Ces chers voisins ~ ft. Rusty - abandon

Le soleil était si lumineux ce matin qu’il arrivait à réchauffer un peu mon pelage. Il fallait dire qu’en hiver, ses rayons n’étaient pas aussi chauds qu’au printemps ou qu’en été. Je venais de sortir mon museau de ma tanière toute douce. J’étais très matinale, souvent plus que mes camarades de la tribu. Nous ne sommes pas nombreux, mais c’était réconfortant d’avoir une famille. Surtout depuis que mon frère Moumouche m’a rejoins ! Et avec son petit oiseau, la Corneille. C’était un duo plutôt inattendu, mais plutôt amusant. Je ne savais pas si je pouvais me permettre de taquiner l’oiseau. Je ne voulais pas qu’il ait peur de moi ! Enfin, je parti chasser. Il devait bien y avoir des souris dans le coin. Et puis, depuis l’accord passé, je voulais tout de même connaitre un peu plus nos voisins, Rusty et Trash. Bientôt je partirais de nouveau pour essayer de retrouver ma fille. Elle doit être si grande maintenant ! J’espère qu’elle ne m’aura pas oublié… Enfin ne pensons pas à cela.

J’avais chassé toute la matinée, j’étais épuisée ! Mais j’avais quand même réussi à trouver une souris et un campagnol. Ce qui était plutôt inattendu pour la saison. J’étais triste quelque part de devoir leur donner mes proies, mais au moins, les autres chasseront pour nous aujourd’hui. Je me reposerais un peu. Et puis il me fallait reprendre des forces pour continuer mes recherches. Enfin, je m’approchais de la tanière étrange des deux matous, et je posai mes deux proies dans le récipient argenté. J’avais le même genre de truc pendant mon séjour chez les bipèdes. Je frissonnais. Ces souvenirs étaient douloureux encore. Mais je n’oubliais pas mon autre objectif, faire connaissance avec les voisins !

« Bonjour, c’est Curieuse Pénombre de la tribu ! Comment allez-vous Trash et Rusty ? »

J’avais haussé un peu la voix pour me faire entendre si jamais ils étaient là. Une odeur était bien plus présente, l’autre un peu ténue. Peut-être que l’un d’eux s’était absenté ? Je n’entrais pas dans la tanière, attendant sagement une réponse à côté de l’entrée.

Bien que c'est à la porte qu'on s'était présenté, c'est à la fenêtre que la chatte à la robe tricolore eut sa réponse. Elle s'ouvrit sous le dos de l'abyssin qui l'arquait, sortant sa tête et les poils rebondis de sa barbe blanchissante, présentant à la chatte son plus chaleureux sourire.

— « Oh- Bonjour, Curieuse! Ses deux larges oreilles s'abaissèrent légèrement, son sourire se contrit juste un peu. Tout bas, il lui lança: Je descend-

Ce qu'il fit, sans écouter les protestations de ses articulations à la réception. Il eut tôt fait de se redresser, et de monter haut la queue au-dessus de sa croupe. Ses poils en tremblottaient d'enthousiasme, plus qu'heureux de côtoyer d'aussi gentils voisins qu'était la tribu de Soleil. Au moins une fois par jour ils venaient à la cabane, et remplissaient leur gamelle de juste un tout petit peu de proies. Bon, certes, Trash mangeait beaucoup, mais il arrivait à Rusty de ramener à la tribu les proies en trop - c'est qu'ils n'étaient pas les seuls à chasser!

D'ailleurs:

— Je suis désolé, Trash a passé toute la nuit à se plaindre alors il est en train de dormir!...

Un rire gêné lui fit rebondir les épaules.
— Il n'a pas, euh, "digéré" que Monsieur La Mouche ne le dispute après avoir tenté de chasser Oiseau, son oiseau!

Mais Rusty trouvait impossible de blâmer Trash: Oiseau était une corneille, et Oiseau avait une aile cassée, en moignon, et donc Oiseau ne pouvait pas voler, et donc s'agissait d'une proie de choix! La pensée l'embarrassait, mais si ce n'était pas lui qui s'était jeté dessus, peut-être que--

L'abyssin secoua sa tête.

— La chasse était bonne? ♫

Il s'approcha de la gamelle près de la porte, tendant le cou tout en penchant la tête pour se donner l'angle de voir tout ce qui traînait dedans; les arrêtes d'un poisson, les restes de petits de lapins, un campagnol et une souris... Il chassa l'envie d'un sac de croquettes d'un battement d'oreille (et à la largeur de ces-dernières, le geste fut loin de passer inaperçu), se retournant vers Curieuse.

C'était toute la tribu de Soleil qui était curieuse. Soleil avec sa queue Cassée, Violette, c'était sa patte, la Mouche, ses mots - Curieuse semblait en pleine forme (et à priori entière), mais Rusty, bien que piqué de honte, ne pouvait s'empêcher de se poser la question. Il avait appris, depuis, que se la poser entre les oreilles de ses pensées était tout de suite plus poli que la poser avec sa bouche.

« Oh- Bonjour, Curieuse! Je descend- »

Et c’est le matou roux avec son immense regard bleu qui me répondit. Il respirait la joie de vivre et la bonté avec son sourire et sa face joyeuse. Il avait d’ailleurs un regard d’une grande douceur. Alors, évidement que j’acceptais de faire confiance à ce matou. Même le plus cruel chat de la forêt sombre ravalerait ses moustaches en le voyant ! Je le laissai arriver à moi.

