Larks and Katydids || Nuage de Papillon - abandon

Nuage de Papillon dressa les oreilles en entendant un de ses camarades s’agiter dans sa couche. Encore une fin de nuit où elle n’avait pu dormir que de manière saccadée. Depuis la dernière bataille les cauchemars et mauvais souvenirs agitaient les sommeils de tous semblaient-ils. Elle même bien sûr frissonnait encore de ce qu’elle avait pu voir et entendre sur place. Des images terrifiantes venaient hanter ses pensées dès qu’elle leur en laissait le temps. alors pour contrer cela elle s’épuisait à la tâche, se portant volontaire pour toutes les corvées, faisant de son mieux pour occuper son esprit et pouvoir dormir comme un plomb dès le soleil couché. Mais cela ne l’empêchait pas d’être importuné par les autres et de finir fatiguée envers et contre tout.

La jolie apprentie s'étira de mauvaise grâce, elle était réveillée, autant chercher une occupation immédiatement. Elle n’était pas une grande amatrice du demi-sommeil matinal de toute façon, surtout en ce moment. Elle s’ébroua puis se dirigea vers la sortie de la tanière des novices. D’un bond elle esquiva une patte agitée au dernier moment et s’échappa de la chaleur du refuge partagé. Enfin, l’air frais matinal et l’agitation calme du camp au petit jour. Elle n’avait pas encore pris le temps de discuter des derniers jours difficiles qu’avait vécu le clan avec ses sœurs. Elle avait l’impression que tout le monde avait besoin d’un peu d’espace et de temps pour diriger tout ce qui avait eut lieu. Mais elle se promit de s’en occuper rapidement. Alors qu’elle allait prendre la direction du tas de gibier Vent du Nord apparut dans son champ de vision et l’interpella.

" Bien sûr Vent du Nord, avec grand plaisir ! " S’exclama aussitôt Nuage de Papillon.

Rien n’aurait pu lui faire davantage plaisir. Elle qui n’osait plus trainer dans les pattes de la guérisseuse depuis que sa sœur avait été désignée comme future soigneuse. L’occasion était trop belle pour la laisser filer. Elle nota cependant la mention envers sa sœur. Elle espérait que Nuage de Lucioles allait bien. De toute façon, cette sortie en tête à tête serait l’occasion de s’en assurer auprès de Vent du Nord.

— On va d’abord se rapprocher de la ville pour chercher de l’herbe à chat, puis on remontra vers les plaines pour récupérer du pavot.

Nuage de Papillon hocha joyeusement la tête aux directives de Vent du Nord. Donc elle allait avoir le privilège de passer du temps avec la guérisseuse, d’apprendre des connaissances uniques et précieuses concernant les plantes médicinales mais en plus de cela elles allaient se rendre dans un endroit du territoire qu’elle ne connaissait que très peu ? Quelle journée incroyable. La queue bien haute et les oreilles dressées de contentement, elle emboîta le pas à Vent du Nord. Elle ne se souvenait même plus à quand remontait la dernière fois où elles avaient pu passer du temps ensemble, que toutes les deux. Trop longtemps pour sûr. Mais avec les événements restants tout le monde avait bien été assez occupé par ses propres missions et problèmes personnels, elle ne remettait la faute sur personne.

— Comment se passe ton entraînement ? C’est pas trop dur ?

Nuage de Papillon haussa les épaules, à vrai dire elle ne s’était jamais posée cette question. Est-ce que son entraînement était dur ? Elle estimait que c’était ce qu’elle devait faire, pas vraiment le choix pour devenir une véritable guerrière que tout le monde admirait et impressionnait. Et puis, on ne lui demandait pas vraiment son avis non plus. Elle se contentait de suivre les ordres et les impératifs dictés par Couronne d'Épines. Elle décida de prendre un peu de recul sur sa situation avant de répondre afin d’être le plus honnête et exacte possible.

“ Je pense que ce n’est pas facile, finit-elle par miauler, mais c’est ce à quoi je m’attendais en étant nommée apprentie. Et cela va m’endurcir pour les prochaines saisons. Même si j’espère que le clan n’aura plus besoin de sortir les griffes, ajouta-t-elle discrètement. "

— Je pense que ce n’est pas facile, mais c’est ce à quoi je m’attendais en étant nommée apprentie.

La maturité de Nuage de Papillon la frappait à chaque fois, d’autant plus lorsqu’elle la comparait à Nuage des Lucioles. Qu’est ce qui l’avait forcée à grandir aussi vite ? L’apprentie-guérisseuse avait encore une attitude et un entrain d’enfant agité — ce qui n’était pas une faute, elle était encore jeune — mais sa sœur avait une capacité de réflexion plus poussée, à une prise de recul dont même la guérisseuse n’était pas capable à son âge. Elle se souvenait de l’époque où rien ne lui semblait impossible, ou tout paraissait si simple. Où devenir la future meneuse du Vent n’était qu’une évidence qui viendrait à elle avec le temps car c’était le destin. Où les guérisseurs n’étaient que des paillasses tout juste bonnes à manger leurs proies durement gagnées à ses yeux. Une autre époque si lointaine qu’elle avait l’impression de penser à une autre vie.

