[APRÈS-FEU] Le Garde-Malade [feat. Trash] - end

Le problème, c'est qu'il était déjà sur le trottoir. Ou, enfin, il était déjà arrivé au trottoir, ce-dernier prenant toutefois la forme d'une ombre aux poils hirsutes qui plana au-dessus de lui en marchant à ses côtés.

— « Tu vas aider qui ? Lui demanda le trottoir, enfin, Trash, car le trottoir était juste une image (mais ça voulait dire qu'il marchait sur Trash?...) Ca c'est passé y'a plusieurs heures tu sais. Et à ce rythme là il t'en faudra encore plusieurs heures pour y arriver.
— Pas si tu m'aides ! aboya l'abyssin en sortant les dents, sentant la fourrure de son dos se lever comme de toutes petites épines.

Elle était en sale était, comme son corps, comme sa tête, et un nouveau capharnaüm d'Ollie se bouchèrent-de-circulation dedans à grand coups de klaxons (?).

Rusty se recroquevilla assit, crispant tellement ses pattes en cherchant à se retenir de vaciller qu'il fut secoué de petits tremblotements. Il entrouvrit les yeux, la berlue fit danser le seuil de la porte de leur cabane comme de la gelée dans l'assiète de son humain. Il peinait à se concentrer, alors il déglutit, la langue encore pâteuse de son précédent poisson-d'eau-jaune:

— Ya la Sans-la-Voix, et la Frimousse, et... et Tache d'If, Lieutenante du Clan du Vent,... Et la Rivière ya la chatte toute Gonflée et Monsieur Brasier, et à l'Ombre - son coeur battait vite, le feu lui reprit aux pattes (il se mit presque à les piaffer sur-place) - Oeil Vert, Mimosa -- ma fille Muguet et son frère Crocs! -- bon sang, Trash!

Mais Trash, Trash ne l'aiderait pas. Trash ne l'aiderait pas car le trottoir(Trash) lui avait dit que Trash l'avait cogné à la tête pour, justement, l'empêcher d'aller donner son aide. Et Rusty se sentit comme tenaillé - il entendit le Shlack que firent les tenailles du voisin en coupant la haie, au temps où il vivait encore dans son foyer. Et la haie, ici, c'était sa tête, ou plutôt, c'était une toute petite partie de sa tête qui s'appelait le "bénéfice du doute". Et le "bénéfice du" tomba avec ses oreilles en ne laissant plus que le "doute".

Le doute lui baisser les yeux, et regarder sur le côté, et lire l'air, et grimacer, et petit à petit lui faire froncer ses grands sourcils blancs car « Minute-- »...

— « Est-ce que t'as dit, que tu m'as cogné la tête?

Pas si tu m'aides ! il dit.

Je suis surpris par la violence de son cri.

Je m'arrête et je retire ma patte du plancher, comme si j'avais été brûlé. C'est une facette de Rusty que je connais pas, le Rusty gentil et sourire qui laisse la place au Rusty crocs et cris.
Mais ce Rusty là s'évanouit aussi vite qu'il est arrivé.

Maintenant, c'est plus qu'une boule de poils brune, recroquevillé sur lui-même, comme pour se tenir lui tout seul contre le reste du monde.

Y a la Sans-la-Voix, et la Frimousse, et...

Et une liste de noms qui sont des mots inconnus pour moi et qui seront jamais rien d'autre que des odeurs et des images imaginées.

- Oeil Vert, Mimosa -- ma fille Muguet et son frère Crocs! -- bon sang, Trash!

Bon sang Trash.

J'men fous, je devrais m'en foutre de ces chats que j'ai passé des générations à taper et à pisser sur leurs marquages rien que pour les énerver et provoquer un bon combat ( et je l'ai rencontrée elle mais elle est m- ) mais c'est important pour Rusty.
Et Rusty est important pour moi.

Alors j'imagine que c'est important pour moi ?
( c'est important pour moi ? )

Et là, de voir la désespérance qui dégouline de Rusty prostré sur le sol, me donne envie de me prendre dans mes bras et de le serrer fort pour lui faire comprendre que non il est pas seul et qu'il compte pour moi.

Mais je fais pas ça à cause que-

Est-ce que t'as dit, que tu m'as cogné la tête?
Huuhm.... je passe une patte derrière ma tête et me gratte l'oreille pour me donner une contenansse. .... Ouais ?

........... Je me rends compte que c'était pas super cool.

A cause que qu'est ce que je devais faire ? Te laisser griller ?

