[INONDATION] Vent chaud d'un désert trempé [avec la Tribu du Soleil]

HRP:

   Une, deux, puis trois. Trois gouttelettes en tout. Puis à nouveau : une, deux, puis trois. Inlassablement, jamais fatiguées, elles tombent en rythme sur la nervure principale de la fougère. Ses yeux plongent et remontent, de temps en temps il cligne des paupières. Après, elles forment une bille plus grosse et coulent toutes ensemble, faisant frémir la feuille. À chaque fois, elle a un soubresaut lorsque la balle aquatique quitte son corps vert, parfaitement symétrique, parfaitement construit. Ce n'est pas spécialement joli, mais le chaton trouve un certain intérêt à fixer ce corps souple, cette eau incroyablement propre et translucide.

   Le vent souffle, il brise la chanson. Sirocco n'en est pas plus surpris que ça. Seulement, pourquoi la feuille se plie-t-elle ainsi aux désirs invisibles du souffle ? Est-ce que le ciel est infiniment plus grand et infiniment plus fort que la fougère ? Ou bien la fougère est-elle douce au point de s'éprouver dans la chaude tendresse de l'été ?

   Faiblement, il ferme les battants, troublant de lui-même sa vision. Allongé ainsi, la petite chose se laisse baigner, et par l'eau et par son sang. Sans trop savoir pourquoi, il aime le vent qui chante dans ses oreilles, le vent qui lèche son pelage, le vent qui était sur lui quand il s'est réveillé et qui reste, maintenant qu'il s'endort.

   On finit par s'habituer à ce qui fait mal : première leçon de vie. Sa tête posée sur ses pattes, Sirocco respire doucement, le flair coincé dans sa blessure. Comment a-t-il fait ça ? Il n'en sait trop rien. D'où vient-il, a-t-il toujours été ici, est-ce qu'il y avait quelqu'un, pourquoi est-il encore trempé ? Là non plus, il n'en sait trop rien.
   La brume s'empare de sa tête, là où il a mal sans doute, le privant de ce qui était cher. Qu'est-ce que c'était déjà... ?
   Oui c'est vrai, il y avait cette odeur rassurante avant. Mais avant quoi ? Avant l'eau, peut-être. Il y avait aussi ce visage dans lequel brillait des yeux bleus. Mais qui est-ce ? Il n'a pas d'idée.

   À nouveau.
   Un, deux, puis trois, ce sont les lourds pas d'une chatte. Elle est là, maintenant.

hrp:

Elle avait décidé de faire un tour. Un grand tour en fait. Qui s’était soldé par elle se trouvant à l’autre bout des terres libres de la Tribu. Tellement loin qu’il lui avait semblé impossible de revenir à temps pour dormir. Ou alors elle aurait finit son périple du retour au bout milieu de la nuit. Et elle était fourbue par cette longue ballade. Parfois ça lui arrivait de partir, et sa tête était tellement prise par des réflexions que ses pattes finissaient le travail toute seule. Une fois elle s’était retrouvé à des très hautes et grosses pierres et avait croisé un chat de clan qui n’avait pas paru content de la voir là. Une histoire parmi tant d’autres.

Elle bailla à s’en décrocher la mâchoire puis s’étira allègrement. Elle avait trouvé un buisson touffu et c’était creusé un nid dessous la veille. L’air lui avait semblé humide et elle avait eut raison. Une fine goutte d’eau vint s’écraser sur sa truffe. Elle cligna des yeux en se redressant complètement. Il avait visiblement plu une bonne partie de la nuit et un crachin matinal continuait de dégringoler du ciel. Aucun doute qu’elle allait finir trempé d’ici qu’elle soit rentrée au verger. Cela ne l’enchantait pas particulièrement mais elle ne se voyait pas rester sous son buisson toute la journée.

Elle s’ébroua un bon coup afin de chasser le maximum de terre effritée de son pelage avant qu’elle ne se transforme en boue puis entama le chemin vers la Tribu. Elle n’était pas tout à fait sûr de la direction à emprunter mais elle ne doutait pas de retrouver. Maintenant elle savait se repérer en grande majorité sur les territoires des clans, elle ne se sentait plus aussi perdue qu’avant. C’était agréable cette sensation de quotidien, de normalité, de routine. Elle sourit doucement en songeant aux dernières lunes, toute cette évolution vers une vie meilleure.

Une odeur vint subitement titiller ses narines. Ses oreilles se dressèrent alors qu’elle en cherchait la source. Il semblait s’agir d’un autre chat. Elle était suffisamment loin en terres libres pour savoir qu’un clanique ne pouvait se terre dans les environs. Ou alors elle en serait bien surprise. Mais cela n’empêchait pas le risque de confrontation. Elle sortit prudemment ses griffes en s’approchant de la source des effluves. Quelle ne fut pas sa surprise quand elle découvrit,,, un chaton. Tout seul, tout mouillé, tout… ensanglanté ? Elle regarda furtivement autour mais il n’y avait ni autre odeur de chat ni trace de prédateur. Elle reporta son attention sur la petite poils qui semblait presque inerte. En rangeant ses griffes elle le toucha doucement du bout de la patte.

