes d'entraînement. Ce jour-là, Moineau Cendré avait eu une idée que Souffle Poivré avait tout de suite trouvée saugrenue : il avait éclaté le duo qu'il formait habituellement avec Poil de Cyclone pour le mettre en équipe avec sa petite sœur, Lys Gelé. Et le pire, c'est qu'ils s'entraîneraient contre un duo encore plus invraisemblable, composé d'une part de leur père : Puissant Guépard, qui les avait sûrement tous les deux oubliés depuis longtemps, et d'autre part, d'Aile de Pie, une guerrière d'une cinquantaine de lunes qui détestait cordialement Souffle Poivré depuis qu'il avait tabassé son plus jeune fils.

Il n'y avait pas moins motivant pour Souffle Poivré. Devoir côtoyer des membres de sa famille alors qu'il s'étaient tous perdus de vue depuis longtemps, et en plus, devoir supporter la Pie. Les quatre chats se rejoignirent très vite après que le lieutenant ait formulé ses ordres. Pour Souffle Poivré, il était hors de question de dire un mot à la Pie. A l'inverse, Puissant Guépard ignora superbement les jeunes pour engager avec l'aînée une de ces conversations dont il avait le secret...

" Mais c'est ! Mais c'est ma jolie Aile de Pie que je vois là ? C'est drôle qu'on fasse équipe aujourd'hui, non ? Figure-toi que je repensais à toi, justement...
- C'est toujours un plaisir, Puissant Guépard ! " s'exclamait la Pie, qui veillait soigneusement à ne pas adresser un regard à Souffle Poivré. Sûrement avait-elle hâte de pouvoir essayer de lui faire sa fête.

Souffle Poivré en grimaça de honte. Son géniteur courait toujours autant après les femelles avec autant d'insouciance, et ça ne le choquait pas le moins du monde d'en draguer une qui avait déjà eu deux portées avec un autre, et ce juste sous les yeux des fruits de ses précédentes aventures... Le groupe de quatre se dirigea donc lentement vers les pâturages. En tête, Puissant Guépard faisait les yeux doux à la Pie, et derrière eux, grimaçant, Souffle Poivré marchait aux côtés de Lys Gelé, il semblait ne rêver que du moment où cette réunion de famille inattendue prendrait fin.

" Tu crois qu'il sait seulement qui nous sommes ? " lança doucement Souffle Poivré à sa sœur. Il eut un ricanement sans joie : Aile de Pie, qui l'avait entendu, eut un éclair méprisant de triomphe dans le regard. Ça lui faisait plaisir de découvrir que Souffle Poivré n'intéressait plus son père depuis longtemps, à cette vilaine dondon. " Remarque... je suppose que s'il t'avait vraiment oubliée, il t'aurait complimentée toi, plutôt que elle... " ajouta Souffle Poivré, ironique, mais pas vraiment amusé. Car il n'était même pas certain que ce fût véritablement faux.

Il espérait secrètement qu'ils pourraient tailler en pièces leurs deux adversaires, qui ne méritaient pas mieux qu'une bonne humiliation. Mais il se doutait que ce ne serait pas simple. Même si Lys Gelé était une sentinelle, elle ne semblait pas si forte que ça, et leurs deux aînés n'étaient pas ridicules du tout, en plus d'être déjà un minimum synchrones... Souffle Poivré connaissait si peu sa petite sœur qu'il n'était même pas sûr qu'elle soit beaucoup plus digne de confiance que les autres... Il étudia sa physionomie, sceptique... Faisait-elle partie de ceux qui crachaient dans son dos sur sa prétendue puanteur ?

Je baille comme une lionne, dans la tanière des Sentinelles. Eh ouais, je dors ici, maintenant ! Aaaah... Enfin ! Je m'étire langoureusement, leeentement... Qu'est-ce que ça fait du bien ! J'ai enfin terminé mon apprentissage avec ce piaf débile - ah, non, le lieutenant, c'est vrai. Qu'est-ce qui est passé par la tête de notre chef !? Il aurait mieux fait de me choisir moi... M'enfin, c'est vrai que je viens juste d'être baptisée, il va encore falloir que je prouve ma valeur. Ils sont tous aveugles, de toute façon, sinon ils se seraient tous rendus compte que je suis la meilleure, depuis le temps. Dommage que ces fichus sang-mêlés aient gâché mon baptême... Pfff, quand je serai cheffe, je m'occuperai d'eux, moi. Mais, en attendant, une toilette s'impose ! C'est important, ça me rend encore plus belle ! Qu'est-ce que j'aime mon long poil gris - non, perle -, il va si bien avec les yeux. Aaah, je pourrais m'admirer dans les flaques pendant des heures... Si seulement ça n'attirait pas que les mâles... Mais bon, je crois que j'ai pas trop le droit de dire ça. Quelles cervelles de souris, y a quoi de mal à préférer une jolie femelle à un mâle débile ?

