Pas d'Emmerdes

À cette réponse, le bengal eut un soubresaut de la tête.

— Whoa. Il papillona des cils, momentanément éberlué d'ombres et lumières, le temps de calibrer son esprit — et ses yeux — à tout ce que cette révélation venait d'insinuer. ...Tu veux dire que t'étais un gosse, à cette époque?

Étoile Foudroyante dévisagea de bas en haut le Géant Noir, sans se gêner de faire la moue.

— Eh bah.   Tu fais pas ton âge.

Ou était-ce plutôt lui-même qui ne faisait pas le sien?

Du nez, il suivit le regard de son homologue qui s'arrêta sur son corps. Qu'est-ce qui pouvait bien l'attirer? La forme de ses marbrures, qu'ils se partageaient? Ces poils ardoise qui se charbonnaient à la crête du dos? Non — en plissant les paupières, en haussant un sourcil, Étoile Foudroyante compris. Tout ce qu'Étoile Feulante se contentait de faire était de lui retourner sa question.

Alors il battit d'une oreille. Spécifiquement, celle poinçonnée de deux trous.

— Étoile de Suie, avant qu'elle me baise.

Ils avaient guéris depuis, mais les trous ne s'étaient jamais refermés. Parfois, il ressentait l'air froid s'y immiscer, comme le dernier souffle d'une ancienne époque refusant de se taire. Ses oreilles n'avaient que faire de leurs sornettes, et pourtant il en entendait les graines se semer dans le discours des nouvelles générations qui se croyaient meilleures que leurs prédecesseurs.

Il désigna d'un tour de griffe le visage de son interlocuteur.

— Ça aussi c'est de la part des Lunar Pods?

La surprise du bengal se révéla par une pause au cours de sa phrase ainsi que par l'expression nouvelle qui se dessina sur sa mine sombre.

" Whoa. ...Tu veux dire que t'étais un gosse, à cette époque?
— Mh-mh.
— Eh bah. Tu fais pas ton âge."

Leurs regards, aux couleurs aussi chaudes l'un que l'autre, se croisèrent. Foudre lu sur celui de l'ombreux la question qui venait de germer au fond de son esprit et y apporta réponse sans même fut-elle prononcée.

" Étoile de Suie, avant qu'elle me baise. "

Ah- mais, y'avait-il un chat dans Cerfblanc qu'il n'avait pas baisé?

"La trainée du tonnerre" Esprit Soucieux grondait à son sujet. Feulement supposait que tout surnom avait des racines plus ou moins fondées.

" Ça aussi c'est de la part des Lunar Pods?
— Aussi. "

D'un nouveau coup de croc dans la pulpe tendre de l'écureuil il chassa le souvenir qui avait marqué son visage. Il est dit que les enfants oublient leurs plus jeunes jours avec l'âge... mais la brute n'avait jamais oubliée. elle essayait pourtant, alors le temps n'était peut-être pas un aussi bon docteur qu'on le ventait d'être.

Ses surnoms à lui, il ne les avaient pas hérité par cruauté mais parce que par moment il ne pouvait contrôler ses griffes. Elles réagissaient à la surprise, à la douleur, à la colère où même à la peur. Une odeur, une image, un son, un mot.

Cette rage, instinctive, de se battre pour vivre— souvent démesurée.

Elle l'avait bien aidé tout comme elle lui avait causé de nombreux tords. Au fil des années il l'avait apprivoisée, mais bête têtue, elle échappait occasionnellement à sa muselière.

De retour à Foudre.

Son épaule, de la baise aussi? Drôle de mœurs. Etoile Feulante ne se souvenait pas avoir écorché Muguet vivante lorsqu'il lui avait fait des gosses.

Non, ce n'était probablement pas ça. Le roi du Tonnerre n'était pas très populaire, d'ailleurs avec tant d'ennemis à son nom, c'était une surprise que son corps ne soit pas davantage zébré plutôt que marbré.

Quels enfoirés de s'en prendre au visage d'un gosse... Ce n'était pas la même chose que quand Petite Glycine avait griffé Petite Tempête, dans leur Clan. La blessure avait fait mal, et lui avait marqué le museau, mais elle finirait par s'amincir, avec le temps. Une blessure ne grandissait pas avec les tissus d'un corps. Rien qu'à en juger par l'épaisseur qu'elle prenait sur la pente du museau du Géant, glissant le coin de la truffe avant de lui attrapper la lèvre et le menton, Étoile Foudroyante pouvait sans mal s'imaginer le carnage aux racines d'un petit corps cloué de force à la sauvagerie du Culte de la Lune.

