[Banquet] Le Faisan

L'hiver n'est pas clément, et personne ne veut la tâche d'aller déblayer l'entrée de la palissade. On se motive à y aller à plusieurs ("car à plusieurs, ça finit plus vite") mais on ne s'empêche pas de se plaindre tout au long de la tâche. Mes pattes me gèlent,e je respire mal, je capte rien, j'ai aidé à déblayer hier, la neige pourrait pas arrêter de tomber des fois? Quand on se plaint à plusieurs, ça renforce les liens. On déblaie la même neige; on subit la même misère. On fait des blagues, ou on se met à jouer - un coup dans la neige est si vite arrivé! On se dégourdit, quoi. On se réchauffe. La mauvaise saison amène parfois les moments les plus beaux, entre membres du même Clan.

Mais rien n'est plus beau que ce qu'ils voient arriver au loin.

Le vent souffle fort, la poudreuse déferle. On plisse les yeux. On renifle l'air. Les odeurs se mélangent mais on le sent aussitôt: c'est du sang. Au loin, dans le brouillard, trois ombres rapprochées bougent comme une seule. On se rappelle du malheur qui est tombé sur la Rivière. Les patrouilles qui savent dressent aussitôt les oreilles: et si c'est le Clan Vent venu les attaquer? On ne sème pas l'alerte immédiatement. Les chats qui déblaient se savent aussi le premier front de défense - ils choisissent un messager pour se glisser dans le tunnel de ronces pour se préparer à alerter tout le campement.

Et puis on les reconnaît.

...Vaguement.

Celui à droite, c'est Coeur de Puma. Son poil est roux sur la neige, et sa carrure sans défaut.

Celui à gauche, c'est leur chef, Étoile Foudroyante. Son poil est charbon et sa tête est basse.

Celui devant dépasse l'entendement. C'est une explosion de plumes et de couleurs. C'est...

Ciel Noir bondit sur-place.

— C'est un faisan!

On répond à son exclamation par de la stupeur. Hein, quoi? Un faisan? Dans un temps pareil? De la dérision. C'est ça oui, et moi je suis le roi des écureuils! Mais les trois silhouettes se rapprochent et le cou gracile de l'oiseau, fermement retenu entre les dents de Coeur de Puma, dégage une odeur qui se rapproche et qui est si forte, si puissante, qu'elle assome les déblayeurs qui en oublient presque leurs noms et leurs manières car avant tout la misère donne faim.

Et ça, ça, ça c'est un putain de gros morceau de viande.

— Alertez tout le campement, annonce la voix forte de leur chef.

On redresse ses épaules au garde-à-vous, mais pas tout le monde. Pour beaucoup, "Étoile Foudroyante", "Étoile Foudroyée", ce n'est encore que "ce connard de Coup de Foudre".

Sauf que ce connard de Coup de Foudre a des plumes de faisan dans la gueule.

— Ce soir, bouffons à l'honneur de vos ancêtres!

On ne manque pas le "vos" quand il parle, mais on n'en dit rien parce-que ça sent la viande ça sent la bouffe c'est le milieu de l'hiver ET CE SOIR, ON BOUFFE!

Eh! EH!

On crie donc.

CE SOIR, ON BOUFFE!

Bien sûr personne ne croit Ciel Noir quand il galoppe dans le campement comme un déluré. Mais on s'approche du milieu de la clairière, piqué par la curiosité d'un mouvement dans le tunnel de ronces — Je t'avais dit que ce serait trop étroit — Okay mais tu proposes quoi, hein, qu'on le jete au dessus de la palissade? — jusqu'à ce que n'en sorte les deux vaincqueurs avec leur butin en gueule (si piqué de quelques ronces).

— EH! porte la voix de leur chef. HA HA HAH, MATEZ-MOI C'QU'ON A CHASSÉ, AVEC COEUR DE PUMA!

Et c'est comme ça que le Clan du Tonnerre s'est retrouvé au pied du gros caillou craquelé qui sert de promontoire à leur chef, à entourer l'énorme carcasse de ce valeureux oiseau multicolore.

Étoile Foudroyante s'est affaissé non-loin, sous la voûte que forme le caillou. Il s'est emmitoufflé en dessous d'une montagne de longues plumes colorées. Il ronronne - on suppose que c'est bon signe.