— Et cela va m’endurcir pour les prochaines saisons. Même si j’espère que le clan n’aura plus besoin de sortir les griffes.
— La guerre, miaula Vent du Nord. C’est toujours pareil. Un chat avec plusieurs vies qui peut bien crever et revenir sans problème décide d’envoyer les siens au casse-pipe, personne n’y gagne quoi que ce soit, tout le monde en revient traumatisé, tout le monde se dit que c’était horrible et qu’on r’fera plus jamais ça. Et puis le temps passe, tout le monde oublie, et puis ça recommence.

Mais elle, elle n’oubliait pas. La vision d’Alizé qui perdait ses yeux, de Nuage de Neige qui se faisait trancher la gorge, de la petite guerrière de la Rivière morte entre les pattes de Nuage de Poulpe ne la quittaient jamais. Les guérisseurs ne se battaient pas — alors ils observaient, ils étaient les yeux et la mémoire de la forêt.

— Je suis désolée que vous ayez eu à subir ça, lâcha-t-elle.

Non pas qu’elle aurait pu y faire quoique ce soit. Elle avait bien essayé, mais Étoile de Cobra ne voulait rien entendre. Ce chat était pire qu’une mauvaise herbe, c’était un poison. Et en parlant de poison, un petit buisson à baies rouges attira son attention. Des baies d’if, rouges, mûres, et un peu trop proches du camp à son gout.

— Tu sais ce que c’est ? Tu n’as pas du les voir dans mon antre, je les cache toujours pour que personne ne mette la patte dessus.

Surtout les chatons un peu trop curieux. Il faut dire que ces baies n’avaient ni odeur ni gout très repoussants, et qu’une simple petite dose pouvait tuer un chat en quelques minutes.

D’un coup de griffe, Vent du Nord coupa la tige raide qui retenait la baie à sa branche, pour la recueillir sans l’éventrer et en faire sortir la pulpe. Elle en plaça quatre dans une longue feuille prélevée sur ce même buisson, pour les transporter sans risquer de s’intoxiquer. Nuage de Papillon s’étonna d’en voir si près du camp — d’en voir, même, tout simplement.

— Il en pousse encore un peu partout. Ce sont des baies essentielles pour notre travail, alors il faut qu’on puisse s’en procurer. C’est juste qu’on s’en débarrasse quand ils sont trop près des Clans, pour éviter qu’ils tombent dans la bouche d’apprentis ou de guerriers un peu trop curieux. Ou entre les pattes de certains mal intentionnés, et c’est pas ça qui manque.

Étoile du Cobra n’avait pas tant d’ennemis, du moins pour l’instant. Tâche d’If, en revanche, n’avait pas eu droit au même traitement de faveur de la part des siens, et si elle était trop jeune à l’époque pour s’en rappeler ou pour l’avoir remarqué, elle était convaincue que plus d’un chat avait déjà tenté d’empoisonner ses repas. Mais ils n’en avaient jamais vraiment eu le temps.

— Avant Étoile du Cobra et Étoile Tropicale, il y a eu une autre cheffe dont t’as déjà peut-être entendu parler, Tâche d’If. T’as pas du en entendre que du bien, c’est sûr, et… la plupart des critiques à son sujet sont fondées. C’est triste à dire parce que c’était ma grand-mère et qu’elle a toujours été gentille envers moi, mais c’est la vérité. Par contre y’en a une que tout le monde a gobé, mais qui est fausse.

En repensant aux dernières paroles de Pelage de Boue, la guérisseuse se mit à presser le pas, comme pour tenter de fuir ces souvenirs. Elle aurait du lui donner une baie d’if rapidement, au lieu de la regarder agoniser. Ç’aurait facilité les choses pour tout le monde.

— Elle a été tuée par un membre de son propre Clan. Étoile du Cobra l’a tuée, a trainé son corps jusqu’au camp et a accusé une guerrière d’un autre Clan de l’avoir assassinée. Et quand il a raconté son mensonge, il n’a pas cillé une. seule. fois. Alors envoyer des membres de son Clan crever pour une guerre qu’il déclare par caprice ou par égo, je crois bien que ça ne lui fait ni chaud ni froid. Il recommencera, j’en n’ai aucun doute.

