[Lunar] Eradication - end

Alors qu'elle pendait aux babines de Nuage de Saumon, Petite Edelweiss quitta la tanière qui protégeait encore sa mère et l'un des enfants du chef, une boule d'angoisse au ventre. Elle dardait un regard désespéré en direction d'Eau Turquoise, comme si ses petits yeux bleus, s'ils en venaient à ne plus trouver la reine quelques secondes durant, ne pourraient plus jamais la revoir. Mais le rideau de saule, qui protégeait l'ouverture de l'antre du chef, se replaça, cachant du même coup la femelle bicolore. L'âme en peine, la chatonne blanche tachetée retenait des larmes qui auraient pût la discréditer auprès de ses camarades ; elle était forte, elle ne pleurait pas ! Au lieu de se lamenter sur son sort, elle reporta à la place son attention sur la clairière du campement. Pleine de félins crachants et hurlants, comme la petite se l'était imaginée, le sol de celle-ci se teintait également d'une coloration rouge. Du sang ?! Eurk, ça pu en plus ! Cette vision, plutôt que d'effrayer davantage Petite Edelweiss, fit naître en elle une rage sans bornes. Ils osaient s'attaquer à eux et dans leur campement, qui plus est ?! Si j'avais été apprentie, j'leur aurait mis la pâté !, pensa la tachetée, le poil soudainement tout ébouriffé. 

C'est là qu'eut lieu le premier choc. Deux félins leur barrèrent soudainement la route, entrainés dans un tourbillon de crocs et de griffes. Dans un mouvement de recul de l'apprenti, la peau du cou de la petite fut sèchement tirée en arrière. L'espace d'un instant, son cœur tambourina follement contre sa poitrine, mais la chose étant sans gravité, le choc passa bien vite. Petite Edelweiss cracha contre celui des deux qui n'avait pas à être là, pupilles dilatées et griffes sorties. À présent, elle avait mal au cou, d'autant plus que l'apprenti courait en tous sens dans l'enceinte du camp. Elle ne lui en voulait pas, après tout il faisait ce qu'il pouvait, mais laissa malgré elle échapper un petit couinement. 

Le second choc arriva juste après. Petite Edelweiss se faisait toujours ballotter au travers du campement, lorsqu'un guerrier gris, gros et grand comme deux fois sa fratrie -pourtant nombreuse, se rua sur eux. Ahhh, paniqua intérieurement la petite en remuant les pattes avant comme si ça pouvait faire dévier le guerrier, il va nous écraser ! D'un bond maladroit mais haut, l'apprenti jaune et blanc leurs permis d'échapper aux griffes du fou furieux. Petite Edelweiss réprima une plainte -elle avait de plus en plus mal au cou, et tira la langue au matou cendré.

Elle s'était réjouie trop tôt, ou alors c'était un coup du karma. Le troisième choc, le plus rude, s'enchaîna à toute vitesse. Un second guerrier se jeta sur eux, dépliant la patte à toute vitesse. Cette fois-ci, Nuage de Saumon ne parvient pas à esquiver l'attaque et fut contraint d'effectuer un roulé-boulé qui envoya la chatonne visiter le sol. Sa truffe cogna durement un caillou et du sang s'en échappa. Relevant la tête, elle tenta de faire quelques pas ; le sol tangua un peu. Elle s'essuya le nez d'un geste timide de la patte. Quelques secondes après, ça allait déjà mieux. Nuage de Saumon la serra contre lui, faisant barrage avec sa queue. Il avait l'air vraiment en colère et hurlait sur les deux guerriers adverses, pas terrifié par leurs carrures. Il est trop courageux !, songea Petite Edelweiss, admirative. Alors, pour montrer qu'elle aussi était courageuse, elle se plaça à coté de l'apprenti, de façon à ce que les chats ennemis voient bien ses yeux chargés de haine. Un sillon de sang séché maculait toujours son visage.

— Non mais ça va pas la tête ?! On n'attaque pas un chat qui transporte un bébé !! Vous êtes tous attardés au Tonnerre ou quoi ?! Elle aurait pu se faire super mal ! À deux en plus, contre un apprenti ! Je savais que vous étiez des tapettes de l'autre côté de la rivière, mais pas à ce point !

—Olala, c'est trop la honte, vous êtes des … des tapettes ?! Hé, mais ça veut dire quoi, des tapettes ? Elle regardait Nuage de Saumon, sourcils froncés, puis elle remua la tête ; c'était sans importance, pour le moment. Bah de toute façon vous êtes des méchants. Même que quand vous aurez des bébés, ils auront trop peur de vous !

