Chercher les Ennuis, Trouver... Grenouille?? [pv Grenouille] [END]

Nuage de Grenouille trouva dans le regard de Tonton la même lueur que celle dans les yeux des Reines trop inquiètes. Elle l’avait remarqué bien souvent chez Vif-Argent, chaque fois qu’elle tentait une nouvelle technique trop-méga-puissante de saut, qu’elle allait embêter les guerriers, ou qu’elle cherchait des noises à un rat qui se promenait un peu trop près du tas de gibier alors qu’elle n’était pas encore plus haute que trois pommes. Alors elle compris qu’elle avait fait quelque chose qui avait pu inquiéter Tonton, mais ne trouva pas quoi.
— Est-ce que ça va? Tu devrais... Il vaut mieux nettoyer ça.
— Uh ? C’était donc la blessure qui l’inquiétait ? Elle tenta de le rassurer. Mais c’est rien t’inquiète pas ! C’est ma BLESSURE DE GUERRE !
Elle avait crié ces mots, victorieuse, comme si cette cicatrice — un peu à la manière de la marque infligée aux apprentis du temps de Serpentaire — avait enfin fait d’elle une véritable future guerrière dans l’âme. Elle lâcha un autre cri de surprise quand Tonton se mit à lécher sa plaie, cri qui fut bien vite remplacé par du rire.
— Ça chatouille, ça chatouille !
Parce que Grenouille, elle était très chatouilleuse. C’était là son plus grand point faible, qui un jour peut-être causerait sa perte — et pour cela, elle s’était efforcée de le cacher à tout le monde (elle était loin de se douter que probablement quasi tout le monde dans le Clan le savait). Elle se retint de se tordre de rire, mais céda finalement et se roula par terre, riant aux éclats.
— Tu m’chatouille Tonton !! C’est rien ça comme blessure, promis ! Tu devrais voir Étoile Feulante, WOAH, lui il a PLEEEIN de grosses cicatrices, et en plus c’est un gros chat ! Six- non, douze- non, MILLE FOIS ma taille !! J’suis sure qu’il a déjà chassé des CHIENS ! Et un jour je serais trop méga forte comme ça aussi d’ailleurs.

Tonton s’inquiétait pour elle. Dans une tentative un peu maladroite de le rassurer, Nuage de Grenouille lui tira la langue. Il lui expliqua qu’il fallait faire attention, qu’il y avait des risques d’infection… mais c’est pour ça qu’ils avaient des guérisseurs, non ? Il n’allait jamais en voir un lui ? Les chats qui vivaient en dehors des Clans avaient décidément une vie bien différente de la sienne, et elle mourrait d’envie d’en savoir plus. Comment est-ce qu’il survivait tout seul dans la forêt — ou pire, dans cette ville qu’il avait évoqué et qui semblait si hostile ? À peine eu-t-il le temps de terminer sa phrase et d’évoquer le sujet d’une queue coupée que l’apprentie décida de faire honneur à son nom et de bondir sur le sujet.
— EST CE QUE TOI--
— Heu... Moi, c'est de naissance, hein. Mais j'en ai connu un, il s'était coincé la queue dans un grillage, à la ville... C'était pas drôle.
Nuage de Grenouille plia une oreille. On ne pouvait pas dire qu’elle n’était pas déçue — pas que Tonton n’ait pas perdu sa queue, non ! Elle était contente qu’il n’ait pas eu à subir une chose pareille, au final. Mais elle aurait aimé entendre une histoire à son sujet. Il faut dire que le gros chat venu d’ailleurs était assez réservé, alors qu’elle voulait le connaître davantage. Le problème, c’est que toutes les questions qu’elle avait sur le bout de la langue allait forcément le renvoyer à des souvenirs douloureux, et elle le savait. Lui demander de lui parler de la ville ou des bipèdes, les deux sujets qui l’intriguaient le plus, lui rappelleraient forcément ses enfants qu’il avait perdu.
Et elle ne voulait pas faire de mal à Tonton.
L’apprentie contempla sa patte et la petite cicatrice qui la décorait — elle la trouvait cool, pour ne pas dire carrément badass. Mais bon. Elle la leva, et donna un petit coup tout doux sur le museau du matou calico.
— Je ferais attention alors, lui promit-elle. Mais toi aussi, et tu dois jurer ! Promis juré craché la patte à couper !
Au sens figuré, bien entendu.

Les yeux de Nuage de Grenouille brillaient d’excitation alors que Tonton était sur le point de goûter sa proie. Celle qu’elle avait capturé, toute seule. Ça lui donnait l’impression d’avoir été responsable, comme une vraie guerrière qui chasse et nourrit les siens. Fière comme un paon, elle bomba le torse.

— Hm. Je crois que j'ai déjà mangé de ça, une fois... Mais c'était très différent, plus salé et avec... Des herbes? Un truc qui avait un goût très fort... Mais c'est bien la même viande, je crois. Peut-être que les bipèdes mangent des grenouilles, eux aussi...

L’apprentie pencha la tête, dubitative.

— Les bipèdes chassent pour vous à la ville ?

Ça, c’était étrange. Pourtant, elle n’avait jamais vu de bipède chasser dans les marécages. Enfin, non pas qu’elle ait déjà vu un bipède auparavant… elle ne savait pas à quoi ils ressemblaient, sauf pour le fait qu’ils étaient très grands, marchaient sur deux pattes et n’avaient pas de poils sauf sur le haut de la tête. Vu comme ça avait l’air moche dit comme ça, elle l’aurait su si elle en avait vu un. Mais si les bipèdes partageaient leur nourriture, pourquoi les Clans n’y allaient-ils pas, eux aussi ? Durant les hivers froids où les proies se faisaient rare et la maladie guettait la moindre faiblesse, ça ne pourrait faire de mal à personne.

— Comment tu faisais pour manger là bas ? T’es grand en plus.

Et s’il était grand, c’est qu’il avait bien mangé quand il était petit (c’est ce que sa mère adoptive lui avait dit. Enfin, elle avait des doutes quand même parce que malgré tout ce qu’elle ingurgitait, elle était quand même plutôt petite par rapport aux chats de son âge). Nuage de Grenouille avait du mal à saisir : ce qu’elle savait de la ville de la part de son Clan et de la part de Tonton se contredisait. Tous lui dressaient le portrait d’un lieu plein de dangers, mais en même temps, la vie avait l’air plus douce. Des enfants-bipèdes qui offraient des trucs trop cools à mettre autour du coup, de la nourriture offerte… Plus elle en apprenait sur ce lieu, plus lui venait l’envie de l’explorer.