Voix cassée || RP libre

Depuis qu’il était tout petit, Nuage de Glycine entraînait sa voix et sa diction. Parce que sa difformité faciale rendait le tout difficile, parler de façon claire et distincte avait été un véritable challenge. Mais à l’époque des premiers mots, quand il ignorait encore que cette face mal foutue était la raison de ses difficultés, il ne s’était jamais laissé abattre par les échecs. Il s’était relevé à chaque fois, convaincu que tous les autres autour de lui avaient exactement la même experience que lui dans l’apprentissage de la parole.

Il avait apprit à articuler, à parler plus lentement, à chercher ses mots avant de parler, à éviter si possible les consonnes labiales quand cela était possible. Éventuellement, surmonter ses échecs l’avait rendu fier de lui, fier de ses progrès, et avait fait de l’usage de sa voix un véritable plaisir.

Nuage de Glycine ne parlait plus trop depuis son baptême. Non pas qu’il n’avait pas envie — il n’avait simplement plus personne à qui parler, ou ne savait pas quoi dire. Il n’osait pas voir sa sœur, souhaitait prendre un peu de distance avec ses parents après tous les récents évènements pour faire le tri dans ses pensées avant d’y retourner. Il n’osait même pas aller voir Nuage de Bécasse, de peur de la repousser avec sa mauvaise humeur actuelle et de perdre cette amie si précieuse.
Sa dispute avec sa sœur l’avait aussi déstabilisé dans l’usage de sa voix. Ça ne lui était plus arrivé depuis longtemps de buter sur les mots et de ne plus savoir parler correctement — et le jour de cette « dispute » fracassante, ce défaut était revenu. Il avait eu l’impression de voir des lunes d’efforts et de progrès s’effondrer sous ses yeux.

Il devait pratiquer. Mais à qui parler ? Il n’avait personne.
Nuage de Glycine sauta sur un tronc d’arbre couché, observa les alentours. Il était seul.

Bien sûr qu’il n’était pas censé être seul, mais faire tourner les guerrier en bourrique était si facile tant qu’il n’avait pas de référent attitré. Il lui suffisait de dire à un guerrier A qu’il partait avec le guerrier B, de dire à ce guerrier B qu’il partait avec D, et de dire à D qu’il partait avec C. À C, il disait simplement qu’il partait avec E, et à E, il répondait qu’il avait déjà prévu de partir avec A. Et il pouvait continuer ainsi toute la journée s’il le fallait — le temps qu’il quitte le camp, fasse ce qu’il voulait faire dans son coin et revienne, ils n’auraient toujours pas fini de démêler ses mensonges et de déterminer avec qui Nuage de Glycine était réellement parti s’entraîner. Il n’avait de toute façon aucune raison de s’inquiéter : chacun d’entre eux pensait qu’il était parti en compagnie d’un adulte. Si A croisait B dans la forêt et le questionnait, B pourrait simplement hausser les épaules et répondre que Nuage de Glycine avait sans doute simplement changé d’avis et était finalement parti avec D et puis voilà.
Tout était si stupide.

L’apprenti se balada dans la forêt, se cachant dès qu’il croisait une patrouille, grimpant même parfois aux branches basses des arbres comme il avait vu son grand-père y monter un jour. Mais lui, il allait plus haut encore. Nuage de Glycine n’y arrivait pas encore.

L’après-midi, il pensa à sa sœur qu’il avait vu au loin dans la pouponnière, toujours sans oser l’approcher. Sa sœur qui avait tellement maigri, qui ne voulait rien manger. Il lui déposait parfois des proies en secret devant la pouponnière, mais elle ne semblait pas vouloir y toucher. Il aurait aimé lui ramener quelque chose de spécial — quelque chose que ni lui ni elle n’avaient déjà mangé auparavant. Mais l’hiver réduisait le nombre de proies présentes, alors espérer tomber sur quelque chose d’exceptionnel relevait du miracle. Parvenir à le capturer seul, à son âge et avec son niveau d’expérience, était une prouesse encore plus miraculeuse — tellement qu’elle en était presque illusoire.