Ça lui semblait être une insulte suprême, mais finalement, la petite n'avait elle-même pas peur de son père uniquement car il était mort et enterré. Une phrase que l'apprenti avait prononcé lui revient en mémoire et elle dépêcha de la démentir.

— Par contre, je suis plus un bébé, en fait j'ai quatre lunes donc …

Elle aurait pu continuer longtemps comme ça, si une grosse femelle n'avait pas poussé un hurlement terrifiant. L'histoire de Nuage de Taupe lui revient en mémoire. Était-ce la cheftaine du clan du Tonnerre ?

─ CHATS DE LA RIVIÈRE. VOTRE ÉTOILE EST MORTE ET VOS CHATONS SONT LES NÔTRES. ARRÊTEZ DE VOUS BATTRE, SINON LEUR SANG SERA VERSÉ.

Le corps d'Étoile de Pierre était allongé dans l'un des coins du clan, entouré d'une mare de sang. Petite Edelweiss fit marche arrière, se pressant dans le poil du félin jaune, comme pour disparaître.

La femelle grise venait de quitter le combat, tant mieux, cela faisait une en moins. Maintenant nous étions trois contre deux, la balance penchait enfin de notre côté. La lieutenante voyait bien que le combat allait bientôt se terminer, la femelle grise était déjà partie, et le gros matou roux combattait depuis plus longtemps que le matou noir. Il fallait en finir, et vite. Soudain, Etoile de Suie, la cheftaine et vermine du clan du Tonnerre, essaya tant bien que mal de se hisser sur un rocher. Que faisait-elle là ? Où était Etoile de Pierre ? Tous les membres du clan de la rivière se demandaient la même chose que la lieutenante, qui avait les yeux rivés sur la femelle qui semblait sortie tout droit d'un combat.

« CHATS DE LA RIVIÈRE, VOTRE ÉTOILE EST MORTE, ET VOS CHATONS SONT LES NÔTRES. ARRÊTEZ DE VOUS BATTRE, SINON LEUR SANG SERA VERSÉ »

Les yeux de Douce Orchidée s'écarquillèrent. Non, impossible. Notre chef ! Elle n'en croyait pas ses oreilles. La féline cracha et feula de plus belle, une rage énorme pouvait se sentir. Sale vermine ! Elle était furieuse, à cause d'Etoile de Suie son chef avait été blessé, mais dans quel état était-il ?

« C'est qu'un début ... » lança le chat de la lune, comme ravi par cette nouvelle. Il va s'en aller ?! Avant qu'il ne parte, et qu'il ne soit trop tard pour l'attaquer, la lieutenante bondit sur lui dans une colère noire et asséna un dernier coup. Surement le dernier de la bataille. Maintenant qu'ils avaient eu ce qu'ils voulaient, ils n'allaient surement pas traîner ici.

«  Dégage d'ici ! Si jamais je te revois, je t'arrache la tête ! » cria-t-elle à l'intention du chat noir de la lune, qui filait déjà. Après qu'il soit parti, étant donné qu'il ne restait que le chat roux pour Écaille d'or et Matin Embrasé, Douce Orchidée décida de quitter le combat pour aller voir comment allait son chef. Elle ne mit pas longtemps à le retrouver, étalé dans une mare de sang. Dans son propre sang qui n'aurait jamais dû couler ! Elle se posta près de lui prête à attaquer, les yeux fous de rage. Nuage des Ruisseaux devait arriver, pour le bien de son chef.

| C'était mon dernier post |

Le jeune mâle de la Rivière tenta d'esquiver la seconde attaque qui lui arrivait dessus, cependant il ne put s'échapper totalement aux griffes du lieutenant qui tombèrent tout de même sur le bout de sa queue. Il laissa tomber son précieux fardeaux qui, ne tarda d'ailleurs pas à se relever. Le novice jaune se plaça face aux deux guerriers du Tonnerre, gardant la petite boule de poils blanche contre lui, tandis qu'il commençait à tempêté contre ses ennemis. Leur hurlant dessus qu'ils étaient des malades... et des tapettes. Un grognement sourd s'échappa de la gorge du Vautour. La gamine ne tarda pas à en rajoutant une couche, usant du nouveau mot qu'elle venait d'apprendre, se demandant tout de même ce que cela pouvait bien vouloir signifier. Puis continua en disant qu'ils étaient que des méchants qui feraient peur à leur bébés. Elle se tut et réfléchit quelques instants avant de dire qu'elle n'était pas un bébé puisqu'elle avait déjà quatre lunes. Juste après la voix d'Etoile de Suie retenti dans la clairière, clamant haut et fort qu'Etoile de Pierre était mort. Un rictus moqueur se dessina sur les lèvres de Vautour Fauve.

