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Haut dans le ciel, c'est comme s'il la narguait. Il rougit son pelage, mais semble incapable de la réchauffer pleinement. Il lui manque quelque chose, trouvera-t-elle un jour ?
Elle n'en sait rien. Mais elle avance, un pas après l'autre, faisant crisser les feuilles.
Tempête de Suie, devant elle, est comme impénétrable.
Elle baisse les yeux.

*

Ça ne va pas.
Non, vraiment, définitivement ça ne lui convient pas. Nuage de Feuille a le sentiment d'avoir déjà tout essayer, absolument tout.
Alors elle s'arrête tout à coup, comme soudainement éteinte, vidée. Cette poupée est si laide. Lui aussi il s'arrête, attend-il qu'elle parle ?

« - Pourquoi... ? »

Elle murmure ce mot si bas qu'il est peu probable que son référent l'ait entendu.

Ce matin, comme souvent, Tempête de Suie a décidé d'emmener Feuille pour un entraînement martial. Elle a l'habitude, elle s'entraîne depuis longtemps maintenant ! Elle aura bientôt quoi, 13 lunes, 14 lunes ? La minuscule chatte n'arrive plus à réfléchir. Et pour une fois, elle ne peut pas simplement s'accuser d'être bête ; elle a simplement mal partout. Tout son corps brûle, il est moisit, il pourri lentement. Il ne sert à rien, voilà ce qu'elle se dit.
Nuage de Feuille relève un instant ses yeux dans l'ambre de Tempête de Suie. Comme toujours, elle n'y voit rien, elle s'y perd, c'est opaque.
Elle a échoué, tout simplement. Cette fois c'est certain, elle le sait pertinemment, ce n'est plus qu'une question de temps. « Il me l'avait dit. » ; Tempête lui annoncera bientôt qu'il ne veut plus être son référent.

« - Pourquoi ? Dit-elle, plus fort cette fois-ci. »

Ça commençait mal. Elle aurait tant aimé qu'il en soit autrement ; être aussi douée qu'eux, réussir quelque chose, juste une fois. Juste toucher sa cible une fois, esquiver correctement une fois. Être meilleure à la chasse, être meilleure. Être autre chose que Nuage de Feuille, peut-être.
Et le fait qu'ils soient seul à seul l'a beaucoup intimidé, elle l'a senti dès le départ. Ses yeux. Nuage de Feuille n'a réussi aucun des mouvements que Tempête lui a demandé de réaliser. Pourtant, cela fait des semaines, des lunes entières qu'elle travaille dessus. Alors pourquoi ?
Le visage de Louve des Bois passe dans son esprit, Feuille fronce les sourcils. Elle pense à Glycine aussi, à son père, à Nuageuse Nuit qu'elle voudrait protéger. Qu'elle voudrait aider. Elle voudrait tant être digne d'elle, de ceux qui l'entourent et qu'elle aime.
Mais elle en est incapable.
Le colosse s'effondre, parce que l'alchimiste sans doute a coupé le fil. C'était trop dur, voilà tout.

Nuage de Feuille baisse les yeux à nouveau, la tête inclinée face à ce chat qu'elle admire et déteste tout autant. Le corps meurtri, sale, dont le pelage cache les hématomes dégoûtants.

« - Je n'y arrive pas, Tempête de Suie. Pourquoi ? Pourquoi ? »

Et ses larmes, pour la première fois devant lui, est-ce qu'il les voit ?

▬ Guerrier

Il était assis là à l’écouter geindre de ne pas réussir. En même temps, il n’avait pas vraiment l’impression que la gamine y mettait du sien, non plus. Il se montrait sévère avec elle, car il avait comprit qu’elle était capable de grande chose. Peut-être qu’il avait misé trop haut pour une gamine comme elle.

Tempête de Suie s’ennuyait.

Il soupira une enième fois en levant les yeux au ciel alors qu’il l’écoutait geindre encore une fois. Impassible comme un rocher, le guerrier se contenta de regarder la gamine pleurer. Il ne sait pas trop si c’est à lui ou elle, que la novice pose ses questions. Mais vu que Nuage de Feuille le regarde, c’est probablement qu’elle attend qu’il lui réponde.

