I was born from an angel, she raised me properly; I knew what I wasn't to do, I knew what I wasn't to see, but when you reach a certain age, your destiny it comes to life, so don't you bite the hand that feeds you, or it may cut you with its knife.
my only tale is one that i can't stand
Depuis la première seconde il regardait sa sœur avec des grands yeux et une tendresse qu'il ne perdit jamais. Devant lui, ce petit être affreusement faible prenait vie. Ce visage blanc et triangulaire s'illuminait alors qu'elle ouvrit de jolis yeux rouges, en parfaite harmonie avec son petit museau rosé. Elle sera faible, disaient les chats autour de lui. Si elle était faible alors il se devait de la protéger. Il serait son preux chevalier, sa défense contre tout. Il pensait trouver en cette jeune chatte le complément de douceur et d'affection dont sa mère manquait.
« Encore ? » disait souvent cette dernière,
« ça fait longtemps que tes sœurs ne tètent plus autant tu sais. Tu devrais en faire autant et manger du lapin plutôt. »En vérité, il se retrouvait souvent à réclamer du lait à sa mère uniquement pour sa chaleur et sa maternité. Il préférait nettement le goût du lapin. La nuit, après s'être endormi dans son coin, il se réveillait pour se blottir contre le pelage blanc de ses sœurs.
Il avait honte de ces excès de solitude. Il tentait de s'éloigner des autres, de jouer seul, pour s'habituer. Il se fermait psychologiquement, ne parlait presque pas. Il regardait de loin les chatons s'attaquer entre eux, sans comprendre cette violence qui avait l'air pourtant si amusante. Il couinait lorsqu'une de ses sœurs le mordait mais se défendait à coups de griffes.
« Mais viens jouer avec nous ! » répétaient constamment celles-ci.
Il se forçait, pour Petit Albatros surtout. Il jouait avec elle mais toujours en essayant au mieux de ne jamais lui faire mal, toujours en la laissant gagner. Dans la tête du jeune félin, elle ne pouvait trouver cette gloire ailleurs à cause de ses faiblesses dont parlaient toujours leurs parents.
Petit Albatros semblait loin de lui, beaucoup trop loin; elle s'amusait avec les autres chats et ne passait pas tout son temps avec lui. Ils n'étaient plus aussi proches qu'autrefois quand ils étaient de tout petits chatons et qu'ils ne trouvaient d'autre confort qu'entre eux deux.
Peu à peu il prenait goût cependant à la bagarre ludique entre chatons. Il ne sortait jamais les griffes, faisait attention de ne pas attaquer le visage ou le ventre de ses partenaires de combat. Il gagnait en force et en dextérité.
Parfois, il tentait de s'approcher de son père; étant le seul mâle de sa fratrie, il sentait que sa virilité en était menacée. Mais tout comme sa partenaire de procréation, le félin dont le petit était issu manquait d'intérêt pour ses chatons et ne leur prêtait pas grande attention. Petit Alcidé se tournait alors vers Cœur Fleuri, sa tante, qui était guérisseuse et qui avait de l'amour à partager. Il l'observait à l'ouvrage, tentait de se souvenir lui-même des plantes et des remèdes. Il se portait volontaire pour l'aider, se servant de ça pour se promener dans le camp et en découvrir tous les recoins cachés. Le soir il racontait ce qu'il avait découvert et appris à Petit Albatros, qui .... Etre apprenti guérisseur, il aurait bien voulu, mais il n'oubliait pas que pour protéger sa petite sœur il fallait qu'il devienne guerrier. Plus il se rendait à l'évidence de cette vérité, plus il se battait.
« Aïe ! Tu me fais mal ! » couinaient parfois ses partenaires de jeu.
Il ne se rendait pas toujours compte de la douleur qu'il pouvait causer et ne se contrôlait pas toujours en plein combat. Il n'était plus le chaton qui ne savait pas se battre, il était le chaton qui ne savait pas se battre pour rire.
« Pour arrêter les saignements il suffit de poser de la toile d'araignée sur la plaie. » Il écoutait sa tante avec toujours une curiosité naissante.
Quand elle était occupée, il s'adonnait à observer sa sœur se battre de loin avec un poids au cœur. Il avait peur qu'elle se blesse, qu'elle se mette en danger, qu'elle souffre. Il savait qu'elle finirait par le faire mais il se disait qu'il pourrait repousser ce moment au plus tard s'il s'efforçait de faire attention à elle. Il la regardait se battre et il la trouvait belle. Elle savait se battre, elle était habile et futée, elle était drôle à regarder, avec son petit sourire narquois. Lui ne se battait pas avec le même amusement; il se perdait dans le combat souvent, en oubliait presque le contexte. Pour lui se battre c'était se prouver, c'était un moment difficile à passer mais indispensable à se créer une identité dans le clan.
