Cousin au nez fin - avec Fin Brouillard - abandon

Aujourd'hui, il n'y avait pas trop de soleil. Ou du moins, actuellement. Toute la journée, la température avait été bien plus élevée et Aigrette Huppée avait veillé sur ses enfants, comme la moindre reine le ferait. Pas qu'elle était plus mère-poule que d'autres, car pour cela, elle pouvait compter sur Blizzard Blanc, son compagnon.
Non. Cette nouvelle mère avait simplement eu la chance d'avoir une fille albinos, et se retrouvait à surveiller sa petite pour qu'elle n'aille jamais en plein cagnard sous conseil de la guérisseuse.

Elle avait bien raison la petite Aigrette Huppée, mais surveiller trois fillettes à la joie de vivre débordante : ce n'était pas de tout repos. Alors, lorsque le soleil déclinait un peu, elle laissait ce trop-plein de liberté à ses bambins qui s'empressaient d'en profiter.

Aujourd'hui, donc, Petite Coccinelle fut parmi les dernières de la pouponnière à s'éclipser de l'étreinte de sa mère, s'offrant le luxe d'une petite balade. Ou du moins, une grande balade.
Sa soif de curiosité devait être assouvie, et elle souhaitait avant tout découvrir ce qui se cachait derrière le camp, sans se douter à quel point le territoire du clan était tout aussi à découvert que là où elle séjournait.

C'est donc un peu trop confiante qu'elle fit un pas vers la sortie du camp, sans se douter que tous les guerriers pouvaient la voir dans un tel campement. Et c'est sûrement trop concentrée par sa bêtise, qu'elle sursauta lorsqu'elle entendit quelqu'un derrière elle. « J'ai rien fait ! » s'exclama-t-elle de surprise, son duvet tout hérissé après un avoir fait un bond de chaton. Elle ressemblait actuellement à une grosse boule de poils blanche, et mis à part son regard rougeâtre, elle était adorable.

Le grand matou n'était pas véritablement en colère, il semblait même plutôt amusé d'avoir surpris une chatonne de la sorte. Or, si elle n'avait pas été tant concentrée sur sa fuite, peut-être aurait-elle été capable de sauver sa précédente toilette. Dire que sa mère y avait mis un temps fou ! Et ce n'est pas avec sa petite langue de chaton qu'elle arriverait à quelque chose.

C'est donc le poil incroyablement gonflé que Petite Coccinelle écouta ce guerrier la taquiner sans une once de remords. L'allure boudeuse, la concernée le fixa avant de lui tirer la langue d'un coup sec. Après tout, il n'y avait pas que les adultes qui avaient le droit de faire ou dire des méchancetés.
Et cela continua de plus belle lorsqu'il lui fit la remarque sur les dangers environnant, avec un tas de mots qu'elle avait l'impression d'entendre tous les jours. C'est donc presque en même temps que lui, que l'albinos râla : « T'es pas mon père, d'abord ! », en étant presque tentée de reproduire la grimace de tout à l'heure.

Elle aurait pu ... Mais elle n'en eut aucunement le loisir. Il faut dire que l'arrivée d'une proie fut si soudaine, qu'elle manqua même la position adoptée par son interlocuteur, qui avait fini par attraper l'imprudente. « Wah, trop cool ! » piailla-t-elle, loin de prendre au sérieux l'énième mise en garde du félin.

Tout à fait intriguée, la femelle aux allures fantomatiques s'approcha de la grande perche, zieutant de loin l'animal qui se débattait entre ses griffes. La surprise d'être prise main dans le sac désormais oubliée, elle semblait s'ouvrir au gris bien plus que prévu. « C'est trop bizarre ! Elle bouge, pas comme les proies que mon papa ramène. » lâcha-t-elle, ses yeux rougeâtres ne cessant de fixer la pauvre taupe prise au piège. Pas de chance pour elle, elle était mal tombée.

Face aux piaillements de la petite, tout à fait médusée, le guerrier sembla entrer dans son jeu, lui expliquant même à quel point la proie était chaude.
Ses deux oreilles dressées, l'albinos n'en revenait pas, ayant cru que ce genre de bestioles qui nourrissaient le clan, avaient toujours été éteintes. Une véritable pensée de chaton, de croire que tout arrivait dans le bec. Petite Coccinelle avait sûrement bien besoin d'un matou comme Fin Brouillard, pour lui faire comprendre la dureté de la vie.

Cela dit, ce n'est pas avec si peu de révélations que la gamine n'en restait pas moins ... Une gamine. Un poil trop curieuse, elle s'approcha du gris mais aussi de l'animal, par la même occasion. Sûrement ce qui l'intriguait le plus.
Ce ne fut que la mise en garde de son aîné qui l'alerta, et par conséquent, elle se figea. Elle ne connaissait pas tout ce monde guerrier, qui lui ouvrirait ses portes dans quelques lunes, alors elle préférait l'écouter et donc jouer la sécurité.

