Chercher les Ennuis, Trouver... Grenouille?? [pv Grenouille] [END]

Nuage de Grenouille grandissait. Le reste de son corps commençait petit à petit à rattraper ses pattes qui étaient encore aujourd’hui un peu trop grandes pour elle, mais plus autant disproportionnées qu’avant. Elle restait assez petite pour son âge. Pas autant que son frère, certes, mais tous les autres adolescents du Clan étaient plus grand qu’elle — inutile de se comparer à Nuage de Crocs, elle le savait bien : son ami avait du sang de super méga giga grand chat dans les veines, elle ne le rattraperait sans doute jamais.
Et au fond ce n’était pas grave. Une petite taille, comme lui avait dit Salamandre un jour, lui permettrait d’être plus légère et discrète. Le problème était ailleurs : elle avait beau grandir comme tout le monde, elle avait l’impression d’être à la ramasse. Branche Pâle était la pire mentor qu’elle aurait pu imaginer. Le temps passait, et tous les Nuages semblaient se rapprocher de plus en plus du titre de guerrier, sauf elle. Elle apprenait la plupart du temps seule, à sa manière, avec les avantages et les inconvénients que cela impliquait. Mais elle se débrouillait, et elle leur prouverait à tous qu’elle pouvait devenir une grande guerrière dans l’âme.

Un croassement familier attira son attention. Nuage de Grenouille se dirigea vers l’oiseau, le pas le plus léger possible, la tête basse, ses longues oreilles plaquées en arrière. Elle l’attraperait. Elle le ramènerait au camp et elle les rendrait fiers. Elle coupa sa respiration, banda ses muscles, se prépara a sauter et-
Elle le manqua de peu, mais parvint malgré tout à planter ses griffes dans l’animal qui faisait malgré tout presque sa taille. Le corbeau se débattit comme un beau diable, réussissant même à lui pincer une patte de toutes ses forces avec son gros bec. L’apprentie retint un feulement quand il lui arracha une touffe de poil et un peu de peau et, d’un coup de croc bien placé, mit fin à ses souffrances.

Son premier corbeau. Elle le regarda avec des gros yeux, le cœur encore battant. S’ils n’étaient pas fiers d’elle, elle en tout cas, elle l’était ! Elle imaginait la tête que ferait Branche Pâle quand elle clamerait à qui veut l’entendre qu’elle avait réussi toute seule, sans l’aide de personne et certainement pas de son mentor, et se mit à rigoler.
Il l’avait laissée dans un sale état, quand même ! Le pelage en bataille, griffé ici et là par les serres de l’oiseau, et une plaie plutôt conséquente à la patte avant. Mais ça allait, ça ne faisait pas si mal. Elle irait voir Digitale et Rafflésie au retour, et elle pourrait parler de Branche Pâle à l’apprentie-guérisseuse. Elle n’y avait jamais pensé, tient.

Se préparant à rentrer au camp, elle tourna la tête quand elle entendit un craquement un peu plus loin. Pas question de laisser son corbeau sur place et de laisser quelqu’un d’autre le voler et récupérer toute la gloire une fois devant le tas de gibier : Nuage de Grenouille se dirigea vers la source du bruit, trainant sa proie au sol en la tirant, ses serres entre les crocs.

Le bandana rouge était toujours le même — peut-être juste un peu plus sale qu’avant. En tout cas, à ses yeux et dans son cœur, il n’avait pas changé du tout, et c’était toujours--

— TONTON !!! s’écria-t-elle, toute heureuse.

Elle lâcha l’oiseau et courut vers lui, sans même s’imaginer qu’il avait pu l’oublier : c’était une éventualité impossible dans sa tête. Elle se souvenait de lui comme si c’était hier, alors ça devait être pareil pour lui. Elle lui bondit dessus et — oh il avait l’air plus petit qu’avant !! Toujours aussi massif et imposant mais un peu plus petit quand même, parce qu’elle n’avait plus à lever la tête vers le ciel pour le regarder dans les yeux.