« Je suis désolé, Trash a passé toute la nuit à se plaindre alors il est en train de dormir!... Il n'a pas, euh, "digéré" que Monsieur La Mouche ne le dispute après avoir tenté de chasser Oiseau, son oiseau! »

Je riais avec douceur. C’est vrai que Moumouche et Oiseau, c’était un duo peu commun. J’étais tentée souvent de taquiner gentiment son ami l’oiseau, mais j’avais peur qu’il le prenne mal. Après tout, c’était bien rare qu’un chat joue avec un animal comme ça, en général il finissait dans le ventre du félin. J’étais mal à l’aise de manger des oiseaux devant d’ailleurs.

« La chasse était bonne? »

Je hochai la tête tout en m’asseyant. Je laissai le matou vérifier la gamelle avant de répondre. Normalement ce devrait être assez pour eux deux, après, je pense que je ne serais pas la seule à leur ramener un petit quelque chose.

« J’ai essayé de vous ramener ce belles proies dodues ! Avec l’hiver ce n’est pas bien facile de trouver quelque chose comme ça. J’espère que ça vous ira. »

Soucieuse de bien faire, je faisais toujours de mon mieux. J’avais hâte de retrouver ma petite et de lui faire gouter cette nourriture. Si elle vivait toujours chez des bipèdes, elle ne devait pas connaitre cette saveur. Et pourtant, qu’est-ce que je lui en ai parlé ! Mes chatons me manquaient beaucoup, et ça me provoquait toujours un vide en moi. J’avais juste envie de les retrouver, et les tenir au chaud contre moi. Enfin, Petit Flocon se plaisait dans sa vie alors… Au moins ma petite chérie. Mon cœur se serrait fort à son souvenir, mais je me retenais. Tout irait bien. Soleil croyait elle aussi que j’allais la retrouver alors, ce n’était pas un problème. Bientôt, je pourrais retrouver ma petite, et je pourrais prendre soin d’elle. Après tout, j’avais raté une bonne partie de son enfance maintenant.

« Vous n’avez pas trop froid dans votre cabane ? Si jamais vous avez besoin d’aide pour vous faire un nid douillet je peux vous aider ! Autrefois, dans le clan du tonnerre, j’étais douée pour les nids doux et chauds. »

Il y avait dans mon immense regard bleu curieux une douceur infinie, mais tout au fond, une tristesse qui me broyait toujours autant le cœur.

— J’ai essayé de vous ramener de belles proies dodues ! Avec l’hiver ce n’est pas bien facile de trouver quelque chose comme ça. J’espère que ça vous ira.
— Sûr que oui! Sinon, je peux toujours aller pêcher, Monsieur Brasier m'a montré quelques coins où la glace gèle pas trop mais où les poissons, oui! Il joint la parole à l'action en battant l'air de la patte. Et hop, un poisson!  ...Et la rétracta aussitôt.  Oh!- mais!- enfin, c'est à dire que j'essaie de ne pas trop fréquenter les mêmes coins! Je ne veux pas lui enlever ses cachettes, quand même.

— Vous n’avez pas trop froid dans votre cabane ? lui demanda plutôt Curieuse, et Rusty laissa de côté ses craintes quant à être pris pour un vil voleur de la ville et lui offrit ses deux oreilles. Si jamais vous avez besoin d’aide pour vous faire un nid douillet je peux vous aider ! Autrefois, dans le clan du tonnerre, j’étais douée pour les nids doux et chauds.

Le Clan du Tonnerre! Il se rappelait du Clan du Tonnerre - avec Waffle qui s'était clanné, sa compagne Plume et leurs enfants (ses neveux), Charbon et Cri, et Firmament leur véto-des-chats. Un ronron lui prit au ventre à tout ces souvenirs et bien sûr Rusty n'avait aucune idée que tout ces chats qui venaient de raviver son sourire ne se trouvaient plus là-bas, mais là-haut, à se faire réveiller, chaque nuit, par la Bonne Fée des Étoiles, dans la Toison Argenté.

— Avec plaisir, Curieuse! J'avais, enfin - j'ai ramené quelques "douillettes" de ma maison, mais - si je peux me permettre - elles ne sont plus aussi "douillettes", depuis le temps...

C'était à se demander comment il avait fait pour survivre la transition à la vie sauvage, mais sauf quelques dents gâtées et un poil moins lustré, plus en bataille, Rusty respirait la joie de vivre. Curieuse aussi, enfin, curieusement, tout au fond de ses yeux semblait briller sa propre tristesse. Je veux dire par là qu'il se reconnut en elle.

— Quand vous dites "nid", vous voulez dire, comme ceux des oiseaux?

Son nez se leva non pas vers les branches d'un des arbres près de la cabane, mais plutôt vers la toiture de celle-ci, où, dans ses poutres, nichaient un nouveau couple espérant se couvrir du froid. Il avait du mal à imaginer des chats se blottir dans tout un tas de brindilles (ce n'était pas trop dur? trop piquant?), mais Rusty préférait ne pas (pré)juger trop vite. Après tout, tout ce qu'il avait appris de la vie sauvage lui venait des claniques! Il leur devait à eux d'avoir tenu le coup si longtemps - leur sagesse lui était précieuse.

... Et puis, une vilaine petite bouche dans le coin des oreilles de ses pensées lui chuchota, que peut-être "Clanifier" un peu leur cabane-à-outils pourrait aussi être douillet pour Oeil Vert - enfin!! Ses oreilles se dressèrent en alarme. Si Oeil Vert venait visiter! Et ne rentrait pas au bourbier une fois le soleil couché!! Il tourna sa tête vers la porte de la cabane   ...Et qu'aussi Trash ne lui défonce pas la gueule, aussi!!!