— À toi l'honneur, Coeur de Puma, qu'il interpelle le chasseur, sachant pertinement que ce-dernier fonctionne moins bien sous l'oeil des foules. Mais peut-être que l'adrénaline de la chasse l'aidera à se décoincer. Étoile Foudroyante se borne à l'espérer.

Et si tu nous faisais une prière, avant de fêter?

Important:

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Le Faisan

ft. Clan du Tonnerre et Le Gros FAISAN Là

Lune 22 - 83 lunes

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Enfin, ils arrivent. Cœur de Puma est épuisé et seule son excitation le tient ou plutôt tient ce lourd fardeau emplumé. A travers l'effort, le cri de Ciel Noir lui arrache un rictus amusé.

« C'est un faisan! »

Et oui pardi, c't'un fichu faisan qu'ils ramènent à bout de force! Étoile Foudroyante ne dissimule pas sa joie et il crie tout de suite au festin. D'aucun diront qu'il vaudrait mieux rationner le volatile : ça fait un paquet de viande ces bêtes-là! Cependant, pour une fois depuis un bon moment, le rouquin est plutôt de l'avis du bengal. Il préfère que leur butin soit partagé. Et puis de toute façon, autant faire un gros repas sur le même animal plutôt que des réunions privées aux quatre coins du Camp autour d'écureuils à peine réchauffés.

Alors : fêtons !

Les deux mâles à bout de souffle arrivent alors devant le tunnel étroit. Malgré la fatigue et la douleur musculaire, Cœur de Puma ne laisserait personne lui arracher le cou de sa bête. En dépit de son ordinaire humilité, le vétéran est fier de sa prise. Bien sûr, il partage les honneurs avec son camarade bien volontiers! Et derrière ses grimaces concentrées, il cache à peine son soulagement quand le faisan passe enfin le tunnel de ronces (non sans une ou deux épines!!). Enfin, le repas est acheminé.

La fanfaronnade de son comparse lui passe carrément au-dessus de la tête. Cœur de Puma se sent ailleurs. C'est comme si tout cela n'était qu'un doux rêve; ses camarades de Clan qui se réunissent, se rassemblent et le sourire béant d'Étoile Foudroyante et les regards admiratifs qui se posent sur lui --sur eux. Sans qu'il ne puisse le contrôler, ses babines s'étirent et son propre regard s'adoucit. Ce bête oiseau, ce poids mort balloté sur des mètres et mètres de neige dans le froid et le vent; ça, cette chose-là vient de libérer en lui une paix enterrée depuis trop longtemps... Et soudain, son coeur devient si léger et sa poitrine n'est même plus palpable. Tout est si... si bon.

Ce moment peut durer toute la vie s'il le faut. Si... si c'est possible même.

« À toi l'honneur, Cœur de Puma » encore plus d'yeux et les siens qui s'écarquillent en réponse « Et si tu nous faisais une prière, avant de fêter? »

Alors son cœur bat à nouveau et coup après coup, il sent le temps qui lui échappe.
Une... prière ?
C'est lui qui demande une prière?

...

Ils sont bruit de fond.

Ils disparaissent tous.

Ne demeure qu'Elle.

Ce petit sourire malicieux qui persiste des lunes après sa disparition.

Ses yeux vert pâle. Ils rient.

Elle aussi, Elle est sereine, tu crois?

...

« J--hm » Il faut qu'il parle. « Herm, je- » Mais ses mots se bousculent; les premiers freinent des pattes et ceux juste après les poussent, pressés de sortir de sa gueule ramollie par l'émotion et « Cc'es-- » Il jette un regard impuissant à la foule.

Ils sont tous là.

Tous le regardent.

Sauf Elle.

Pas de sourire.

Pas Ses yeux qui rient.

Rien qu'un mur d'iris colorés sur lequel les siens glissent.

Puis ce vert pâle. Une prise bouscule son menton, comme s'il allait parler.

De frustration, il fronce les sourcils et s'accroche à Lui.

Cœur de Puma se plonge dans les yeux de Petit Lézard lorsqu'enfin de sa gueule s'échappe en toute fluidité :

« Le Clan des Étoiles bénisse ce repas tiède. Et nos bien-aimés disparus de nous donner la Force de finir la saison auprès de Ceux qui sont restés. » Abreuvé du courage qui lui manquait, le vétéran balaie l'assemblée en concluant : « Mangeons à notre faim ce soir... Et surtout tous ensemble. » couvrant de ses yeux noisette Masque de Serpent et Nuage de Glycine sur ces derniers mots avant de terminer sur son meneur à qui il rend silencieusement la parole par la même occasion.