- Tu échoue parce que tu ne te demande pas comment faire mieux. Tu te contente de t’apitoyer sur ton sort. Je crois t’avoir avertie quand on a commencer à travailler ensemble. Je me donne le droit de ne plus être ton référent si j’estime que ça ne sert plus à rien de t’entraîner. Ça pourrait vite arriver, si tu ne fais pas plus d’effort. En tout cas, pour aujourd’hui, je mets fin à l’entraînement. Trouve-toi quelqu’un d’autre pour t’entraîner.

Il a répondu à la question de la gamine, il ne s’infligerait pas plus longtemps son spectacle pathétique. C’était à elle de trouver la solution, il lui donnait suffisamment de conseils pour qu’elle puisse réussir.

- Si tu n’as pas d’autres questions, je rentre.

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« - Tu échoue parce que tu ne te demandes pas comment faire mieux. Tu te contentes de t’apitoyer sur ton sort. Je crois t’avoir avertie quand on a commencé à travailler ensemble. Je me donne le droit de ne plus être ton référent si j’estime que ça ne sert plus à rien de t’entraîner. Ça pourrait vite arriver, si tu ne fais pas plus d’effort. En tout cas, pour aujourd’hui, je mets fin à l’entraînement. Trouve-toi quelqu’un d’autre pour t’entraîner. »

Oui, ça a toujours été comme ça avec Tempête de Suie. Nuage de Feuille n'attendait pas autre chose que ce type de réponse mais, peut-être qu'au fond, elle espérait tout de même un certain réconfort.
Ses yeux verts pleins de larmes, la petite chatte continue de le fixer alors qu'il lui annonce platement, sans une once d'émotion à son égard, que l'entraînement du jour est achevé.
Elle a l'impression de fondre. De disparaître, de s'enterrer dans le sol, comme si elle était coincée dans des sables mouvants. Elle s'enlise, à tout jamais ; ce n'est même pas la peine de se débattre.

Nuage de Feuille a toujours eu le sentiment de chercher des solutions. D'être à l'écoute de son professeur, de faire de son mieux. Mais ça n'a jamais payé. Ça ne payera jamais. Tout ces efforts pour rien ? Tout ces mots, tout ces gestes, toutes ces mâtinés, sous l'accablante chaleur, sous la pluie battante, dans le vent, tout cela pour un seul constat : il était inutile d'essayer. Nuage de Tempête la prend pour une minable et il a bien raison. Si lui ou Nuage Soufflant la voyait là, tout de suite, ils riraient tant qu'ils s'en étoufferaient.

« - Si tu n’as pas d’autres questions, je rentre. »

Tempête de Suie s'apprête à partir. Ça, elle est capable de le lire dans ses yeux ; quand il en a assez, quand ce n'est pas bien, quand elle a mal fait, quand il déteste. Est-ce qu'il la déteste ? Feuille n'a pas la réponse à cette question. Elle aimerait que...

Dans sa petite tête fatiguée, mille questions se font face, se regardent dans le blanc des yeux en haussant les épaules. Personne ne sait quoi faire et elle la première. Elle se revoit s'entraîner, grimper aux arbres, jeter sa patte sur une souris... Ces souvenirs envahissants la blessent profondément, ils sont la preuve de son incompétence. C'est sans doute cela ; elle est une incompétente pour lui. Et si Nuage de Feuille l'est pour lui alors... cela signifie qu'elle l'est aussi pour les autres, pour le Clan du Tonnerre. En le comprenant, ses yeux deviennent ronds ; de peur, de honte, de rage mélangés.
Lentement, en bouillonnant, il y a quelque chose qui grandit dans son ventre. Elle le sent, ça griffe, ça suinte, c'est dégueulasse. Ça ressemble à son duel contre Nuage de Tempête.

Son référent commence à s'éloigner lorsqu'il constate que Nuage de Feuille ne parle pas.
Le pelage de l'apprentie se hérisse soudainement, l'aileron hirsute est foudroyé par le vent. Un grognement, un couinement, elle ne sait pas trop, sort de sa gorge. Les larmes rondes coulent vivement, perles qui roulent elles tombent au sol sans un murmure à offrir.
C'est alors qu'elle se retourne, vers lui ; il la fixe, il l'a entendu sans doute. Le visage de Nuage de Feuille est déformé par cette rage immonde qui se cache depuis toujours dans la grotte de son esprit étrange. La grotte, sous la mer qui elle aussi peut devenir une tempête.