Bref, c'est pas tout ça, mais j'ai terminé ma toilette, et il est temps de remplir mes tâches de Sentinelle ! Je me lève gracieusement et sors de la tanière des Sentinelles, avant de filer vers le lieutenant. Irk, j'ai horreur de lui adresser la parole, mais bon, pas le choix, même si ça me hérisse le poil, maintenant, c'est lui qui décide.

...

C'est une blague, j'espère ? Me... Me coller avec ce... Ce... Ce truc ambulant ? Si je pouvais, je hurlerais. Mais ça lui ferait trop plaisir, à ce sac à puces. Alors je fais semblant d'être raaa-vie, je lui tourne prestement mais élégamment le dos, avant de l'insulter à voix basse entre mes crocs. Puis je rejoins mon grand frère - je préfère tellement (?) Pluie et (?) Grêle ! Lui, il n'a vraiment pas bonne réputation, et puis, il est encore pire que mes frères ! Il a tellement mauvais caractère, il est imbuvable. Et puis avant, il ne sentait pas bon, même si, au moins, ça va mieux, maintenant. Bref, je suis obligée de faire équipe avec ce morveux. Et contre... Ah oui, Puissant Guépard et Aile de Pie.

Minute.

Qui ?

Mais c'est mon père, lui ! Par les Étoiles, misère... Je peux dire adieu à ma matinée tranquille, avec ces deux-là. Il est sympa, mon père, mais il est tellement lourd... Tiens, qu'est-ce que je disais ! Il drague toujours avec son sourire de débile, beeeurk ! Il n'a vraiment pas changé, quel gamin.

- Mais c'est ! Mais c'est ma jolie Aile de Pie que je vois là ? C'est drôle qu'on fasse équipe aujourd'hui, non ? Figure-toi que je repensais à toi, justement...

- Oh, pitié... grincé-je bien fort.

Et l'autre de répondre :

- C'est toujours un plaisir, Puissant Guépard !

Hh... Au moins, elle n'est pas si moche, avec son poil noir et blanc et ses yeux verts. Mouais, sa toilette est à refaire, et même avec ça, elle est quand même on ne peut plus banale. N'empêche, ça va pas être de la tarte, s'ils commencent à roucouler et se faire des câlins en plein entraînement... Urgh, je déteste encore plus le lieutenant. Il l'a fait exprès, j'en suis sûre ! Puis mon grand frère décide qu'il doit être judicieux, que dis-je, indispensable de m'adresser la parole - ce que je peux comprendre, mais là tout de suite, je m'en serais bien passée :

- Tu crois qu'il sait seulement qui nous sommes ?

Je hausse les sourcils. Qu'est-ce que c'est que cette question ?

- Bien sûr, pourquoi il ne se souviendrait pas de moi ?

Bon, en y réfléchissant, c'est vrai que c'est probable que notre débile de père nous ai oubliés, depuis le temps - même si c'est difficile dans mon cas, forcément. Mais la remarque suivante de mon frère le fait remonter dans mon estime.

- Remarque... je suppose que s'il t'avait vraiment oubliée, il t'aurait complimentée toi, plutôt que elle...

- Tout à fait d'accord ! Je suis plus belle que trois femelles de son genre réunies, haha !

Je surprend alors le regard de mon frère. C'est pas vrai, il n'en a pas après moi, lui non plus, si ? Beurk, ça serait encore plus dégoûtant... Je remue les moustaches, pressée d'arriver au lieu d'entraînement et de me défouler. Quoique, ces derniers temps, je me fatigue super vite. Bah, être formidable, c'est épuisant, en même temps. Mais j'aimerais bien ne pas me fatiguer aussi vite, ça m'empêche d'en mettre plein la vue aux autres... Pff, j'irai voir la guérisseuse après, elle me filera un truc qui file la pêche, et tout ira mieux !

HRP :

Spoiler:

Il découvrait sa sœur, sceptique. Elle était maigre de corps mais ne semblait pas fine d'esprit. Il surprenait même un quelque chose d'arrogant dans sa personne, comme souvent ceux qui se se refusaient à lui adresser la parole.

" Tout à fait d'accord ! Je suis plus belle que trois femelles de son genre réunies, haha !
- ... " Manifestement, on n'a pas le même genre d'humour. songea-t-il, sans seulement feindre la moindre sorte de sympathie.

