[EXÉCUTION] Dura lex sed lex. - end

L'assemblée rugissait son outrance, partagée entre l'horreur, l'hésitation et la colère qu'avait soulevé Branche Pâle par ses actes.

Noyé par la cacophonie la protestation de Grenouille fut à peine perceptible. Elle se tenait toute tremblante entre la condamné et son bourreau, douce enfant qu'elle était elle ne voulait pas voir de sang couler en son nom. Sa tentative vaine de raisonner le meneur fut déclinée d'un ordre rauque: "Bouge."

Jolie Rafflésie qui avait bondit au chevet de la guerrière mortifiée pris ensuite la parole. Elle dévoila l'étendue de la perfidie de la parjure à toutes les oreilles attentives de la foule. Les feulements succédèrent aux hoquets de surprise, l'étau du jugement se refermant progressivement sur la fautive qui n'avait nulle part où se terrer.

Droite comme un piquet, tête haute, fière de la crasse qui souillait son âme et ses griffes, la chatte crème défiait la mort qui du haut de son promontoire n'attendait que de la cueillir.

Aurait-il été plus calme peut-être se serait-elle seulement fait bannir mais la rage se déversait dans les veines du chef jusqu'au bout de ses griffes d'ébènes. Étoile Feulante était connu pour sa force et sa brutalité toutefois il n'était pas un félin cruel. Tuer Branche Pale ne lui apporterait ni plaisir ni remords. C'était une sale besogne dont il avait fait le choix de se débarrasser comme on lui avait mainte fois demander de faire. Que ce soit sous les ordres de l'abbesse ou sous le règne de Maudit, éliminer avait toujours été l'option facile. Il l'égorgerait pour qu'elle parte rapidement et que le gout poisseux de son sang n'agite pas trop longtemps ses papilles.

Il bondit enfin pour venir s'abattre sur le dos de la meurtrière, leurs pelisses se mélangeant en un spectacle grotesque oscillant entre le noir et le beige. L'une de ses grosses pattes vint presser le visage de son adversaire contre le sol gelé et de son poids il entrava ses mouvements. Ses canines finirent par trouver la tendre peau de son cou, elles plongèrent dans sa chaire pulpeuse afin que sa mâchoire puisse se resserrer autour de sa trachée.

Le pouls de la condamnée s'affola contre sa langue et des sursauts agitèrent son corps cireux. Elle continua de se tordre ainsi pendant une succession de secondes qui lui parurent bien plus longues qu'elles ne l'avaient réellement été.

Éventuellement les tremblements nerveux de Branche Pâle se figèrent et Étoile Feulante put enfin libérer sa carcasse ensanglantée.

Les rangs de l'ombre se débarrassaient d'une épine comme l'on ampute un membre gangrené. Une opération violente, certes, mais nécessaire. Du moins aux yeux du meneur qui crachait le sang nauséabond l'exécutée au sol. Il ordonna à Brasier Caniculaire de s'accompagner de quiconque le voudrait bien afin d'aller enterrer le cadavre.

Sous l'œil témoin des pins qui entouraient le camp, le soleil couchant venait signer la dernière page de l'histoire obscure de la guerrière.

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Dura lex sed lex

Lune 21 - 23 lunes

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Décidément, il avait vraiment pas d'chance ! C'est toujours quand ils ne sont pas ensembles que Grenouille fait des trucs super-chouettes. La dernière fois, elle avait déjà découvert un nouveau copain avec un truc rouge méga-trop stylé autour du cou qui était très très gentil.
Et là; pire ! Elle revenait avec des giga blessures de super guerrière trop trop forte! Maintenant, qu'il se dit, plus personne y pourra jamais dire que Grenouille elle sait pas s'battre hein! Évidemment; seuls les meilleurs combattants ont ce genre de marques indélébiles. Preuve en la personne d'Étoile Feulante lui-même.

Si les visages environnants sont pour la plupart tordus par l'inquiétude, celui de Crocs Féroces s'étire dans un sourire excité. Bien vite, la foule s'amasse autour de Branche Pâle et sa copine de toujours. Incapable de reconnaître l'horreur de la scène, l'imaginaire du jeune guerrier s'affaire à pondre une histoire héroïque dans laquelle son amie joue le plus beau rôle : celui de la sauveuse, celui qui la fera à jamais rentrer dans l'histoire du Clan de l'Ombre comme elle en rêve.
Et malgré les révélations choquantes de tous les participants; d'abord du chef, puis de Grenouille, de Jolie Rafflésie et enfin de Branche Pâle elle-même par son silence approbateur; et bien malgré tout ça, Crocs Féroces de se persuader que son amie a bravé le danger comme elle le fait toujours. Et alors que la sentence tombe, il s'élance dans la foule pour rejoindre son amie et lui crier qu'elle doit être celle qui porte le coup fatal, celle qui libère le Clan de l'impitoyable Branche Pâle.

Sauf que dans la masse de corps, celui de son oncle le bouscule. Orage d'Or poursuit son chemin sans un regard pour son neveu qu'il vient involontairement d'empêcher de faire une grosse bêtise. Sonné, le matou s'ébroue et récupère la scène en cours, trop tard pour intervenir.
Étoile Feulante s'abat sur la condamnée et l'achève sous les yeux du Clan (presque) tout entier. Jouant de ses épaules pour trouver le premier rang, Crocs Féroces est le premier à s'écrier

« Ouais !! Z'avez vu ?! C'est mon oncle qu'a tué la méchante ! Et voilà!! » Puis, les yeux rivés sur le corps inerte de Branche Pâle, toujours depuis le premier rang : « Faut pas vouloir tuer ma copine parce qu'elle est méga trop forte pour toi!! Nnnh--!! » en tirant sa langue.