Là.

Peut-être que là, entre les autres... Elles le regardent aussi.

Le Faisan.

Une calamité ! Le seul mot capable de décrire la cession de chasse que Brisé venait de mener avec Nuage de Bécasse. Pas une proie à la ronde et pour cause, entre une course poursuite en sortant du camp qui s'était suivie d'une escalade d'un gros chêne en passant par leurs cri entres les branches ... La patrouille d'Arc en Ciel croisé, qui revenait avec Nuage de Bourgeon et Tâche de Poire en ramenant une malheureuse souris, les avaient gentiment sermonner. Encore que gentiment ... Ciel s'était mise à sermonner fort son jumeau, lui crachant dessus que son comportement était une honte et ... Et ça s'était terminé sur un coup de tête charmeur du snow mink et une levée de yeux aux frondes là haut avant qu'un léger ronron ne rappel que si frère et sœur se chamaillaient, il restaient proche. Une drôle de fratrie en vérité ... Rajoutons à celà Louve et Kaon et vous obteniez une migraine ... Mais revenons en au temps présent ...

Il s'était posé pas trop loin de la pouponnière pour faire sa toilette quand on annonça rien de moins qu'un satané bien gros faisan ! En moins de temps qu'il n'en fallu pour miauler "génial", le camp fut en effervescence et Coeur Brisé vint trottiner aux côté de Vol de Colibri, trop heureux du festin qu'ils avaient sous les yeux, écoutant à peine Coeur de Puma tant il avait le regard fixé sur l'oiseau et sans doute déjà, un mince filet de salive lui échappant de la gueule ... Peut-être finalement avait il un peu de Bec Croisé ...

Le Faisan.

Nuage de Bourgeon s'était senti mal ce matin là, son ventre criait famine et pourtant, elle avait tant crapahuter les deux jours précédents qu'elle était sans force. Sans doute aurait elle du grignoter un peu plus avec Nuage du Matin aussi, mais elle avait volontairement laisser son ami manger plus qu'elle en le leurrant un peu, mâchouillant trop longuement sa part. En vérité, elle était très inquiète pour son ami. Son entraînement à lui semblait prendre du retard et elle avait elle-même pu voir que niveau combat, il n'était pas prêt. Où plutôt, il s'y refusait bien trop. Il avait des capacités pourtant et elle lui aurait confiée les chatons de la pouponnière en cas d'attaque dans le clan avec la plus grande confiance si on lui demandait son avis. Mais on ne lui demanderait pas, elle n'était pas celle qui pouvait prendre les décisions et elle n'était toujours qu'une Nuage ...

Toutefois, l'apprentie fini par quitter son nid à pas lent, le poil tout gonflé pour se protéger du froid, mais pas du bruit qui hurlait dans le camp. Des cris de joie, de liesse. La tabby secoua la tête, elle se sentait fatiguée mais à voir l'excitation, elle chercha son ami. Pour découvrir une autre camarade, qui s'était assise à l'écart. Ragaillardi un peu par la vue de la rouquine, Nuage de Bourgeon s'élança vers elle, en oubliant son manque de toilette et sa fatigue, un peu moins sa faim amis si ce qu'elle avait entendue était vrai.

- Bha alors ? T'as pas réussi à en chiper un bout ? Elle se veux taquine mais .... Entre son allure et son propre ventre qui grogne maintenant ... Pour une fois clairement, Nuage de Feuille va pouvoir avoir le dessus sur leurs échanges. Enfin, reste un autre chat qui manque à Bourgeon. Au fait ... T'as pas vu Nuage du Matin ? C'est que, Bourgeon a pris pour habitude de partagé ses repas avec lui ... Sans doute pour faire pardonner les nuits où elle s'isole encore en cachette dans la tanière inoccupé du meneur ...

La neige ne s'arrêtait pas de tomber. C'était comme si le moindre bout de nature qui devait être totalement recouvert. Et si par malheur un chat marchait à un endroit, faisait fondre des petits trous où il posait ses pattes, le ciel faisait à nouveau tomber ses flocons pour le recouvrir. On en venait pas à bout. C'était un enfer car non seulement il faisait froid mais en plus il était difficile de chasser. Les proies s'étaient cachées dans leurs tanières ou étaient elles-mêmes mortes de faim. Quand les membres du clan trouvaient quelque chose, c'était de maigre sac d'os ... La pile de gibier était sans arrêt vide et tout le monde était maigre, même ceux qui étaient les plus ronds d'habitude.