Il s'avança dans le but de donner un violent coup de griffe au gamin, souhaitant lui faire par la même occasion regretter ses paroles insultantes... et pourquoi pas faire peur à la petite. L'ordre aurait peut être été d'ailleurs de la récupérer pour le clan, mais le lieutenant se refusait à voler une chatonne d'un clan adverse. Malgré ce qu'il avait dit à son frère, il était contre le fait de souiller d'avantage le clan du Tonnerre.

— Ton chef est mort gamin, il semblerait que les tapettes sont plus fortes que les parasites de la Rivière. Quand aux bébés qui auront peur de nous... se seront les chatons de la rivière.

Sur ce, après un dernier regard clairement moqueur pour l'apprenti ennemi, il fit volte face, n'attendant pas que son frère le suive - il le suivrait s'il en avait envie, peut importait. Il s'éloigna, sans un seul regard pour la petite qu'il aurait pu voler. Il se doutait également que Busard Cendré n'en ferait rien.. sûrement se tairait il. En tout cas, le Vautour l'espérait.

HRP:

HRP:

Éther, après avoir reçu un nouveau coup, se contenta de siffler puis de s'éclipser. Elle n'avait pas plus de temps à perdre que cela, surtout après l'annonce de la cheffe alliée. Elle n'avait pas bien combattu, pas plus qu'elle n'avait pu voler de petits, les membres de la Rivière étant maintenant alarmés, elle ne pourrait pas en dérober un sans se prendre à nouveaux de sérieux coups, et elle ne pouvait pas mourir ici, son cœur le lui disait. Elle sortit du campement des écureuils, et se mit à courir, puis à ralentir le pas en réfléchissant, après s'être écartée du vacarme de la bataille.

La grise avait échoué lors de la bataille : elle n'avait tué qu'un apprenti et amoché un guerrier, un chiffre consternant comparé aux habiletés qu'on attendait d'elle. Il était temps d'offrir la vie éternelle à une nouvelle âme, et l’œil laiteux de Son étoile semblait lui indiquer une petite femelle qu'elle apercevait à travers l'ombre d'un buisson. Éther n'était pas l'interprète de la Lune, mais elle se plaisait à croire qu'elle pouvait malgré tout percevoir des signes, et le fait que l'apprentie se trouve dans un lieu sombre lui fit dire que cette enfant n'était pas digne des bonnes grâces de Leur guide.

La petite est plantée devant une pierre brillante, toute pareille à une Lune miniature. Éther n'avait plus aucun doute sur ce qu'elle avait à faire : elle pouvait racheter ses erreurs ... Elle attendit néanmoins, entendant l'enfant s'exprimer de sa voix claire d'innocence.

« ... peut-être que c'est à cause de ces nouveaux venus. La lune... Elle est froide et je l'aime pas, le soleil et les Etoiles sont mieux, surtout NOS Etoiles. Elles brillent de partout elles, pas comme cette foutue lune qui assombrit tout et qui est méchante. Elle est là, puis elle disparaît... Elle est pas digne de confiance. »

Le court pelage gris de la femelle se hérissa. Ces impies ! Ils bourraient le crâne de leurs petits avec des idées à dormir debout : c'étaient leurs Etoiles, dont certaines disparaissaient même quelques nuits, qui étaient inconstantes et bien peu fiables ! Et la seule chose que la Lune assombrissait ce soir, c'était le corps de cette petite idiote ...

« En plus à cause d'elle, on doit subir la mocheté ridée. Elle est venue avec les autres et qu'est-ce qu'elle est moche!!! Elle a plus de rides que j'ai jamais vu, elle pue et j'aime pas la voir. Elle fait peur. Je me demande comment ça se fait qu'elle soit pas encore morte, peut-être que Etoile de Suie irait mieux sans elle. J'en suis sûre, elle pollue notre Clan, vaudrait bien mieux qu'elle meurt!! »

Les pupilles d’Éther se transformèrent en lames. Qu'elle insulte leur culte : soit, les félins de la Forêt semblaient vouer une admiration sans faille à de minables points dans le ciel. Mais insulter son abbesse, sa lumière, la seule aveugle clairvoyante en ce monde, c'en était trop. Faire taire cette petite sotte déchargerait sa tension et rachèterait ses péchés.