Il croisa éventuellement la route d’un écureuil — boule de feu sur le sol blanc de neige. Par ce qui relevait davantage de la chance du débutant que de la maitrise technique, il réussit à l’attraper et à l’abattre. C’était sa toute première vraie proie. Pas une boule de mousse ou un papillon, mais une créature encore chaude sous ses crocs, qu’il pourrait manger ou faire manger. Et pourtant, il ne parvenait pas à s’en réjouir. Il aurait voulu capturer quelque chose de spécial pour Petite Feuille, pas un vulgaire écureuil comme ils en mangeaient tous depuis qu’ils avaient l’âge de mâcher de la viande. Las, il enterra sa proie sous un gros chêne, et se remit en route. Il viendrait la récupérer plus tard.

Il ne voulait pas rentrer au camp tout de suite. Il détestait la solitude, mais il y avait de rare moment où il arrivait à l’apprécier, et celui-ci en faisait parti. Jamais il n’avait visité les rochers du soleil, mais il en avait entendu parler toute son enfance et dès l’instant où il posa le regard sur ces derniers, il su où il était. En quelques bonds rendus maladroits par sa poussée de croissance adolescente, il atteignit le sommet des rochers. Couverts d’une fine couche de givre, de petites arabesques glacées et brillantes se formaient à sa surface. En contrebas coulait la rivière. Il savait que Source Fleurie y avait déjà amené ses enfants quand ils étaient petits. Parfois, il se demandait si ses chatons auraient demandé à repousser leur baptême, si l’une des sessions de nage s’était mal passée. Mais jamais rien n’avait mal tourné pour le moment.

Nuage de Glycine s’installa sur le rocher qui se réchauffait sous la température de son corps. Il fixait les poissons, attentif, se demandant quel gout ils avaient. Le rythme de l’eau était régulier, et il bascula la tête de droite à gauche selon ce même rythme. Quand il fut enfin calé correctement, il se mit à chanter ce qui lui passait par la tête.

— ♫ Les milles poissons d’hiver
Remontent la rivièr-euh,
La rivière glacée, la rivière gelée.
Les milles poissons d’hiver,
Ils quittent leur maison,
Pour aller explorer,
De nouveaux horizons ♫

Il arriva vite à court d’idée, et décida de toute manière de s’arrêter net lorsqu’il entendit un craquement, derrière lui. Le chant, c’était son petit secret à lui. Ce n’était pas une pratique courante dans la forêt, et il avait peur que ce soit quelque chose de ridicule à leurs yeux. Déjà qu’ils le prenaient pour un imbécile, il ne voulait pas en rajouter.
À découvert sur les rochers, il décida de ne pas bouger, espérant ne pas être repéré par ce qui avait fait craquer la branche — peu importe de qui (ou de quoi) il s’agissait.

La saison des feuilles mortes reprend ses droits sur le paysage et bientôt, les arbres arborent des couleurs plus chaudes, en adéquation avec la fourrure du vieux mâle.
Cœur de Puma arpente son territoire seul, comme il a pris l'habitude de le faire depuis bientôt douze cycles. Depuis le drame.

L'année dernière, c'est sous ces mêmes cimes brunâtres qu'il se jurait de donner du sens. De faire changer les choses. Les moustaches bien basses, il est encore difficile pour le vétéran de tirer la victoire de l'échec. Ses pattes lui semblent plus lourdes à présent; est-ce l'âge ? ... ou bien la culpabilité ? Sans doute la même qui creuse des cernes sous ses yeux.

En errant comme un vieux loup dans la forêt, Cœur de Puma prend le soin d'éviter la vieille bâtisse de Bipèdes, près de la Ville. Cela fait longtemps qu'il n'y a pas mis les pattes mais aujourd'hui, il n'a pas l'impression qu'il serait raisonnable d'y retourner car c'est là que se terrent les plants de cataire.

Après de longues minutes, il se met secrètement à apprécier le silence des environs. Celui-ci le libère du brouhaha incessant du Camp et son lot de stress.
Il se décide à tenter sa chance à la chasse et se perd dans ses propre sens. Les oreilles dressées sur son crâne comme deux radars, le matou roux sombre se laisse guider par les petits bruits de grignotement qu'il parvient à isoler. Bientôt, ses pattes l'emmènent vers un petit rongeur et ses pas se feutrent jusqu'à plier son corps dans une posture qu'il ne connaît que trop bien. Lorsqu'il aperçoit l'animal grisâtre, il échappe un hoquet de surprise; un lérot ? en plein jour ? Cette demi-seconde suffit au gibier à fuir entre deux gros rochers avant même que le félin ne bondisse. Le mâle roux est alors laissé là, hébété.