— Huuhm.... Trash leva sa patte, se mettant à se gratter ce qu'il lui restait d'oreilles, et aussi la tete, en arrière .... Ouais ?

L'abyssin serrait ses dents maintenant, et sortait le dos aussi, peut-être avec autant de force qu'il l'avait fait ce jour où il avait traîné tout un sac de croquettes sur la longueur de l'autoroute. Et Trash zieuta ailleurs - ce-faisant, il manqua la répréhension ardente dans les yeux de l'abyssin, qui, même recroquevillé, même noué en miche de chat, même malade et fiévreux, et même avec un orchestre de klaxons dans la tête vivait à l'instant une toute nouvelle montée de chaleur. Une montée de chaleur qui lui fit sortir les griffes, (elles tiquèrent dans les lattes de la cabane) et, à la mesure de son inspiration, multiplier la sensation d'épines sur son corps. Ça c'était passé il y a plusieurs heures, Trash lui avait dit. Et il lui dit encore:

— À cause que qu'est ce que je devais faire ? Te laisser griller ? »

Mais Trash avait tort, ça ne s'était pas passé il y avait plusieurs heures car sa patte lui brûla maintenant - le sursaut la lui fit bondir au museau du gros chat noir mais juste avant l'impact, Rusty s'avança sur l'autre pour troquer les griffes contre le plat de ses coussinets en décochant, malgré tout, une claque assez sèche pour trébucher sur le coude après l'élan. Et sa queue, ou du moins le bout, se mit à follement s'agiter au plancher comme feu sur paille:

— « MMrEEOOORR-- Il en perdait ses mots - sa politesse - sa contenance - TU M'AS COGNÉ À LA TÊTE!

Devait-il se consoler qu'il n'avait pas sorti les griffes!? À cause que Trash avait presque toujours les griffes sorties, ça signifiait que pour lui donner le coup, il avait fait l'effort louable de les rentrer, mais-- devait-il se consoler de lui être encore en vie alors que ses amis étaient peut-être en danger!?

— Qu'est-ce qui t'as pris! L'intérieur de la cabane s'embrouillait - la canne de poisson d'eau jaune, le nid de couvertures qu'on lui avait accomodé (que Trash lui avait accomodé...), les billes (baies) reluisantes sous la lune -- Qu'est-ce qui t'as pris de me cogner à la tête!

Il s'acharnait à petits coups de pattes sur le gros chat. JE SUIS TON  AMI, TRASH!

Le ton monte.
Mon visage se tord dans une grimace et ma queue mime celle de Rusty qui s'agite furieusement. Il s'avance. Je me redresse, mes pattes figées immobiles mais ma tête recule pour garder Rusty en vue.
Qu'est-ce que je devais faire, putain ?

Ma réponse c'est une baffe.
Rusty m'a tapé.
Par réflexe, je lève à mon tour une patte pleine de griffes à cause que je suis habitué à rendre coup pour coup, mais elle se stoppe en l'air sous l'effet d'une autre baffe, de mots cette fois.

MMrEEOOORR--TU M'AS COGNÉ À LA TÊTE!

Je réponds par un autre rictus. Comme ces gens qui meurent en plein combat. Leur visage se tend et se crispe dans une expression de guerre, et ils gardent cette expression quand ils tombent raides au sol.
J'me sens comme mort à l'intérieur.

Qu'est-ce qui t'as pris!Qu'est-ce qui t'as pris de me cogner à la tête!

Je dis toujours rien, debout sur trois pattes pendant que Rusty me donne des petits coups encore et encore sur ce qu'il peut atteindre. Ca fait pas mal si vous me posez le questionnement.
Juste ma joue qui pulse.

JE SUIS TON AMI, TRASH!

Ma patte qui pend en l'air décide de bouger. Plus lentement cette fois, elle poursuit l'arc de cercle pour atteindre l'épaule de Rusty. Elle se pose sur sa fourrure et mes doigts s'écartent avant de glisser ( je sens ses cicatrices ) le long de son épauler passer sur ses omoplates saillantes et soudainement l'attirer à moi.
Je pose mon front contre le sien. Assez près pour voir l'éclair de colère dans ses yeux bleus.
Les larmes perlent dans les miens.

Je voulais juste te protéger. J'ai eu peur de le perdre. Je veux pas te perdre.

A cause que qui prendra soin de lui si lui même se protège pas ?