Nuage de Papillon observa la guérisseuse trancher puis emballer habilement la plante toxique. Un frisson lui parcouru l’échine quand les baies rouges disparurent totalement dans l’enveloppe végétale improvisée. L’absence d’odeur du fruit mortel la terrifiait, elle n’imaginait que trop bien des chats se faire avoir bêtement et les avaler en pensant savourer des mets sucrés. La surprise devait être de taille quand l’air commençait à leur manquer. Elle agita nerveusement les oreilles en songeant aux effets terribles des baies empoisonnées. Elle tâcha de graver dans sa mémoire l’aspect exact des fruits qu’elle avait observé et ne jamais s’y risquer.

— Il en pousse encore un peu partout. Ce sont des baies essentielles pour notre travail, alors il faut qu’on puisse s’en procurer. C’est juste qu’on s’en débarrasse quand ils sont trop près des Clans, pour éviter qu’ils tombent dans la bouche d’apprentis ou de guerriers un peu trop curieux. Ou entre les pattes de certains mal intentionnés, et c’est pas ça qui manque.

A cette dernière mention Nuage de Papillon tiqua. Vent du Nord aurait-elle déjà assisté à ce type de scène ? La jeune apprentie espéra de tout son coeur que non, aucun chat ne méritait d'assister à une mort par empoisonnement. De ce qu’elle savait une fois ingéré la baie effectuait son travail morbide et aucun guérisseur ne pouvait venir en aide à la malheureuse victime. Elle hésita à poser frontalement la question à Vent du Nord, si c’était bien le cas la soigneuse n’aurait peut-être pas envie d’en parler.

— Avant Étoile du Cobra et Étoile Tropicale, il y a eu une autre cheffe dont t’as déjà peut-être entendu parler, Tâche d’If. T’as pas du en entendre que du bien, c’est sûr, et… la plupart des critiques à son sujet sont fondées. C’est triste à dire parce que c’était ma grand-mère et qu’elle a toujours été gentille envers moi, mais c’est la vérité. Par contre y’en a une que tout le monde a gobé, mais qui est fausse. Elle a été tuée par un membre de son propre Clan. Étoile du Cobra l’a tuée, a trainé son corps jusqu’au camp et a accusé une guerrière d’un autre Clan de l’avoir assassinée. Et quand il a raconté son mensonge, il n’a pas cillé une. seule. fois. Alors envoyer des membres de son Clan crever pour une guerre qu’il déclare par caprice ou par égo, je crois bien que ça ne lui fait ni chaud ni froid. Il recommencera, j’en n’ai aucun doute.

Nuage de Papillon ouvrit la gueule à s’en décrocher la mâchoire de surprise et pila. L’information était bien trop choquante pour qu’elle continue à avancer comme si de rien n’était. Etoile du Cobra avait quoi ? Les questions se multipliaient dans sa tête. Comment était-ce possible ? Qu’est-ce qui avait poussé le guerrier à commettre un acte aussi horrible ? Comment le Clan des Etoiles avait-il pu ensuite lui accorder neuf vies ? Quel genre de chef méditait un acte aussi sordide pour atteindre le pouvoir ? Si Vent du Nord était au courant, pourquoi n’en avait-elle pas parlé ? Elle essaya de se raisonner. D’après Vent du Nord l’ancienne meneuse n’était pas exemplaire, cette terrible décision avait peut-être été prise pour le mieux. Elle se souvenait d’histoires pour les chatons qu’on lui racontait petite, le nom des protagonistes étaient tus mais peut-être s'agissait-il de ces félins-là.

- Comme se fait-il qu’Etoile du Cobra n’ait pas été puni par le Clan des Etoiles ? Miaula-t-elle finalement après avoir soigneusement choisie sa réponse. Le code du guerrier défend de tuer volontairement autrui, il n’aurait pas dû recevoir ses neuf vies, si ? Ajouta-t-elle, le visage renfrogné.

Ses méninges tournaient à mille à l'heure, cherchant des explications. Elle ne comprenait pas qu’aucun signe n’ait été envoyé contre le meneur, ses ancêtres avaient-ils choisi sciemment de fermer les yeux sur cette violation du code d’honneur des clans ? Pourquoi aurait-il le droit d’enfreindre les règles puis de nous imposer de les suivre ? Songe-at-elle rageusement, l’échine hérissée. Cela n’était pas juste. Nuage de Papillon se rapprocha de Vent du Nord, la mine sombre.

- Est-ce que c’est toi qui l’y a aidé ? Finit-elle par oser demander.

Elle avait besoin de savoir que Vent du Nord n’approuvait pas ce qui s’était passé et n’y était pas mêlé. Etait-elle la seule au courant de ce qui s’était passé ? Est-ce que le meneur faisait pression sur elle pour qu’elle ne parle pas ? Dans ce cas là, pourquoi avait-elle avoué la vérité à Nuage de Papillon ?