Gêné par sa propre imperformance, Cœur de Puma décide de mettre fin à sa séance de méditation instinctive et trottine jusqu'à la rivière, comme si l'harmonieux écoulement de celle-ci pouvait chasser le silence; alors seul témoin dérangeant de sa catastrophe.

En approchant par les Rochers du Soleil, le chat balafré perçoit un autre chant que celui de l'eau. D'ordinaire, il aurait fait demi-tour pour remonter la rivière et laisser à chacun un peu d'intimité (après tout, personne n'aime être surpris à pousser la chansonnette) mais le doute a raison de lui : il est incapable de mettre un nom sur cette voix.
Il piétine une fois puis deux avant d'approcher : c'est normal, il pourrait s'agir d'un intrus pêcheur qui prend ses aises ! Il faut vérifier. Alors qu'il avance avec discrétion, histoire de s'assurer qu'il s'agit bien d'un camarade de Clan et non d'un ennemi avant de repartir, une branche cède sous sa patte. Crack !

Il souffle du nez, agacé. Bon, maintenant il est repéré. Ami ou ennemi, il est temps de faire face. Le balafré s'arrache à la végétation jaunissante et se révèle alors à... Nuage de Glycine !

...

Nuage de Glycine ?

Son poil retombe; il regarde à droite puis à gauche.

Juste Nuage de Glycine.

Il ne cache pas sa surprise : « Nuage de Glycine ? » qui se mue bien vite en inquiétude. « Qu'est-ce que tu fais toute seule ? »

Sa queue et ses oreilles retombent à leur tour; une jeune novice qui arpente le territoire seule, ce n'est jamais de bonne augure. Il aurait deux mots à dire à son référent...

Mais d'ailleurs... qui est son référent ?

Parmi tous les chats de la forêt, il fallait que ce soit Cœur de Puma. Génial. Nuage de Glycine continua d’espérer jusqu’au bout un miracle — un coup de pouce tout droit venu du Clan des Étoiles, il n’en savait rien — et ne bougea pas jusqu’à ce qu’il vienne se poster non loin de lui. Incapable de réprimer un soupir, il leva les yeux vers le vétéran.

— Nuage de Glycine ? Qu'est-ce que tu fais toute seule ?
— Et toi, Cœur de Puma ? répondit-il du tac-au-tac. Qu’est ce que tu fais ici, toute seule ?

Il se retenait d’ajouter des remarques plus acerbes. « À ton âge, tu ferais mieux d’être accompagné, non ? Tes articulations doivent te faire souffrir… ce serait dommage qu’un chien affamé par l’hiver te tombe dessus. » Mais il savait qu’il ne se ferait jamais de Cœur de Puma ni un ami ni un allié de choix, alors mieux valait éviter de s’en faire son pire ennemi du Clan. Le guerrier possédait le respect de la majorité des chats du Tonnerre, après tout. Et il était le grand-père de Nuage de Bécasse. Il prendrait donc sur lui, et s’en tiendrait à lui faire remarquer chaque fois qu’il le genrerait au féminin.

— Je me balade, c’est tout, fit-il sur un ton plus neutre. J’ai entendu la rivière et ça m’a intrigué, donc je suis venu. C’est joli.

Rien d’autre à ajouter. Il fit court, simple et précis, et espérait désormais que Cœur de Puma se contenterait de cela, et partirait dans un haussement d’épaules agacé.

Il n’était sans doute pas au bout de ses peines.

Les oreilles du vétéran tiquent au contre-uno de l'apprentie. Cependant, il ne lui en tient pas rigueur. Cœur de Puma s'est déjà fait un avis bien tranché au sujet de Nuage de Glycine et répondre pic par pic ne l'intéresse nullement. A la place, il soutient le regard de la jeune féline comme si de rien n'était.