— ... Putain, fut tout ce qu'il maugréa en secouant la tête, s'efforçant de plisser tout ses traits faciaux en grimace.

Car s'il lui arrivait parfois de rêver de livrer des punitions irréparables sur ses médisants ou les fauteurs de trouble du Tonnerre, Étoile Foudroyante était aussi un chat qui haïssait gaspiller, et de savoir que tout le potentiel du géant à sombre plume serait à jamais muré derrière sa peur viscérale, son mutisme et ses oreilles déchiquetées, il ne put s'empêcher de ressentir un profond et indéniable dégoût.

À Lapin aussi, on avait lacéré le visage. Et maintenant qu'il y pensait, à Moineau (pour tuer sa curiosité), à Source (pour lui marquer ses mensonges). Étoile Foudroyante abaissa une oreille en se rappelant la strie qui avait failli lui prendre ses yeux, gracieuseté son propre ami Raton-Laveur. Le souvenir s'embrouilla - il se vit lui-même victime et assaillant, par les yeux de Raton, ressentant tout son pic de haine mais aussi tous les cycles de souffrance s'ensuivant et la flamme brûlante, consummante de son ultime pardon.

La Compassion l'étrangla à la gorge comme un étau; il sortit de sa contemplation d'une inspiration sèche, croisant les yeux du Géant de l'Ombre qui avait ensuite dirigé son attention sur le creux de son épaule, là où les chats n'avaient pas de clavicules.

...Hm.

— ... Secret du Firmament, pendant.

Son sourire s'attendrit malgré lui. C'était bien là l'oeuvre d'une guérisseuse: cette marque était trop propre. Elle aurait disparue s'il n'insistait pas autant à la rouvrir. Il lui arrivait de se demander, parfois, s'il restait bien une trace des griffes de Fifi dedans, ou si les siennes n'avaient pas grattées les seules empreintes qu'il lui restait d'elle.

Pris entre deux Vies, Étoile Foudroyante ignora sa détresse psychique et souleva une patte, désignant le dos de celle-ci au Géant. Au poignet s'entrecroisait la cicatrice d'un X dans l'ocelle.

— On... a fait deux portées.

Il haussa une épaule. À quoi bon remuer la chose? Il doutait que ce soit avec Feulement qu'il puisse s'épancher de tous les sentiments contradictoires qu'il avait eus pour elle. Plutôt, il s'affaira à replonger le nez dans la carcasse afin d'en extraire une généreuse bouchée à nouveau. Toutefois, c'est en se penchant et en pivotant les oreilles vers l'extérieur - une habitude qu'il avait depuis l'époque où son image s'était emparée de son identité - qu'il vit quelque chose chatouiller sa périphérie.

Les poils qui lui sortaient de ses oreilles, calcinés au bout. Étoile Foudroyante se donna un coup de langue au nez et à la babine, s'empêchant de justesse d'avaler de travers.

Non. C'était au tour de Feulement. Ils n'avaient pas établis de règles, mais il ne voulait pas y déroger quand même, alors tout comme lui sa question se fit en silence, plongeant ses yeux jaune dans ceux du Géant pour ensuite couler son attention vers les petites brisures sur ses pattes.

C'était plus fort que lui, mais elles n'étaient pas sans lui rappeler celles de Bec Croisé, à l'époque, et leur tragique origine.

" ... Putain " Expira Foudre, semblant peiner à digérer l'information.

Puis leur conversation, semi-silencieuse, semi-parlée, reprit son cours. L'attention de l'ainé coula le long de son épaule, sur la marque de chaire qui sût retourner son sourire.

" ... Secret du Firmament, pendant. "

A croire qu'Etoile Feulante avait vu juste.

" On... a fait deux portées. "

Ajouta le bengal tout en étirant une patte vers son voisin. Un X y découpait sa pelisse, énième cadeau empoisonné de ses amantes. Le géant noir redressa un sourcil mais ne fit aucun commentaire, ne mouvant ses lèvres que pour mâcher la viande filandreuse de son repas. La balle fut ensuite dans le camp du Tonnerre qui glissa son regard sur les membres antérieurs de ce dernier.

A son tour donc, la brute replongea dans ses souvenirs.