La mine curieuse, elle osa regarder son interlocuteur dans les yeux. « Hmpf, non. Papa 'y dit que je suis trop petite pour ça. Maman aussi, mais surtout papa. » dit-elle un poil ennuyée, comme si elle avait hâte de découvrir le bien que pouvait procurer une véritable bouchée de nourriture. « Hé, dis, c'est quoi cet animal ? C'est pas très joli. J'aimerais pas m'appeler Petit... Euh- bah le nom de ça. » lâcha-t-elle par la suite, prenant véritablement ses aises avec le tigré qui tenait toujours la pauvre taupe entre ses griffes.

Cependant, elle jeta tout de même un coup d'œil inquiet à son interlocuteur avant de miauler : « Tu ressembles pas trop à ça, mais c'est quand même pas ton nom... Euh, le nom de la bestiole ? », visiblement pas très rassurée.

La petite avait enfin un nom à placer sur la pauvre bête que détenait le guerrier : une taupe. Un spécimen très impressionnant au goût de l'albinos, puisque vivant, mais très laid. Ses griffes étaient immenses, sa truffe aussi, et en plus elle ne faisait que gigoter : ce qui ne la mettait pas réellement en valeur. Tout ce que pouvait faire Petite Coccinelle à son niveau, c'était de froncer le museau et l'observer.

Cependant, à rester plus tranquille qu'auparavant : elle eut plus que désiré. En effet, elle eut droit au nom du grand félin, mais aussi le lien de parenté les liant tous deux. La chatonne eut même droit à des explications sur le goût de la taupe, et peut-être sur sa famille à elle aussi... Mais elle n'arrivait pas à avoir plus de compassion que ça pour cet animal. Tout ce qui l'intéressait maintenant, c'était de se présenter à son tour, ce qu'elle tarda pas à faire d'une traite : « Euh bah du coup, moi c'est Petite Coccinelle ! C'est ma maman qui a choisi mon nom, elle dit que ça apporte la chance et que je leur ressemble un peu avec mes yeux ! Et j'suis contente parce que c'est jolie une coccinelle. », dévoilant au combien elle avait des choses à dire pour une enfant. Et évidemment... Elle ne s'arrêta pas là, puisqu'elle reprit quelques secondes après, sans rechercher de commentaires de la part de Fin Brouillard : « Ton nom il est rigolo ! T'es tout fin, mais tu ressembles pas à un brouillard... Mais c'est difficile de ressembler à un brouillard ! », avant de pencher sa tête sur le côté, curieuse de savoir d'où venait son nom.

Et sur ce monologue incessant, la proie, que tenait en otage le gris, finit par s'exciter et donc menacer le félin de sa fuite. Alors, dans un geste peu tendre, il l'acheva d'un coup de croc avant de s'en lécher les babines, sous les yeux ébahis de Petite Coccinelle. « Dis, pourquoi tu dis merci aux étoiles ? C'est toi qui l'a attrapée, non ? » demanda-t-elle une énième fois, curieuse des dernières paroles lancées par son cousin. Car elles lui semblaient totalement insensées.

Les Etoiles, n'était pas tellement un sujet tabou, ni même un sujet de tous les jours. Petite Coccinelle et sa fratrie en avaient entendu parlé, bien évidemment. De part les conversations entre reines, les petites histoires du soirs ou les injures des guerriers. Mais comment dire... Tout cela semblait encore bien trop flou.
Ce clan semblait à la fois merveilleux et mystérieux, comme une sorte de légende urbaine que l'on tenait en haute estime, qui était tout à fait sacré. Et parfois, l'albinos s'interrogeait à ce sujet sans en savoir plus. Car évidemment, les guerriers n'en savaient pas plus.

Alors, quand Fin Brouillard lui expliqua cette tradition de remercier les étoiles, elle fut tout à fait attentive et silencieuse, n'écoutant que lui. Comme si tout bruit parasite n'était plus. La femelle aux allures fantomatiques fut donc tout aussi fascinée que terrorisée par ses explications : ne comprenant visiblement pas un tel comportement de leurs aïeuls. Elle ne se gêna pas pour le dire : « Mais elles sont super méchantes ! », son poil ayant à nouveau triplé de volume, tellement sa colère était grande. « Elles tuent les gens comme ça... C'est trop injuste ! » piailla-t-elle une nouvelle fois, s'imaginant à quel point la vie d'un guerrier était dure. Mais s'il fallait encore rajouter une couche des Etoiles, ils étaient fichus. Avec la famine, les maladies et le froid : tout les accablait.

Soudainement remontée à bloc, elle clama une énième fois : « Moi j'dis : faut pas leur dire merci ! Elles le méritent pas ! » avant de tirer la langue au ciel, persuadée qu'elles verraient sa petite colère de chaton et qu'ils devraient ainsi apprendre à la craindre.