— C’est trop cool que tu sois là !!!! Et- et-

Et tes enfants ? voulut-elle ajouter. Mais si t’es là, ça veut dire que tu n’as pas retrouvé tes enfants, hein ? Elle se sentit triste pour lui, tout à coup, mais décida de le cacher. Elle n’avait pas besoin de lui rappeler qu’ils étaient loin de lui, puisque de toute façon il devait y penser tous les jours. Alors elle compléta sa phrase autrement.

— Et t’as vu ce que j’ai attrapé ?? Regarde !!

Nuage de Grenouille se retourna vers le corvidé, dont le bec ouvert lui donnait un air en colère. Il devait avoir faim, tout seul dans la nature comme ça. Elle, elle avait son camp, et si elle n’attrapait rien alors ses camarades auraient toujours un petit quelque chose pour elle. Mais lui, comment il vivait ? Elle observa son corbeau un petit instant — si elle en avait attrapé un, elle pourrait en attraper d’autres, non ? Elle pourrait rendre son Clan fier d’elle un peu plus tard, c’était pas très grave au fond.

— T’en veux ?


[Edit : je replace la chauve-souris par un corbeau, qui a une rareté équivalente]

— Bravo, ronronna Tonton.
Nuage de Grenouille avait tellement attendu cette approbation, cette fierté, ces félicitations. Elle qui s’était jusque là entraînée seule, ou s’était ajoutée tant bien que mal aux entraînements de mentors déjà bien occupés par leurs propres novices, en avait manqué. Elle avait l’impression que ses progrès étaient invisibles aux yeux des autres, inexistants même parfois, tant qu’ils n’avaient pas été validés par quelqu’un. N’importe qui : ses parents, un guerrier lambda qu’il soit de son Clan ou d’un autre. N’importe qui aurait fait l’affaire, tant elle en avait besoin. Quand les astres étaient alignés allez savoir comment et que Branche Pâle se décidait à faire quelque chose d’elle, c’était comme si lâcher un compliment lui arracherait la gueule. Mais de sa part, elle n’en voulait pas. Elle s’était efforcée d’ignorer ses commentaires rabaissants, ses insultes — de l’ignorer elle et tout ce qu’elle représentait tout simplement. Et voilà que Tonton débarquait, toujours aussi doux et aussi gentil — un peu moins grand à ses yeux mais avec toujours le cœur qui déborde malgré tout — pour lui dire bravo. Elle rayonna.

shiny baby

— Je pense que je peux goûter le corbeau ou... Ça. Je n'ai jamais mangé ni de l'un ni de l'autre, en fait.
Mais il mangeait quoi alors ? Il s’était nourri de quoi, pour pouvoir devenir aussi grand et imposant ? L’apprentie pencha la tête sur le côté, saisie par la curiosité.
— Chez moi, les oiseaux n'étaient pas si gros. Et il n'y avait pas de... de ça.
— De grenouille ?
Il y en avait partout ici. Elles croassaient de jour comme de nuit, et c’était encore pire en période de reproduction. Elles devaient être sacrément bêtes, parce qu’elles s’aventuraient parfois jusqu’à la pouponnière où elles devenaient un objet de jeu pour les chatons jusqu’à ce qu’elles trépassent ou prennent la fuite. À cause de son nom, Nuage de Grenouille aimait bien se dire que ce n’était pas de la stupidité, mais du courage et du sang-froid qui leur permettait de se jeter sans peur dans la gueule du loup.
— Tu vas voir c’est bon ! La meilleure partie, c’est les cuisses. Elles sont suuuuper tendres, plus que les campagnols en tout cas. Tu peux goûter les deux si tu veux. Le corbeau c’est le plus rare, parce qu’ils sont gros et difficiles à attraper. Regarde ce qu’il m’a fait !
Elle leva sa patte blessée, toute fière, présentant la plaie comme un trophée. C’était la preuve qu’elle s’était battue avec acharnement, et qu’en résultat, elle avait gagné. Bon, le Clan ne pourrait pas voir le corbeau en question cette fois ci puisqu’ils allaient le manger mais ce n’était pas bien grave : elle en capturerait d’autres. Si en rentrant ils ne la croyaient pas quand elle leur raconterait pour le corbeau alors qu’elle revenait sans, en revanche, elle serait sacrément vexée. Mais ça, c’était un problème pour Grenouille du futur.