Ces cicatrices-là... Il n'en était plus vraiment sûr. La bataille contre le vent peut-être? Une trace de l'éducation de Feuille de Houx? Un combat dont l'origine lui échappait? Un grand mix de tout, certainement.

Sa fourrure voilait tant d'autres histoires gravées dans le creux de sa peau, certaines plus glorieuses que d'autres mais nulles très juste. Il avait été agneau sacrificiel, il avait été soldat en guerre.

Bourreau sous le règne d'un roi fou,

Général à la tête d'une troupe.

Toutes ses bagarres n'avaient pas été mémorables, ou du moins pas assez pour qu'il puisse leur attribuer une balafre. Celles qui ornaient ses pattes étaient vieilles, elles s'en allaient et revenaient au fil des années.

Il déplia ses quatre phalanges avant de les rétracter, pensif.

" J'sais plus. Probablement un accrochage de frontière. "

Il ne fallut pas longtemps pour que Feulement finisse sa part de la bête. Petit, la nourriture n'était pas un droit mais une récompense. Il fallait se battre pour manger et se dépêcher avant que son maigre butin ne soit arraché par quelqu'un de plus grand et de plus fort. L'habitude ne l'avait jamais quitté.

" Moins vite, tu vas t'étouffer. " Avait souvent râler son père, d'ailleurs, il continuait de le faire à ce jour.

Une langue rose et râpeuse vint humidifier ses babines et c'est satisfait de son déjeuner qu'il s'abaissa au sol. Ses coudes se plièrent avant de s'aplatir devant lui tandis que ses pattes arrières se couchèrent toute deux du même côté.

Alors ses yeux d'ambre ne quittèrent plus le félin d'en face.

Devait-il encore questionner les marques que portait son corps? Ou partageaient-elles toute la même genèse?

Accompagnant leur repas et sa question fut un long silence, où tout deux ne détachaient plus leur attention respective de ces stries sur les avant-mains du Géant de l'Ombre. Étoile Feulante, même taciturne, prenait, lui aussi, leur étrange échange au sérieux. Ses griffes rentrèrent dans leurs fourreaux, une image rare venant d'un Géant que d'aussi loin Étoile Foudroyante se souvenait, les maintenait presque toujours visibles (et qu'il savait désormais pourquoi), réduisant ses pattes à de grosses mitaine aux poils traînants.

— J'sais plus. Si l'effort de chercher avait été honnête, celui de s'accepter vaincu l'était davantage. Probablement un accrochage de frontière, lui dit Feulement.
— Je vois.

Et tandis que l'homologue entamait son ultime bouchée de l'écureuil, atteignant son seuil d'appétit, Étoile Foudroyante lui fit part du fond de sa pensée, poussé à répondre de la même honnêteté.

— Ça me rassure, lui dit-il alors. Mon fils a des marques similaires, mais elles ont été faites de ses propres griffes.

Il n'avait jamais été un père modèle - quoi que c'eut signifié - et, bien sûr, ne l'était sûrement pas de nos jours, mais pourtant il se rappelait, au détour de trois ou six trous de mémoire, ce sentiment sans nom qui lui avait enserré la gorge comme maintenant, lui arrachant toutes sorte de mots mal-ficellés de la bouche quand il avait deviné la présence de ses marques dites d'une "esbrouffe de frontière". Il ne pouvait en vouloir à Bec car s'il y avait bien une seule émotion forte qu'il était capable de déchiffrer, c'était bien le dégoût de soi.

L'auto-dérision, souvent menée vers l'auto-mutilation.

Devant lui, le géant se pourlécha les babines, repliant les coudes en prenant les aises d'une pré-sieste après-repas. Étoile Foudroyante baissa momentanément les yeux sur l'écureuil, se demandant s'il avait encore faim, mais c'est en sentant l'attention du géant sur lui, plutôt qu'ailleurs sur son corps, qu'il se redressa pour lui renvoyer la même inquisition dans le regard. En avait-il assez? Le chassait-il de son territoire? Sa méfiance s'était endormie pendant le partage (une victoire qui lui fit onduler la queue) mais il restait au bengal une dernière "cicatrice" à évoquer au Géant afin de lui faire comprendre voir les moindres couleurs de son auto-portrait.

Alors il inspira. Sortit les griffes et souleva ses épaules de sorte à s'asseoir et à s'étirer en hauteur plutôt qu'en hauteur, remuant le postérieur et la croupe en le torsadant à demi afin d'exhiber au Géant la cape d'ombre sur son dos de charbon, et, si on plissait un peu les paupières, si on penchait un peu la tête, si les rayons du soleil les frôlait dans le bon angle, le lustre roussi qui en ressortait.