Mais la plaisanterie avait fait tourner l'oreille d'Aile de Pie. Elle l'a vexée, j'adore ma sœur ! La mine de Souffle Poivré allait s'illuminer, un peu tardivement, quand il remarqua que sa sœur le regardait comme dégoûtée... par sa prétendue mauvaise odeur. Cela cassa tout. Ah. Cool. Encore une petite connasse qui me crache dessus dans mon dos. Il ne fut plus que froideur et commença à se demander si ça valait vraiment la peine qu'il apprenne le respect à sa fichue petite sœur.

Puissant Guépard, lui, commençait à raconter une "belle" histoire à sa peut-être future amie d'un soir.

" ... Elle revenait du Vieux Moulin ?! Tu sais que la dernière fois que j'y suis allé, on s'est battus contre un blaireau ? " Les vieux bobards de Boule de Poussière avaient encore de l'avenir, apparemment... " ... Un blaireau ?! Mais comment as-tu fait pour t'en tirer en un seul morceau ? ... " De la pie, celle-ci n'avait pas que le nom et la couleur...

C'était si blasant qu'il en oubliait presque sa furieuse envie de faire ravaler à sa sœur sa grimace dégoûtée.
" J'aurais vraiment honte que ces deux-là gardent un bon souvenir de la journée. J'espère que tu te bats pas trop mal. " grommela-t-il, l’œil furibond. Seule sa sœur pouvait l'entendre.

" ... Je n'étais pas tout seul, j'étais avec mon apprentie qui avait neuf lunes ... " ajouta-t-il, écœurant d'hypocrisie et de fausse modestie.

" Toi aussi, quand tu étais petite, tu croyais à ses salades ? " ricana-t-il à sa sœur un peu plus fort, comme pour faire taire ces deux indécents. Mais à l'inverse, ils firent semblant de ne rien entendre et parlèrent même encore plus fort.

" ... Neuf lunes ? Eh bien eh bien ... " s'exclama la Pie en un miaulement suraigu, avec une moue désapprobatrice. Elle savait bien que c'était probablement de la mère de Souffle Poivré qu'il était question, même si l'histoire était sûrement aux trois quarts inventée.

Souffle Poivré détestait parler, mais il préférait encore ça à écouter plus longtemps leurs insanités.

Mon frère ne répond rien et me jette un de ces regards... Oh la la, mais il a quoi, encore, celui-là ? Me dis pas qu'il est pas d'accord avec moi, quand-même ? Je pensais qu'il avait un minimum de goût et de cervelle, mais on dirait que non ! Ah la la... N'empêche, il a un tout petit peu raison quand-même, c'est forcé que papa se souvienne de moi ! Mais beurk, il drague cette vieille peau... Ouh, elle m'énerve déjà, avec son museau de mijaurée ! Et bla bla bla, et bla bla bla... Yerk. Il a encore moins de goût que je le pensais.

- ... Elle revenait du Vieux Moulin ?! Tu sais que la dernière fois que j'y suis allé, on s'est battus contre un blaireau ?

- ... Un blaireau ?! Mais comment as-tu fait pour t'en tirer en un seul morceau ? ...

Ooh, par les Étoiles, ça va être encore pire que ce que j'imaginais... On est sensés s'entraîner avec cette espèce de paire... De vieux pigeons en chaleur !? Eh ben, c'est sûr qu'on va bien pouvoir donner une leçon aux autres Clans, avec ces lapins décérébrés ! Et en plus, on me colle mon frère, qui me reluque bizarrement, qui a des goûts bizarres et qui sent super bizarre ! Bref, il est tout bizarre ! Faudra que je fasse bien ma toilette, ce soir ! Mais pendant qu'on avance en écoutant leurs conversations débordantes de galanteries dégoûtantes, mon frère se met à causer :

- J'aurais vraiment honte que ces deux-là gardent un bon souvenir de la journée. J'espère que tu te bats pas trop mal.

Je relève le menton, que croit-il !

- Ha ! Bien sûr ! Je vais leur en mettre une, et une belle !

Mais notre père adoré en rajoute encore une couche avec ces blablas :

- ... Je n'étais pas tout seul, j'étais avec mon apprentie qui avait neuf lunes ...

Je lève les yeux au ciel, en continuant de les suivre. Ils vont finir par me faire vomir... Pourquoi je suis ici, par les Étoiles ! Ah oui, à cause de notre lieutenant, cette espèce de piaf débile. Mais mon frère décide de parler aussi, puisqu'apparemment tout le monde veut causer :

- Toi aussi, quand tu étais petite, tu croyais à ses salades ?

