jingle bells, toucan purrs ▼ prio Nuage d'Albatros - end

La lumière lui creva les yeux, qui papillonnaient, empreints de longues larmes blanches. Puis le bruit s’écrasa avec fracas dans ses petites oreilles, alors rabattues sur son crâne. Des odeurs lourdes, chaudes, colorées vinrent lui assaillir le museau. Un bref instant, il retourna à l’état de nouveau-né aveugle et ignorant, il était déboussolé.

Puis tout lui revient, dans un grand flash éclatant et douloureux. Il avait été capturé par un Bipède lorsqu’il errait en Ville, à la recherche de nourriture. Il faisait trop froid dans le Verger, les souris et campagnols se terraient, et Trash ne l’aidait pas vraiment. Ses souvenirs étaient flous. Il lui semblait se souvenir d’une forte odeur de Monstre, et du contact d’un cuir froid agité de soubresaut – les vibrations produites par la bête de métal. Il était à présent dans un nid de Bipèdes, comme celui où il était né. L’un des humains le tenait dans ses pattes avant, bien haut dans le ciel. Cette prise lui faisait mal, ses pattes antérieures pédalaient dans le vide. Un contact désagréable dans son jeté de cou : un ruban rouge de satin y était noué, comme un signe d’asservissement. Il n’avait mal nul part, il avait l’air entier. Pas de visite surprise chez le Coupeur pour les fêtes, que sa petite taille soit louée, on avait dû le confondre avec un chaton des rues, et lui avait laissé son intégrité physique. S’il avait reçu des injections, il ne le savait pas, et ne le saurait jamais, mais il ne se sentait pas spécialement affaibli. Au contraire, à mesure qu’il se réveillait, il reprenait du poil de la bête.

La Bipède qui le tenait le serrait à présent contre son cœur. Il entendait ses battements sourds et apaisants. Elle le caressait, lui grattait entre les oreilles, il se surprit même à ronronner. Après tout, il venait d’un nid de Bipèdes, et n’avait pas spécialement honte de ses origines. Cependant, si un chat de la forêt le voyait, il sombrerait encore plus profondément dans les tréfonds du prestige, et se retrouverait au coude-à-coude avec l’ombilic et le cloporte.

Il inspira profondément. Il pouvait bien profiter de la petite vie confortable des Bipèdes pour quelques temps, voire tout le long de la saison froide. Jusqu’à ce que les humains remarquent sa violence contenue, et se décident à l’emmener chez leur guérisseur-mutilateur, l’homme au scalpel. Il expira.

Soudain, du coin de l’œil, il vit une forme bouger. Prise au piège d’une chaussette décorative, suspendue au dessus de l’espace à feu – qui dormait en ce moment – une boule de poil se débattait avec le tissu. Elle sorti enfin sa tête. Blanche contre le feutre rouge de la décoration de Noël se tenait Nuage d’Albatros.

Elle n'avait jamais eu aussi chaud de sa vie. Phrase aussi imagée que réelle, elle se souvenait du pourquoi du comment avec le cerveau en vrac. Elle courrait paisiblement au coin des landes, le cœur battant et les yeux émerveillés. Elle avait entendu deux crissements de roues. Ses oreilles dressées sur le crâne, sa tête était tournée vers l'étrange bruit. Son pelage lui permettait de se cacher dans la neige, mais trop tard, on venait de lui prendre le ventre. Elle ne vit plus rien, aveuglée. Elle était dans une sorte de sac. Trop étonnée pour réagir, elle se contentait de griffer le sac pour s'en aller. On la promenait quelque part. Où.

Autour d'elle, le bruit était bien différent que celui de son Clan natal. C'était des Bipèdes. Son sang se glaça et elle dut prendre sur elle pour éviter de trembler de toute son âme. Elle était redevenue chaton chétif, elle ne voulait rien voir, ne rien savoir. Néanmoins, sa curiosité prit le dessus et, hésitante, elle passa sa tête au dessus du haut de la chaussette. Autour d'elle brillaient de mille feux plein de guirlandes. Un étrange sapin trônait au centre de la pièce, avec plein de serpents illuminés. Ses oreilles se tapissèrent sur son crâne tandis que son visage tirait une moue curieuse. Les sourcils froncés, elle gratta l'étrange tissus dans lequel elle était pour se surélever. Elle n'était pas très haut, elle pourrait sauter et tenter de s'enfuir.

