|BLIZZARD] Don't Damn Me - end

Je m'appelle Trash, je crois.
Je vis au Verger depuis pas mal de lunes il me semble. Et puis j'aime bien me battre si je me rappelle bien.
Mais j'ai faim.
Ca j'en suis sûr tellement mon corps me le rappelle à chaque instant.
J'ai faim.
C'est difficile d'ignorer quand tes suc grastriques te bouffent de l'intérieur.
Et j'ai froid aussi.
Du fait que même mon pelage devenu voluminieux me suffit plus à avoir chaud. Il empêche plus le vent froid de me mordre la peau à chaque bourrasque. Je sens même plus mes pattes à cause que c'est plus que des blocs de glace inutiles qui rendent plus lourds mes pas.
Je suis fatigué.
Je marche partout, toute la journée pour essayer de trouver quelque chose ou quelqu'un d'assez courageux, d'assez con ( je suis pas con fermez la ) pour sortir dehors malgré le temps.

Le temps est bizarre.
Comme si le Vent était énervé, en colère, plein de haine et qu'il voulait tout défoncer sur son passage, que tout gèle, que tout disparaisse, que tout meurt.
Ce Vent a envie de tout envoyer chier et putain je le comprendre ce Vent.

Je me mets à courir sur mes blocs de glace même si je sais pas où je vais - je vois rien- et je sens pas ou je vais - je sens rien - je continue à l'instinct.

L'instinct qui me guide jusqu'à un truc mou que je percute.

Toucan !!

Je me secoue à cause que je préfère être noir que tout blanc vous savez.

J'ai tué un cerf gros comme ça Toucan ! Je me dresse sur mes grosses pattes arrières pour pouvoir écarter exagérement celle devant. Je gueule un peu à cause que le bruit du vent couvre mon bruit à moi. On va pouvoir manger tant qu'on veut ! T'as intérêt à faire tout ce que j'te dis si tu veux survivre hahahah !

J'attends de voir l'espoir s'allumer dans ses yeux, avant de :

Non. C'pas vrai.*sourire* C'est toi la viande de secours Toucan.

Il faisait vraiment un temps dégueulasse. Le vent charriait des flocons de neige, mais l’image n’avait rien de poétique : pour Toucan, cela se réduisait à se prendre de la putain de neige dans la gueule, et se faire mordre les os par le froid.

Il vivait très mal l’hiver, lui qui n’était déjà pas bien gros. Il vivait encore plus mal ce blizzard à la con, qui avait l’intention claire et nette, aussi précise qu’une scie caustique, de l’écorcher vivant. Il sentait l’air froid, amant fidèle, amant terrible, lui caresser le corps, lui glacer la peau. C’était un éphèbe farouche au premier abord, au toucher délicat, mais qui devenait bien vite une vamp orchidoclaste qui suçait son cœur avec passion et jetait ses tendons dans un grand feu de joie – brasier tout à son usage, et dont le petit caillou ne pouvait évidemment pas bénéficier, juste le voir se consumer dans la face cachée du blizzard.

Le corps efflanqué, le poil terne, les yeux caves, Toucan n’était pas beau à voir. Ses côtes saillaient sous sa peau rougie par les morsures amoureuses du vent. Il avait désespérément besoin de manger, et pas la plus petite parcelle d’énergie pour se battre. Non, il aurait bien donner un œil en ce moment pour de la chaleur animale. De ce fait, il attendait le retour de Trash, son fils adoptif, ce chaton – enfin, plus vraiment maintenant – un peu bizarre, un peu con, un peu brusque, un peu macho, taillé dans le basalte. Il l’aimait bien. Enfin, il pensait. D’ailleurs, en parlant de lui. À plusieurs dizaines de mètres de lui, il le voyait arriver, le pas hésitant. Il avait l’air engourdi, et lui aussi tourmenté par la faim. Toucan plissa les yeux, pour discerner la tâche noire pointillée de blanc de l’immensité de la couverture neigeuse. Trash arriva vers lui, sur sa gauche, l’air fier et stupide, il se dressa sur ses pattes arrières, et lui gueula dans le blizzard :

