[MENACE] Votre fin arrivera - end

De nombreux jours s'étaient écoulés depuis la fin du blizzard et, de fait, depuis sa "nomination" au poste de Cheffe. Fort heureusement, ladite promotion n'avait pas encore amené son lot de protestations. Enfin. Quelques unes s'étaient élevées, naturellement. On ne remplaçait pas un chef aussi mou qu'Étoile du Lion sans faire quelques remous quant à l'apposition de nouvelles politiques. Dire que les insatisfaits couraient le clan était probablement un euphémisme. Mais jusqu'à présent, aucun attentat contre sa vie n'avait été réalisé, ce qui en soit était quasiment un prodige. Elle avait même réussi à quitter le campement quelques jours pour officialiser son couronnement aux Hautes Pierres, et était revenue sans trouver la forêt à feu et à sang ─ ou bien décidée à ne pas la laisser revenir. Désormais, quiconque désirant protester contre son règne se verrait heurté à un problème de taille: les multiples vies qu'elle venait de gagner dans son pèlerinage. Elle avait beau envoyer promener le Clan des Étoiles la moitié du temps, et le craindre l'autre moitié, la chatte devait bien admettre leur utilité. Le prochain qui essaierait de lui mettre une volée regretterait probablement cette malchance.

Cette occasion sembla se présenter plus tôt que prévu.

Accompagnant la patrouille de l'aube, qu'elle désirait observer afin de noter des progrès de chacun, la meneuse ne tarda pas à se faire agresser les narines. Alors que la troupe approchait des Rochers du Soleil, une forte odeur de poisson les attaqua de plein fouet. Et pas odeur de poisson dans le genre euphémisme pour ceux de la Rivière, ou une gentille odeur de saumon habilement pêché. Non, ils étaient face à un parfum pestilentiel, une odeur de corps en décomposition qui devait plus rappeler le charnier de l'Ombre que leur jolie rivière. En arrière goût (car oui, l'effluve était si forte qu'elle devenait perceptible à ses papilles) se trouvait une trace du clan de la Rivière. Quoique, nul besoin de ce détail pour trouver le coupable. Personne d'autre ne serait venu poser un poisson en décomposition à cet endroit précis, qui était bataillé depuis des générations entre les deux clans. La marque sanglante apposée au rocher ne servait qu'à certifier la gravité de la situation.

─ C'est quoi c'te connerie.

Une voix grave, une question lancée à personne. Nul n'avait besoin d'y répondre, la situation était on ne peut plus claire: le clan de la Rivière provoquait leurs voisins. De manière franchement outrageuse, à défaut d'être élégante. Après avoir fixé le corps en décomposition de petits yeux plissés, Étoile de Suie se réanima brusquement et se retourna vers la troupe de Guerriers l'accompagnant. Il ne lui en fallut pas plus pour s'emporter, vociférant à qui voulait bien l'entendre:

─ Qui peut m'expliquer ça ?
Qui était de garde cette nuit ?
QUI A LAISSÉ UN INTRUS SUR NOS TERRES VENIR FAIRE ÇA ?

hrp:

Si sous son regard de feu, certains se tortillèrent d'inconfort (peut-être de culpabilité, mais probablement plus de gêne de voir leur meneuse fumer ainsi), une seule osa se détacher du lot: Rive d'Écume. Évidemment. La vue de la femelle bleuté ne calma en rien la grosse chatte, qui se rappelait encore vivement leur échange survenu plusieurs jours plutôt. Le courant n'avait pas passé entre elles, ce qui laissait présager de belles flammèches à l'avenir. Pas qu'Étoile de Suie n'en fusse particulièrement émue ─ son petit coeur allait s'en remettre ─, mais reste qu'en situation où elle devait affirmer sa nouvelle autorité, leur relation conflictuelle pouvait causer soucis. Et comme de fait...

─ C'est aucun de nous et tu le sais très bien, on dormais à ce moment, tout comme toi nan ?

Poursuivant comme elle avait commencé, la menue féline continua sa tirade en appelant la meneuse à calmer ses ardeurs et respirer un bon coup. Certes, un peu d'oxygénation du cerveau ne lui aurait pas fait de mal, vu la puissance de son emportement, mais une telle constatation n'était pas à faire par une simple guerrière. Maintenant qu'elle avait vu ses chances de devenir lieutenante s'envoler en fumée, Rive d'Écume se permettait des largesses qu'elle n'aurait autrefois eu, dans l'espoir de monter de grade. Néanmoins, comme ses commentaires n'étaient (généralement) pas que des conneries, Étoile de Suie laissait filer à moitié, autorisant un peu de provocations en échange de son intellect. Sauf que, à l'instant, la tolérance n'existait plus dans son vocabulaire.

─ Ah ouais ? Et tu crois pas que s'ils ont fait cette déclaration, c'est pas justement parce qu'ils trouvent qu'le clan est rempli de faiblards qui savent pas patrouiller des frontières comme il faut ? Tu veux vraiment m'faire croire qu'une de ces faces-de-crapet a non seulement réussi à poser la patte su notre territoire, mais qu'en plus il l'a fait en tenant dans sa gueule un poisson qui empeste, et que y'a pas un guerrier incompétent à blâmer pour ça ?

À nouveau, elle s'était emportée dans son discours, ne manquant pas de cracher sa hargne devant non seulement la provocation, mais également le manque de la patrouille et les piques de Rive d'Écume. Étoile du Lion avait décidément ramolli le clan et en avait fait une traînée de larves qui ne savaient même plus comment défendre leurs frontières. Se rappeler du feu meneur l'enflamma un instant (surtout vu l'endroit où ils se tenaient...), mais elle parvint à se ressaisir. Bien qu'elle ne l'aurait admis, il était vrai que s'emporter contre le vent ne servait à rien à l'instant. Les préparatifs de bataille devaient commencer.

─ Mais c'est plus le moment pour ça. Faut se préparer. Faut répondre.
Elle ferma les yeux, un bref instant, puis les rouvrit pour les plaquer sur un félin banal.
─ Toi. Vadire à Songe Lunaire, à elle seulement, qu'un combat se prépare. T'es à sa disposition, aide-la à se préparer. Quant à vous deux, et elle inclus Rive d'Écume dans sa désignation, histoire de bien l'emmerder, vous restez ici à garder la frontière jusqu'à nouvel ordre. Les autres, on chasse, on se prépare, on attend. Des questions ?
Elle laissa son regard tomber sur la troupe, prête à contrer le premier qui oserait protester.