« Pour arrêter les saignements il suffit de mettre de la toile d'araignée sur la plaie. Et pour éviter les infections on .... J'adore passer du temps avec toi Cœur Fleuri, » il ne parlait que très peu mais quand il le faisait, il pesait ses mots et il savait qu'ils ne seraient pas dit dans le vide.
Pour les chats autour de lui, c'était une évidence : il serait apprenti guérisseur, formé par sa tante dont il était déjà très proche. Evidemment, le travail de guérisseur le passionnait et l'idée de faire son entraînement aux côtés de son chat préféré le réjouissait mais il ne pouvait se débarrasser de l'inquiétude qui le hantait à l'idée d'abonner sa sœur. Il savait que ce n'était pas un abandon, et qu'elle était capable de se débrouiller (elle avait su lui prouver) mais il avait la crainte constante qu'un jour, par mal chance, les choses ne se passeraient pas aussi bien. Et alors il s'en voudrait.
Il s'était promis, dès le début, de toujours rester aux côtés de sa frangine et de la défendre si le besoin surgissait. C'était avec cette décision qu'il pouvait lui prouver son dévouement et il tentait tant qu'il pouvait de se persuader de la nécessité d'un entraînement guerrier pour pouvoir le fortifier et l'habituer au comportement belliqueux qu'il aurait dû adopter.
Son pacifisme était une faille, un défaut : les chats sont des guerriers, les chats ont des griffes et des crocs pour défendre leur clan, c'est encore mieux s'ils ont de la tête mais le plus important c'est d'avoir de l'attaque. Il n'avait pas su se montrer à la hauteur lors de ses premières années de chaton et avait failli à la première tâche du guerrier.
Il ne pouvait ainsi que protester et affirmer que ce qu'il voulait, c'était apprendre à être un guerrier, comme ses sœurs, comme les autres chats du clan.
On lui disait alors d'être raisonnable, il n'avait jamais vraiment aimé se battre, de plus avec sa condition... Il était plus sage pour lui de rester dans la sécurité du Clan, sans se mettre une pression que son cœur fragile ne pourrait pas supporter. Sage, il l'était sans doute, mais raisonnable, non. Plus on lui répétait ce mot moins il avait envie d'écouter. Ce choix qui avait été fait d'abord à contre-cœur devint une volonté : il serait guerrier, parce qu'il en avait décidé ainsi, voilà tout. Ce n'était pas aux autres de choisir pour lui. Il trouva ainsi une nouvelle détermination, un besoin de se prouver à la hauteur. Il jouait d'autant plus avec ses sœurs et attaquait les autres chatons de la pouponnière avec un nouvel entrain, même les plus petits. Parfois il leur faisait mal mais il n'y prêtait plus autant d'attention qu'autre fois: il avait compris que la vie était faite de douleur et qu'on ne pouvait rien y faire.
Le jeune chat perdait en douceur et se montrait plus dur, plus apte au combat : il découvrait ses forces, masquait ses faiblesses... Il feignait d'aimer les batailles qu'il menait avec les autres petits, se prenait au jeu.
Il passait beaucoup moins de temps au côtés de sa tante, et même si elle lui manquait, il savait qu'il devait s'habituer à ne plus l'avoir près de lui. Il mûrissait très vite après être resté dans sa coquille de jeune chaton pendant trop longtemps. A son grand désarroi, il ne grandissait pas beaucoup plus physiquement et demeurait le plus petit chat du lot.
« C'est apprenti guerrier que je veux être. » Il levait le menton d'un air décidé.
Et il en fut ainsi... Nuage d'Alcidés ne regretta sa décision que le soir qui suivit la cérémonie, alors qu'il du se rendre dans la tanière des apprentis et quitter la pouponnière, si près de sa tante. Il se tapit contre la paroi de la tanière, observant les apprentis accueillant leurs nouveaux camarades. Il ne se sentait pas à sa place, et quand elle fut endormie, il se blottit contre la familiarité du pelage blanc de sa sœur.
Ses premières lunes en tant qu'apprenti, il était malheureux. Il se levait toujours après tout le monde ayant des difficultés à dormir. Il n'était jamais suffisamment reposé, manquait d'énergie. Il était un fardeau pour son mentor comme pour ses camardes apprentis.
