Pelage Épineux

I. LE PERSONNAGE.

• NOM : Pelage Épineux
• GENRE : Mâle
• ÂGE : 40 lunes
• CLAN : Rivière
• RANG : Lieutenant
• ORIGINE BIOLOGIQUE : Pur-sang, de la Rivière
• FAMILLE :
Mère : Cœur d’Étincelles (décédée)
Père : Plume de Foudre (décédé)

II. LES DESCRIPTIONS.

Il y a des matous parmi les Clans qui sont comme les domestiques ; laxistes, endormis, ils espèrent qu’en réfléchissant à la paix, ils éviteront la guerre.

Ils se trompent.

C’est leur principal point faible : ils n’ont pas d’ambition. Ils veulent évoluer dans une harmonie parfaite, où chaque félin s’aime et se respecte. Savent-ils seulement à quel point cette idéologie est risible ? Les Clans ont leurs traditions, leurs modes de vie. Ils sont inconciliables et c’est ce qui fait que notre vie est palpitante. La rivalité est primordiale : celui qui abandonne est un traître. Nous sommes en confrontation constante. Ce sont des lois anciennes et dont on ne peut se défaire. Alors pourquoi tenter de les contourner ?

Je déteste les sentiments qui nous nuisent, les destructeurs de la pensée rationnelle, pure ; ils souillent les Clans en leur donnant des bâtards. Ainsi un chat abandonnera tous ses projets pour une simple femelle. Rien que cette idée suffit à me dégoûter.

On me reproche souvent mon manque de compréhension de l’autre. Mais je respecte les autres ; ceux qui se battent pour une cause et qui emploient tous les moyens nécessaires pour parvenir à leurs fins. Ce sont eux qui construisent notre avenir, et préparent les générations suivantes aux conflits inévitables qui nous tourmentent depuis notre naissance. Pas les pacifistes. Eux, ils ne font qu’essayer de ralentir le mouvement, de nous transformer en félins mous, apathiques, à peine capables de se nourrir. Pour trouver sa place, il faut la mériter.

Et aussi trouver les bonnes paroles, quelques fois... ce n’est pas très difficile pour moi. Je suis un excellent orateur.

Je suis assez massif de naissance, principalement grâce à mes longs poils, qui me permettent de masquer mon absence de musculature développée. Je tiens sur des pattes de taille moyenne, et mon pelage est d’un gris sombre strié de rayures noires, si rêche qu’il en a valu mon nom. Souvent emmêlé et sale d’ailleurs. Mes yeux bleu glacial me permettent de toiser mon ennemi à loisir sans me décrédibiliser. A eux seuls, ils font toute ma beauté. Mais mon principal problème reste le camouflage. Je suis très facilement repérable.

III. L'HISTOIRE.

Je suis né de la manière la plus légitime qu’il soit, de parents purs et sains d’esprit. Je n’ai rien à leur reprocher sur ce domaine-là.

C’est ma mère qui se chargeait de m’accompagner dans mes premiers pas, quand mon père ne venait pas discuter de longues heures avec moi des victoires du Clan. Bientôt, ce fut une routine, et ma génitrice se mit d’elle-même en retrait. Elle avait les pensées d’une pacifiste ; mes parents ne s’aimaient guère, ils avaient procréé dans le but de rendre leur fratrie plus forte.

Plume de Foudre m’apprit des techniques orales afin d’enrôler ceux qui étaient les plus réceptifs à ces méthodes. J’eus un mentor sévère, perfectionniste, qui m’enseigna tout l’art de la guerre.
« Pour obtenir ce que tu souhaites, tu dois le mériter ; ou du moins faire croire que tu le mérites. »
Je n’avais rien à faire croire à personne, aussi décidais-je d’agir dans l’honnêteté, une de mes qualités reconnues chez les pacifistes, en travaillant sans relâche, en m’investissant dans la vie clanique, me levant parfois avant mon mentor, refusant de me faire soigner – sur un champ de bataille, on en avait pas le loisir. C’était un luxe qu’on devait réserver aux blessures les plus graves, les mortelles.