Mon oreille se baisse. Hein ? Il me raconte quoi, lui ? En plus, l'autre gueuse parle juste après - ... Neuf lunes ? Eh bien eh bien ... - avec son miaulement de caillou qui crisse. Ha, bien sûr que je ne le croyais pas ! Mais bon, il raconte plutôt bien quand il veut, alors on s'en fiche, non ? Je me rappelle quand il nous parlait des Étoiles et de mamie If, c'était quand-même bien ! Enfin bon, ça n'enlève pas sa débilité, hein, sinon il serait resté avec maman. Et nous.

- Bah nan pourquoi ? Qui le croirait, de toute façon !

HRP :

Spoiler:

Plus la Pie jacassait, plus Souffle Poivré peinait à se concentrer sur sa sœur. Elle était peut-être combattive, mais cela suffirait-il vraiment ? Le jeune guerrier détestait par-dessus tout se sentir mal regardé par les autres, et il commençait à se demander si cet entrainement ne finirait pas en "un contre trois".

" Ha ! Bien sûr ! Je vais leur en mettre une, et une belle ! "

Au moins la répugnance qu'elle ressentait à propos de lui ne l'empêcherait peut-être pas de faire son travail. Sans sympathie, mais avec une nécessaire détermination. Saurait-elle se joindre à ses provocations ?

" Bah nan pourquoi ? Qui le croirait, de toute façon ! "

Manifestement, frère et sœur n'avaient pas besoin de se connaître pour se rejoindre, dans certaines circonstances. Souffle Poivré n'avait pas un sens de la famille très développé, mais il sentait dans la prise de position de sa sœur une petite victoire. Même si derrière, lui, il passait pour ridicule.

" Les chatons, souvent, ils croient tout ce qu'on leur raconte. Ils ont des cervelles d'oiseaux. " commenta Souffle Poivré en insistant sur le mot "oiseaux" pour mieux signifier qu'il visait Aile de Pie.

Elle fut réceptive à cette insulte, son oreille se retourna, et elle sembla même hésiter à intervenir. Mais il y avait, à côté d'elle, le Guépard qui ignorait tout de leur mésentente, et qui ne se souciait toujours pas d'écouter son fils et sa fille.

" Tu sais quoi, Lys Gelé ? " reprit Souffle Poivré en voyant que leurs deux aînés allaient essayer de reprendre leur foutue discussion. " On pourrait essayer de se préparer... Ces vieux bouffons ne me font pas peur, mais... on ne s'est jamais entraînés ensemble, jusque là. Ça vous dit, vous deux ? On se revoit dans quelques minutes, par là-bas. Soyez sages ! " Il aimait bien provoquer la Pie dès qu'il en avait l'occasion, mais avant un combat, c'était peut-être le meilleur moment pour ça.

Sans doute le lieutenant avait-il constitué leur groupe parce qu'il cherchait quelqu'un qui pourrait devenir un autre partenaire de combat, pour Souffle Poivré... Il s'entendait avec si peu de ses camarades qu'il n'était jamais facile à caser nulle part. Résolu en tout cas à ne pas se laisser surprendre par la suite des évènements, Souffle Poivré conduisit sa sœur un peu à l'écart de leurs adversaires.

" Pour notre père, je ne sais pas trop, mais je suis sûr qu'Aile de Pie a très envie de me déchirer les oreilles. Tu penses pas qu'on pourrait préparer une petite stratégie ? Elle est facile à provoquer, on pourrait lui faire faire des bêtises... "

Il réfléchissait à voix haute. Souffle Poivré parlait rarement, mais ce jour-là, il prenait les choses à cœur. Il voulait vraiment ridiculiser cette méchante Pie qui avait voulu lui attirer des ennuis, autrefois.

Pfff, mon frère a de ces questions... Qu'est-ce qu'on s'en fiche, si je le croyais ou non ! Au moins, c'était drôle, c'est déjà ça. Ah la la... Si seulement il n'était pas aussi crétin qu'un bout de bois. Pourquoi il est pas resté avec maman, hein ? Il est trop bête pour voir qu'elle est la meilleure compagne qu'il pourrait avoir ? Et puis il nous a nous, pourquoi il est parti faire des chatons ailleurs ? Il a déjà une famille ! Pour Souffle Poivré et les autres, je peux comprendre, mais nous ? Je fais la grimace. Ça sert plus à rien de penser à ça. Et puis il faut que je garde un joli museau !

- Les chatons, souvent, ils croient tout ce qu'on leur raconte. Ils ont des cervelles d'oiseaux.