Une immense angoisse le saisissait lorsqu'il devait se séparer de sa sœur, pourquoi ne pouvaient-ils pas suivre leur entraînement ensemble ? Il ne pouvait plus l'avoir à l’œil mais il devait quand même subir l'apprentissage affreux de techniques d'attaques. La seul chose qu'il aimait lors de son entraînement c'était les visites du territoire : il reconnaissait sur son chemin les herbes dont se servait sa tante pour guérir les membres du clan, sentait la douceur des fruits qu'elle avait l'habitude de lui donner après qu'il ait passé une journée à l'aider. Ces excursions ravivaient des souvenirs, et il retrouvait un semblant de chaleur en repensant à la douceur de Cœur Fleuri qui avait bercé ses journées de chaton.
Son mentor, Faon Sauvage, s'impatientait alors que Nuage d'Alcidés s'arrêtait pour renifler les herbes, se rappelant que la guérisseuse avait souvent du mal à en trouver certaines, et insistait pour en cueillir il les prendre avec lui. Mais elles s'abîmaient lorsqu'il les posait pour poursuivre son entraînement et même lorsqu'il les transportait dans sa gueule toute la journée. Il devait se rendre à l'évidence: il avait choisi le combat, et cela voulait dire qu'il devait renoncer à son dessein de guérisseur.
« Aujourd'hui tu dois prendre des forces car je vais te montrer une partie du territoire que tu ne connais pas encore. C'est un chemin qui sépare le clan du Vent du clan du Tonnerre. »Les paroles du guerrier avait su exciter le jeune apprenti. Il adorait découvrir de nouveaux lieux, s'aventurer dans de nouvelles parties du territoire. Il vibrait à cette idée, avalant rapidement le lièvre qu'il tenait entre ses pattes.
Alors qu'ils s'approchaient du Chemin du Tonnerre, Nuage d'Alcidés pouvait entendre de bas grondements venant de devant lui. Il n'était pas rassuré mais son anxiété se mélangeait à une certaine curiosité et une grande exaltation à l'idée de pouvoir la combler. Le petit chat était un explorateur, il allait là où ses pattes l'emmenaient, mettait son museau sur tout ce qu'il trouvait. Il vit apparaître une ligne qui s'épaississait à mesure qu'il s'approchait. Les grondements avaient cessés, mais l'air vibrait encore, faisait tressaillir ses moustaches. Les poils de son dos se hérissèrent sous l'effet de l'excitation.
Alors que Faon Sauvage parlait de l'odeur du Clan du Tonnerre, le grondement recommença, cette fois en plus aigu. Nuage d'Alcidés tendit l'oreille, essayant de comprendre d'où venait ce son si étrange. Le jour était jeune, et le soleil encore bas dans le ciel, ainsi l'apprentis vit tout de suite le flux lumineux qui surgit devant lui, accompagné d'un bruit grandissant. Sans qu'il sache pourquoi, le cœur du jeune chat se mit à battre très vite, et très fort, et tout ce qu'il voulait c'était que le bruit cesse. Il n'entendait plus la voix de son mentor, et quand il fermait les yeux, il voyait quand même ces deux tâches lumineuses qui lui brûlaient les pupilles. On eût dit deux grands yeux jaunes qui s'approchaient beaucoup trop vite, attachés sans doute à une sorte de monstre qui détruisait tout sur son passage.
Nuage d'Alcidés était pris de panique, aplatit contre le sol, le dos arché, les griffes plantés dans la terre. Ses oreilles étaient aplaties contre son crâne et il avait ouvert de grands yeux, fixant l'horrible chose qui s'approchait rapidement avec son bruit assourdissant. Il respirait fort, il avait l'impression que son cœur ou sa poitrine allait exploser, il se disait, c'est bon, c'est là, c'est là que je vais mourir. Les autres avaient raison.
Le monstre de fer passa devant lui avec son grondement incessant, puis disparu dans l'horizon aussi rapidement qu'il était venu.
Et il avait survécu. Nuage d'Alcidés tenta de reprendre sa respiration mais son souffle était très court et il faisait un petit clic à chaque inspirée d'air. Son cœur battait encore fort et sa vision était trouble. Il sentit son mentor s'approcher et lui donner un coup de museau, réalisant qu'il était encore aplatit à terre.