Cœur d’Étincelles tentait, en vain, de changer la manière dont je percevais le monde qui m’entourait. Elle répétait son mantra inutilement :

« Qui usera des griffes périra par les griffes. »

Un jour qu’elle me répliquait pour la énième fois cette phrase, je lui ai rétorqué :

« C’est si élémentaire qu’on le sait dès que l’on naît. On vit, on meurt, mais entre les deux, on se bat, et c’est un mal nécessaire.

– Ah ! Tu admets que c’est un mal », a-t-elle asséné.

Son air triomphant m’a déçu.

« Bien sûr que c’est un mal. Tu as terminé d’énoncer des vérités existentielles ? »

Elle n’a pas compris. Au lieu de quoi, elle m’a foudroyé du regard.

« Ta sœur, elle, a choisi la bonne voie. »

Et puis elle s’est détournée. Dans la soirée, je l’ai entendue se disputer violemment avec mon père. Il espérait qu’elle mourrait oubliée de tous, dans le froid de l’hiver, et chercha une tactique pour l’affaiblir. Il l’a empêchée de se nourrir pour l’affaiblir, et a obtenu du chef qu’elle aille tout de même en patrouille alors qu’elle était rendue à un état squelettique et misérable. Sa culpabilité, propre à tous les pacifistes, l’empêchait d’aller se soigner. Elle disait qu’elle n’était pas indispensable.

Elle est morte quelques jours plus tard, dans son sommeil. Plume de Foudre aurait préféré la voir agoniser, mais il préférait cette fin plutôt qu’un décès dans la bataille, qu’il disait être réservé aux plus vaillants et méritants.

Je l’ai à peine regardée se faire enterrer. Sa mort m’avait conforté dans mes idées : seuls les ambitieux survivent, ceux qui ont un but, une trajectoire définie. Je suis devenu guerrier, j’ai œuvré pour la vie du Clan. Quand j'ai eu un premier apprenti, j'ai tout fait pour lui démontrer que la volonté ne suffisait pas, il fallait aussi savoir pour quelle raison on souhaitait avoir une chose. Malheureusement pour lui, il n'a pas compris, et s'est contenté du poste d'un modeste guerrier amateur.

Mais si l'on veut changer les choses, il faut s'en donner les moyens.

J'ai poursuivi ma démarche ambitieuse, dans une quête de devenir non pas un guerrier réputé et respecté, mais un lieutenant, puis un meneur, qui lui au moins pourrait ouvrir les yeux à tous ces faibles qui se traînaient par terre, renverrait les bâtards en pleine nature, face à eux-mêmes - car ils ne méritent que ce sort. Les félins sont, en fin de compte, faciles à manipuler, et Étoile du Corbeau l'avait compris. Je l'admirais, et l'admire encore, pour son état d'esprit, lui qui renvoie les traîtres à leur juste place, et ne se laisse pas dépasser par les apparences.

Un Clan fort, voilà ce que nous sommes destinés à devenir. Lorsqu'il a compris que je voulais aller en son sens, il m'a élevé au rang de bras droit. Je suis fier de ce que j'ai accompli, mais ce n'est qu'une étape : le chemin est encore long pour faire entendre nos voix.

Je me souviendrai toujours de ce jour, une véritable fierté pour moi ; j’avais honoré ma famille, et j’étais le lieutenant d’un félin comme moi, quoique sexiste – ce qui ne me dérangeait absolument pas. Nous allions beaucoup apprendre l’un de l’autre, me semblait-il.

Quelques jours plus tard, Plume de Foudre succombait à cause d'une attaque de renard. Ce fut la seule fois où je fus touché par la cérémonie.

IV. DERRIÈRE L'ECRAN.