« - Ça sert à rien, tout ça ! Ça sert à rien !! Tu t'en vas alors ?! Tu m'abandonnes ? Et ben vas-y ! Tout ça c'est... »

Elle s'interrompt un instant, tentant de ravaler ses larmes.

« - Tout ça c'est... C'EST DE TA FAUTE, à toi aussi ! … V-voilà... T-t'es... t'es... ! T'es trop naze comme professeur ! »

Réalisant tout à coup ce qu'elle vient de dire, ce qu'elle a osé prononcé à l'un des chats qu'elle admire - ... ? - sans doute le plus, Feuille est comme figée. Bouche-bée, elle le regarde ; œil droit, œil gauche, quelques secondes passent. Son cœur bat la chamade, elle se sent rougir, son pelage se gonfle plus encore. Et que voilà ! Même ses jolies griffes sont de la partie, raclant doucement le sol, comme si elles s’affûtaient.

« - J-je... »

Un sanglot lui échappe alors qu'elle commence à reculer, à s'éloigner.
Elle voudrait s'excuser. Mais elle en est incapable. Peut-être n'en a-t-elle pas réellement envie ? Le tourbillon l'absorbe tout entière et ce silence la pèse. Elle fait « non » de la tête, trébuche sur une racine alors qu'elle s'éloigne encore.
Définitivement ; c'est terminé.
Veut-elle se protéger ? Aggraver son cas ? Elle n'en sait rien. Mais Feuille continue, envahie par sa détresse :

« - À quoi bon ? Tu me détestes hein… Si c'est comme ça... je n'ai plus qu'à partir alors ! Va l'dire à tout le monde !! Ça leur fera plaisir ! »

D'un coup d'un seul, Nuage de Feuille fait volte-face, disparaît entre les arbres. Elle n'a jamais couru aussi vite.

Qu'est-ce qui lui a pris ? Elle est bien incapable de le dire. Pourtant, elle est bien déterminée à s'en aller, à échapper à tout ça.
La seule chose à laquelle elle pense tandis qu'elle court à en perdre haleine, c'est à sa tristesse qui lui brise le cœur.
« Pardon... »

▬ Guerrier

Alors que le guerrier se détourne, il l’entends pleurer. Par-dessus son épaule, il lui jette le regard le plus dégouté de son répertoire. Elle pleure pour si peu. Ça l’énerve d’avoir eût une élève si mauvaise, si pleureuse. Dans la réalité, il aimerait bien mettre fin au mentorat. Mais son ambition l’en empêche. Bien qu’il sait qu’il n’aura jamais accès à un haut rang à cause de son sang pourri, il ne peut s’empêcher de rêver que peut-être, s’ils ont, un jour, un chef moins con.

Mais là, dans l’immédiat, il veut juste lui fracasser le crâne quelque part. Quand elle l’insulte, qu’elle l’accuse, lui, d’être un professeur naze. Alors qu’il s’est donné la peine d’accepter d’être son professeur. C’est ce qui arrive quand on laisse des enfants décidés de leur mentor. De la merde. Quelle idée de merde, bordel.

- Ho hé ! Parle-moi sur un autre ton, petite merde. Ne me remet pas sur le dos ton incompétence. Visiblement, c’est inné, chez toi.

La novice termine son charabia mais honnêtement, il ne l’écoute pas, tout ce qu’il a compris c’est qu’elle partait. Boaaaaaaaaaaarf ! De toute façon, elle ne saurais pas se débrouiller dans la nature toute seule. Elle finira par le suivre quand sa petite crise serait passée. De toute façon, elle n’avait nulle part où aller.

Et sur le chemin du retour, jusqu’au au camp, il se répétait inlassablement qu’elle ne savait pas se débrouiller seule.