« J'ai tué un cerf gros comme ça Toucan ! On va pouvoir manger tant qu'on veut ! T'as intérêt à faire tout ce que j'te dis si tu veux survivre hahahah ! »

Ses yeux fatigués s’allumèrent, il fouilla du regard le paysage pour trouver ladite viande, mais le paysage était si désespérément blanc, désespérément vide. Ses prunelles s’abimèrent de noirceur. Ce sens de l’humour ravageur, putain, on se tape des barres.

« Non. C'pas vrai. C'est toi la viande de secours Toucan. »

Il fit demi-tour vers Trash, l’air maussade, à petits pas. Quand il marchait sur la glace – froide, ô si froide – il avait l’impression que des lames lui transperçaient les pattes. Face à son fils, il vient lui mettre un coup de museau dans le poitrail, signe de confiance, un peu. Surtout pour lui montrer qu’il ne prenait pas ses menaces adolescentes au sérieux.

« C’est ça oui gamin, t’avais pas l’air bien cannibale quand je t’ai recueilli. Bon, sinon, tu es allé où déjà, dans cette putain de forêt, pour ne pas trouver à manger ? Histoire qu’on cherche ailleurs. »

Spoiler:

Je me laisse tomber sur les fesses.
Je regrette.
Je me relève bruquement du fait de la morsure de la glace en lâchant au passage un putaaain!

Je me rapproche impercepiblement de Toucan pour profiter de sa chaleur. Mais putain il est pas un très bon rempart contre le froid à cause que il est plus petit que moins maintenant et vous imaginez bien que je me prends du coup toutes les bourasques dans la gueule.

Je soupire / grogne et mon souffle s'accroche à l'air. C'est rigolo à voir.

Par là.. je dis en montrant évasivement un point dans la brume de ma patte ( devenue blanche putain ).

Et soudain.
Une idée.
Le genre de bonne idée qu'on doit pas trop y réfléchir sinon elle s'enfuit et elle fait mal à la tête.

Yosh ! J'ai une bonne idée Toucan ! je dis.
Je me campe sur mes pattes manquant presque de le percuter.

Je suis allé dans les bois ! Les arbres font moins passer la neige tu vois, et y'a peut-être du gibier qui hiberne. je dis.

J'agite la queue.

C'est décidé Toucan ! Faut qu'on déménage dans les bois !

C'est décidé Toucan ! Faut qu'on déménage dans les bois !

Toucan regarda Trash, son fils, avec stupéfaction. Il avait bien grandi, pris en assurance, et surtout, le voila capable de tenir un raisonnement logique. Oui, c'était décidément une putain de bonne idée, de déménager. Un sourire douloureux lui étira le visage. Déménager. Oui, mais il aimait son Verger. C'était sa maison. sa propriété. Quelque chose qui lui permettait d'exister, d'avoir une place. Il n'avait pas du tout envie de le quitter. Ce serait rompre avec son premier amour, le laisser couler dans l'océan noir du regret.

Dilemme.

Il regarda Trash, tout excité à l'idée de partir, les yeux pleins de rêves nutritifs. Il comprenait bien, oui. Il s'agissait de leur survie. Il soupira, et frotta son museau dans la fourrure ébouriffée de son poitrail. C'est sûr qu'il ne cracherait pas sur un peu de viande. Il fantasme sur les mulots et a commencé à manger des insectes. Il regarde ses côtes. On pourra bientôt jouer du xylophone dessus. il soupira.

"C'est d'accord chaton, on va déménager. Pour l'hiver hein, on revient ici après ! Bon, du coup, dis moi, c'est où ton coin ? Pas sur les terres des Claniques j'espère, les voisins racistes ça va être chiant." Il marmonna la suite pour lui même. "Déjà que le blizzard me tue..."