- Ouais ouais, je réponds. On s'en fiche, de toute façon, vu que maintenant on sait que c'est du roucoulement de pigeon.

Ha ! Dans les crocs ! La vieille se retourne et je lui fais un sourire narquois. Tu vas encore faire semblant de le croire, maintenant ? T'es coin-cée~ ! Je lève la queue bien haut, en panache. Elle ne va rien dire, j'en suis sûre, et s'il n'y avait pas mon père encore en train de blablater, j'aurais bien rigolé - mais je veux pas qu'il croit que c'est à cause de lui que je rit, non mais.

- Tu sais quoi, Lys Gelé ? On pourrait essayer de se préparer... Ces vieux bouffons ne me font pas peur, mais... on ne s'est jamais entraînés ensemble, jusque là. Ça vous dit, vous deux ? On se revoit dans quelques minutes, par là-bas. Soyez sages !

Je réfléchis une seconde, puis fait la moue. C'est vrai qu'il a de bonnes idées, le frérot ! Hmpf, pourquoi je l'ai pas eue la première ? M'enfin, c'est trop tard, maintenant.

- Hm, pas faux. On va les laisser se faire des câlins, hein, vu qu'ils savent faire que ça.

Une fois qu'on est bien à trois ou quatre longueurs de queue de renard d'eux, je m'assois élégamment et je tourne les oreilles vers mon presque frère qui a l'air d'avoir des trucs à dire. Ils veulent tous causer, aujourd'hui, décidément...

- Pour notre père, je ne sais pas trop, mais je suis sûr qu'Aile de Pie a très envie de me déchirer les oreilles. Tu penses pas qu'on pourrait préparer une petite stratégie ? Elle est facile à provoquer, on pourrait lui faire faire des bêtises...

Je l'observe, intéressée. Ah, elle a envie de lui faire la peau ? Bah, pas étonnant, en même temps. Je sais qu'il y a pleins de ragots assez méchants qui courent sur lui. Qu'est-ce qu'il a pu bien faire pour énerver cette vieille bique ? Non non, on se concentre. J'irais dénicher ça plus tard, même si ça a l'air vraiment croustillant... Je penche la tête de côté, réfléchissant en me léchant la patte - une petite manie que j'ai attrapée. Une stratégie... C'est pas trop mal, comme idée, mais faudrait pas faire un truc trop compliqué, sinon ça va se casser le museau. J'essaie d'imaginer des trucs, mais c'est pas facile... Fronçant les sourcils en fermant les yeux pour chercher les idées, je réfléchis, réfléchis, réfléchis, réflé-... AH ! Je rouvre les yeux d'un coup : j'ai trouvé la meilleure idée !

- Et si on la faisait tomber ? C'est glissant, là-bas ! Avec la pluie d'hier ! Si on la fait se casser le museau sur notre père, on aura gagné et ça sera marrant ! dis-je en m'imaginant déjà le bon gros fou rire qui nous attend.

Souffle Poivré n'avait jamais vraiment eu le sens de la famille. Seul puant des rejetons du Guépard, il était aussi leur aîné, désormais, même si tout le monde s'en fichait éperdument. Il trouvait qu'il ne ressemblait à aucun des autres, en rien. Sa sœur avait une sorte de grâce fragile et de légèreté qui lui ferait toujours défaut, il le savait bien. Il avait senti dans sa façon de plaisanter que son esprit était d'une remarquable vivacité, même si sans doute, elle ne voyait pas le monde aussi loin qu'il le faudrait.

Et il n'était pas certain qu'elle soit une sœur capable de vraiment connaître les gens, jusqu'à ce qu'ils ont de plus beau ou de plus pourri en eux. Finalement, elle semblait ne s'intéresser qu'aux lointaines apparences.

" Et si on la faisait tomber ? C'est glissant, là-bas ! Avec la pluie d'hier ! Si on la fait se casser le museau sur notre père, on aura gagné et ça sera marrant
- Il sera sans doute un peu moins intéressé, quand elle l'étouffera. " admit le puant. " Mais tu le surestimes sûrement un peu, il serait capable d'aimer ça, si on n'en profite pas pour le mettre dans une position trop désagréable. "

Un sourire un peu narquois suivit cette affirmation. Un sourire qui signifiait qu'il s'occuperait personnellement de veiller à ce que le paternel ne songe pas à trop bien clore cette mauvaise journée.

Un hochement de tête silencieux et pressé invita la sœur à le suivre. Même pas une question, même pas une tentative de feindre de s'intéresser à cette famille si proche mais pourtant si lointaine. Souffle Poivré vivait en quelque sorte dans un autre monde.