La naissance d'un destin - end

Ces nouveaux bébés, Doux Alizé les appréhendait autant qu’elle les attendait. Tout d’abord car elle était stressée de nature, et l’idée d’être une mauvaise mère, qui l’avait submergée lors de sa première grossesse avait fait son grand retour. Cette dernière ne l’avait cependant jamais réellement quitté, mais elle s’était atténuée quand ses bébés avaient grandi. Mais une autre raison s’ajoutait. Les mots de Vent du Nord lui revenaient. Le destin auquel était promis l’un de ses enfants ne la rendait que plus nerveuse. Si celui-ci ne lui convenait pas, ne lui plaisait pas ? Que diraient les autres ?

Pffff, respire.

Toute cette agitation n’était pas bonne pour les êtres qui habitaient –plus pour longtemps- son ventre. Malheureusement pour eux, la mère ne pouvait s’empêcher de poser des questions. Il y avait les plus spécifiques, mais aussi les classiques. Les petits seraient-il » en bonne santé ? Combien seraient-ils ? A quoi ressembleraient-ils ? Elle ne pourrait guère le savoir, mais elle savait que Tordue, Vague ou Vent lui en ferait une parfaite description. Qu’elle s’imagine les boules de poils contre sa fourrure grise. Ils seraient accueillis par une famille aimante, avec des frère et sœurs qui seront sans doute heureux de leur faire découvrir le camp et leur apprendre quelques techniques, une tante un peu ronchonne qui serait probablement ennuyée par une Alizé trop inquiète. Et puis Crocs Nacrés, Ciel Nocturne… Et puis dans l’ombre, Etoile du Cobra, leur arrière-grand-père fantôme. Oh non, ces chatons n’échapperont pas au drame familial qui se profilait.

Tout d’un coup elle le sentit. Cela commençait, le travail. La douleur la saisit, celle d’une contraction, elle reconnaissait les signes. Elle entendit une voix près d’elle qui lui demandait comment cela se passait. Sans se préoccuper de son identité, elle ordonna.

« Appelle Vent du Nord et Araignée Tordue, ç-ça commence. »

Je fixais le ciel bleu à la recherche d’une étoile plus forte que les autres. Luny-Maman, tu me manques tellement. C’était devenu une évidence pour moi, elle reviendra pas cette fois. C’était toujours douloureux de penser à ma sœur, mais c’était la vie non ? Après tout, elle est toujours là, dans les étoiles, c’est ce que je me dis. Elle est toujours dans mon cœur aussi. Maman-Accroche-Cœur était là aussi, je savais qu’elle avait la même peine que moi. Enfin, même si j’y repensais souvent, les jours redevenaient beaux pour ma Lili et moi. Nous avions déjà des enfants grands et fort, et là… Voilà que de nouveaux bébés allaient arriver. J’allais pouvoir les choyer, jouer avec eux et prendre soin de ma famille. Je m’étais un peu éloignée de Lili après la perte de ma Luny, mais j’étais revenu progressivement vers elle après ma discussion avec Maman-Accro. Et là rien ne me rendait plus heureux.

Je respirais un grand coup, fermant les yeux, bombant le poitrail, les moustaches dans le vent. J’allais de nouveau être papa, et avec la meilleure des compagnes possible. Je ne pouvais pas rêver mieux qu’elle, je l’aimais tellement fort. J’étais amoureux d’elle, et ce depuis le premier jour. Je prendrais soin d’elle pour le restant de mes jours, et rien ne me rendra plus heureux que de la voir sourire. Que de la sentir heureuse. J’avais chassé un petit lapin pour elle d’ailleurs. Après ma petite pause, je trainais mes proies derrières moi, un lapin et une souris. Je posais la souris sur le tas et gardait la pièce de choix pour le partager avec moi et lui déclarer mon amour pour elle ! Oh elle le savait déjà bien sûr, mais j’aimais lui dire souvent. Je n’ai pas été à la hauteur le temps de mon deuil, il fallait que je me rattrape. Tous les jours de soleil était bon pour lui déclarer ma flamme. Et pendant la saison des feuilles vertes, il y avait beaucoup de jours ensoleillés.

Je marchais d’un pas léger, le lapin dans la gueule en me dirigeant vers la pouponnière pour aller rendre visite à la reine de ma vie. Mais il y avait un mouvement. Je voyais le bout de la queue de Vent du Nord qui entrait tout juste dans la tanière. Elle avait si vite disparu que ce ne pouvait être une visite de contrôle ! Une minette arriva devant moi, l’air paniqué. Je penchais la tête sur le côté, l’interrogeant du regard.