Ok.
C'est ok.

Je relève même pas le fait qu'il m'appelle chaton tellement je suis soulagé de pouvoir bouger.

Partout c'est chez nous ! Mais ici c'est le QG et on abandonne pas le QG hahaha ! Nem'appellepaschatonputain.

Si je relève en fait. Et puis je me rapproche de lui pour avoir chaud / entendre ce qu'il dit et .. Les claniques ?
Les claniques personne m'a jamais expliqué. J'ai pas le temps de creuser la question parce que déjà il dit autre chose.

Le blizzard te tue ?? je m'offusque. T'as pas intérêt à mourir Toucan. Dans le Cercle on est fort ! Est-ce-que je meurs moi ?

Nan. Jamais.
C'est vrai que Toucan vient pas de la nature, j'espère qu'il va passer l'hiver. Sinon .. Sinon je ..

...

Ne plus réfléchir. Ca me fait mal à la tête alors je préfère l'action.
Les bois c'est par là !
J'ai perdu tous mes repères mais je sais qu'il faut suivre la rivière qui descend.
Descendre.
Je sens la pente un peu.

Alors bon l'action, je fais des grands pas dans la neige en me retournant pour voir si Toucan vient.

" T'as pas intérêt à mourir Toucan. Dans le Cercle on est fort ! Est-ce-que je meurs moi ? "

Non, c'est sûr, il ne meurs pas lui. Plus grand, plus gros, plus adapté à la vie dans cette putain de forêt. En comparaison, Toucan était bien faiblard, avec son petit squelette et ses côtes de xylophone, ses désirs trop grands et ses illusions trop réelles, son estomac si vide et ses pattes si faibles.

Mais Trash est déjà parti. Il le suit, le long de la pente. Son corps pèse lourd, mais il essaye de tenir la cadence. Parfois, le chaton-qui-n'est-plus-tellement-une-chaton jette des coups d’œil dans sa direction. Toucan continue, cahin-caha, les pattes qui trainent dans la poudreuse. C'est dur. Le blizzard l'a vraiment affaibli. Il se sent mal, fiévreux.

" Trash."

Sa voix est faible.

" Trash, faut que tu me portes. Promis, quand on arrive à notre prochaine maison, ça ira mieux, mais là j'ai besoin de toi. Allez, j'pèse pas bien lourd, tu sais bien. Aide moi, ce serait con que le Cercle s'arrête maintenant. "

+:

Toucan traine.
Alors je fais quelques bonds pour avancer puis quelques pas en arrière pour le rejoindre et ainsi de suite, et ainsi de suite.
Il faut qu'il le dise
pour que je comprenne.
Qu'il va pas y arriver.
C'est trop loin, c'est trop dur, ses coussinnets sont trop roses et ses pattes trop faibles pour le voyage.

Je m'exécute. Epaule contre épaule, je sens son poids qui commence à peser sur moi et puis je le bascule sur mon dos. Je vous cache pas que c'est long. Les construxions des hommes sont éloignées les uns des autres. Faut d'abord traverser la Lande, puis longer la rivière puis enfin enfin je vois les silhouettes des arbres qui surgissent dans le brouillard.
Je vous cache pas que c'est pas facile.
Je m'enfonce de quelques bons centimètres dans la neige à chaque pas, le vent me pousse d'un côté, puis de l'autre et chaque pas fait en plus me fatigue à cause que je sens de plus en plus la présence de Toucan qui pèse sur mon dos.
J'ai plus froid au moins.
Je suis réchauffé.
Et soulagé quand les bois se forment au dessus de ma tête.

On y est Toucan ! je souffle mais je crois pas qu'il m'entende à cause que le vent emporte mes paroles et peut être il dort là haut.

Mais je peux pas arrêter maintenant, je continue de marcher. Les grandes épines des sapins font barrage à la neige alors je déside de m'arrêter sous l'un d'eux où le sol est sec.
Je pose Toucan à terre sans ménagement et je me couche sur le ventre, les pattes coupées par la fatigue.
Je me regarde. Je le tâte avec ma patte pour savoir si il va bien.