Cela semble payer puisqu'elle poursuit justement :

« Je me balade, c’est tout. J’ai entendu la rivière et ça m’a intrigué, donc je suis venu. C’est joli. »

Ses yeux explorent alors les environs avec plus de curiosité. C'est vrai que c'est joli.

« L'écoulement de l'eau est apaisant. » confirme-t-il, comme lui-même relaxé.

Puis, le vieux mâle prend le temps de marcher un peu, laissant à la novice son propre espace. S'installant à quelques longueurs de queue de renard, il observe la rive voisine et reprend

« J'imagine que tu connais déjà les nombreuses histoires de guerre autour de ce lieu. » Il marque une longue pause avant d'ajouter, avec un ton plus magistral : « Dans quelques lunes, la rivière sera sans doute gelée. » Et le Clan d'en face affamé. « C'est... différent. Plus dangereux aussi; et encore davantage lorsque la glace font à la belle saison et que le courant s'intensifie. »

Une inquiétude en chasse une autre, n'est-ce pas ? C'est là l'éternel cycle.
Cette sortie aura au moins fait germer en lui une nouvelle idée de leçon pour les apprentis; les dangers de la rivière.
Après les dangers du chemin du Tonnerre, les dangers des marais, les dangers des landes, les dangers des bois et les dangers de la ville, aucun doute : ce nouvel opus va faire fureur !

HRP:

Sans surprise, la jeune femelle rebondit à ses mots. Cela doit lui sembler étrange, tout à coup, d'être libre de toute tension inutile. Il doit dire que ça lui fait drôle aussi et tout à la fois, cela lui paraît naturel. Nuage de Glycine n'est qu'une novice turbulente, en divagation sur leur territoire mais rien de plus grave.

Après sa leçon d'histoire, la petite demande, tout en penchant sa tête vers l'eau :

« C’est vrai que quand elle est gelée, on peut marcher dessus ? J’aimerais bien essayer. Ça doit être marrant. »

Marcher sur l'eau ?
Surprotecteur, le vétéran se retient alors d'éloigner l'enfant de cette eau assassine. Mais aussi, il ravale son interdiction.

L'interdire de quoi ? Elle est déjà toute seule au beau milieu de nulle part alors qu'elle n'est sans doute même pas capable de repousser un chat de son âge.
Cœur de Puma soupire.

« C'est très dangereux. Bêtement dangereux, même. » Comme il se sent vieux et con, soudain... « Le jour où il te prendra l'envie d'essayer : ne sois pas seule. » Ce jour arrivera quoi qu'il puisse lui dire, de toute façon.

« Si la glace se brise sous ton poids, tu risques de tomber dans l'eau glaciale. Jusque là, ça peut avoir juste l'air désagréable mais ça devient vite pire. » Il se tourne vers elle : la leçon commence.

« Première possibilité : tu es chanceuse; tu as réussi à garder la tête hors de l'eau. Naturellement, tu vas essayer de remonter sur la glace, puisque personne n'aurait envie de rester dans l'eau gelée; pas même les guerriers du Clan de la Rivière ! Si la glace est assez épaisse, tu arriveras peut-être à t'y tenir pour ne pas couler voire même tu pourras t'y hisser : ce sera très glissant, il te faudra y planter tes griffes et c'est fatiguant. Cependant, si la glace est plus fine, dès que tu essaieras de t'appuyer pour remonter, elle cèdera à nouveau, encore et encore tant et si bien que tu seras très vite épuisée et que tu risques de lâcher. »

Bien qu'il tienne son rôle de professeur à merveille (les années aidant), Cœur de Puma ne déblatère pas tout ça sans émotion. Tout ce qu'il sait sur la glace, ce sont des choses qui sont arrivés à des chats, avant même qu'il naisse et encore bien après. Il ne l'oublie pas et c'est justement pour ça qu'il insiste en poursuivant le cours à la deuxième personne :

« Dans le second cas, tu plonges complètement quand la glace se brise sous ton poids et le courant t'emporte plus loin sous l'eau. Au dessus, impossible de savoir où tu es et tu te noies sous la glace. »

Il laisse un petit silence pour marquer ses mots.

