Les pattes velues | Petite Araignée

Petite Pie fut la première à comprendre, et fut la première (et la seule) à se mettre à rire. Elle tapa l'épaule de Lune, confondant davantage cette-dernière avant de lui diriger une patte vers le problème qui se trouvait entre celles de leur soeur.

— Tu hurles parce que tu sais pas te retenir de faire pipi ? T'es un bébé ou quoi ? Pie l'embobina à l'histoire: T'as vu, Lune ? Bah ouais que Lune elle voyait. ...Mais qu'est-ce qu'elle voyait, en fait? Elle s'est fait pipi dessus pour rien !

Oh, non!

Pourquoi Petite Araignée ne leur avait pas dit qu'elle avait envie d'aller faire pipi? Elles auraient pu y aller ensemble...

Petite Pie se boucha les narines, exagérant une véritable moue de dégoût en les plissant sous sa patte.

— Oh ! Tu sens si fort le pipi ! qu'elle dit. Puis, C'est horrible !

Perplexe, Lune se mit à renifler l'air, se retrouvant penaude à sentir "normal" le pipi à un degré pas bien plus fort que d'habitude. Mais quelque chose avait encore changé, chez Araignée, et c'était pas juste parce-qu'elle était dehors avec elles. ARRETE ! Quelque chose piqua une patte à Araignée et la lui fit voler en plein dans le nez de... Petite Pie!

Oh! Lune sursauta, sa queue en triangle bien haute sur sa croupe, parce-qu'ensuite Petite Araignée replia sa patte velue, ses pupilles se rétrécissant en toutes petites fentes, englouties par le bleu de ses iris, et elle eut un mouvement de recul comme si elle voulut reprendre son coup.

Sauf que Maman disait qu'on reprenait pas nos coups.

— Peu...pa...pardon !
— Oh!   fit Lune, immédiatement.

Ça ne pouvait signifier qu'une seule chose...

Les yeux de Lune s'allumèrent d'une véritable constellation d'étoiles, brillant des feux ardents de tous leurs ancêtres des Quatre Clans réunis; Lune décocha un second coup de patte au museau de Petite Pie!

— Hihihi!  Baaaston!!

Elle s'accroupit dans l'herbe, levant haute sa croupe, riant de bon coeur en se laissant emporter par le plaisir simple de jouer avec ses soeurs.

« ARRETE ! »

Pam.

Ce n'était rien, Pam.

Petite Pie cligna plusieurs fois des yeux, surprise. Son museau lui fit tout bizarre, il était tout chaud. Elle n'avait pas mal- Araignée n'était pas assez forte pour ça. Mais elle se souvenait de l'empreinte de ses coussinets, là, sur son museau, comme une sensation chaude.
Elle posa les yeux sur elle. Des billes noires, rondes, qui reflétaient le visage désolé de sa sœur, qui lui renvoyait en miroir ses excuses bidons. Désolée ?

Elle allait avoir des raisons d'être désolée. L'ennemie numéro 1, voilà ce que la petite peste voyait, devant elle. Oh, ouais, elle allait lui faire ravaler son coup. De quel droit elle se permettait de lever la patte sur elle ? Pour en suite chialer ? Et puis quoi encore ! Si elle voulait être une victime elle-...

POM !

Ca, c'était autre chose.

Petite Pie sentit sa tête être emportée par la force du coup. Son menton s'enfonça dans l'herbe et son corps réagit avant elle, reculant en relevant le museau, les yeux fermés. Quand elle les rouvrit, c'est son poil qui se hérissa furieusement, la queue droite et gonflée et les yeux fous.

Elle les posa sur Lune.

Comment ça, Lune osait la trahir ? ELLE ?

Petite Pie feula, les pupilles droites, fendues, des traits noirs tout plein de rage.

« La ferme, gros tas stupide ! De quel droit tu me tape, d'abord ?! J'vais l'dire à maman, vous serez punis ! Et si elle vous punit pas, j'vous mettrais la misère ! » Gueula-t-elle de sa voix toute aiguë, furieuse.
Elle ouvrait la gueule, parlait si vite que ses lèvres peinaient à suivre et qu'elle se mettait à cracher sans le vouloir. Et, sans s'en rendre compte, un peu de sang se mêlait à ses postillons, se glissa dans sa gueule, entre ses dents.

Un POM !, ça vaut bien un petit saignement de nez, non ?

HRP:

Mais plutôt que de se mettre à jouer, Petite Pie se gonfla, se tendit, et s'évertua:

— La ferme, gros tas stupide ! De quel droit tu me tapes, d'abord ?! J'vais l'dire à maman, vous serez punies ! Et si elle vous punit pas, j'vous mettrais la misère !

D'à terre, Lune fit la moue, se redressant avec un petit soupir exaspéré.

— ...Mais non Petite Pie, t'as pas compris, l'idée c'est qu'ensuite, c'est toi qui me donnes un coup...

Qu'elle sache, Araignée avait décidée de jouer à la baston avec ses pattes, pas avec ses mots... Ça lui faisait quand même drôle de voir sa soeur, d'habitude un génie, ne pas comprendre quelque chose d'aussi simple...

Une branche craqua, et ce fut à Lune de sursauter, rebondissant d'un sourire aux babines en basculant sa tête pour apercevoir à l'envers Araignée prendre ses pattes à son cou. Oh! Lune faisait erreur, elles ne jouaient pas à la bagarre, elles jouaient à se pourchasser! Lune piétina dans l'herbe en se redressant, lançant à Pie:

— Si tu veux pas jouer à la baston, est-ce que tu veux jouer à courir? Et en se cabrant sur ses pattes, Lune se mit à galoper, l'allure pataude, à la suite de leur jeune soeur effrayée. Celle qui gagne c'est celle qui attrape Araignée!

« ...Mais non Petite Pie, t'as pas compris, l'idée c'est qu'ensuite, c'est toi qui me donnes un coup... »

D'accord, Petite Pie comprenait. Sa sœur était une attardée, voilà tout. Il fallait donc qu'elle, Pie, sache correctement la canaliser si elle ne voulait pas se prendre de nouveaux coups dans le museau.
Pour l'heure, elle était furieuse et, la respiration rapide, elle prit une pause le temps d'envisager ce qu'elle pourrait bien feuler aux oreilles de son attardée de sœur pour lui faire regretter son acte - rien, sans doute, trop bête pour être blessée.

CRACK !

Pie reporta lentement son regard sur la seconde idiote. Mais que croyait-elle faire ? Pensait-elle qu'il lui suffirait de fuir pour échapper à sa colère ? Furieuse, la gamine cendrée la fixa sans rien dire et elle la regarda s'enfuir à toute jambe.

« Si tu veux pas jouer à la baston, est-ce que tu veux jouer à courir ? Celle qui gagne c'est celle qui attrape Araignée ! »
Petite Pie l'observa faire.

Elle, elle n'aimait pas courir. Elle avait encore mal au museau et elle roula des yeux.

« Je te suis !... Si tu l'attrape, n'oublie pas de bien l'écraser, si tu ne le fais pas, on ne pourra pas être sûr que tu as gagné ! » Dit-elle sans vraiment y mettre du cœur.

Et puis, tant pis. Elle commença à trottiner derrière Lune. Elle ne chercha pas à la rattraper, mais elle voulait être là quand cette dernière ferait, sans le vouloir, regretter à Araignée l'envie de fuir.