On y est Toucan. je redis.

Mais peut-être il dort. Pas après toute cette marche .. il doit s'être endormi.

C'est drôle. je dis pour meubler le silence de ma voix seule dans l'air C'est moi qui te sauve maintenant. Et en plus je veux rien en échange.

De toute façon Toucan a rien à me donner. Mais y'a pas que ça .. est-ce-que c'est ça s'attacher à quelqu'un ?

Il rêve. il rêve qu'il est sur l'eau, que les flots chauds et doux le bercent. Il rêve, et dans ce rêve, il n'a plus mal, il n'a plus froid, il n'a plus faim. Il n'y a plus rien dans le monde, tout est noir, mais il y a le roulis, apaisant et maternel, et alors il est bien. Il ne pense plus à rien. Il ne peut plus penser à rien.

C'est la fièvre.

Puis, le va-et-vient s'arrête, brusquement. Il chute, retour à la réalité. Tout son corps se rappelle à lui, et il gémit un peu. La neige est trop claire, trop blanche, trop vive, elle lui mord la carcasse et blesse ses yeux. Mais la neige est loin. A plusieurs mètres de lui. Dieu soit loué, le cauchemar s'éloigne. il soupire, et se tasse sur le sol - froid, mais sec. Il sent une patte inquisitrice qui tâte dans ses côtes. Trash. Putain, Trash. Merci. Son fils murmurait une soupe de petits mots, une mélopée douce qui berçait le petit solitaire. Il était bien, depuis bien longtemps il ne s'était pas senti aussi bien. Il roula vers Trash, vers la chaleur. Il allait dormir, dormir, et quand il se réveillerait, comme une Belle au Bois Dormant, tout ira mieux, il sera en forme, ce long hiver sera enfin fini.

"C'est ça... la... famille..." Il soupira, le sommeil mangeait ses mots. "Jvais dormir et, eeeet, et ça va aller... Jsuis cont-ouaaah-ent là"

Le corps chaud de Trash contre lui, Toucan s'endormit. Il frissonnait dans son sommeil, la fièvre l’étreignait. Il rêvait, il rêvait de chaleur, et de nourriture, puis qu'il flottait, bien haut dans le ciel, il voyait tout, il était un grand œil, il connaissait tout, il dominait tout. Il était grand, très grand, et il avait des ailes, et des couleurs, et il était mou, mou et doux. Tout était mou, un peu comme du sable mouillé, et un peu pâteux, ou plutôt, visqueux, comme un sirop très sucré, ou bien de la sève, ou encore du sang. Du sang odorant, suave, un peu étouffant. Oui, le sang le recouvrait, il s'étalait en grande nappe sur ses ailes irisées, et alors Toucan commença à tomber, tomber, il allait s'écraser, le sol se rapprochait de plus en plus vite, ses ailes étaient souillées, il allait tomber et mourir et s'écraser et mourir et

Il se réveilla, le cœur battant à tout rompre. Il était sur le ventre, couvert d'une légère sueur, et devant son visage, une masse sanguinolente, une forte odeur l’assaillit. Cette vision lui donna un bref instant l'impression d'être revenu dans l'utérus maternel, dans des intérieurs visqueux et teintés de pourpre. Il cligna des yeux. Du lapin. Le ciel soit loué. Il se redressa lentement, et constata qu'il tremblait moins, la fièvre avait baissé. Il mourait de faim, et ne se fit pas prier quand Trash lui dit de manger. La viande lui faisait du bien, il n'avait pas correctement mangé depuis trop longtemps - il avait même du bouffer des putains d'insectes pour ne pas crever.

"Merci Trash, pour tout." Il se lécha les babines, et rejoint son fils pour la toilette. "Et tu ne penses pas qu'on pourrait aller vivre dans le terrier aussi ? On serait plus abrité non ?"