D'une patte, il chassa les longs poils calcinés qui ressortaient de ses oreilles:

— ...Un éclair, gracieuseté des Étoiles.

Le cri d'une pie tira l'une des oreilles du gros matou en arrière, puis un autre, en avant. Deux oiseaux vêtus de noir et de blanc se chassaient dans les branches du cèdre calciné. Probablement souhaitaient-ils se joindre au repas, bruyants mais trop timides pour se poser près des chats.

" Ça me rassure, Mon fils a des marques similaires, mais elles ont été faites de ses propres griffes. "

Par ses propres griffes ? Blesser sa propre chaire? La queue d'Etoile Feulante se courba légèrement, interrogatrice.

Pas assez sensible pour décortiquer les subtilités de l'âme et de ses tourments, il trouva l'idée de s'affliger des blessures incompréhensible autant qu'idiote. A l'encontre même de l'instinct de préservation qui régissait sa vie.

Ses yeux plissèrent, il ne pouvait imaginer faire quelque chose d'aussi contre-productif.

Foudre reprit la visite de son anatomie, enroulant son corps pour exposer son dos au meneur de l'ombre. Il joua ensuite avec le poil fauve qui éruptait de ses oreilles, désignant du bout de ses griffes les nuances sombres qui venaient en noircir les pointes.

" ...Un éclair, gracieuseté des Étoiles. "

Surpris par l'absurdité de ses propos, Feulement fronça légèrement des sourcils avant que tout deux s'arque par-dessus ses paupières mi-closes.

" Tu t'es pris un éclair dans la gueule? "

Le bengal devait se foutre de lui. En voilà une autre image qui lui paraissait ridicule, que les étoiles dans un élan de colère déchire les cieux d'un coup de foudre pour venir frapper le dénommé Etoile Foudrayante. Il en aurait presque rigolé.

Même le traumatisme de son enfance ne put empêcher à Étoile Feulante de froncer les sourcils, momentanément interdit, avant de les hausser bien haut sur une expression désabusée qu'avait partagé si souvent Étoile Foudroyante.

— Tu t'es pris un éclair dans la gueule?

Si Étoile Feulante aurait presque rigolé, Étoile Foudroyante, lui, ricana sous cape, secouant sa tête, sa Compassion se livrant une bataille féroce avec son auto-dérision.

— Ha _ha ha, pas facile à gober, hein...?

Agacé, sa queue balaya le sol, et le bengal releva ses yeux sur le mouvement dans les branches de l'arbre dont l'écorce avait subi le même châtiment que son dos.

— Crois-moi, j'aurais aimé l'avoir en baisant.  Je venais de baptiser des apprentis. À leur âge, mes gosses ont eus des tas de problèmes avec leurs mentors - abus, négligence, maladie... Je me suis dit que ce serait mieux pour tous qu'ils puissent choisir plusieurs mentors au lieu d'un seul, pour que leur éducation et leur intégration aux tâches du campement devienne une affaire de Clan.

C'est alors qu'un rictus échappa à sa vigilance, jaune et serré et suintant de tout le mépris que son corps mort et vivant était capable de secréter.

— Les Étoiles avaient... d'autres plans.

Il entendit l'écho de sa voix se projeter du bec des pies du haut du cèdre calciné.

Les É-toiles?


Les É-toiles!

En recourbant sa queue contre lui, Étoile Foudroyante se renfrogna, féroce d'un sourire compressé mais enfin pudique d'avoir confié à l'autre la souche de ses plus grandes vulnérabilités.

Le meneur du Tonnerre fut secouée d'un ricanement.

" Ha ha ha, pas facile à gober, hein...? " Sa queue fouetta l'air et il continua, " Crois-moi, j'aurais aimé l'avoir en baisant. Je venais de baptiser des apprentis. À leur âge, mes gosses ont eus des tas de problèmes avec leurs mentors - abus, négligence, maladie... Je me suis dit que ce serait mieux pour tous qu'ils puissent choisir plusieurs mentors au lieu d'un seul, pour que leur éducation et leur intégration aux tâches du campement devienne une affaire de Clan. "

Feulement lui-même avait été jeté aux griffes de deux "mentors" et les jours passés sous leur tutelle n'avaient pas été doux. Alors il préférait laisser les élèves choisir leurs professeurs. Qu'ils fassent parti de la famille, qu'ils soient un guérisseur ou un ami, la réponse était presque toujours oui. Du moins tant qu'il ne s’agissait pas de demander sa supervision, c'est que le chef de l'ombre avait d'autres choses à faire que de s'occuper des mômes d'autrui.