Seulement lorsqu'il sort de son rôle, Cœur de Puma fait face à un chaton. Et soudain, il trouve son approche brutale voire grossière.
Mais Nuage de Glycine est un chaton curieux. Comme Nuage de Rossignol. Il regarde ses pattes, désolé.

Sa gorge se noue alors mais le vétéran lutte pour sortir ses derniers mots sans laisser paraître le poids de son cœur.

« Je veux simplement que tu saches. », pudique.

Il aurait voulu continuer des heures à justifier un tel discours; à s'excuser aussi mais rien d'autre ne sort. Rien d'autre n'échappe à la vive chaleur qui le tétanise soudain, nourrie par l'image rayonnante d'une autre apprentie aux marbrure brunes et au regard ambré plein de malice, celle dont il ne saurait oublier le nom.

HRP:

Parfois, il arrivait des moments où Nuage de Glycine oubliait tous les petits tracas de la vie. Où ses peines et ses angoisses disparaissaient le temps de quelques minutes, pour le laisser se concentrer sur l’instant présent. Ce moment là était l’un d’entre eux. L’apprenti, les oreilles bien dressées sur son crâne, écoutait ce que lui racontait Cœur de Puma. Il lui parlait du danger de l’eau gelée, l’eau qui dort sous la couche de glace et qui attend sa proie. Et puis…

— Première possibilité : tu es chanceuse…

Ses oreilles se plaquèrent sur son crâne, et sa queue, derrière lui, martela la roche froide de trois coups violents. Ça y est, le moment était brisé. Nuage de Glycine arrêta d’écouter presque instantanément. Désormais, le vétéran parlait dans le vide.
C’était énervant. Parce que le sujet était interessant, mais si Cœur de Puma ne faisait aucun effort pour au moins essayer, alors lui-non plus n’en ferait aucun. « Respecter » ses ainés, c’était bien beau — mais le respect, ça allait dans les deux sens, normalement.

Ça devenait long.

L’apprenti à la crinière fronça les sourcils, se permit un bâillement nonchalant, se retourna pour regarder les pigeons ramiers et les corneilles qui se baladaient de branche en branche dans la forêt. Quand il eut enfin fini son discours, Nuage de Glycine se leva, s’étira de tout son long pour se débarrasser de la tension et descendit des rochers pour se rapprocher de la rivière. Il ne s’approcha pas de la rive, conservant une certaine distance entre lui et elle. Il n’avait pas envie de voir son reflet, qu’il évitait toujours depuis qu’il avait vu la première fois sa face dans une flaque — sa face si laide par rapport à celle de Petite Feuille ou des enfants de Source.

À la surface de l’eau, des ondes se formaient, s’étalaient pour enfin disparaitre. Ici, là et là-bas. Un petit morceau de feuille morte qui flottait au vent termina sa course dans la rivière. Pendant quelques secondes, il resta tranquille, suspendu à la surface. Et d’un coup, plus rien. Une onde plus forte que les autres avait remplacé le morceau de feuille, puis tout redevint comme avant.

— J’crois que j’ai vu un poisson.

Il échappe un soupir. De toute évidence, Nuage de Glycine n'a rien écouté de sa leçon. Il faut dire que ça ne l'étonne pas; ce n'est pas l'attention de Cœur de Puma qu'elle veut, n'est-ce pas ?

Ignorant la remarque de la novice, le vétéran se fait aussi patient que possible, reprenant sur un ton calme.

« Nuage de Glycine. » pour l'interpeler. « Tu es apprentie; le but, c'est que tu apprennes. Qu'est-ce que je viens de te raconter ? » Puis, plus avenant : « Concentre-toi. »

Oh, il se doute bien que la féline ne saura pas lui répéter grand-chose; puisqu'elle n'a pas écouté. Heureusement pour lui, Flocon d'Amour est passée par là et on peut dire qu'elle a affûté la patience du mâle roux sombre. Très souvent dans ses pensées et distraite, sa première novice n'en est pas devenue une mauvaise chasseresse pour autant !

Adoptant une attitude détendue en se remémorant ses entraînements avec la reine aux yeux vairons, Cœur de Puma laisse tout le temps à Nuage de Glycine de lui répondre.