« C'est ton cœur, » expliquait Cœur Fleuri, après qu'ils soient rentrés au camp,
« Il bat bizarrement. Tu as eu très peur et tu as mis trop de tension dessus, tu l'as fatigué. Il est trop faible, tu comprends Nuage d'Alcidés ? Si tu continues à lui mettre trop de pression tu vas finir par l'abîmer. Je ne peux que te conseiller quelques jours de repos... »Le ton qui polluait la voix de sa tante, il ne savait pas exactement de quoi il s'agissait, lui déplaisait fortement. Son cœur ne lui avait jamais posé de problème jusqu'ici, c'était ce monstre étrange, bruyant, qui s'était approché dangereusement. Normal qu'un cœur réagisse de telle sorte à une frousse pareille. Il ignora les indications de la guérisseuse, profitant de ses quelques journées sans entraînement pour l'aider dans son travail et s'amuser avec les chatons. Il se rendait compte à quel point cela lui manquait d'être chaton – ou plutôt à quel point ça lui manquait de passer ses journées à aider sa tante et s'occuper des reines et des chatons. Ses sœurs lui manquaient aussi, évidemment, même s'ils n'étaient malheureusement jamais aussi proches même pendant leurs années ensemble à la pouponnière.
Nuage d'Alcidés avait huit lunes et il regrettait atrocement son choix. Il observait Cœur Fleuri à l'ouvrage et ressentait quelque chose au fond de lui, un serrement d'envie sans doute... Il voulait faire comme elle, guérir, réparer. Soigner les conséquences des horreurs de la violence. Mais sa sœur ? Elle risquerait sa vie, trop précieuse, sans lui à ses côtés...
Le jeune chat savait que, au fond, Nuage d'Albatros ne voulait pas de lui à ses côtés justement. Elle était agile, indépendante, elle n'avait pas besoin de lui comme il avait pu le croire autrefois. Et il fallait qu'il se rende à l'évidence.
Il fit part de sa décision à Cœur Fleuri qui en fut ravie.
Après une lune, il repensait ardemment à sa sœur. Il la voyait encore moins, puisqu'ils ne partageaient plus la même tanière et elle semblait très occupée par son entraînement. Certains matins Cœur Fleuri lui donnait de ses nouvelles après qu'elle soit passée tandis que le jeune chat profitait d'un matin calme pour rester en boule dans sa tanière silencieuse. Il regrettait de ne pas la voir mais en même temps il ne savait pas quoi lui dire, il avait l'impression que, comme sa mère, la jeune apprentie ne portait pas ou peu d'amour à son égard.
Il rêvait d'elle, tantôt s'imaginant de magnifiques batailles desquelles elle sortait victorieuse, et puis parfois les pires scénarios, du sang, des blessures horribles qui gâchaient le blanc époustouflant du pelage de sa sœur. Il pensait à elle sans vraiment la connaître, grandissait loin d'elle, regrettait les temps passés. Il ne savait pas comment elle allait, ce qu'elle avait appris... Il se retrouvait parfois à prier le Clan des Etoiles pour quelque chose, sans savoir vraiment quoi, un signe, sans doute, une connexion entre les deux félins. Il voulait juste quelque chose pour le guider vers elle. Ariane, prête-moi le bout de ton fil.
Nuage d'Alcidés organisait les herbes de son mentor lorsqu'un miaulement le fit sursauter. Il se tourna vers l'entrée de la tanière pour voir arriver sa petite sœur accompagnée de son propre mentor. Elle était blessée, il ne savait pas trop où mais il y avait du sang et la jeune chatte avançait lentement. Alcy la regarda un moment, sans bouger, parce qu'il ne le pouvait pas, il la fixait, terrorisé, elle saignait, elle souffrait, il n'avait pas été là pour la protéger. Et si elle mourrait par sa faute ?
« Aide-moi, toi, au lieu de rester ahuri comme un imbécile blaireau ! » siffla-t-elle.
Le jeune chat se hissa sur ses pattes, se précipitant vers sa sœur pour l'observer.
« Tu saignes... Saignements, toile. Il me faut de la toile. »Il se précipita pour déposer de la toile sur sa blessure, appuyant dessus du bout de son museau. Il reconnaissait l'odeur de sa sœur, de sa mère, réalisant qu'il n'avait pas été aussi proche d'elle depuis quelques lunes.
« Tiens, laisse appuyé... Je vais chercher de quoi t'éviter une infection. »L'apprenti guérisseur se hâta de ramasser quelques feuilles de prêle pour les appliquer sur la plaie. Il senti sa sœur tressaillir et grimacer et il ne put s'empêcher de murmurer un misérable « pardon ».
« Si tu as trop mal je peux te donner des graines de pavot... Ce n'est pas grand chose, juste une méchante griffure. Il n'y a que ta peau qui est abîmée. »« Merci frangin. » Il lui sourit.