" Les Étoiles avaient... d'autres plans. "

Elles n'avaient foudroyées personne lorsque la tribu avait arrachée des enfants à leurs mères, ni lorsque l'on avait tenté d'empoisonner Muguet ou encore lorsque qu'Oeil Vert avait décidé de faire exécuter les siens au nom de simple rumeurs.

Comme quoi, les étoiles choisissaient leurs batailles.

" C'est qu'elles doivent vraiment se faire chier là-haut. "

Les pies jacassèrent, s'appliquant à moquer le récit de Foudre. Son voisin peinait encore à y croire, mais après tout, ce ne serait pas la première fois que le comportement hasardeux de leurs ancêtres viendrait à le décevoir.

Il dressa une patte à son museau et entama la toilette des longs poils qui poussaient entre ses doigts.

Contre toute attente, la réponse d'Étoile Feulante ne contint aucune trace de jugement traditionnel, aucune platitude quant au grand dessein des Cieux ou une autre connerie. Ce qui lui sortit de sa bouche fut aussi gras que cru:

— C'est qu'elles doivent vraiment se faire chier là-haut.
— Ha! Son rire, cassant cette fois, ne se mesurait plus sous-cape. Étoile Foudroyante dodelina plus franchement de la tête en se surprenant à glousser, allégeant les tensions de ses épaules jusqu'à la queue. Pfft-- ha hah hah ha hah!

Eh bien, ils s'entendaient sur ce point! Lui qui croyait devoir laisser les "politiques" de l'autre côté de la frontière, ha! Cette bouffée de soulagement lui redonna confiance. Profitant de la glace cassée, Étoile Foudroyante se faufila, joueur, entre les mots de l'autre meneur.

— Ohh? chantonna le bengal, imitant son homologue en entreprenant lui aussi une toilette entre ses coussinets. Tu n'es pas l'un de ces férus croyants?

Aux dernières nouvelles, Étoile Feulante avait choisi un guérisseur afin de le seconder. Et pas n'importe lequel.

La remarque de Feulement suffit à arracher un éclat de rire à son voisin qui, après avoir reprit son souffle, s'arma d'un intérêt revigoré:

"Ohh? Tu n'es pas l'un de ces férus croyants? "

Ironiquement, non.

Fils d'un serviteur dévoué aux étoiles, lui-même couronné par ces dernières, on viendrait à croire qu'il suivait leur volonté avec révérence. Pourtant, ayant vu son enfance volée par la lune et son adolescence maudite par les chats qui partageaient son sang, il avait appris à mépriser les clans et leurs règles dépassées. Ces guerres futiles qui n'avaient pour cause que l'avarice et des textes vieux de dizaines d'années. Cette haine d'autrui, ce poison qui divisait les félins de Cerfblanc lorsque leurs territoires suffisaient amplement à les nourrir. Cette trêve mensuelle qui, sous des faux airs de bienveillance, ne servait qu'à un "concours de bite" comme l'avait décrite Foudre.

Et puis cette fierté, celle qui causait tout leurs tords. Celle des morts comme celle des vivants.

Il suffisait de voir la vie choyée de certains étrangers pour deviner l'idiotie de ceux qui se trainaient à travers boue, la famine et les batailles parce qu'un fantôme sans visage leur avait exigé de le faire.

La plupart des guerriers n'avaient jamais rencontré les étoiles d'eux-mêmes et pourtant ils se pensaient braves à mourir pour elles.

Jusqu’à la cérémonie de ses neuf vies, Il avait souvent douté de leur existence.

" J'y crois. " Comme il croyait qu'il fallait laisser les morts mourir.

Il en avait des choses à dire mais sa réponse fut aussi courte que les précédentes. Le chef choisissait précautionneusement avec qui tenir ce genre de discours. Certes, le bengal n'avait pas eut peur de beugler son amertume pour les traditions à la dernière assemblée, mais il avait aussi déterré de nombreux secrets pour les exposer à la vue de tous.

Il était provocateur, il désirait prouver quelque chose et Feulement ne voulait pas devenir l'un de ses pions.

Alors oui, il respectait sa façon de pensée... mais à distance.