Elle sentit un regard peser sur elle. Gênée par cette étrange sensation, elle tourna la tête. Son cœur s'arrêta.

« Mais Toucan, qu'est – ce que tu branles ici ? » miaula-t-elle d'un air surpris.

Etait – il revenu à sa vie de domestique ? Impossible. L'idée d'être câliné par des Bipèdes devait l'agacer. Les plus petits du Clan des Bipèdes le caressait et le cajolait. Nuage d'Albatros dut se retenir pour éviter d'éclater de rire. Il fallait s'en aller. Comme une espionne, elle tomba à terre et s'avança vers le canapé.

« Allez faut qu'on se tire, ça craint cet endroit ! »

Elle se sentit quitter le sol et une main venait de la prendre par le cou. Elle miaula d'un air désespéré et se retrouva sur les genoux d'un grand Bipède qui faisait courir sa main le long de sa colonne vertébrale. C'était avec dégoût qu'elle appréciait ce contact, qui agissait comme un massage pour elle. Elle ronronna, avant de se refixer sur Toucan. Même si la compagnie des Grands était agréable, il fallait retrouver Cerfblanc. Qui sait, un blaireau pouvait être d'attaquer son Clan, sans elle ?!

Oh putain. Oh non. C’était la gamine. Avec sa petite voix criarde et ses grandes prunelles rouges – aussi écarlates que la chaussette dont elle sortait. Elle se coula au sol, lui miaulant de partir. Il n’avait pas vraiment envie : il était tranquille ici. Bon, les minis Bipèdes commençaient à lui frotter un peu trop fort le dos, et les odeurs de pain d’épice chaud lui agressaient la truffe – mais détails que cela.

Il allait la jouer fine.

D’un mouvement souple, il s’arracha aux petites mains avides des enfants, et déboula sur l’albinos.

« T’as raison Alby, on se casse ! »

Puis il fila en direction de l’étage, décidé à perdre la gamine dans la grande maison, puis de se caler dans un placard et de venir ronronner plus tard pour du lait. Diabolique.

« Ca craint ici ! »

Elle se dégagea de sa chaussette de Noël et profita de sa petite taille pour filer dans le couloir. Toucan fonça dans les escaliers pour les grimper deux à deux. Il allait vite, le fourbe. Décidant à ne pas se laisser distancer, la gamine s'élança à sa suite et bondissait plus qu'elle ne courrait. Son cœur battait à la chamade et des points de côté commençaient à apparaître. La maison était un labyrinthe, et la gamine se perdit dans l'antre des Bipèdes. Elle tremblota de peur, effrayée par l'inconnu et la gigantesque habitation.

« Toucan ? Toucan t'es où ? »

Elle fronça les sourcils et tourna dans la maison en cherchant son chemin. Il y avait des escaliers menant à plusieurs endroits de la maison, la perdant de plus en plus. Elle arriva dans une antre d'autant plus sombre, où l'air était frigorifié et où le silence régnait. Les murs avaient changés, devenant gris au lieu d'être jaune. Un grognement s'éleva dans l'air et deux yeux s'ouvraient dans le noir. Elle ne connaissait pas cet animal, mais son air menaçant la convint de fuir. Détalant à tout vitesse, elle sentit la bête se lancer à sa poursuite. Elle miaula de toutes ses forces, grimpant sur un établi où trônait différentes outils de bricolage. Elle espérait que les Bipèdes auraient besoin de clous, de vis pour le montage des jouets des enfants. En attendant, elle allait rester là, regardant la bête en espérant qu'elle se calme.

Du haut de l'escalier où il s'était perché, il entendit tout à coup un bruit de course, du remue-ménage. Puis la voix d'Alby, perçante. Pas possible cette gamine, elle était allé se foutre dans l'atelier, ou bien la garage, enfin, cet endroit grave froid des Bipèdes, et tout humide. il en frissonnait rien qu'en y pensant.

Il faisait face à un dilemme : s'il décidait de rester à l'étage, petite vie tranquille au chaud. Si il descendait, les problèmes commençaient.
Il choisit les problèmes.

Il dévala les marches d'un traite, et s'engouffra dans l'atelier. Alby était perchée sur une étagère, et un petit roquet aboyait en bas. Sans doute un chihuahua vu la taille et l'air hargneux. Ni une ni deux, il prit une impulsion et sauta sur l'établi, afin de se mettre au niveau de l'apprentie. il souffla, la respiration un peu hachée.