Il tapait le sol, il tapait Trash, il tapait le vide, il était furieux et il se sentait pleurer mais la fièvre avait du sécher ses yeux. Dedans, ses pupilles se dilatèrent immédiatement en voyant les griffes de Trash s'abattre vers lui. Et Rusty, mu d'un instinct de préservation accru, ne put faire qu'une chose: se recroqueviller. Il attendit le coup, il protégeait ses organes, il sentit la colère et la terreur lui tordre les tripes en plaquant sa queue entre ses pattes et soudain on lui saisit l'épaule - l'abyssin envoya un violent coup de postérieur en tentant de fuir l'étreinte mortelle - à quoi il pensait, il n'auvait aucune chance contre Trash! Trash était un bagarreur! Il n'était pas stupide! Mais la douceur du contact le fit se raidir sur place, et il sentit la patte descendre ses épaules et ses omoplates et une pression le faire glisser sur les lattes du plancher. Tout d'un coup il était dans la fourrure noire et fournie de son ami. Tout d'un coup, il y avait de la pluie sur son nez.

Son front brûlait contre le sien, et l'abyssin se sentit étouffer dans cette proximité, distordant ses muqueuses d'une grimace:

— « Je voulais juste te protéger, lui dit Trash. Il pleuvait de ses yeux à lui.

Je veux pas te perdre.

Rusty serra les mâchoires. Un sanglot lui échappa. Ses grands sourcils blancs se froncèrent et il se hâta de fermer les yeux pour se blottir la face et le nez dans l'épaule et les poils du gros chat noir pour lui cacher ses remords et sa peur et sa colère et-- mais lui non plus ne voulait pas le perdre! Mais il était fatigué, et lorsqu'il tenta d'ouvrir la bouche, à peine plus qu'un filet de salive lui échappa, son souffle ne sachant plus par où sortir, par où rentrer. Il se sentait misérable.

Il se sentait comblé - s'il avait été Trash, s'il avait vu Trash sortir de la construxion, et voir le feu, et tout de suite vouloir s'y jeter, qu'est-ce qu'il aurait fait? Est-ce qu'il aurait fait comme lui? Est-ce qu'il l'aurait cogné à la tête, lui aussi? Rusty lança ses pattes autour du gros chat pour s'agripper plus fermement. Peut-être qu'il aurait fait comme lui, mais ce n'était pas une raison - il n'avait pas le droit - il n'avait pas le droit de le faire choisir entre Trash et tout ses autres amis! Il les aimait tout autant, et leur mort l'affecterait tout autant. Il ne voulait plus perdre personne.

Comme Trash, en fait.

...Sauf qu'il était tellement en colère.

— Je suis tellement en colère...! il articula au travers d'une bouffée de poils noirs. _*hic* Mais il l'aimait tellement. Mais je t'aime tellement...! Et il ne voulait plus -- bref. Et je ne veux plus perdre personne...

Et il était fatigué, il avait froid, il avait chaud, sa tête lui tournait et il sentit les forces lui manquer - sa tête était lourde contre Trash mais il la sentit glisser sur le côté.

Je serre Rusty plus fort contre moi. Sa respiration qui souffle mes poils, ses larmes qui mouillent ma peau, son poids contre mes os, ses spasmes contre la paume de ma patte me font savoir que c'est lui, c'est bien lui qui est là avec moi, vivant et pas brûlé quelque part dans la lande.
Il est là.
Avec moi.

Et je ne veux plus perdre personne...

Mes paupières se ferment pour retenir une grosse larme. Moi non plus je veux plus perdre personne. Me reste que Rusty.
Je protégerai Rusty.

J'ouvre les yeux et l'eau salée en glisse et vient foncer son pelage de tous petits ronds. Puis je le sens qui -

Eh !

Qui m'échappe -

Rusty !

Je le retiens pour pas qu'il heurte le sol de la cabane et qu'il s'allonge doucement. Je m'allonge aussi. Ma patte est maintenant sur son visage et elle secoue.

Oï Rusty ! R este avec moi !

Ma patte est brûlante. Il est brûlant.

On ira les voir Rusty ! Tu perdra plus personne à cause que j'vais protéger ceux qui comptent pour toi.

Si le protéger lui veut dire protéger tout un putain de Clan juste parce qu'il y a ses amis, alors vous verrez, je le ferai.

RUSTY TU M'ENTENDS ? Je secoue. JE PROTÉGERAI TOUT LE MONDE.

Reste avec moi.

Je protégerai tout le monde.

Tout le monde.

Je te le promets.