(Etoile Fauve) avait quitté la tanière et ils n'étaient que tous les deux, la guérisseuse étant en promenade pour ramasser des herbes avant l'arrivée de la neige. Le temps s'était refroidi assez soudainement, et Cœur Fleuri avait fait part à son apprenti d'un rêve qui lui avait été envoyé par le Clan des Etoiles pour la prévenir d'un hiver très rude. Nuage d'Alcidés se demandait quand il aurait des messages du Clan des Etoiles lui aussi. Il avait soigné des chats, et pour la première fois il s'était débrouillé sans l'aide de son mentor, mais il n'avait pas l'impression d'être un véritable apprenti guérisseur puisqu'il lui manquait cette connexion avec ses ancêtres. Il n'en avait jamais parlé avec elle, mais il se doutait qu'elle s'en inquiétait aussi. Après tout cela montrait peut-être qu'il n'était pas fait pour être guérisseur en fin de compte...
« T'as pas faim là ? »Il se tournait vers sa sœur, tapie dans un coin de la tanière. Elle était occupée à faire sa toilette, grimaçant quand elle léchait par mégarde les feuilles posées sur sa plaie. Nuage d'Alcidés se dirigea vers la clairière pour prendre un lapin sur le tas de gibier. Après l'avoir déposé devant elle il s'approcha pour se blottir contre son pelage blanc, comme il faisait quand ils étaient chatons. Tandis qu'elle prenait une toute petite bouchée du rongeur, ronronnant contre son frère, ce dernier fixait le sol, le nez légèrement froncé.
« A quoi tu penses ? » Elle avait la bouche pleine et ça le fit sourire.
« Tu me manques, » il miaula très doucement.
La petite chatte blanche riait, son corps s'agitant légèrement sous la tête d'Alcy. Il était un peu surpris, peut-être même vexé, de la réaction de sa sœur.
« Mais quand on vient te voir t'es toujours en train de pioncer. Tu me manques aussi. » Elle posa son museau contre le haut de la tête du jeune chat.
« Tu pourrais venir chez les apprentis parfois. Ils sont chouettes en vrai. »Nuage d'Alcidés cligna des yeux, ne pouvant empêcher un petit ronronnement de s'échapper de sa gorge. Il faisait sombre et froid, mais serré contre sa sœur, entouré de la lumière orange du soleil couchant qui se faufilait entre les branchages de la tanière, il se rendit compte qu'il aimait ce moment, se promettant de ne jamais l'oublier. Ils s'endormirent ainsi tous les deux.
La neige avait enfin commencé à tomber, et il était le premier du clan à la voir. Les flocons se déposaient lentement sur le sol à peine illuminé par le soleil qui se levait. Le jeune apprenti avait veillé toute la nuit sous les étoiles, aux côtés de son ancien mentor, Faon Sauvage, qui venait de perdre la vie au combat. Il s'était porté volontaire pour la veillée, parce qu'il n'avait pas pu le sauver, parce qu'il l'avait connu, parce qu'il avait été une sorte de père pour lui. Il savait qu'il n'aurait jamais pu dormir de toute façon.
Le soleil se levait rapidement, et Nuage d'Alcidés savait que les chats du Clan n'allaient pas tarder à se réveiller et qu'il serait dépravé de sa solitude si agréable. Il posa son regard sur le cadavre du jeune guerrier, cédant à une vague de tristesse. C'était le premier être qu'il perdait, et même s'il n'était plus son apprenti, il avait beaucoup de respect pour lui et le comptait parmi le peu de chats pour qui il avait de l'affection. Une quantité qui diminuait visiblement. Il soupira, suivant des yeux la faible buée blanche qui s'échappait d'entre ses lèvres. Elle semblait presque danser dans le vent, ondulant et s'agitant alors qu'elle se dissipait dans l'air gelé. Nuage d'Alcidés plissa les yeux contre le soleil éblouissant, tentant d'ignorer les petites tâches orangées qui apparaissait devant lui. Elles ne partaient pas, et s'il se concentrait, il pouvait presque discerner des formes familières, comme des étoiles peut être ? Il secoua la tête et ferma les yeux, se pensant fatigué.
Derrière lui il pouvait entendre les premiers miaulements matinaux qui couvraient les sifflements d'oiseaux.
Quand il ouvrit les yeux, un léger mal de tête le pris et il s'étira, les yeux toujours rivés sur l'horizon. Devant lui se dessinait une ombre, une silhouette féline. Elle grandissait et l'apprenti plissa du nez.
A quelques moustaches de lui, Faon Sauvage inclina la tête, ses lèvres étirées en un sourire.
Ils échangèrent quelques paroles, et le Guerrier du Clan des Etoiles lui donna un coup de langue sur la tête.
Nuage d'Alcidés avait enfin eu la connexion qu'il attendait.