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« Ho hé ! Parle-moi sur un autre ton, petite merde. Ne me remet pas sur le dos ton incompétence. Visiblement, c’est inné, chez toi. »

Ces mots-là, ils tournent en boucle dans son petit crâne, déjà bien rempli. Elle se sent blessée, au plus profond d'elle-même ; finalement, tout ses bleus, toutes ses crampes... Toute souffrance physique, quelle qu'elle soit, n'est pas grand chose à côté du mur fracassant que peuvent être les mots.
Elle glapit de terreur, de détresse et de rage incontrôlée alors qu'elle accélère. Nuage de Feuille file comme le vent à travers les arbres, elle court si vite que le monde autours d'elle devient flou. Elle ne savait pas qu'elle était aussi rapide, mais elle ne prend même pas le temps d'admirer son corps. Parce qu'elle s'ébouillante, c'est à l'intérieur.
Sans même le remarquer, ses pattes plongent dans un ruisseau ; elle s'en fiche d'être trempée. Elle se revoit, lors de son premier jour, partir à l'aventure. Avec Glycine, avec Fleur d'Aubépine, et Nuit aussi. Mais, surtout, elle repense à Tempête de Suie lorsqu'il l'a emmené pour la première fois visiter le territoire. Elle était pleine d'espoir. L'espoir en fait, ce n'est qu'une créature visqueuse. Une créature qui suinte et qui salive, qui s’épaissit, commence à brûler, comme la salamandre.
Nuage de Feuille a envie de demander pardon, pourtant, elle fait tout sauf demi-tour. Parce qu'en fait, elle ne veut pas lui demander pardon à lui. En fait, elle ne sait même pas pourquoi elle voudrait s'excuser.
Tout ce qu'elle voulait au fond, c'était devenir plus forte. Grandir comme les autres, vivre avec son frère, apprendre aux côtés de Nuageuse Nuit. Impressionner sa mère, l'écraser, rendre fier son père. Être digne de son chef, de la seconde chance qu'il lui a offert. Et que voilà ? Tout ce qu'elle se dit c'est qu'une fois de plus, elle est en mesure de tout gâcher. Ciel, Tempête, Nuage Soufflant, Suie, ... Tous ont raison depuis le début.
« C'est trop tard. C'est trop tard ! », à quoi bon ? Autant partir, les laisser où ils sont. Elle a réessayé et elle a échoué à nouveau, alors il est temps de laisser retomber les rideaux pourpres. Peut-être pourra-t-elle revenir, quand la honte sera partie, pour voir Nuage de Glycine ?
Ses larmes sont chaudes et visqueuses elles aussi, mais elles brillent comme l'eau des sources. Cela faisait longtemps, qu'elle n'avait pas pleuré autant. Additionnées à sa vitesse, autant dire que Feuille court à l'aveugle.

Un grognement rauque lui échappe alors qu'elle se prend les pattes dans des racines entremêlées. La chute est rude ; l'apprentie roule longuement, sur les pierres, dans la terre et les feuilles de la forêt, le long d'une pente raide. Tout y passe ; sa tête, ses pattes, ses flancs, même sa queue se tord. Bientôt des hématomes apparaîtront sous son pelage sale.
La voilà arrivée en contrebas, étalée sur le flanc. Sa respiration est saccadée par les battements de son cœur et les quelques sanglots qu'il lui reste.

Nuage de Feuille reste ainsi un long moment, le nez dans l'humus à l'odeur si forte.
Mais, comme toujours, elle finit par se relever. D'un œil fatigué, elle observe le sommet du talus qui l'a vu tomber.
En silence, la petite se retourne et file à nouveau, un peu moins vite, entre arbres et arbustes. Elle ne veut pas être retrouvée.

*

Nuage de Feuille se stoppe un instant. Elle est parvenue jusqu'à cette orée dont elle se souvient très bien. Droit devant elle, baignés dans la lumière du soleil, se tiennent les Quatre Chênes.
Les sourcils froncés en une étrange grimace et le cœur lourd, elle lance un dernier regard derrière elle, pour finalement s'élancer vers les géants sacrés.

Lorsqu'elle vient ici, Feuille a toujours cette sensation étrange de ne pas être tout à fait seule. C'est comme si ces quatre grands arbres pouvaient la voir, et qu'il suffisait de se concentrer un peu pour entendre leurs paroles. Sans doute est-ce pour cela qu'elle est venue jusqu'ici, sans vraiment s'en rendre compte...