« C’est Doux Alizé ! Les petits arrivent ! »

Je me dressais haut sur mes pattes, les oreilles droites, le regard s’illuminant de plus en plus. Mon cœur frappait ma poitrine si fort que j’avais l’impression qu’il pouvait s’envoler. Mes bébés. Sans prendre le temps de remercier le félin du regard, je fonçais en direction de la pouponnière. J’entrai cependant en douceur pour ne pas déranger le travail. Je posais le lapin dans un coin et m’approchait de ma Lili qui était entre les bonnes pattes de sa sœur. Cette dernière touchait d’ailleurs son ventre pour voir comment ça allait. L’un de mes bébés allait être guérisseur à l’avenir. Je me souvenais que Vent du Nord avait eu un signe. C’était un honneur ! Lili n’aimait pas trop l’idée de pousser le petit vers cette voie sans lui laisser le choix. Mais après tout, si c’était son destin… C’était comme ça non ?

« Courage ma Lili, ça va bien se passer, je suis là. Je t’aime. »

Je lui léchais le haut du crâne avec amour, pour la réconforter et la soutenir du mieux que je pouvais. Je me souvenais que c’était une épreuve difficile pour les reines. Alors je me contenterais de la soutenir au mieux. Je me couchais contre elle, pour elle sente ma présence à ses côtés.

La reine fit ce qu’Alizé lui avait demandé et partit à la recherche de son compagnon et de sa sœur. Elle le devina au son précipité de pattes qui se mettaient en marche, et à la poussière qui s’envola, à cause de l’élan et qui se retrouvera sur ses pattes.

Elle entendit des bruits de pattes venir, qui serait là en premier. Son odeur lui apporta la réponse, il s’agissait de Vent du Nord. La grise devinait son angoisse, c’est qu’elle commençait à connaître cette grincheuse. Cependant, elle lui faisait entièrement confiance, sans doute croyait-elle plus en elle que la concernée. Ainsi, elle accueillit le coup de langue avec un léger ronron. Le début de massage (ou était-ce tout simplement cette présence ?) commençait déjà à la détendre. Répondant d’une voix faible, elle ouvrit la bouche :

« A p-peu près bien.»

Aussi bien que possible. Tordu arriva à son tour, ce qui ne fit que détendre l’atmosphère et lui apportait du soutien.
Oui, il était là, et il l’aimait. Un second ronron vint à cette déclaration ainsi qu’une bouffée de tendresse envers son compagnon avec qui elle partageait sa vie depuis un nombre non négligeable de lunes. Et aussi cliché que cela puisse paraître, elle l’aimait comme au premier jour. Il avait toujours été là, et elle, elle faisait de son mieux, mais ce n’était pas vraiment à la hauteur de ce qu’il faisait, lui. Mais il l’aimait quand même, et c’était là toute sa chance. Elle avait bien plus que ce qu’elle méritait.

Soudain, elle le sentit. Un grognement de douleur franchit ses babines. Il était là, il arrivait, le bébé.

La naissance d'un destin

Le meneur ne pouvait pas ne pas voir les membres de son clan, aussi savait il que de nouveau, Doux Alizée et Araignée Tordu allaient être parent. Faisant de lui à nouveau un grand père ... Pour autant, il veillait à ne pas trop se rapprocher de sa petite fille, laquelle savait son secret. oh certes, il avait bien eu avec elle quelques conversation mais toujours sous couvert de son rôle de meneur. Ne devait il pas naturellement veiller sur les uns et les autres ? Pour autant, en rentrant de patrouille et en découvrant Vent du Nord qui fonçait vers la pouponnière, il ne put s'empêcher de revoir Foehn Nocturne et de sentir à nouveau peser sur lui le regard de sa petite fille décédée.

Elle lui avait donner une vie et sans un mot, lui avait fait prendre conscience d'un quelques choses sur lequel il ne parvenait à mettre de mot mais qui, qu'il le veuille où non, le poussa à se rapprocher de l'antre des reines et des chatons afin de découvrir là, ses deux petites filles et le futur père. Le meneur ne s'avança guère pourtant et se contenta d'un hochement de tête avant de s'éloigner. Mais aussi improbable que cela puisse être le concernant, il ressenti le besoin d'aller trouver Œil de Biche, de câliner sa compagne ... Espérant que tout irait bien. Voilà qui ne ressemblait guère au bicolore, lequel pourtant, s'en alla retrouver la belle femelle. S'allonger au soleil et surveiller la tanière, attendre que la guérisseuse en ressorte et guetter son expression ... Nul doute qu'en le voyant elle se renfrognerait, mais quelques part pourtant, il devait en cet instant partager autant qu'elle le souhait que les chatons et leur mère aillent bien...

Dès le lendemain pourtant, le bicolore se gausserait seulement, surement, que les petits nouvellement nés allaient renforcer le clan. Enfin, s'ils survivaient ...
Et le clan finalement, avait besoin d'un meneur qui le pousserait à redevenir fort ...