Eh petit, ça va ?

Le mioche est pas hyper réactif, il semble dodeliner un peu du crâne mais sans plus. Il tressaillit faiblement quand elle enfonce un peu plus sa patte mais aucun mot ne sort de sa gueule. ses paupières battent faiblement, il bouge à peine. Elle retire sa patte de peur de lui faire mal et ses oreilles s'agitent nerveusement contre son gré.

Merde; C'est bien la première fois qu'elle se retrouve dans une situation pareille. Pourtant elle en a vécu des trucs rocambolesques. ici et précédemment. Mais un gamin abandonné en pleine nature ça elle a jamais fait. Elle renifle à nouveau dans les airs mais il n'y a vraiment aucune autre odeur de chat. et avec la pluie elle aurait de toute façon disparue depuis longtemps. D'ailleurs il est là depuis combien d'heures ? de jours ? exactement ce petit ? Ca l'inquiète tout ça.

Une sorte d'instinct ancestral lui souffle qu'il faut le maintenir en vie, le réchauffer. Alors elle choisit de l'écouter et se couche contre la petite chose fragile puis se met à la lécher vigoureusement. D'abord, réchauffer le même. ensuite, le ramener à la Tribu. Vent du Nord devrait savoir quoi faire ensuite, pas vrai ? Elle aura forcément une idée pour sauver le petit. Elle se force à s'en convaincre.

Tiens bon petit. Souffle-t-elle entre deux coups de langue.

Alors qu'elle poursuit ses coups de langue elle le sent s'agiter. Comme s'il reprenait vie, petit à petit. Ca l'encourage et la rassure alors elle continue en prenant soin de rester collée à lui pour lui tenir chaud. Il finit par aller jusqu'à relever la tête et balbutier des petits cris stridents. Il ne devrait pas parler à son âge ? Ou alors pas du tout ? En fait elle en sait rien, les petits de Vent du Nord ont commencé à parler à quel âge ? Elle s'en souvient plus. Bon c'est pas grave c'est pas la priorité là. Et puis si ça se trouve il a vécu un truc horrible et est sous le choc. Elle verra ça plus tard. Elle essaye quand même de lui reparler. Peut être qu'à défaut de savoir s'exprimer il comprend ce qu'on lui dit.

Ca va aller d'accord, maintenant je suis là. Elle miaule en lui donnant un petit coup de museau affectueux.

Elle sait pas trop à quoi elle s'embarque à lui dire ça. Elle est là pour lui maintenant mais qu'en sera-t-il dans les prochains jours ? Est-ce qu'elle va se retrouver comme l'autre, avec un môme à charge ? Ca doit être plus facile à gérer par cage interposée que directement dans les pattes. Pas sûre qu'elle soit douée ni prête pour ça. D'ailleurs le sera-t-elle un jour ? Elle baisse les yeux en le sentant venir se fourrer dans son poitrail. Bon au moins il est capable de bouger un peu plus maintenant.

Mais ils peuvent pas rester là. Même s'il ne pleut plus ce n'est pas viable. et puis elle sait pas ce qu'il est arrivé, eut être qu'il y a pire que ce qu'elle voit. Non, elle doit le ramener au camp de la Tribu. vent du Nord pourra l'ausculter et alors elle sera vraiment rassurée. prudemment elle s'écarte du petit et se redresse. Elle ne voit qu'une solution pour le transporter, il n'est pas en état de marcher.

Je vais t'emmener à un endroit où on va prendre soin de toi, d'accord ?

Ne lui laissant pas le temps de répondre car c'est une question rhétorique, elle le saisit délicatement à la nuque, comme une mère porterait son petit, et prend la direction du verger.

Elle avance à pas rapides, la truffe au vent. il manquerait plus qu'un chat inconnu ou un prédateur lui tombe dessus alors qu'elle porte le petit. Alors elle reste aux aguets. Il s'est heureusement laissé faire et ne bouge pas. c'est à la fois inquiétant car il a l'air vraiment sous le choc. et en même temps ça l'arrange bien pour se déplacer à un bon rythme.

Elle engloutit le terrain grâce à un pas vif et prudent. L'approche du territoire de la Tribu la rassure. Après tout il a l'air d'avoir été bien secoué et sa blessure... Impossible de savoir son degré de dangerosité. Est-ce qu'il pourrait perdre l'usage de sa patte ? Elle n'y connait rien. Elle espère que non. Un chat handicapé au verger suffit bien. d'ailleurs l'odeur des arbres se fait sentir. Elle les dépasse sans prendre le temps de donner des explications au chaton. Enfin la Tribu. Elle s'arrête et le pose à ses pattes.

« Que-que quelqu'un aille chercher Vent du Nord. »