Face à eux, droite comme un piquet, Nuage de Feuille respire à fond, remplissant ses poumons, pour tenter de calmer son cœur et son corps emplis d'adrénaline.
Mais ça ne fonctionne pas. Elle est incapable de se défaire de ses sentiments de rage et de honte, sa peine l'emporte et elle vibre tout entière ; sur le point d'exploser.

« - Si vous pouvez parler alors dites-moi pourquoi... Pourquoi je n'ai pas été capable de réussir ? »

De longues secondes passent mais, évidemment, aucune réponse ne vient. Nuage de Feuille soupire, un sourire faux sur les lèvres.

« - Haw... bien sur... »

Tout doucement la petite chatte se recroqueville sur elle-même, relâchant toute sa pression avec de lourds sanglots.

♪ Apprenti

Depuis quelques temps, les entraînements avec Orage d'Or en sont devenus plus durs, plus fermes, sous prétexte qu'il en devienne plus fort. Mais avec les brimades continuelles de Nuage de Moustique, et les révélations douloureuses sur sa mère : le brun n'en peut plus. Il a cette vague impression de tourner en rond, dans un cercle vicieux où tous les cauchemars causés par sa mère et ses propres erreurs le hante.

C'est dans cet espoir d'en réchapper qu'il s'en va continuellement du camp, se pensant bien discret, pourtant Nuage de Pigeon semble le tenir à l'œil. Car s'il s'en va chaque jour, c'est pour retrouver son amie, une féline dorée qui partage les mêmes envies un poil enfantines. Avec elle, il oublie ses soucis au clan, il oublie de qui il est le fils, là sous les quatre grands arbres où les clans se rassemblent chaque mois. Et aujourd'hui encore, il espère la retrouver alors même qu'elle ne pointe pas le bout de son nez chaque jour, car elle est distraite. Pourtant, il trouva bien quelqu'un, du moins sentait-il une présence mêlée à de terribles sanglots. Et à sa grande surprise, ce ne fut pas une boule de poil dorée mais rousse. Intrigué, il s'approcha, la fixa, reconnaissant bien-là la même odeur boisée que celle de Nuage de Bécasse. « ... Bonjour ? ... Tu sens un peu comme ma copine. » miaula-t-il de son plus grand naturel. Puis il s'assit, à une distance convenable espérant ne pas froisser son espace personnel mais la curiosité reprit aussitôt le contrôle : « Pourquoi tu pleures ? » dit-il, l'air tout à fait inquiet.

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♪ Apprentie Prout

Les yeux fermés, Nuage de Feuille s'applique à ne plus penser. Elle voudrait tout oublier, mais plus les minutes passent et plus elle se rend compte que ce n'est pas possible. Sa tête, son esprit, tout est en ébullition constante. Remarque, ça a toujours été comme ça non ? D'aussi loin qu'elle se souvienne, elle ne s'est jamais arrêtée de penser. Pas une seule fois. Pourtant, là tout de suite elle aimerait vraiment penser à autre chose qu'à son entraînement catastrophique, ne plus voir le visage de Tempête de Suie. Encore moins celui de sa mère, qui s'accroche comme une sangsue à ses pupilles pourtant enveloppées de noir.
Il faudrait qu'elle s'en aille. Sinon, quelqu'un pourrait la voir et la forcer à revenir au camp. Et ça, elle n'a vraiment pas envie.

« - ... Bonjour ? ... Tu sens un peu comme ma copine. »

Un hoquet de surprise la fait sursauter tout entière, stoppant ses sanglots. Lentement, l'apprentie relève son visage vers le nouveau venu qu'elle fixe avec deux grands yeux ronds. Il est brun, ses yeux sont ambrés et même si ses larmes brouillent encore sa vue Feuille est certaine de ne pas le connaître. Le bout de son museau frétille et elle reconnaît l'odeur de Grenouille ; il provient du même Clan qu'elle, l'Ombre.
Feuille fronce les sourcils, sa frimousse prenant l'apparence d'une grimace peinée.