Son corps gris, tout empourpré de sang et couvert de plaies, surgit derrière l'apprentie sans un bruit, la plaqua au sol en prenant soin qu'elle ait le ventre à terre. Elle appuya avec une de ses pattes avant sur la tête de l'apprentie, poussant sa joue vers le sol et la forçant à écarter sa gueule d'elle, pour accéder facilement à sa jugulaire. Elle plongea les crocs, une fois, deux fois, trois fois pour être sûre, emportant à chaque fois un peu plus de chair tendre. La disciple de la Lune resta plaquée sur la petite, et se pencha doucement vers son oreille en imitant sa voix de crécelle :

« Je me demande comment ça se fait qu'elle soit pas encore morte, peut-être que Krov irait mieux sans elle ! J'en suis sûre, vaudrait bien mieux qu'elle meure ! »

Éther eut un rire cristallin, avant de lâcher sa tête, la projetant avec violence pour qu'elle frappe le sol, et se leva en prenant soin d'écraser chaque petite parcelle de son corps, piétinant sa queue, juste pour le plaisir. Ce qu'elle venait de faire n'était ni très malin, ni très délicat, mais elle était heureuse de s'être débarrassée de cette culpabilité qui lui pesait. Elle trouverait une excuse à cette bavure plus tard. Pour l'heure, elle courrait avec enthousiasme à travers champs pour retrouver Krov et les siens, sentant qu'elle avait effacé ses erreurs. Et rien de tel qu'une petite course pour gommer ses dernières traces de contrariété !

HRP :

Tous les muscles de Nuage de Saumon étaient contractés et son regard désinvolte, et sa fourrure hérissée formaient d'autres armes de dissuasion devant les deux mastodontes qui lui faisaient face. Alors que Petite Edelweiss s'agitait contre son flanc, maniant des mots insultants dont elle ignorait le sens, le novice sable dévoilait ses crocs ivoires de ses babines : cette fois-ci, ils ne l'auraient pas en traîtres, ces écureuils de malheur. Et alors qu'il était prêt à encaisser de nouveaux coups pourvu qu'il protège la petite femelle dont il était responsable, le guerrier ennemi au poil brun se mit à sourire. Leur victoire retentit dans le Camp du Clan de la Rivière. Qu'ils gagnent, qu'ils perdent... qu'importe, pourvu qu'ils dégagent !

Lorsque le matou s'avança vers lui, Nuage de Saumon était déjà prêt à contre-attaquer, ou tout du moins était-il prévenu de la lâcheté de son adversaire, aussi avait-il blotti Petite Edelweiss contre son pelage sable. L'animal aux yeux dorés tenta d'asséner un violent coup de griffes à l'apprenti, qui parvint à esquiver sans surprise l'attaque du matou. Forcément, sans effet de surprise et en osant se battre seul à seul, un guerrier du Clan du Tonnerre était incapable de vaincre un novice du Clan de la Rivière, même un Nuage de Saumon. Il ne pouvait s'agir là que d'une énième preuve de l'infériorité de ces grimpeurs d'arbres ! L'apprenti-guerrier ne tendit d'ailleurs guère l'oreille lorsque ce sac à puces se permit une remarque des plus ridicules. Les lunes passeraient, et tous les jours il s'entraînerait pour un jour venir dans leur Camp et réduire leur petite vie en morceau. Plus jamais il n'aurait de pitié pour ces stupides boules de poils, bonnes qu'à trahir et à bafouer le Code sacré du guerrier. Lorsque l'animal brun s'éloigna, les yeux bleus du novice se posèrent sur son ennemi à la fourrure grise, et plissant les paupières il mit en garde le guerrier : il ne se laisserait pas faire. Mais le matou se mit à lui faire la morale, et s'excusa presque. Idiot.

« Garde tes belles paroles. Nous nous vengerons. » répondit-il d'un ton froid et coupant alors que l'adulte était déjà loin.

Ils se vengeraient. Nuage de Saumon n'en douta pas une seule seconde. Le novice tremblant des Rochers du Soleil, qui avait remporté son duel par chance était à présent bien loin. Il fallait désormais faire place au futur guerrier du Clan de la Rivière, digne, grand et impitoyable devant ces faces de rats morts. Jamais il n'avait concentré autant de haine pour un Clan, ni même pour une personne. Le Clan du Tonnerre n'était plus un simple rival, il s'agissait de l'ennemi numéro un.

Alors que le Camp se vidait, Nuage de Saumon se saisit de Petite Edelweiss et trotta jusqu'à la cachette de Petite Hyène et Petite Émeraude, s'interdisant d'emmener les petites devant le cadavre du meneur, et désirant prendre des nouvelles de sa première livraison.