Il s'était porté volontaire pour déblayer la neige ce matin. Nuage du Matin perdait courage pour la chasse et même si hier soir il avait eut droit à un repas qu'il avait partagé avec Nuage de Bourgeon, ce n'était pas assez ... La fatigue, la faim, la frustration, le froid, tout ça rendait les chats à cran, lui y compris. Sans avoir la force d'aller chasser, il se consola en se disant qu'au moins il ferait une corvée que personne n'aime faire. Et d'ailleurs, tout le monde se plaignait pendant qu'ils creusaient la neige. Il n'échappait pas à la règle, il en avait marre. Marre de tout en fait.

Ses pensés noires s'échappèrent lorsque Ciel Noir annonça l'arrivé d'un faisan ? Nuage du Matin releva la tête et plissa les yeux. Au loin, il y avait bien du mouvement. Il renifla l'air et senti l'odeur du sang. Une proie oui, mais un faisan, vraiment ? En cette saison ?

" C'est impossible ! "

Dit-il en se remettant à creuser. C'était moche de donner de faux espoirs aux troupes comme ça. Mais il fut bien forcer de constater que c'était bien le cas ! Un faisan pendant dans la gueule de Coeur de Puma et leur entrée fut triomphale dans le camp. Mais Nuage du Matin voulait finir ce qu'il faisait pour ne pas tout laisser en plan. Encore quelques coups de pattes et il viendrait se joindre à la fête.

Le Tonnerre entier ou presque était là. Ca faisait beaucoup de chat pour une proie ... Evidement tout le monde en aurait un bout, mais il se demandait si il ne devait pas laisser sa part. Décidément il était morose ... Depuis son entrainement avec Nuage de Bourgeon, il se sentait plus mal que jamais.

D'ailleurs en parlant de la chate, il l'entendit prononcer son nom. Elle le cherchait. C'était bien la seule chose au monde qui lui apportait du réconfort en cette période. Même si pour le moment il se sentait bizarre par rapport à elle.

" Il est là. "

Dit-il sans grande conviction en venant vers elle et Nuage de Feuille. Il s'assit à leurs côtés et posa ses pattes sur sa queue pour essayer de se les réchauffer.

" Bordel ça caille ! "

Il frissonna comme pour appuyer ses paroles.

Nuage de Glycine était de corvées, ce matin là. Toujours pas de référent en vue, et, au bout d’une lune passée, il commençait à devenir impatient. Malgré tout, il essayait de faire au mieux pour réaliser ses corvées de façon rapide et efficace, mais surtout correctement.
Insistance sur le terme essayer. Les nids des anciens étaient tous parfaits, garnis d’une mousse fraîche et sèche et de plumes duveteuses qui leur tiendraient chaud dans le froid mordant de l’hiver. À l’exception d’un ou deux nids — ceux qui l’avaient traité comme une fille et avaient refuser d’entre raison. À ceux là, il avait pris soin d’ajouter quelques feuilles de houx cachées dans la mousse. Ça leur referait réfléchir à deux fois avant de lui refaire un discours de 25 minutes, tandis qu’il s’occupait de leur enlever les tiques avec de la bile puante, pour lui expliquer qu’il avait tort et qu’il n’était pas un garçon.

Lorsqu’il eut terminer la tanière des anciens, il s’accorda une petite pause à l’extérieur, dans le calme du camp.
Calme qui ne dura pas.
Cœur de Puma et Étoile Foudroyante avaient ramené un faisan, et, avec ce dernier, une vague d’excitation et de curiosité. Nuage de Glycine n’était, au fond, qu’un chat comme les autres. Lui aussi, il voulait voir la grosse bête. Alors il quitta son poste, et s’avança jusqu’au petit attroupement. Et c’était effectivement un sacré bel oiseau. Tout le monde était du même avis, y compris son père, qui ne se priva pas d’exprimer sa satisfaction. Lorsqu’il l’appela, Nuage de Glycine répondit « j’suis là ! », et Masque de Serpent le rejoint en deux temps trois mouvements.

Cœur de Puma leur lança, à tous les deux, un regard étrange lorsqu’il prononça sa dernière phrase. L’apprenti fronça des sourcils.
— C’est quoi son problème ? s’offusqua-t-il à voix basse auprès de son père. Il veut quoi ?
C’est vrai, quoi. Ils étaient avec les autres, là. Tous ensemble.