« - Pourquoi tu pleures ? »

Il lui demande ça l'air de rien. Comme si il était vraiment inquiet. L'est-il vraiment ? Nuage de Feuille n'est pas certaine de pouvoir répondre à cette question. Elle n'est pas non plus certaine d'en avoir envie. Peut-être qu'il ment, qu'il s'en fiche, qu'il attendait seulement là, tapi dans l'ombre, qu'elle soit au plus bas pour l'attaquer.

Soudain, elle se sent désemparée. Sans repère, sans rien, perdue. Et de lourds sanglots, dégoûtants et pleins de morve, éclatent à nouveau. Elle pleure longuement, et entre chaque hoquet elle essaie d'articuler, faussement agressive :

« - Snif... snif... T'es qui d'abord ?! Pourquoi tu viens m-m-m'embêter... ? Si t'es venu te moquer de moi et ben... et ben... tu peux r'partir ! »

Nuage de Feuille se lève sur ces derniers mots, le regard empli de rage et le pelage hérissé, comme si elle s'apprêtait à lui foncer dessus.
Mais elle n'en fait rien.
Sa queue se rabaisse, mollement, tout comme ses grandes oreilles duveteuses. Sa mine se décompose et elle baisse la tête, fixant ses pattes.

« - Pardon... je voulais pas être méchante, haw... renifle-t-elle. Je pleure... parce que je suis vrai-vraiment très triste, voilà. »

L'apprentie s'assoit, sa queue s'enroulant autours d'elle, comme pour se protéger. Mais ce n'est pas cet inconnu qu'elle craint.

♪ Apprenti

Les mots francs du novice ne sont pas aussi bien accueillis qu'il aurait pû l'espérer. Au contraire, elle est sur ses gardes, elle sursaute et elle se méfie. Presque agressive, elle le questionne sur son identité, sur ce qu'il est venu chercher et qu'il ferait peut-être mieux de partir. Alors, un poil hébété, il la fixe en silence, pour finalement la craindre lors de sa fausse attaque. Tous ses signes de colère lui faisant comme un électrochoc, il se recule, hésitant. Douloureux souvenir de sa rencontre avec Nuage de Crabe, avec qui l'apprentie partage un même pelage.

Et pourtant, elle se radoucit, elle s'excuse même. Nuage de Crapaud la regarde alors de ses grands yeux jaunes, sa queue battant l'air à allure tempérée. Elle est triste. Et le brun n'a jamais eu à faire aux gens tristes. Tout ce petit monde autour de lui est soit trop joyeux, soit trop agacé. Alors il fait comme il peut. « Et ton clan ? ... Il sait que t'es triste ? » dit-il en penchant la tête sur le côté, comme interrogé par l'implication du Tonnerre dans cette histoire. Mais n'ayant pas encore toute sa confiance, il rattrape son pas de perdu suite à sa soudaine peur d'être attaqué et avec nonchalance, il se permet enfin de se présenter : « Nuage de Crapaud, au fait. J'étais venu voir si ma copine était là... », il regarde le ciel l'air de rien, doutant de ses idées et de ce que pourrait en penser Nuage de Bécasse avant de se lancer : « Mais comme elle est pas là... Si tu veux je peux t'emmener quelque part où tu pourras... peut-être être moins triste ? On devait se trouver une super cachette pour faire peur aux autres ! », un petit sourire léger sur les babines.

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♪ Apprentie Prout

Nuage de Feuille tapote la terre de ses petites pattes. Petites, si petites pattes ; c'est vrai qu'elle ressemble encore a un chaton et l'apprenti en face d'elle est plus grand qu'elle. Comme tout le monde. Ça aussi, elle aurait tellement aimé que ça change, qu'elle ne reste pas éternellement coincée dans cet entre-deux étrange, entre le bébé et l'adolescente.
Il doit la trouver pathétique sans doute, ou peut-être avoir pitié d'elle. Ça elle connaît très bien, la pitié, et elle la déteste sincèrement.

« - Et ton Clan ? ... Il sait que t'es triste ? »

Sans même le regarder, Feuille soupire, les yeux fuyants.