"Bon, gamine, easy. Miaule le plus fort possible, les Bipèdes vont arriver. Et puis, tiens, aide moi à pousser les outils sur lesquels tu es assise. Avec un coup de bol on ouvre la tête de cette saloperie jappante."

Toucan avait décidément l'esprit de Noël.

Il était venu. Elle avait entendu son brouhaha se mêler aux jappements de la chose et elle fit un bond. 90° et demi. Ses yeux s’agrandirent et elle sentit une vague de joie en elle. Il était revenu, c'était fantastique. Il sauta d'un coup sur l'établi, ce qui parut être un exploit pour elle mais une broutille pour un chat de taille adulte.

« Bon, gamine, easy. Miaule le plus fort possible, les Bipèdes vont arriver. Et puis, tiens, aide moi à pousser les outils sur lesquels tu es assise. Avec un coup de bol on ouvre la tête de cette saloperie jappante. »

La mémoire était pour le moins extrême. Tandis qu'il commençait à s'exécuter, elle se surprenait d'espérer que la chose rampante évite chaque tournevis, bordel à vis et symbole phallique qu'il balançait. Elle espérait que les propriétaires débarquent, en gueulant t'es con patatati patata d'un coup à l'autre de la cave. C'était le meilleur scénario. Dommage. On avait jamais le meilleur scénario. Dans un immonde grondement, la bête se prit un tournevis dans la patte avant. Alby se surprit à grimacer en fermant les yeux, la tête repliée sur le côté. C'était l'horreur.

« T'y es allé fort quand même … Il est ralenti, allons-y... »

Alors qu'elle atterrit au sol, les Bipèdes arrivèrent. Ils avaient la gueule des mauvais jours, un sourire en biais façon planche de bois. Nul doute, l'albinos les imita en comprenant qu'elle allait passer elle même un sale moment. Ils venaient de blesser leur clébard. C'était à eux. Elle lâcha un cri d'attention à Toucan et fonça vers les Bipèdes. Elle espérait qu'elle était suffisamment rapide pour passer entre leurs jambes.

Et elle se rata.

Un bras s'attrapa par la queue. Elle hurla et fit projeter au sol. Couinant et griffes dehors, à défaut de pouvoir se remettre rapidement sur place, le cœur battant, Nuage d'Albatros savait qu'elle pouvait lancer ses pattes pour punir les Bipèdes qui seraient trop téméraires pour se frotter à elle. Grimaçant, elle comptait sur Toucan pour la sortir de la galère. Comme d'habitude, vous direz. Le chien était mal au point, la patte immobilisée, mais faisait un bruit de fin du monde.

L'apocalypse semblait être le Club Med.

Ouch. Ça devait faire mal ça, un tournevis dans la patte. Le petit roquet jappait de douleur. Toucan n'en avait rien à foutre. Désespérément rien. Alby n'avait pas l'air de le vivre bien. Bon, elle est mimi hein, la petite, là, mais si elle est pas contente de son sauvetage, elle aurait aussi bien pu se laisser bouffer pour le chien. Les enfants. Des nids à problèmes.

Bah tiens. Manquait plus que les Bipèdes dans ce foutoir. Manquerait plus qu'Alby se fasse chopper, eeeeeet, et on y, c'est bon, ils la tiennent par la queue.

Pendant un instant - voire deux - il envisagea de la planter là. Qu'elle se débrouille seule un peu quoi. Le chien n'avait plus l'air d'être une menace, et les Bipèdes... Bon. C'étaient des Bipèdes quoi. Pas habitué aux coups.

Quoique, Alby était pas spécialement habituée aux coups - il ne devait guère y avoir que lui pour lui démettre des épaules. Il soupira. Observa le terrain. Le Bipède qui tenait la boule laiteuse était à un mètre de lui. De son perchoir, il voyait le haut de son crâne. Parfait.

Mesdames et messieurs, Toucan le voltigeur.

D'un bond, il sauta sur la tête du Bipède, toutes griffes sorties. On allait colorer sa petite face sans poils. Puis retour à la maison, et qu'il n'entende plus parler d'une certaine albinos pendant un long moment.

Je te déteste, j'aurais du te planter avec ce tournevis :( :( :( choquée et déçue