Ajoutant de l'horreur à l'exécution par son insouciance sans borne, Crocs Féroces galope alors vers son amie de toujours, le poil ébouriffé par l'excitation. Quelle aventure !
Bientôt, Grenouille lui en racontera sans doute les moindres détails...

HRP:

Dura lex sed lex
Feat. ◊ Clan de l'Ombre
[EXECUTION]

Branche Pâle avait été visitée par une guerrière du clan et avait délaissé ses enfants le temps de cette sortie. Petit Moustique avait vaguement suivi le départ de sa mère des yeux alors que sa silhouette fine disparaissait de la pouponnière. Il s'était alors rapidement redressé, les yeux encore ensommeillé pour poser un regard attentif sur ses deux frères. Si la mère s'éloignait, il était de son devoir de prendre son rôle pour s'occuper et veiller sur Petit Pigeon et Petit Crapaud. Qui l'avait décidé ? Lui seul en réalité. Mais il était de son devoir de le faire. Après tout, il était l'aîné. Quand bien même ce ne soit que d'une grosse poignée de secondes.

Alors il veillait. Roulant des yeux lorsque Petit Crapaud avait ramené une fleur comme trophée, qu'il avait piaillé en expliquant que c'était pour la reine. Et l'aîné avait soupiré de frustration lorsque ce cadeau d'une niaiserie sans faille s'était qui plus est retrouvé écrasée. Elle n'avait plus vraiment fière allure sa petite plante. Et le petit mâle lui avait fait la réflexion d'ailleurs. Mais il fallait croire que rien ne pouvait détacher son frère de son idée lorsqu'il avait décidé de l'exécuter.

Alors qu'il était en plein dans un - énième - sermon sur la tenue que devait avoir ses frères, la voix forte et grave d'Etoile Feulante avait retentie dans la clairière à l'extérieure. Mais Petit Moustique n'en avait pas vraiment tenu compte. Cela ne les concernait pas. Et de toute façon, il y avait mieux à faire ici, comme continuer cette leçon si importante qu'il donnait. Et ce même si sa fratrie semblait peu attentive. Petit Crapaud, lui, voulait sortir. Mais les autres reines lui refusaient l'accès. « Petit Crapaud. Arrête tes bêt- » Sa voix était lente comme à son habitude, pourtant un soupçon d'agacement perçait dans son ton. Mais il n'eut pas l'occasion de terminer sa phrase que son frère avait réussi à se faufiler entre les pattes de leurs gardiennes et cavalait désormais au dehors.

Alors Petit Moustique poussa un soupir passablement agacé, roulant une nouvelle fois les yeux dans ses orbites. Il leva la tête vers l'une des chattes et soupira un simple : « Je vais le chercher. » Et voilà que le gamin se faufilait à son tour par la sortie, profitant certainement des doutes des reines qui ne savaient plus vraiment quoi faire. Marchant calmement il fronça néanmoins les sourcils en sentant cette odeur particulière qui flottait dans l'air. Sa marche se fit plus incertaine. « Petit Crapaud ! » Héla-t-il néanmoins. « J'avais pas fini. Tu aurais au moins pu écouter jusqu'au bout. » Un marmonnement bougon. De toute façon, il n'écoutait jamais ce qu'il pouvait bien dire. Le cri de son frère lui arracha un nouvel air fatigué. Il n'y avait pas à crier ainsi. Branche Pâle n'était pas sourde.

Pourtant, la suite l'inquiéta bien plus. Parce que son frère ne criait plus de joie de retrouver leur mère. Non. Il criait avec panique. Il appelait leur tante. Il appelait à l'aide. Les yeux de l'enfant s'ouvrirent de terreur lorsque, avançant encore pour se frayer un passage à son tour entre les pattes des matous agglutinés, il découvrit la scène. Branche Pâle étendue sur le sol. Des traces sanguinolentes encore fraîches sur son corps inanimés. Petit Crapaud et ses yeux pleins de larmes. Et malgré lui, ses yeux commencèrent à s'humidifier également. Mais il se relevèrent du corps de sa mère pour se lever vers les pattes du meneur. C'était lui. C'était de sa faute. C'était de sa faute si Branche Pâle était dans cet état. C'était de sa faute si leur mère les abandonnait de la sorte. Son regard fut soudain le siège d'émotions mêlées. Sa tristesse faisaient briller les larmes qui s'amoncelaient et une haine féroce semblait y danser également.

Il rebaissa néanmoins les yeux. Comblant les pas qui lui manquaient pour sentir la fourrure du corps déjà refroidissant de la reine. Elle n'avait pas dit au revoir. On lui avait interdit de dire au revoir. Elle n'avait pas dit un mot à ses fils avant de quitter la pouponnière et elle n'avait pas eu le droit de leur dire un quelconque dernier mot avant d'être sauvagement assassinée.

Petit Moustique ne lui pardonnerait jamais. Si c'était ça le chef du clan en qui il devait avoir confiance et à qui il devait tout donner. Il n'en voulait pas. Sa famille lui suffisait. Sa famille... Ses frères lui suffiraient. Ils avaient besoin de lui. Plus que jamais.