« - Pfff... Haw je pense pas. Enfin, ils savent que, souvent... Elle se stoppe et soupire à nouveau, l'air désemparée. Ce serait long à expliquer haw.
- Nuage de Crapaud, au fait. J'étais venu voir si ma copine était là... »

Enfin elle relève la tête, le fixe même, les oreilles dressées. Il n'a... pas l'air méchant ? Si il cherchait seulement quelqu'un, ça veut bien dire qu'il n'attendait pas, tel un prédateur, une proie à fracasser... On dirait même qu'il lui veut du bien, finalement ?
Nuage de Crapaud, c'est cela... elle aime déjà ses yeux d'ambre, comme ceux de Glycine.
Une toute petite seconde Feuille hésite, mais elle se lance à son tour, espérant rattraper le coup de son agressivité due à ses émotions trop fortes.

« - Moi c'est Nuage de Feuille...
- Mais comme elle est pas là... Si tu veux je peux t'emmener quelque part où tu pourras... peut-être être moins triste ? On devait se trouver une super cachette pour faire peur aux autres ! »

Un air étonné remplace les émotions négatives qui sévissaient sur son visage. Crapaud veut l'aider ! C'est bien cela, n'est-ce pas ?
C'est étonnant, dans une telle situation. Surtout venant de Nuage de Feuille. Mais la voilà qui sourit ; ce sourire maladroit, un peu grimaçant, charmant aussi. Un petit rire lui échappe même, discret, elle se sent à l'aise. Peut-être même qu'il pourrait la comprendre, si elle lui expliquait ce qui lui arrive.

« - Tu veux... m'aider en fait, haw ? … Et où on va aller ? Tu sais, je veux vraiment pas retourner chez moi... j'pense pas qu'Tempête de Suie me cherche de toute façon, lâche-t-elle d'un ton soudain plus froid, mais à force, ils finiront bien par se rendre compte que je suis pas rentrée a camp... »

Nuage de Feuille n'a pas envie qu'on la cherche, ça c'est clair. Mais Tempête de Suie est beaucoup trop fier ; elle était sous sa responsabilité, alors si il ne veut pas être tenu responsable il la retrouvera forcément. Mais même avec ce raisonnement, Feuille n'est pas sur qu'il viendrait la chercher... De toute façon, tout ce qu'il ferait ça serait de lui mettre une énorme raclée.
La petite chatte espère de tout son cœur que Nuage de Glycine ne s’inquiétera pas pour elle, mais... elle ne peut pas rentrer, elle ne peut plus. Serait-elle une sorte de paria ? Est-ce qu'Étoile Foudroyante va considérer qu'elle les a tous trahi ? Son cœur devient très lourd, à cette pensée.

♪ Apprenti

La rouquine semble avoir ses soucis, difficiles à expliquer, et Nuage de Crapaud ne préfère pas approfondir le sujet. Il ne sait que trop bien que les problèmes personnels sont tellement envahissants, que l'idée d'en parler aux autres est des plus délicate. Pourtant, d'elle-même elle finit par se confier sur ce qui la tracasse : elle a besoin d'aide, car elle ne veut pas rentrer chez elle. Le Clan du Tonnerre semble tout aussi terrible que les autres. « C'est qui Tempête de Suie ? » demande-t-il interrogatif, à la manière dont elle en parle... On pourrait croire à un alter-égo d'Orage d'Or. Les voilà alors, deux apprentis délaissés par leurs mentors respectifs.

Puis le brun se lève, fait signe à sa nouvelle amie de le suivre. « Viens, on va chercher ici, personne ne peut nous faire de mal. La dernière fois y'avait un vieux terrier abandonné... Mais il pue un peu le blaireau. » expliqua-t-il tout en cheminant doucement à ses côtés, c'était Nuage de Bécasse qui avait trouvé l'endroit et qui avait hurlé dans toute la forêt combien cet endroit sentait mauvais. Alors il finit par lâcher un petit rire. « Je t'aurai bien amené chez moi mais... Etoile Feulante me fait un peu peur, et ma famille ne serait pas contente. » quoique, Grenouille aurait sûrement approuvé sa démarche, mais sa voix était si souvent ignorée. Comme lors de l'exécution de Branche Pâle...

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